Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 21-15.164
- ECLI:FR:CCASS:2022:C300483
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 15 juin 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 19 janvier 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 juin 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 483 FS-D
Pourvoi n° S 21-15.164
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022
M. [R] [F], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° S 21-15.164 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Jacques Termignon, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Mutuelle des architectes français assurances, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à la société Mutuelle des architectes français assurances (MAAF), société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les huit moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [F], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français assurances, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Brun, conseiller référendaire, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [F] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société MAAF assurances.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 19 janvier 2021), M. [F] a confié la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un bâtiment comprenant quatre logements à la société Jacques Termignon (l'architecte), assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF).
3. Des infiltrations d'eau sont apparues au cours des travaux et M. [F] a refusé de procéder à la réception de l'ouvrage. Après expertise judiciaire, il a assigné l'architecte et son assureur aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens, sur le quatrième moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, sur le cinquième moyen, pris en sa première branche, et sur les septième et huitième moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [F] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'architecte et de la MAF à la somme de 54 000 euros au titre de la perte de loyers, alors « qu'en énonçant, tout à la fois, pour débouter M. [R] [F] de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l'Eurl Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français à lui payer des dommages-intérêts au titre de la perte de loyers pendant la période antérieure au 1er janvier 2014, qu'« il résulte du rapport de M. [Z] qu'en début d'expertise, M. [F] a indiqué qu'il souhaitait mettre ces appartements en location, puis à la dernière réunion qu'ils étaient destinés à la vente mais qu'il ne l'a jamais fait considérant que ceux-ci étaient impropres à leur destination » et qu'« il s'évince du rapport d'expertise et des pièces produites que, dans un premier temps, M. [F] a envisagé de céder les appartements, puis a cédé le lot n° 1 non concerné par les désordres, et a enfin tenté de mettre en location des autres appartements », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé, en conséquence, les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Si la cour d'appel a constaté que, selon le rapport d'expertise, M. [F] avait, au début de la mesure, déclaré qu'il souhaitait mettre les appartements en location puis, lors de la dernière réunion, qu'ils étaient destinés à la vente, elle a ensuite retenu, souverainement, sans se contredire, que le maître de l'ouvrage avait d'abord envisagé de céder les appartements, vendu l'un d'eux, puis tenté de louer les trois autres.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le quatrième moyen, pris en ses deuxième et sixième branches
Enoncé du moyen
8. M. [F] fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 2°/ qu'en cas de désordres affectant un ouvrage qu'il a fait construire, le maître de l'ouvrage doit être replacé, par la personne qui a l'obligation de réparer son dommage, dans la situation où il se serait trouvé si l'ouvrage avait été livré sans vices et, donc, doit, notamment, être indemnisé du préjudice qu'il a subi, dès la date où l'ouvrage devait être achevé, tenant à l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de louer l'ouvrage en raison des désordres l'affectant, et ceci quels qu'aient été les projets du maître de l'ouvrage d'usage de l'ouvrage et peu important que le maître de l'ouvrage n'ait pas accompli des démarches en vue de louer l'ouvrage ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir qu'avant le 1er janvier 2014, M. [R] [F] n'avait subi aucun préjudice au titre d'une perte de loyer et pour débouter, en conséquence, M. [R] [F] de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l'Eurl Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français à lui payer des dommages-intérêts au titre de la perte de loyers pendant la période antérieure au 1er janvier 2014, qu'il s'évinçait du rapport d'expertise et des pièces produites que, dans un premier temps, M. [R] [F] avait envisagé de céder les appartements, puis avait cédé le lot n° 1 non concerné par les désordres, et avait enfin tenté de mettre en location des autres appartements et que M. [R] [F] ne pouvait invoquer un préjudice résultant de la perte de loyers avant ses premières démarches en vue de mettre ses biens en location, quand ces circonstances étaient inopérantes, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause ;
6°/ qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du dommage, l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir qu'avant le 1er janvier 2014, M. [R] [F] n'avait subi aucun préjudice au titre d'une perte de loyer et pour débouter, en conséquence, M. [R] [F] de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l'Eurl Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français à lui payer des dommages et intérêts au titre de la perte de loyers pendant la période antérieure au 1er janvier 2014, que M. [R] [F] ne pouvait invoquer un préjudice résultant de la perte de loyers avant ses premières démarches en vue de mettre ses biens en location, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. [R] [F], si ce n'était pas en raison du retard pris par les travaux de construction et des désordres qui affectaient l'ouvrage que M. [R] [F] n'avait pas engagé, avant la fin de l'année 2013, des démarches en vue de louer l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que le maître de l'ouvrage s'était montré flou sur la finalité de son projet au cours de l'expertise et qu'il avait envisagé d'abord de vendre les biens.
10. Recherchant si, dans ces circonstances, il pouvait prétendre avoir subi une perte de chance de louer, elle en a souverainement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'aucun préjudice ne pouvait être retenu avant le 1er janvier 2014, en l'absence de démarches pour louer les logements.
11. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
12. M. [F] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'architecte et de la MAF à la somme de 54 000 euros au titre de la perte de loyers, alors « qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du dommage, l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences ; qu'en se fondant, dès lors, pour écarter le moyen soulevé par M. [R] [F] tiré du caractère dangereux des abords de l'ensemble immobilier en cause résultant des malfaçons et non-finitions qui les affectaient, sur les appréciations de l'expert judiciaire selon lesquelles seul un lieu situé à l'arrière de l'ensemble immobilier présentait un danger et selon lesquelles il pouvait être facilement remédié à ce danger, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. [R] [F], si ces appréciations n'étaient pas erronées, en ce que la zone dangereuse était située devant l'ensemble immobilier et consistait en un trou de cinq mètres de long, de 1,50 mètre de profondeur et de 2 mètres de large qui nécessitait pas moins de 15 m3 de terre pour être comblé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause. »
Réponse de la Cour
13. La cour d'appel a retenu que l'absence de finition des abords n'avait pas empêché la vente du lot n° 1 et, citant l'expert, que le seul trou dangereux se situait derrière la construction et pouvait être comblé par un mètre cube de terre ou la pose d'une barrière.
14. Appréciant les éléments de preuve qui lui étaient soumis, sans être tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle décidait d'écarter, elle en a souverainement déduit que la preuve n'était pas rapportée d'une impropriété à destination de l'immeuble dans son ensemble.
15. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision. Mais sur le sixième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. M. [F] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'architecte et de la MAF à la somme de 54 000 euros au titre de la perte de loyers, alors « qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du dommage, l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences ; que la victime d'un fait dommageable n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter M. [R] [F] de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l'Eurl Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français à lui payer des dommages-intérêts au titre de la perte de loyers pour la période postérieure au jugement de première instance, que, compte tenu de l'exécution provisoire à hauteur de 50 % dont était assorti le jugement de première instance, la demande de M. [R] [F] tendant à obtenir l'indemnisation de la perte de loyers au-delà de la date de la décision de première instance ne pouvait qu'être rejetée, dès lors que M. [R] [F] avait eu la possibilité d'exécuter les travaux de reprise de l'ouvrage, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
17. L'architecte et la MAF contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.
18. Cependant, M. [F] soutenait, dans ses conclusions, que, nonobstant l'exécution provisoire qui avait été ordonnée pour moitié, le jugement n'était toujours pas exécuté et qu'il n'avait pas les moyens d'entreprendre les travaux nécessaires.
19. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
20. Aux termes du premier de ces textes le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
21. Selon le second, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général et sauf exception, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
22. Pour rejeter la demande d'indemnisation des pertes de loyer subies par le maître de l'ouvrage après la date du jugement, l'arrêt retient que, compte tenu de l'exécution provisoire à hauteur de 50 % dont était assortie cette décision, M. [F] avait eu la possibilité d'exécuter les travaux de reprise.
23. En statuant ainsi, alors que la victime de dommages causés par la mauvaise exécution du contrat n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du débiteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation des pertes de loyer postérieures au 31 décembre 2018, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Jacques Termignon et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Jacques Termignon et la Mutuelle des architectes français et les condamne à payer à M. [F] la somme globale de 3 000 euros ;
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 juin 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 483 FS-D
Pourvoi n° S 21-15.164
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022
M. [R] [F], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° S 21-15.164 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Jacques Termignon, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Mutuelle des architectes français assurances, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à la société Mutuelle des architectes français assurances (MAAF), société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les huit moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [F], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français assurances, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Brun, conseiller référendaire, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [F] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société MAAF assurances.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 19 janvier 2021), M. [F] a confié la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un bâtiment comprenant quatre logements à la société Jacques Termignon (l'architecte), assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF).
3. Des infiltrations d'eau sont apparues au cours des travaux et M. [F] a refusé de procéder à la réception de l'ouvrage. Après expertise judiciaire, il a assigné l'architecte et son assureur aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens, sur le quatrième moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, sur le cinquième moyen, pris en sa première branche, et sur les septième et huitième moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [F] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'architecte et de la MAF à la somme de 54 000 euros au titre de la perte de loyers, alors « qu'en énonçant, tout à la fois, pour débouter M. [R] [F] de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l'Eurl Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français à lui payer des dommages-intérêts au titre de la perte de loyers pendant la période antérieure au 1er janvier 2014, qu'« il résulte du rapport de M. [Z] qu'en début d'expertise, M. [F] a indiqué qu'il souhaitait mettre ces appartements en location, puis à la dernière réunion qu'ils étaient destinés à la vente mais qu'il ne l'a jamais fait considérant que ceux-ci étaient impropres à leur destination » et qu'« il s'évince du rapport d'expertise et des pièces produites que, dans un premier temps, M. [F] a envisagé de céder les appartements, puis a cédé le lot n° 1 non concerné par les désordres, et a enfin tenté de mettre en location des autres appartements », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé, en conséquence, les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Si la cour d'appel a constaté que, selon le rapport d'expertise, M. [F] avait, au début de la mesure, déclaré qu'il souhaitait mettre les appartements en location puis, lors de la dernière réunion, qu'ils étaient destinés à la vente, elle a ensuite retenu, souverainement, sans se contredire, que le maître de l'ouvrage avait d'abord envisagé de céder les appartements, vendu l'un d'eux, puis tenté de louer les trois autres.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le quatrième moyen, pris en ses deuxième et sixième branches
Enoncé du moyen
8. M. [F] fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 2°/ qu'en cas de désordres affectant un ouvrage qu'il a fait construire, le maître de l'ouvrage doit être replacé, par la personne qui a l'obligation de réparer son dommage, dans la situation où il se serait trouvé si l'ouvrage avait été livré sans vices et, donc, doit, notamment, être indemnisé du préjudice qu'il a subi, dès la date où l'ouvrage devait être achevé, tenant à l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de louer l'ouvrage en raison des désordres l'affectant, et ceci quels qu'aient été les projets du maître de l'ouvrage d'usage de l'ouvrage et peu important que le maître de l'ouvrage n'ait pas accompli des démarches en vue de louer l'ouvrage ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir qu'avant le 1er janvier 2014, M. [R] [F] n'avait subi aucun préjudice au titre d'une perte de loyer et pour débouter, en conséquence, M. [R] [F] de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l'Eurl Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français à lui payer des dommages-intérêts au titre de la perte de loyers pendant la période antérieure au 1er janvier 2014, qu'il s'évinçait du rapport d'expertise et des pièces produites que, dans un premier temps, M. [R] [F] avait envisagé de céder les appartements, puis avait cédé le lot n° 1 non concerné par les désordres, et avait enfin tenté de mettre en location des autres appartements et que M. [R] [F] ne pouvait invoquer un préjudice résultant de la perte de loyers avant ses premières démarches en vue de mettre ses biens en location, quand ces circonstances étaient inopérantes, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause ;
6°/ qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du dommage, l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir qu'avant le 1er janvier 2014, M. [R] [F] n'avait subi aucun préjudice au titre d'une perte de loyer et pour débouter, en conséquence, M. [R] [F] de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l'Eurl Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français à lui payer des dommages et intérêts au titre de la perte de loyers pendant la période antérieure au 1er janvier 2014, que M. [R] [F] ne pouvait invoquer un préjudice résultant de la perte de loyers avant ses premières démarches en vue de mettre ses biens en location, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. [R] [F], si ce n'était pas en raison du retard pris par les travaux de construction et des désordres qui affectaient l'ouvrage que M. [R] [F] n'avait pas engagé, avant la fin de l'année 2013, des démarches en vue de louer l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que le maître de l'ouvrage s'était montré flou sur la finalité de son projet au cours de l'expertise et qu'il avait envisagé d'abord de vendre les biens.
10. Recherchant si, dans ces circonstances, il pouvait prétendre avoir subi une perte de chance de louer, elle en a souverainement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'aucun préjudice ne pouvait être retenu avant le 1er janvier 2014, en l'absence de démarches pour louer les logements.
11. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
12. M. [F] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'architecte et de la MAF à la somme de 54 000 euros au titre de la perte de loyers, alors « qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du dommage, l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences ; qu'en se fondant, dès lors, pour écarter le moyen soulevé par M. [R] [F] tiré du caractère dangereux des abords de l'ensemble immobilier en cause résultant des malfaçons et non-finitions qui les affectaient, sur les appréciations de l'expert judiciaire selon lesquelles seul un lieu situé à l'arrière de l'ensemble immobilier présentait un danger et selon lesquelles il pouvait être facilement remédié à ce danger, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. [R] [F], si ces appréciations n'étaient pas erronées, en ce que la zone dangereuse était située devant l'ensemble immobilier et consistait en un trou de cinq mètres de long, de 1,50 mètre de profondeur et de 2 mètres de large qui nécessitait pas moins de 15 m3 de terre pour être comblé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause. »
Réponse de la Cour
13. La cour d'appel a retenu que l'absence de finition des abords n'avait pas empêché la vente du lot n° 1 et, citant l'expert, que le seul trou dangereux se situait derrière la construction et pouvait être comblé par un mètre cube de terre ou la pose d'une barrière.
14. Appréciant les éléments de preuve qui lui étaient soumis, sans être tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle décidait d'écarter, elle en a souverainement déduit que la preuve n'était pas rapportée d'une impropriété à destination de l'immeuble dans son ensemble.
15. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision. Mais sur le sixième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. M. [F] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'architecte et de la MAF à la somme de 54 000 euros au titre de la perte de loyers, alors « qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du dommage, l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences ; que la victime d'un fait dommageable n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter M. [R] [F] de sa demande tendant à la condamnation in solidum de l'Eurl Jacques Termignon et de la société Mutuelle des architectes français à lui payer des dommages-intérêts au titre de la perte de loyers pour la période postérieure au jugement de première instance, que, compte tenu de l'exécution provisoire à hauteur de 50 % dont était assorti le jugement de première instance, la demande de M. [R] [F] tendant à obtenir l'indemnisation de la perte de loyers au-delà de la date de la décision de première instance ne pouvait qu'être rejetée, dès lors que M. [R] [F] avait eu la possibilité d'exécuter les travaux de reprise de l'ouvrage, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
17. L'architecte et la MAF contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.
18. Cependant, M. [F] soutenait, dans ses conclusions, que, nonobstant l'exécution provisoire qui avait été ordonnée pour moitié, le jugement n'était toujours pas exécuté et qu'il n'avait pas les moyens d'entreprendre les travaux nécessaires.
19. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
20. Aux termes du premier de ces textes le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
21. Selon le second, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général et sauf exception, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
22. Pour rejeter la demande d'indemnisation des pertes de loyer subies par le maître de l'ouvrage après la date du jugement, l'arrêt retient que, compte tenu de l'exécution provisoire à hauteur de 50 % dont était assortie cette décision, M. [F] avait eu la possibilité d'exécuter les travaux de reprise.
23. En statuant ainsi, alors que la victime de dommages causés par la mauvaise exécution du contrat n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du débiteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation des pertes de loyer postérieures au 31 décembre 2018, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Jacques Termignon et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Jacques Termignon et la Mutuelle des architectes français et les condamne à payer à M. [F] la somme globale de 3 000 euros ;
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