Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 21-12.207
- ECLI:FR:CCASS:2022:C200700
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 30 juin 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, du 17 décembre 2020Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 juin 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 700 F-D
Pourvoi n° C 21-12.207
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2022
La société SCI de Brouzet, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-12.207 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile - 2e chambre, section B), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [X] [Y], domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [T] [V], domicilié [Adresse 3],
3°/ à M. [B] [V], domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société SCI de Brouzet, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de MM. [Y], [T] [V] et [B] [V], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 décembre 2020), se prévalant de ce que MM. [Y], [T] [V] et [B] [V], propriétaires de parcelles voisines aux siennes, avaient procédé à des exhaussements portant atteinte à la protection des abords de son propre domaine immobilier et créant des risques de pollution, la société SCI de Brouzet (la société) les a assignés devant un juge des référés à fin que soit ordonnée une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
2. La société a relevé appel de l'ordonnance l'ayant déboutée de ses demandes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors :
« 1°/ que le juge ne peut exiger de la partie qui sollicite une mesure d'instruction avant tout procès qu'elle rapporte la preuve des faits que cette mesure a précisément pour objet de conserver ou d'établir ; qu'en relevant, pour retenir que la demande d'expertise formée par la SCI de Brouzet ne reposerait pas sur un motif légitime, qu'aucune des pièces du dossier ne viendrait « démontrer » que les terres excavées et transportées sur les parcelles des consorts [Y] et [V] sont polluées et risquent d'entraîner une pollution des parcelles environnantes, que le fait que le code de l'environnement qualifie de « déchets » toutes terres excavées et transportées « ne saurait suffire à démontrer » que la terrer apportée par les consorts [Y] et [V] est polluée, que l'une des mentions du dossier d'enquête publique concernant le bassin écrêteur de crue de la Garonnette, d'où serait issue la terre apportée, ne permettrait pas de considérer que le risque de pollution évoquée par l'appelante est possible, pour en déduire que le risque de pollution présenterait un caractère hypothétique et supposé, la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur l'absence de preuve ou de commencement de preuve des faits que la mesure d'instruction sollicitée avait précisément pour objet d'établir, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge ne peut exiger de la partie qui sollicite une mesure d'instruction avant tout procès qu'elle rapporte la preuve des faits que cette mesure a précisément pour objet de conserver ou d'établir ; qu'en relevant, pour retenir que la demande d'expertise de l'exposante ne reposerait pas sur un motif légitime, que la SCI de Brouzet n'apporterait aucune pièce venant conforter l'hypothèse d'un risque d'inondation ou de modification de l'écoulement des eaux sur sa propriété, la cour d'appel, qui s'est encore fondée sur l'absence de preuve ou de commencement de preuve des faits que la mesure d'instruction sollicitée avait précisément pour objet d'établir, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge judiciaire des référés peut ordonner une mesure d'instruction avant tout procès dès lors que le fond du litige est de nature à relever, ne serait-ce qu'en partie, de la compétence des juridictions de l'ordre auquel il appartient ; qu'il en est ainsi même si une procédure a été entamée devant le juge administratif lorsque la mesure concernée tend à permettre au demandeur en référé d'intenter une procédure de nature judiciaire ; que dans une telle hypothèse, il suffit, pour la caractérisation du motif légitime, que la mesure présente un intérêt pour la solution d'un futur litige devant le juge judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'évaluation du risque d'inondation ou d'aggravation des inondations relevait de la procédure administrative opposant la SCI de Brouzet à la commune de Brouzet-lès-Quissac pendante devant la cour administrative d'appel, puisque cette société a demandé au juge administratif de constater que les travaux ont été réalisés en méconnaissance du plan de prévention des risques d'inondation, et que ce risque a donc été examiné dans le cadre de cette procédure administrative et le sera à nouveau devant la cour administrative d'appel, pour en déduire qu'« aucun motif ne justifie d'établir la preuve de faits de cette nature dans le cadre d'une potentielle procédure judiciaire et l'expertise judiciaire ne pourrait présenter un intérêt que dans le cadre de ladite procédure administrative » ; qu'en statuant ainsi, cependant que le fait que la question du risque d'inondation soit déjà examinée dans le cadre de la procédure entamée par la SCI du Brouzet devant le juge administratif et que la mesure d'expertise demandée soit, pour cette raison, de nature à présenter un intérêt dans le cadre de cette dernière procédure, ne faisait, en soi, aucunement obstacle à la constatation d'un motif légitime de la SCI Brouzet à voir ordonner une telle mesure en vue de la future action qu'elle envisage d'intenter contre les consorts [V] et [Y] devant le juge judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
4°/ que des mesures d'instruction in futurum peuvent être ordonnées s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; qu'en affirmant qu'aucun motif ne justifie d'établir la preuve de faits concernant le risque d'inondation ou d'aggravation des inondations dans le cadre d'une potentielle procédure judiciaire, sans caractériser en quoi la preuve de tels faits ne serait pas susceptible de présenter un intérêt pour la solution du litige, dans le cadre d'une future action engagée par la SCI de Brouzet contre les consorts [V] et [Y] sur le fondement des troubles anormaux du voisinage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
5. Ayant estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, qu'aucune des pièces du dossier ne démontrait un risque de pollution des terres avoisinantes des parcelles de MM. [Y] et [V] ni ne confortait un risque d'inondation ou de modification de l'écoulement des eaux sur la propriété de la société, la cour d'appel, qui n'a pas fait peser sur la société l'obligation d'établir le bien-fondé de son action, a, par ces seuls motifs caractérisant l'absence de motif légitime justifiant le prononcé d'une mesure d'instruction in futurum, et abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la troisième branche du moyen, légalement justifié sa décision.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SCI de Brouzet aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SCI de Brouzet et la condamne à payer à MM. [Y], [T] [V] et [B] [V] la somme globale de 3 000 euros ;
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 juin 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 700 F-D
Pourvoi n° C 21-12.207
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2022
La société SCI de Brouzet, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-12.207 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile - 2e chambre, section B), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [X] [Y], domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [T] [V], domicilié [Adresse 3],
3°/ à M. [B] [V], domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société SCI de Brouzet, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de MM. [Y], [T] [V] et [B] [V], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 décembre 2020), se prévalant de ce que MM. [Y], [T] [V] et [B] [V], propriétaires de parcelles voisines aux siennes, avaient procédé à des exhaussements portant atteinte à la protection des abords de son propre domaine immobilier et créant des risques de pollution, la société SCI de Brouzet (la société) les a assignés devant un juge des référés à fin que soit ordonnée une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
2. La société a relevé appel de l'ordonnance l'ayant déboutée de ses demandes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors :
« 1°/ que le juge ne peut exiger de la partie qui sollicite une mesure d'instruction avant tout procès qu'elle rapporte la preuve des faits que cette mesure a précisément pour objet de conserver ou d'établir ; qu'en relevant, pour retenir que la demande d'expertise formée par la SCI de Brouzet ne reposerait pas sur un motif légitime, qu'aucune des pièces du dossier ne viendrait « démontrer » que les terres excavées et transportées sur les parcelles des consorts [Y] et [V] sont polluées et risquent d'entraîner une pollution des parcelles environnantes, que le fait que le code de l'environnement qualifie de « déchets » toutes terres excavées et transportées « ne saurait suffire à démontrer » que la terrer apportée par les consorts [Y] et [V] est polluée, que l'une des mentions du dossier d'enquête publique concernant le bassin écrêteur de crue de la Garonnette, d'où serait issue la terre apportée, ne permettrait pas de considérer que le risque de pollution évoquée par l'appelante est possible, pour en déduire que le risque de pollution présenterait un caractère hypothétique et supposé, la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur l'absence de preuve ou de commencement de preuve des faits que la mesure d'instruction sollicitée avait précisément pour objet d'établir, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge ne peut exiger de la partie qui sollicite une mesure d'instruction avant tout procès qu'elle rapporte la preuve des faits que cette mesure a précisément pour objet de conserver ou d'établir ; qu'en relevant, pour retenir que la demande d'expertise de l'exposante ne reposerait pas sur un motif légitime, que la SCI de Brouzet n'apporterait aucune pièce venant conforter l'hypothèse d'un risque d'inondation ou de modification de l'écoulement des eaux sur sa propriété, la cour d'appel, qui s'est encore fondée sur l'absence de preuve ou de commencement de preuve des faits que la mesure d'instruction sollicitée avait précisément pour objet d'établir, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge judiciaire des référés peut ordonner une mesure d'instruction avant tout procès dès lors que le fond du litige est de nature à relever, ne serait-ce qu'en partie, de la compétence des juridictions de l'ordre auquel il appartient ; qu'il en est ainsi même si une procédure a été entamée devant le juge administratif lorsque la mesure concernée tend à permettre au demandeur en référé d'intenter une procédure de nature judiciaire ; que dans une telle hypothèse, il suffit, pour la caractérisation du motif légitime, que la mesure présente un intérêt pour la solution d'un futur litige devant le juge judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'évaluation du risque d'inondation ou d'aggravation des inondations relevait de la procédure administrative opposant la SCI de Brouzet à la commune de Brouzet-lès-Quissac pendante devant la cour administrative d'appel, puisque cette société a demandé au juge administratif de constater que les travaux ont été réalisés en méconnaissance du plan de prévention des risques d'inondation, et que ce risque a donc été examiné dans le cadre de cette procédure administrative et le sera à nouveau devant la cour administrative d'appel, pour en déduire qu'« aucun motif ne justifie d'établir la preuve de faits de cette nature dans le cadre d'une potentielle procédure judiciaire et l'expertise judiciaire ne pourrait présenter un intérêt que dans le cadre de ladite procédure administrative » ; qu'en statuant ainsi, cependant que le fait que la question du risque d'inondation soit déjà examinée dans le cadre de la procédure entamée par la SCI du Brouzet devant le juge administratif et que la mesure d'expertise demandée soit, pour cette raison, de nature à présenter un intérêt dans le cadre de cette dernière procédure, ne faisait, en soi, aucunement obstacle à la constatation d'un motif légitime de la SCI Brouzet à voir ordonner une telle mesure en vue de la future action qu'elle envisage d'intenter contre les consorts [V] et [Y] devant le juge judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
4°/ que des mesures d'instruction in futurum peuvent être ordonnées s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; qu'en affirmant qu'aucun motif ne justifie d'établir la preuve de faits concernant le risque d'inondation ou d'aggravation des inondations dans le cadre d'une potentielle procédure judiciaire, sans caractériser en quoi la preuve de tels faits ne serait pas susceptible de présenter un intérêt pour la solution du litige, dans le cadre d'une future action engagée par la SCI de Brouzet contre les consorts [V] et [Y] sur le fondement des troubles anormaux du voisinage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
5. Ayant estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, qu'aucune des pièces du dossier ne démontrait un risque de pollution des terres avoisinantes des parcelles de MM. [Y] et [V] ni ne confortait un risque d'inondation ou de modification de l'écoulement des eaux sur la propriété de la société, la cour d'appel, qui n'a pas fait peser sur la société l'obligation d'établir le bien-fondé de son action, a, par ces seuls motifs caractérisant l'absence de motif légitime justifiant le prononcé d'une mesure d'instruction in futurum, et abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la troisième branche du moyen, légalement justifié sa décision.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SCI de Brouzet aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SCI de Brouzet et la condamne à payer à MM. [Y], [T] [V] et [B] [V] la somme globale de 3 000 euros ;
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