jeudi 4 août 2022

Assurance : interprétation d'une clause d'exclusion formelle et limitée

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

J2021317
CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juillet 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 776 F-B

Pourvoi n° Q 21-14.288






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUILLET 2022


1°/ Mme [V] [H], veuve [K],

2°/ [S] [K], mineure représentée par sa mère, Mme [V] [H], veuve [K],

3°/ M. [Y] [K],

4°/ Mme [X] [K],

tous domiciliés [Adresse 1], [Localité 4],

ont formé le pourvoi n° Q 21-14.288 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige les opposant à la société Generali vie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [V] [H], veuve [K], en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure [S] [K], M. [Y] [K] et Mme [X] [K], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Generali vie, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 2021), [Z] [K], qui avait souscrit auprès de la société Generali vie (l'assureur) un contrat garantissant le versement d'un capital en cas de décès, est décédé lors d'une plongée sous-marine profonde.

2. Son épouse, Mme [V] [K], agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure [S] [K], M. [Y] [K] et Mme [X] [K] ont assigné l'assureur qui refusait sa garantie, au motif qu'une clause de la police souscrite par [Z] [K] excluait la couverture des sinistres résultant de la pratique, non encadrée par une fédération ou un club sportif agréé, de sports à risques, telle la plongée avec équipement autonome.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme [V] [K], en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille [S], M. [Y] [K] et Mme [X] [K] font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes formées à l'encontre de l'assureur, alors « que les clauses d'exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu'elles doivent être interprétées ; qu'après avoir relevé que les dispositions générales du contrat PGM comportaient une clause excluant des garanties PTIA, décès ou PTIA par accident, « la pratique régulière ou non régulière et non encadrée par une fédération ou un club sportif agréé des sports à risques suivants : (?) plongée avec équipement autonome », l'arrêt énonce que cette clause d'exclusion est claire et ne nécessite aucune interprétation, en ce qu'une plongée en palanquée est réputée encadrée, d'après les dispositions du code du sport et le guide de palanquée, lorsqu'un guide dit « guide de palanquée » ou « encadrant » accompagne les plongeurs dans l'eau tandis que le directeur de plongée, présent le lieu de l'immersion ne peut avoir la qualité d'encadrement ; que l'arrêt ajoute qu'[Z] [K], plongeur expérimenté, titulaire d'une licence de plongée de la FFESSM, devait être considéré comme ayant parfaitement compris la signification des termes « encadrement » et « plongée en autonomie » qui lui étaient nécessairement familiers ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a procédé à l'interprétation de la clause d'exclusion de garantie en raison de son imprécision, ce dont il résultait qu'elle n'était ni formelle, ni limitée, a violé l'article L 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt, après avoir rappelé à bon droit que les clauses d'exclusion de garantie doivent, pour être formelles et limitées au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, se référer à des faits, circonstances ou obligations définis avec une précision telle que l'assuré puisse connaître exactement l'étendue de sa garantie, relève que la clause opposée par l'assureur excluait de la garantie « la pratique régulière ou non régulière et non encadrée par une fédération ou un club sportif agréé des sports à risques suivants : (...) plongée avec équipement autonome ».

5. Il retient ensuite que la mise en jeu de l'exclusion suppose de déterminer si l'activité à risque en cause était ou non encadrée et qu'[Z] [K] a parfaitement compris l'exacte signification du terme « encadrement ».

6. En l'état de ses constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement décidé que la clause était formelle et limitée.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. Mme [V] [K], en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille [S], M. [Y] [K] et Mme [X] [K] font le même grief, alors « en tout état de cause, qu'à supposer que la clause d'exclusion du contrat d'assurance soit formelle et limitée, elle demeure d'application stricte en ce qu'elle n'exclut de la garantie décès que la pratique de la plongée avec équipement autonome « non encadrée par une fédération ou un club sportif agréé » ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que la plongée, au cours de laquelle [Z] [K] est décédé, a été organisée par la société « Eau bleue », affiliée à la FFESSM et déclarée auprès de la DDJS et a été effectuée sous la surveillance d'un directeur de plongée, M. [D], présent sur les lieux de la plongée ; qu'en jugeant néanmoins que l'accident était survenu dans des circonstances relevant de la clause d'exclusion de garantie en ce qu'[Z] [K] n'était pas accompagné dans l'eau par un guide de palanquée ou un encadrant, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, devenu 1103, du code civil :

9. Il résulte de ce texte que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

10. L'arrêt, après avoir constaté que l'assureur opposait un refus de garantie aux ayants droit de son assuré en invoquant la clause excluant de la garantie la pratique non encadrée par une fédération ou un club sportif agrée de la plongée avec équipement autonome, rappelle les dispositions de l'article A322-72 du code du sport sur le statut et la mission du directeur de plongée.

11. Il constate ensuite que la plongée au cours de laquelle [Z] [K] est décédé a été organisée par une structure affiliée à la fédération de tutelle et déclarée à la direction départementale de la jeunesse et des sports et a été effectuée en présence de M. [D], exploitant de cette structure, présent sur les lieux de l'immersion en qualité de directeur de plongée.

12. Il ajoute néanmoins que les fonctions de directeur de plongée, seulement présent sur le lieu de l'immersion, et d'encadrant ou « guide de palanquée » qui plonge avec les nageurs, dont les conditions de formation ne sont pas identiques et qui n'ont pas le même rôle, ne se confondent pas, seul ce dernier ayant la qualité d'encadrant.

13. Il en déduit que la plongée au cours de laquelle [Z] [K] est décédé n'était pas encadrée et qu'il y avait lieu de faire application de la clause d'exclusion.

14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations et énonciations que l'accident dont a été victime [Z] [K] s'est produit lors d'une plongée encadrée par un club sportif agréé, ce dont il résultait que la clause d'exclusion de garantie n'avait pas lieu de s'appliquer, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Condamne la société Generali vie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Generali vie et la condamne à payer à Mme [V] [K], en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille [S], à M. [Y] [K] et à Mme [X] [K] la somme globale de 3 000 euros ;

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