mardi 14 juin 2022

L'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis

 Note A. Caston, GP 2022-31, p. 68.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 451 F-D


Pourvois n°
C 19-23.837
W 19-25.119 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022

I- La société Chauffage plomberie climatisation piscine (CPCP), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 19-23.837 contre un arrêt rendu le 12 septembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Ferrat, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à M. [S] [O], domicilié [Adresse 8],

3°/ à M. [R] [F], domicilié [Adresse 2],

4°/ à la société Daikin airconditioning France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10],

5°/ à la société MEA, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], représentée par son syndic M. [B] [X] du Cabinet [B] [X], en qualité de syndic à la liquidation judiciaire de la société MEA, domiciliée [Adresse 9],

6°/ à la société Volpi bâtiment, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],

7°/ à la société Topver, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7],

8°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

9°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

II- M. [R] [F], a formé le pourvoi n° W 19-25.119 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Ferrat, société civile immobilière,

2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

3°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

4°/ à M. [S] [O],

5°/ à la société Daikin airconditioning France, société par actions simplifiée,

6°/ à la société MEA, société à responsabilité limitée, représentée par son syndic M. [B] [X],

7°/ à la société Chauffage plomberie climatisation piscine (CPCP), société par actions simplifiée,

8°/ à la société Volpi bâtiment, société à responsabilité limitée,

9°/ à la société Financière Topver, société par actions simplifiée,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse au pourvoi n° C 19-23.837 invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi n° W 19-25.119 invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Chauffage plomberie climatisation piscine, de Me Haas, avocat de M. [F], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Daikin airconditioning France, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Ferrat et de la société Ferrat, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° C 19-23.837 et W 19-25.119 sont joints.

Reprise d'instance

2. Il est donné acte à la société Chauffage plomberie climatisation piscines et à M. [F] de leur reprise d'instance contre M. [X], pris en sa qualité de syndic de faillite de la société MEA.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué, (Aix-en-Provence, 12 septembre 2019), la société civile immobilière Ferrat (la SCI) a entrepris la réalisation de travaux de réhabilitation et d'extension d'une villa avec piscine.

4. Sont intervenus à cette opération :

- M. [O], en qualité d'architecte ;
- la société Bessonne, aujourd'hui dénommée MEA, en qualité de maître d'oeuvre ;
- M. [F], en qualité de maître d'oeuvre ;
- la société Chauffage plomberie climatisation piscines (la société CPCP), pour les lots n° 3 (plomberie-VMC-sanitaires-filtration piscine) et n° 4 (électricité-courants faibles) ;
- la société Volpi bâtiment, pour les lots « gros oeuvre-maçonnerie», « revêtement dur » et « staff-faux plafonds ».

5. Les travaux ont débuté en 2002.

6. La réception est intervenue le 14 avril 2004.

7. La SCI a, après expertise, assigné la société CPCP et M. [O] en indemnisation. M. [O] a appelé en cause la société MEA, M. [F] et l'assureur de celui-ci, la société Covea Risks, devenue MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD. La société CPCP a appelé en cause la société Daikin Airconditioning France (la société Daikin).

8. En cours d'instance, la SCI a agi en responsabilité contre M. [F].

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi n° C 19-23.837 et sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° W 19-25.119, ci-après annexés

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi n° W 19-25.119

Enoncé du moyen

10. M. [F] fait grief à l'arrêt de le déclarer responsable des désordres affectant l'étanchéité du bac tampon, la canalisation extérieure d'évacuation des eaux, l'enrobé, l'escalier extérieur dans le jardin et le système de climatisation-chauffage, de le condamner in solidum avec d'autres à payer à la SCI certaines sommes et d'opérer un partage de responsabilité entre les co-obligés, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'aux termes de la proposition d'honoraires de M. [F] du 1er juin 2002 acceptée par la société Ferrat, il avait été convenu entre les parties que la mission de direction des travaux de M. [F] était limitée aux « travaux de gros oeuvre et de terrassement » ; qu'en considérant, pour retenir la responsabilité de M. [F] au titre des désordres invoqués par le maître de l'ouvrage qui ne portaient ni sur le gros-oeuvre, ni sur les terrassements, que, contrairement à ses allégations, celui-ci était investi d'une mission de direction des travaux non limitée aux travaux de gros oeuvre et de terrassement, la cour d'appel a dénaturé ce contrat et méconnu le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

11. Pour retenir la responsabilité de M. [F] et le condamner au paiement de certaines sommes, l'arrêt retient que la proposition d'honoraires acceptée de M. [F] porte sur une mission de direction des travaux non limitée aux travaux de gros oeuvre et terrassements contrairement à ses allégations.

12. En statuant ainsi, alors que la proposition d'honoraires acceptée de M. [F] est ainsi rédigée « 1/3 DET - Direction des travaux de gros oeuvre et de terrassement », la cour d'appel, qui a dénaturé cette proposition claire et précise, a violé le principe susvisé.

Mise hors de cause

13. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Daikin, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

Portée et conséquences de la cassation

14. Contrairement à ce que soutient la société CPCP, la cassation sur le premier moyen du pourvoi de M. [F] entraîne la cassation du chef du dispositif relatif au partage de responsabilité concernant les désordres affectant le système de climatisation-chauffage.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

- Déclare M. [F], avec M. [O], et la société MEA, responsable sur le fondement de l'article 1147 du code civil des désordres affectant l'étanchéité du bac tampon, la canalisation extérieure d'évacuation des eaux, et du trou dans l'enrobé ;

- En conséquence le condamne, in solidum avec M. [O], et la société MEA, à payer à la société civile immobilière Ferrat la somme de 9 460 euros en réparation de ces dommages ;


- Dans les rapports entre MM. [O], [F] et la société MEA, en ce qui concerne ces désordres, opère un partage de responsabilité à hauteur d'un tiers chacun ;

- Déclare M. [F], avec la société Volpi bâtiment, M. [O], et la société MEA, responsable sur le fondement de l'article 1147 du code civil des désordres affectant l'escalier extérieur dans le jardin ;

- En conséquence le condamne in solidum avec la société Volpi bâtiment, M. [O], et la société MEA à payer à la société civile immobilière Ferrat la somme de 21 600 euros en réparation de ces dommages ;

- Dans les rapports entre la société Volpi bâtiment, MM. [O], [F] et la société MEA, en ce qui concerne ces désordres, opère un partage de responsabilité à hauteur de moitié à la charge de la société Volpi et de 1/6ème pour chacun des trois maîtres d'oeuvre ;

- Déclare M. [F] avec la société Chauffage plomberie climatisation piscines (CPCP), M. [O], et la société MEA responsable sur le fondement de l'article 1147 des désordres ayant affecté le système de climatisation/chauffage ;

- En conséquence le condamne in solidum avec la société Chauffage plomberie climatisation piscines (CPCP), M. [O], et la société MEA à payer à la société civile immobilière Ferrat la somme de 60 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la privation de chauffage ;

- Dans les rapports entre la société Chauffage plomberie climatisation piscines (CPCP), MM. [O], [F] et la société MEA, opère un partage de responsabilité à hauteur de moitié à la charge de la société Chauffage plomberie climatisation piscines (CPCP) et de 1/6ème pour chacun des trois maîtres d'oeuvre ;

l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence autrement composée ;

Met hors de cause la société Daikin airconditioning France ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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