mardi 28 juin 2022

Il appartient au juge de statuer sur les demandes dont il est régulièrement saisi

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 juin 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 510 F-D

Pourvoi n° Z 21-15.930




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022

M. [K] [B], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de liquidateur de la société Pompes funèbres du Pays d'Aix, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-15.930 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8), dans le litige l'opposant à la société Gurval, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [B], ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Gurval, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 février 2021), le 6 août 1981, la société Pompes funèbres du Pays d'Aix a acquis un fonds de commerce comprenant le droit au bail sur des locaux, propriété de M. [N], aux droits duquel vient la société civile immobilière Gurval (la SCI).

2. Le 25 août 2011, la société Pompes funèbres du Pays d'Aix a formé une demande en renouvellement du bail que la SCI a, le 21 novembre 2011, refusée.

3. Le 5 novembre 2013, la société Pompes funèbres du Pays d'Aix a assigné la SCI en fixation d'une l'indemnité d'éviction et indemnisation de divers préjudices.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. La société Pompes funèbres du Pays d'Aix fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la SCI à lui verser une certaine somme en réparation des préjudices subis toutes causes confondues, alors « que le juge ne peut refuser de trancher lui-même le litige dont il est régulièrement saisi ; qu'il incombait à la cour d'appel de trancher la contestation dont elle était saisie par la société Pompes funèbres du Pays d'Aix relative aux désordres subis dans les locaux loués ; que pour la rejeter, la cour d'appel a retenu qu'il serait statué sur cette demande « dans le cadre de la procédure [de référé] pendante à cet effet » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 4 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code civil :

6. Il résulte de ce texte qu'il appartient au juge de statuer sur les demandes dont il est régulièrement saisi.

7. Pour rejeter la demande de la société Pompes funèbres du Pays d'Aix en réparation des préjudices subis, toutes causes confondues, l'arrêt retient que ladite société se prévaut de désordres ayant donné lieu à une procédure de référé en cours, avec expertise judiciaire, qui feront l'objet, s'ils existent, d'une indemnisation dans le cadre de la procédure pendante à cet effet.

8. En statuant ainsi, alors que sa décision ordonnant l'expertise avait dessaisi le juge des référés et qu'aucune des parties n'alléguait l'existence d'une instance distincte en indemnisation des préjudices invoqués par la société Pompes funèbres du Pays d'Aix, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Pompes funèbres du Pays d'Aix en paiement de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis toutes causes confondues, l'arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société civile immobilière Gurval aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Persistance d'un trouble anormal de voisinage et ignorance des travaux nécessaires pour y mettre un terme

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 juin 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 516 F-D

Pourvoi n° Q 21-17.324




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022

1°/ M. [S] [P], domicilié [Adresse 9], exploitant sous l'enseigne Moto Dépôt,

2°/ la société [P] Moto, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], exerçant sous l'enseigne Moto dépôt

3°/ la société [Adresse 9], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° Q 21-17.324 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige les opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4], dont le siège est [Adresse 4], représenté par son syndic l'agence la Régie Foncia Lyon, domicilié [Adresse 3],

2°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6], dont le siège est [Adresse 6],

3°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6], dont le siège est [Adresse 6],

4°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10], dont le siège est [Adresse 10],

5°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4], dont le siège est [Adresse 4],

6°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4], dont le siège est [Adresse 4],

tous six représentés par leur syndic la société Oralia-Régie de l'Opéra, dont le siège est [Adresse 8],

7°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 9], dont le siège est [Adresse 9], représenté par son syndic la société Rolin-Bainson, dont le siège est [Adresse 1],

8°/ à la société du [Adresse 4], société civile immobilière, dont le siège est chez M. [R] [L], [Adresse 4], aux lieu et place du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4], représentée par son mandataire de gestion l'agence La Régie Chomette, domiciliée [Adresse 7],

9°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 9], dont le siège est [Adresse 9],

10°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6], dont le siège est [Adresse 6],

tous deux représentés par leur syndic l'agence Oralia-Régie de l'Opéra, domicilié [Adresse 8],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jobert, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [P] et des sociétés [P] Moto et [Adresse 9], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat des syndicats des copropriétaires des immeubles des [Adresse 4], [Adresse 6], [Adresse 6], [Adresse 10], [Adresse 4], [Adresse 4], [Adresse 9], de la société du [Adresse 4] et des syndicats des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 9] et de l'immeuble du [Adresse 6], après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jobert, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 novembre 2020), en 1984, la société civile immobilière [P] (la SCI [P]), aux droits de laquelle vient la société civile immobilière [Adresse 9] (la SCI Part Dieu), a loué à M. [P] un local commercial comprenant notamment une cave située sous une cour commune à plusieurs immeubles soumis au statut de la copropriété. La société [P] moto lui a succédé en tant que preneur en 2009.

2. Se plaignant d'infiltrations d'eau persistantes dans cette cave, la SCI Part Dieu et ses locataires ont assigné les syndicats des copropriétaires de ces immeubles en accomplissement des travaux de réfection et en paiement de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. M. [P], la société [P] moto et la SCI Part Dieu font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir condamner les syndicats des copropriétaires des [Adresse 9], [Adresse 6], [Adresse 10], [Adresse 4] et la société civile immobilière du [Adresse 4] à réaliser sous astreinte tous travaux de nature à faire effectivement cesser les désordres, alors « qu'en toute hypothèse, la victime d'un trouble anormal du voisinage a droit à la cessation ou à la réparation effective du trouble sans qu'il importe qu'elle n'en ait pas établi la cause exacte ni précisé les solutions techniques de nature à y remédier ; qu'en jugeant, pour les débouter de leur demande tendant à ce que les syndicats soient condamnés à réaliser sous astreinte tous travaux de nature à faire effectivement cesser les désordres, qu'en l'absence de « toute cause précisément établie de ces nouvelles infiltrations et en l'absence de demande d'expertise, les demandeurs n'établissent pas quels [étaient] les travaux nécessaires ni quels en [étaient] les débiteurs », la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Les défendeurs au pourvoi contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

6. Cependant, dans leurs écritures devant la cour d'appel, les demandeurs au pourvoi invoquaient, notamment, pour fonder leur action, la théorie du trouble du voisinage.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage :

8. L'arrêt rappelle, d'abord, que les syndicats des copropriétaires des immeubles voisins de la cour commune, sous laquelle se situe la cave, ont été condamnés à faire cesser les infiltrations d'eau excédant l'humidité naturelle et à verser des dommages-intérêts au propriétaire et à ses locataires successifs.

9. Il retient, ensuite, que les travaux accomplis pour y remédier préconisés par l'expert judiciaire désigné ont été inefficaces et que les infiltrations d'eau persistent, mais que, si la demande formée à hauteur d'appel afin d'obtenir la condamnation des syndicats des copropriétaires à réparer ces désordres est recevable, elle n'est pas fondée en l'absence de toute cause précisément établie de ces nouvelles infiltrations et en l'absence de demande d'expertise, les demandeurs n'établissant pas quels sont les travaux nécessaires ni quels sont les débiteurs.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait la persistance d'un trouble anormal de voisinage, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. [P], de la société [P] moto et de la société civile immobilière [Adresse 9] tendant à voir condamner les syndicats des copropriétaires des [Adresse 9], [Adresse 6], [Adresse 10], [Adresse 4] et la société civile immobilière du [Adresse 4], à réaliser sous astreinte tous travaux de nature à faire effectivement cesser les désordres, l'arrêt rendu le 24 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne les syndicats des copropriétaires des [Adresse 9], [Adresse 6], [Adresse 10], [Adresse 4] et la société civile immobilière du [Adresse 4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les syndicats des copropriétaires des [Adresse 9], [Adresse 6], [Adresse 10], [Adresse 4] et la société civile immobilière du [Adresse 4] et les condamne à payer à M. [P], la société [P] moto et à la société civile immobilière [Adresse 9] la somme globale de 3 000 euros ;

La prescription quinquennale est uniquement interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée

 Note JD Pellier, SJ G 2022, p. 778.

Note M. Billiau, SJ G 2022, p. 1386.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 mai 2022




Cassation partielle


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 309 F-B

Pourvoi n° K 20-23.204




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 MAI 2022

M. [S] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-23.204 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2020 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant à la société Franfinance location, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [O], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Franfinance location, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 16 septembre 2020), M. [O], médecin, a, le 10 février 2008, souscrit auprès de la société Profilease un contrat portant sur la location d'un matériel laser transcutané sans aspiration dénommé « Lypolise Laser Fox », d'une durée de soixante mois, moyennant le paiement des loyers mensuels de 743,91 euros.

2. M. [O] a cessé de payer les loyers à compter du 1er janvier 2011.

3. Le 12 octobre 2016, la société Franfinance location (la société Franfinance), qui s'est substituée à la société Profilease, a assigné M. [O] en constatation de la résiliation de plein droit du contrat, en condamnation au paiement des loyers impayés et d'une indemnité contractuelle de résiliation, et en restitution du matériel objet du contrat.

4. M. [O] s'est opposé à ces demandes en soulevant, notamment, la prescription des loyers échus avant le 12 octobre 2011.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. M. [O] fait grief à l'arrêt de rejeter sa fin de non-recevoir tirée de la prescription des loyers antérieurs au 12 octobre 2011 et l'ensemble de ses moyens au fond et, en conséquence, de constater la résiliation du contrat au « 12 avril 2011 » (comprendre le 27 décembre 2011), de le condamner à payer à la société Franfinance les sommes de 10 908,13 euros au titre des loyers impayés et 13 483,47 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation et des intérêts, assorties des intérêts au taux légal, de rejeter sa demande de délais de paiement et de le condamner à restituer le matériel objet du contrat, alors « que la mise en demeure du débiteur n'interrompt pas la prescription ; qu'en considérant, pour débouter M. [O] de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription des loyers antérieurs au 12 octobre 2011, que M. [O] avait reçu une première mise en demeure de payer le 27 avril 2011 puis une seconde le 3 avril 2013 pour les loyers dus à compter du 1er janvier 2011, que la société Franfinance location l'avait assigné en justice le 12 octobre 2016 mais que du fait de ces deux interruptions, la prescription quinquennale n'était pas acquise, quand ces deux mises en demeure n'avaient pu interrompre le délai de prescription de l'action en recouvrement de ces loyers, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224, 2240, 2241 et 2244 du code civil :

7. La prescription quinquennale prévue par le premier de ces textes est, en application des deuxième, troisième et quatrième, interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée. Cette énumération est limitative.

8. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement des loyers impayés antérieurs au 12 octobre 2011 et, en conséquence, retenir que la société Franfinance est recevable à agir en paiement des loyers, l'arrêt retient que M. [O] a reçu une première mise en demeure de payer les loyers le 27 avril 2011 et une seconde le 3 avril 2013, pour les loyers impayés à compter du 1er janvier 2011, de sorte qu'au jour de la délivrance de l'assignation, le 12 octobre 2016, la prescription quinquennale n'était pas acquise du fait de ces deux interruptions.

9. En statuant ainsi, alors qu'une mise en demeure, fût-elle envoyée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, n'interrompt pas le délai de prescription de l'action en paiement des loyers, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation prononcée sur le fondement du second moyen, fondée sur une éventuelle prescription des loyers échus avant le 12 octobre 2011, n'affecte que les chefs de dispositif rejetant la fin de non-recevoir soulevée à ce titre par M. [O] et condamnant ce dernier au paiement des loyers, et, par voie de conséquence, le chef assortissant cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2011, qui se trouve dans un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription des loyers antérieurs au 12 octobre 2011 soulevée par M. [O], condamne M. [O] à payer à la société Franfinance location la somme de 10 908,13 euros TCC au titre des loyers impayés et assortit cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2021, l'arrêt rendu le 16 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne la société Franfinance location aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Franfinance location et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;

mercredi 22 juin 2022

Vendeur professionnel, tenu de connaître les vices de la chose vendue : entrepreneur ayant réalisé lui-même les travaux de réhabilitation

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2022




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 480 FS-D

Pourvoi n° R 21-21.143




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022

Mme [Z] [B], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-21.143 contre l'arrêt rendu le 4 mai 2021 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à M. [G] [X], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de Mme [B], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [X], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 4 mai 2021), en 1990, M. [X], entrepreneur en maçonnerie, a acquis une ancienne ferme, dans laquelle il a effectué jusqu'en 1994 des travaux de rénovation pour la transformer en maison d'habitation, en conservant les pignons en pierre, mais en reconstruisant les murs de façade, en édifiant un mur de refend et en transformant les sols du rez-de-chaussée.

2. Le 3 mai 2012, il a vendu ce bien à Mme [B].

3. Se plaignant de graves désordres, celle-ci, au vu d'un rapport d'expertise judiciaire comprenant l'avis d'un sapiteur géotechnicien, a, le 11 avril 2017, assigné M. [X] en diminution du prix de vente et indemnisation des vices cachés affectant l'immeuble.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [B] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le vendeur professionnel, auquel est assimilé le technicien du bâtiment qui a vendu un immeuble après l'avoir reconstruit, est réputé ne pouvoir ignorer le vice affectant le bien vendu et ne peut pas se prévaloir des clauses de non garantie des vices cachés envers un acheteur profane; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [X] exerçait la profession de maçon et qu'il avait vendu un bien dans lequel il avait « effectué jusqu'en 1994 des travaux de rénovation lourde pour transformer l'ancienne ferme en maison d'habitation, lesquels comprenaient certes la conservation des pignons de pierre, mais la reconstruction des murs de façade, la construction d'un mur de refend et la transformation des sols du rez-de-chaussée »; qu'en faisant pourtant application de la clause exonératoire de responsabilité du vendeur pour vice caché insérée dans le contrat de vente du 3 mai 2012, quand M. [X] était un professionnel qui ne pouvait ignorer les vices affectant l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 1643 du code civil. »
vent
Réponse de la Cour

Vu l'article 1643 du code civil :

5. Il résulte de ce texte que le vendeur professionnel, tenu de connaître les vices de la chose vendue, ne peut se prévaloir d'une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés.

6. Pour dire que la clause exonératoire devait produire ses effets, l'arrêt retient que la profession d'entrepreneur en maçonnerie de M. [X] n'impliquait pas la possession des connaissances techniques lui permettant, quand il avait fait les travaux de rénovation de 1990 à 1994, d'anticiper un vice du sol.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [X] avait réalisé lui-même les travaux de réhabilitation, de sorte qu'il devait être assimilé à un vendeur professionnel réputé connaître les vices affectant l'immeuble, y compris le sol, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne M. [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] et le condamne à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros ;

1) Perte de chance; 2) La victime de dommages causés par la mauvaise exécution du contrat n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du débiteur

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 483 FS-D

Pourvoi n° S 21-15.164




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022

M. [R] [F], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° S 21-15.164 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Jacques Termignon, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Mutuelle des architectes français assurances, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société Mutuelle des architectes français assurances (MAAF), société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les huit moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [F], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français assurances, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Brun, conseiller référendaire, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [F] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société MAAF assurances.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 19 janvier 2021), M. [F] a confié la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un bâtiment comprenant quatre logements à la société Jacques Termignon (l'architecte), assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF).

3. Des infiltrations d'eau sont apparues au cours des travaux et M. [F] a refusé de procéder à la réception de l'ouvrage. Après expertise judiciaire, il a assigné l'architecte et son assureur aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens, sur le quatrième moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, sur le cinquième moyen, pris en sa première branche, et sur les septième et huitième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [F] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'architecte et de la MAF à la somme de 54 000 euros au titre de la perte de loyers, alors « qu'en énonçant, tout à la fois, pour débouter M. [R] [F] de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l'Eurl Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français à lui payer des dommages-intérêts au titre de la perte de loyers pendant la période antérieure au 1er janvier 2014, qu'« il résulte du rapport de M. [Z] qu'en début d'expertise, M. [F] a indiqué qu'il souhaitait mettre ces appartements en location, puis à la dernière réunion qu'ils étaient destinés à la vente mais qu'il ne l'a jamais fait considérant que ceux-ci étaient impropres à leur destination » et qu'« il s'évince du rapport d'expertise et des pièces produites que, dans un premier temps, M. [F] a envisagé de céder les appartements, puis a cédé le lot n° 1 non concerné par les désordres, et a enfin tenté de mettre en location des autres appartements », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé, en conséquence, les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Si la cour d'appel a constaté que, selon le rapport d'expertise, M. [F] avait, au début de la mesure, déclaré qu'il souhaitait mettre les appartements en location puis, lors de la dernière réunion, qu'ils étaient destinés à la vente, elle a ensuite retenu, souverainement, sans se contredire, que le maître de l'ouvrage avait d'abord envisagé de céder les appartements, vendu l'un d'eux, puis tenté de louer les trois autres.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen, pris en ses deuxième et sixième branches

Enoncé du moyen

8. M. [F] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'en cas de désordres affectant un ouvrage qu'il a fait construire, le maître de l'ouvrage doit être replacé, par la personne qui a l'obligation de réparer son dommage, dans la situation où il se serait trouvé si l'ouvrage avait été livré sans vices et, donc, doit, notamment, être indemnisé du préjudice qu'il a subi, dès la date où l'ouvrage devait être achevé, tenant à l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de louer l'ouvrage en raison des désordres l'affectant, et ceci quels qu'aient été les projets du maître de l'ouvrage d'usage de l'ouvrage et peu important que le maître de l'ouvrage n'ait pas accompli des démarches en vue de louer l'ouvrage ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir qu'avant le 1er janvier 2014, M. [R] [F] n'avait subi aucun préjudice au titre d'une perte de loyer et pour débouter, en conséquence, M. [R] [F] de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l'Eurl Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français à lui payer des dommages-intérêts au titre de la perte de loyers pendant la période antérieure au 1er janvier 2014, qu'il s'évinçait du rapport d'expertise et des pièces produites que, dans un premier temps, M. [R] [F] avait envisagé de céder les appartements, puis avait cédé le lot n° 1 non concerné par les désordres, et avait enfin tenté de mettre en location des autres appartements et que M. [R] [F] ne pouvait invoquer un préjudice résultant de la perte de loyers avant ses premières démarches en vue de mettre ses biens en location, quand ces circonstances étaient inopérantes, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause ;

6°/ qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du dommage, l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir qu'avant le 1er janvier 2014, M. [R] [F] n'avait subi aucun préjudice au titre d'une perte de loyer et pour débouter, en conséquence, M. [R] [F] de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l'Eurl Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français à lui payer des dommages et intérêts au titre de la perte de loyers pendant la période antérieure au 1er janvier 2014, que M. [R] [F] ne pouvait invoquer un préjudice résultant de la perte de loyers avant ses premières démarches en vue de mettre ses biens en location, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. [R] [F], si ce n'était pas en raison du retard pris par les travaux de construction et des désordres qui affectaient l'ouvrage que M. [R] [F] n'avait pas engagé, avant la fin de l'année 2013, des démarches en vue de louer l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que le maître de l'ouvrage s'était montré flou sur la finalité de son projet au cours de l'expertise et qu'il avait envisagé d'abord de vendre les biens.

10. Recherchant si, dans ces circonstances, il pouvait prétendre avoir subi une perte de chance de louer, elle en a souverainement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'aucun préjudice ne pouvait être retenu avant le 1er janvier 2014, en l'absence de démarches pour louer les logements.

11. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. M. [F] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'architecte et de la MAF à la somme de 54 000 euros au titre de la perte de loyers, alors « qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du dommage, l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences ; qu'en se fondant, dès lors, pour écarter le moyen soulevé par M. [R] [F] tiré du caractère dangereux des abords de l'ensemble immobilier en cause résultant des malfaçons et non-finitions qui les affectaient, sur les appréciations de l'expert judiciaire selon lesquelles seul un lieu situé à l'arrière de l'ensemble immobilier présentait un danger et selon lesquelles il pouvait être facilement remédié à ce danger, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. [R] [F], si ces appréciations n'étaient pas erronées, en ce que la zone dangereuse était située devant l'ensemble immobilier et consistait en un trou de cinq mètres de long, de 1,50 mètre de profondeur et de 2 mètres de large qui nécessitait pas moins de 15 m3 de terre pour être comblé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause. »

Réponse de la Cour

13. La cour d'appel a retenu que l'absence de finition des abords n'avait pas empêché la vente du lot n° 1 et, citant l'expert, que le seul trou dangereux se situait derrière la construction et pouvait être comblé par un mètre cube de terre ou la pose d'une barrière.

14. Appréciant les éléments de preuve qui lui étaient soumis, sans être tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle décidait d'écarter, elle en a souverainement déduit que la preuve n'était pas rapportée d'une impropriété à destination de l'immeuble dans son ensemble.

15. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision. Mais sur le sixième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

16. M. [F] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'architecte et de la MAF à la somme de 54 000 euros au titre de la perte de loyers, alors « qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du dommage, l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences ; que la victime d'un fait dommageable n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter M. [R] [F] de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l'Eurl Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français à lui payer des dommages-intérêts au titre de la perte de loyers pour la période postérieure au jugement de première instance, que, compte tenu de l'exécution provisoire à hauteur de 50 % dont était assorti le jugement de première instance, la demande de M. [R] [F] tendant à obtenir l'indemnisation de la perte de loyers au-delà de la date de la décision de première instance ne pouvait qu'être rejetée, dès lors que M. [R] [F] avait eu la possibilité d'exécuter les travaux de reprise de l'ouvrage, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

17. L'architecte et la MAF contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.

18. Cependant, M. [F] soutenait, dans ses conclusions, que, nonobstant l'exécution provisoire qui avait été ordonnée pour moitié, le jugement n'était toujours pas exécuté et qu'il n'avait pas les moyens d'entreprendre les travaux nécessaires.

19. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

20. Aux termes du premier de ces textes le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

21. Selon le second, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général et sauf exception, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.

22. Pour rejeter la demande d'indemnisation des pertes de loyer subies par le maître de l'ouvrage après la date du jugement, l'arrêt retient que, compte tenu de l'exécution provisoire à hauteur de 50 % dont était assortie cette décision, M. [F] avait eu la possibilité d'exécuter les travaux de reprise.

23. En statuant ainsi, alors que la victime de dommages causés par la mauvaise exécution du contrat n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du débiteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation des pertes de loyer postérieures au 31 décembre 2018, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Jacques Termignon et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Jacques Termignon et la Mutuelle des architectes français et les condamne à payer à M. [F] la somme globale de 3 000 euros ;

1) Police "DO" : sécurité et responsabilité décennale; 2) Moyen soulevé d'office et principe de contradiction; 3) Recours entre coobligés

 Note FX Ajaccio, bull. assur. 2022-327, p. 4.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2022




Cassation partielle
sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 487 F-D

Pourvoi n° P 21-15.023



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022

1°/ la société Schüller & Schüller, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société MMA IARD, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° P 21-15.023 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Bureau Veritas construction, dont le siège est [Adresse 10], ayant un établissement secondaire au [Adresse 9],

2°/ à la société Rochereau Plâtrerie, dont le siège est [Adresse 12],

3°/ à la société Action Archi Arnaud architectes associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8], anciennement dénommée Action architecture,

4°/ à la Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 5],

5°/ à la société Foch 187, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],

6°/ à la société Duvergt-FBI, dont le siège est [Adresse 11], anciennement dénommée société Remi Duvergt,

7°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

8°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

9°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7],

défenderesses à la cassation.

La société Bureau Veritas a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La société Duvergt-FBI a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;

La société Axa France IARD a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La société Bureau Veritas, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

La société Duvergt-FBI, demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

La société Axa France IARD, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société MMA IARD, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Action Archi Arnaud architectes associés et de la Mutuelle des architectes français, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Bureau Veritas construction, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, de Me Isabelle Galy, avocat de la société Duvergt-FBI, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Generali IARD, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Foch 187, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Schüller et Schüller du désistement de son pourvoi.

2. Il est donné acte à la société MMA IARD (la société MMA) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Rochereau plâtrerie (la société Rochereau).

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 février 2021), la société civile immobilière Foch 187 (la SCI), qui a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la société MMA, a confié à la société Action architecture, devenue Action archi Arnaud architectes associés (la société Action), assurée auprès de la Mutuelle des architectes de France (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un bâtiment à usage commercial et de bureaux.

4. Sont intervenues à l'opération de construction, la société Rochereau, désormais radiée du registre du commerce et des sociétés, chargée du lot plâtrerie, plafonds, cloisons, isolation et menuiseries intérieures, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), la société Remi Duvergt, devenue Duvergt-FBI, chargée du lot charpente métallique, assurée auprès des sociétés Allianz IARD et Generali IARD, et la société Bureau Veritas, devenu Bureau Veritas construction, en qualité de contrôleur technique.

5. Un procès-verbal de réception, avec des réserves, a été établi le 30 mai 2011.

6. La SCI a pris possession des lieux le 1er juin 2011 et l'ouverture commerciale est intervenue le 1er juillet suivant.

7. Des travaux de reprise de désordres ont été confiés à la société Rochereau.

8. Les 2 et 6 octobre 2011, la société Bureau Veritas a émis deux avis indiquant que les faux-plafonds du premier étage ne devaient pas être suspendus directement aux pannes Z de la charpente métallique mais à une structure spécifique supportée par les portiques de la structure principale.
9. La société Rochereau a assigné la SCI en paiement d'un solde de marché et la SCI a assigné l'assureur dommages-ouvrage, les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs en réparation.

10. Les instances ont été jointes et une expertise a été ordonnée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le moyen des pourvois incidents des sociétés Axa et Bureau Veritas, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé des moyens

11. Par leurs moyens respectifs, les sociétés MMA, Axa et Bureau Veritas font grief à l'arrêt de fixer la date de réception au 30 mai 2011 et de les condamner, in solidum avec d'autres parties, à payer à la SCI une somme au titre de la réparation des désordres de nature décennale, alors :

« 1°/ que la réception tacite doit résulter d'une manifestation non équivoque de la volonté du maître de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage en l'état ; que pour fixer au 30 mai 2011 la réception tacite des travaux de plâtrerie inachevés du 1er étage et en conséquence condamner les MMA à indemnisation du désordre affectant les suspentes de structure métallique des ossatures sur les plafonds, qu'elle a considérés de nature décennale, la cour d'appel a déclaré que l'intégralité du montant du marché de la société Rochereau plâtrerie n'ayant pas été réglée par la SCI Foch 187, la présomption de réception ne s'appliquait pas, mais que cette somme correspondait essentiellement à la retenue de garantie valable jusqu'à mainlevée des réserves et que le maître d'ouvrage avait pris possession des lieux dans les premiers jours de juin 2011 et ouvert le commerce et l'accès au 1er étage le 1er juillet 2011, la pièce concernée par les désordres, initialement investie par son propriétaire n'ayant finalement pas été utilisée dans la seule attente des travaux de finition esthétiques et sans lien avec le risque d'effondrement du plafond ultérieurement décelé ; qu'en statuant ainsi cependant qu'il résultait de ses constatations que la SCI Foch 187, avait pris possession du 1er étage début juin 2011 en retenant le versement du solde du prix du marché, en paiement duquel la société Rochereau plâtrerie l'a assignée par acte du 15 mars 2012, un avis du Bureau Veritas des 2 et 6 octobre 2011 ayant entre temps informé le maître de l'ouvrage du désordre affectant les plafonds du 1er étage, peu important à cet égard que la SCI Foch 187 n'ait pas utilisé le 1er étage dans l'attente de la reprise des désordres esthétiques, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1792-6 du code civil ;

2°/ que le dommage futur ne peut revêtir une nature décennale que s'il est constaté qu'il portera atteinte à la solidité de l'immeuble ou le rendra impropre à sa destination avec certitude dans le délai décennal, même s'il est identifié dans ses causes à l'intérieur de ce délai d'épreuve ; que la cour d'appel a retenu, sur le désordre portant sur les suspentes de structure métallique des ossatures sur les plafonds, que l'expert « attest[ait] de la non-capacité de résistance des pannes Z où le plafond vient s'accrocher et affirm[ait] que "même si le désordre n'[était] pas constaté, si une surcharge climatique type neige survenait, il se déformerait et pourrait rompre" », de sorte qu'« en réalité, le désordre [était] déjà présent, seul le dommage, en l'occurrence l'effondrement, ne s'[étant] pas encore réalisé », « ce désordre tradui[sant] une impropriété à destination de l'ouvrage car les matériaux n'apparaissent pas suffisamment résistants pour supporter la charge qui [pesait] sur le plafond [et que] la stabilité de l'ouvrage était compromise » ; qu'en l'état du constat d'une absence de réalisation d'un quelconque dommage à raison des malfaçons affectant le plafond, la cour d'appel, dont les constatations ne permettaient pas de retenir l'existence d'une atteinte certaine à la solidité ou à la destination de l'ouvrage dans le délai décennal, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et suivants du code civil. »

Réponse de la Cour

12. En premier lieu, la cour d'appel, qui a constaté que le procès-verbal de réception du 30 mai 2011 comportait des réserves, notamment sur les plafonds du premier étage et le faux plafond du rez-de-chausséee, a relevé, d'une part, que si des travaux de plâtrerie du premier étage n'étaient pas terminés, le maître de l'ouvrage avait pris possession des lieux dès les premiers jours du mois de juin 2011, y compris des locaux du premier étage qui avaient été aménagés, seule la réalisation de travaux de finition de nature exclusivement esthétique expliquant que ces locaux n'aient pas été immédiatement occupés et, d'autre part, que la partie du prix non réglée à cette date correspondait pour l'essentiel à la retenue de garantie dans l'attente de la levée des réserves, dont aucune ne concernait les suspentes et les problèmes d'accroche des faux-plafonds.

13. Elle a pu en déduire que la prise de possession de l'ouvrage et le paiement d'une partie substantielle du coût des travaux caractérisaient la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir en son entier, peu important qu'une partie des travaux de finition du premier étage n'ait pas été achevée.

14. En second lieu, la cour d'appel a relevé que les suspentes de structure métallique des ossatures sur les plafonds avaient été fixées directement sur les pannes en Z et non sur la structure principale, contrairement aux préconisations du contrôleur technique, et que, selon l'expert, l'insuffisante résistance des pannes d'accroche, impropres à supporter une telle charge, compromettaient la stabilité de l'ouvrage en cas de surcharge climatique de type neige, avec un risque de déformation et de rupture.

15. Ayant ainsi fait ressortir le risque actuel pour la sécurité de l'ouvrage et de ses occupants qui rendait celui-ci impropre à sa destination dans le délai d'épreuve, elle a pu déduire de ces seuls motifs que le désordre était de gravité décennale.

16. Les moyens ne sont donc pas fondés.

Mais sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

17. La société MMA fait grief à l'arrêt de rejeter ses recours en garantie, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que pour débouter la société MMA IARD de sa demande tendant voir condamner la société Axa France IARD, la société Action architecture et la MAF, ainsi que la société Bureau Véritas construction, la société Duvergt et ses assureurs la société Allianz et la société Generali, à la relever indemne des condamnations qui seraient mises à sa charge, la cour d'appel a déclaré que « le recours spécifique de l'assureur dommages-ouvrage envers les responsables du dommage et de leurs assureurs respectifs ne [pouvait] être accueilli car il ne démontr[ait] pas avoir préalablement indemnisé la SCI avant que la cour statue » ; qu'en statuant ainsi d'office et sans susciter les observations préalables des parties, cependant que nul ne s'opposait au recours des MMA à raison d'une absence d'indemnisation préalable de son assurée, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

18. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

19. Pour rejeter les appels en garantie de la société MMA, l'arrêt retient que les recours de l'assureur dommages-ouvrage ne peuvent être accueillis, celui-ci ne démontrant pas avoir préalablement indemnisé le maître de l'ouvrage.

20. En statuant ainsi, alors qu'elle n'était pas saisie d'une action subrogatoire mais d'un appel en garantie de l'assureur dommages-ouvrage à l'encontre de locateurs d'ouvrage et de leurs assureurs, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré d'une absence d'indemnisation préalable du demandeur initial, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi incident éventuel de la société Duvergt-FBI

Enoncé du moyen

21. La société Duvergt-FBI fait grief à l'arrêt de rejeter ses appels en garantie contre ses assureurs, les sociétés Allianz IARD et Generali IARD, alors « que la cassation sur le second moyen du pourvoi de la société MMA, en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le recours en garantie formé par cette dernière contre la société Duvergt-FBI, s'étendra au chef du dispositif de l'arrêt ayant rejeté l'appel en garantie formé par la société Duvergt-FBI contre ses deux assureurs, la société Allianz et la société Generali, par application de l'article 624 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

22. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

23. La cassation du chef de dispositif rejetant les appels en garantie de la société MMA à l'encontre des locateurs d'ouvrage, parmi lesquels la société Duvergt-FBI, et de leurs assureurs entraîne la cassation du chef de dispositif critiqué par le moyen, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquence de la cassation

24. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

25. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

26. La responsabilité de la société Duvergt-FBI n'ayant pas été retenue au titre du désordre décennal que la société MMA a été condamnée à réparer, les appels en garantie formées par celle-ci à l'encontre de cette société et de ses assureurs seront rejetés.

27. L'imputabilité du désordre décennal que la société MMA a été condamnée à réparer ayant été retenue à l'égard des sociétés Action, Rochereau et Bureau Veritas, la société Action, la MAF, la société Axa et la société Bureau Veritas seront condamnées in solidum à garantir intégralement la société MMA du paiement de la somme de 66 617 euros hors taxes au titre de la réparation des désordres de nature décennale affectant l'ouvrage.

28. Dans les rapports entre co-obligés, la société Axa sera intégralement garantie in solidum par les sociétés Action, MAF et Bureau Veritas.

29. Dans leurs rapports entre elles, les sociétés Action, MAF et Bureau Veritas se garantiront mutuellement à hauteur de 80 % pour les sociétés Action et MAF, ensemble, et de 20 % pour la société Bureau Veritas.

30. La société MMA sera intégralement garantie du paiement à la SCI de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la charge des dépens dans les mêmes conditions que celles retenues pour la condamnation principale et les appels en garantie entre co-obligés sur ces sommes se régleront identiquement.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les recours en garantie de la société MMA IARD et les demandes de garantie formées par la société Remi Duvergt, devenue Duvergt-FBI, à l'encontre de ses assureurs, les sociétés Allianz IARD et Generali IARD, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne in solidum la société Action architecture, devenue Action archi Arnaud architectes associés, la Mutuelle des architectes français, la société Axa France IARD et la société Bureau Veritas à garantir intégralement la société MMA IARD du paiement de la somme de 66 617 euros hors taxes au titre de la réparation des désordres de nature décennale affectant l'ouvrage ;

Rejette les demandes de la société MMA IARD à l'encontre de la société Remi Duvergt, devenue Duvergt-FBI, et les assureurs de celle-ci, les sociétés Allianz IARD et Generali IARD ;

Dit que, dans les rapports entre co-obligés, la société Axa France IARD sera intégralement garantie in solidum par les sociétés Action architecture, devenue Action archi Arnaud architectes associés, MAF et Bureau Veritas du paiement de la somme de 66 617 euros ;

Dit que dans leurs rapports entre elles, les sociétés Action architecture, devenue Action archi Arnaud architectes associés, Mutuelle des architectes français et Bureau Veritas se garantiront mutuellement à hauteur de 80 % pour la société Action et Mutuelle des architectes français, ensemble, et de 20 % pour la société Bureau Veritas ;

Dit que la société MMA IARD sera intégralement garantie du paiement à la SCI de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la charge des dépens dans les mêmes conditions que celles retenues pour la condamnation principale et dit que les appels en garantie entre co-obligés sur ces sommes se régleront identiquement ;

Dit, pour le surplus, n'y avoir lieu de modifier les condamnations aux dépens et au paiement des frais irrépétibles prononcées par les juges du fond ;

Condamne les sociétés Action architecture, devenue Action archi Arnaud architectes associés, Mutuelle des architectes français, Bureau Veritas et Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;