mardi 14 juin 2022

L'obligation faite à la partie qui conclut à l'infirmation du jugement d'énoncer expressément dans ses dernières écritures les moyens qu'elle invoque, ne s'étend pas aux écritures qui, sans énoncer de moyens nouveaux, sollicitent la confirmation partielle du jugement

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juin 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 462 F-D

Pourvoi n° T 20-20.957




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022

1°/ la société Ekip, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [K] [F], agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Nina Félix,

2°/ la société Nina-Félix, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ Mme [T] [R],

4°/ M. [X] [N],

domiciliés tous deux bar [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° T 20-20.957 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2020 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], dont le siège est [Adresse 3], représenté par son syndic la société Citya Carnot Syndgest, domicilié [Adresse 5],

2°/ à M. [Z] [C], domicilié [Adresse 1],

3°/ à la société Dufourcet, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Ekip, ès qualités, de la société Nina-Félix, de Mme [R] et de M. [N], de Me Balat, avocat de M. [C], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Dufourcet, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 19 mars 2020), le 17 octobre 2013, la société civile immobilière Dufourcet (la SCI), propriétaire d'un local à usage commercial dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, l'a donné à bail à la société Nina Félix pour y exploiter un fonds de café, bar, jeux et concerts.

2. A raison d'infiltrations d'eau dans le local loué, une expertise a été ordonnée en référé le 30 juin 2015.

3. Les 19 et 21 septembre 2017, la société Nina Félix a assigné la SCI, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] (le syndicat des copropriétaires) et M. [C], propriétaire de l'immeuble mitoyen, en suspension du paiement des loyers à compter de juillet 2017 et en condamnation des trois défendeurs à réaliser les travaux de réfection préconisés par l'expert ainsi qu'à l'indemniser de sa perte d'exploitation et de son préjudice commercial.

4. Le 4 septembre 2018, la société Nina Félix a été placée en liquidation judiciaire, la société Ekip étant désignée en qualité de liquidateur.

5. Mme [R] et M. [N], associés de la société Nina Félix, sont intervenus à l'instance aux fins d'indemnisation de leurs pertes de revenus consécutives à la liquidation judiciaire.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La société Ekip, la société Nina Félix, Mme [R] et M. [N] font grief à l'arrêt de rejeter la demande au titre du préjudice commercial, alors :

« 1°/ que la partie qui, dans le dispositif de ses conclusions devant la cour d'appel, demande l'infirmation partielle du jugement de première instance du chef des demandes dont elle a été déboutée et la confirmation du jugement pour le surplus, n'est pas tenue de réitérer expressément, dans le dispositif de ses conclusions, la demande du chef de laquelle elle a obtenu gain de cause en première instance ; qu'en infirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait alloué la somme de 30 000 euros à la société Nina Félix en réparation de son préjudice commercial, par la considération que cette demande n'était pas expressément reprise au dispositif des conclusions d'appel de cette société, cependant qu'au dispositif de ces conclusions, la société Nina Félix avait expressément limité les demandes de condamnation de ses adversaires à la réparation de ses préjudices consécutifs à sa perte d'exploitation, au passif résultant de sa liquidation judiciaire et à la perte de son fonds de commerce et avait demandé la confirmation du jugement pour le surplus, ce dont il résultait qu'elle avait demandé l'infirmation partielle du jugement uniquement du chef des demandes dont elle avait été déboutée en première instance et la confirmation du jugement pour le surplus et n'était donc pas tenue de réitérer expressément dans le dispositif de ses conclusions d'appel la demande en réparation de son préjudice commercial du chef de laquelle elle avait obtenu gain de cause en première instance, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ;

2°/ que l'obligation faite à la partie qui conclut à l'infirmation du jugement de première instance d'énoncer expressément dans ses dernières écritures les moyens qu'elle invoque, ne s'étend pas aux écritures de cette même partie qui, sans énoncer de moyens nouveaux, sollicite la confirmation partielle du jugement ; qu'en conséquence, la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation partielle du jugement, est réputée s'en approprier les motifs relatifs à ce dont il est demandé la confirmation ; qu'en infirmant le jugement de première instance en ce qu'il avait alloué la somme de 30 000 euros à la société Nina Félix au titre de son préjudice commercial, par la considération que cette dernière n'aurait pas développé de moyens relatifs à cette demande dans ses conclusions d'appel, cependant que cette société qui avait sous ce rapport demandé la confirmation du jugement sans énoncer de moyens nouveaux, devait être regardée comme s'en étant approprié les motifs relatifs au préjudice commercial, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 954 du code de procédure civile :

8. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense.

9. Il résulte du second que l'obligation faite à la partie qui conclut à l'infirmation du jugement d'énoncer expressément dans ses dernières écritures les moyens qu'elle invoque, ne s'étend pas aux écritures de cette même partie qui, sans énoncer de moyens nouveaux, sollicite la confirmation partielle du jugement.

10. Pour rejeter la demande en indemnisation du préjudice commercial, l'arrêt énonce que la société Nina Félix sollicitait en appel l'indemnisation de sa perte d'exploitation, du passif résultant de sa liquidation judiciaire ainsi que de la perte de son fonds, et n'avait pas expressément repris, au dispositif de ses conclusions d'appel et dans les moyens par elle développés, la demande au titre de laquelle le tribunal lui avait alloué la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice commercial.

11. En statuant ainsi, alors que, outre les demandes indemnitaires susvisées, la société Nina Félix, d'une part, sollicitait expressément la confirmation du jugement pour le surplus et n'était, en conséquence, pas tenue de réitérer, dans le dispositif de ses conclusions, la demande en indemnisation du préjudice commercial pour laquelle elle avait obtenu gain de cause en première instance, d'autre part, à défaut d'énonciation de moyens nouveaux, était réputée s'être appropriée les motifs du jugement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Nina Félix de sa demande au titre du préjudice commercial alloué en première instance, l'arrêt rendu le 19 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Pau autrement composée ;

Condamne la société civile immobilière Dufourcet et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [R], M. [N], la société civile immobilière Dufourcet, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] et M. [C] et condamne la société civile immobilière Dufourcet et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], à payer à la société Ekip, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Nina Félix, la somme de 3 000 euros ;

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