mardi 30 décembre 2025

Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 18 décembre 2025




Cassation partielle


Mme MARTINEL, présidente



Arrêt n° 1338 F-D

Pourvoi n° V 23-12.277




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 DÉCEMBRE 2025

La société Compagnie Gothaer Allgemeine Versicherung Ag, dont le siège est [Adresse 2] (Allemagne), a formé le pourvoi n° V 23-12.277 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Solandes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, six moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Compagnie Gothaer Allgemeine Versicherung Ag, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Solandes, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 novembre 2025 où étaient présents Mme Martinel, présidente, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseillère doyenne, et Mme Cathala, greffière de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 décembre 2022) et les productions, la société Solandes (l'assurée), propriétaire-exploitante d'un champ photovoltaïque, a souscrit, auprès de la société Gothaer Allgemeine Versicherung AG (l'assureur), un contrat d'assurance garantissant le bris de machines et la perte de recettes.

2. Quatre incendies affectant des onduleurs, fournis par la société Ingeteam, ont eu lieu en juillet 2013, le 20 juillet 2015, le 18 décembre 2015 et le 16 avril 2016. Les trois derniers incendies ont été déclarés à l'assureur, qui a indemnisé l'assurée au titre de ceux survenus au cours de l'année 2015.

3. Ces incendies ont été attribués à un défaut d'isolation des panneaux photovoltaïques, fabriqués par la société Canadian Solar et acquis et mis en oeuvre par la société Eosol Energy SL, à l'origine d'une baisse rapide et progressive de leur production d'électricité.

4. L'assurée a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie, notamment, de ses pertes de recettes consécutives à cette baisse de rendement.

Examen des moyens

Sur les cinq premiers moyens

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches et en sa quatrième branche, les deuxième, troisième et cinquième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche et le quatrième moyen, qui sont irrecevables.

Mais sur le sixième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'assurée la somme de 232 681,65 euros à titre d'indemnisation de sa perte de recettes, alors « que le juge ne peut méconnaître les limites du litige, telles qu'elles résultent des conclusions respectives des parties ; que devant la cour d'appel, l'assurée sollicitait la condamnation de l'assureur à lui payer la somme de 604 972,31 euros au titre des pertes de production (pertes d'exploitation) qu'elle soutenait avoir subies pour la seule période comprise entre le mois de janvier 2016 et le mois de décembre 2016 ; qu'en condamnant néanmoins l'assureur à payer à l'assurée la somme de 232 681,65 euros en indemnisation de ses pertes d'exploitation au titre de l'année 2014, la cour d'appel a méconnu les limites du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :

7. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

8. Selon le second, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé.

9. Pour condamner l'assureur à payer à l'assurée la somme de 731 051,26 euros, dont celle de 232 681,65 euros au titre de sa perte de recettes, l'arrêt retient que l'assurée a subi une perte de recettes ayant commencé en 2014 et que la garantie de l'assureur est limitée à une période de 12 mois.

10. En statuant ainsi, alors que l'assurée demandait l'indemnisation de la perte de recettes subie pendant l'année 2016, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige et s'est prononcée sur ce qui n'était pas demandé, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il infirme le jugement en toutes ses dispositions et déclare la société Solandes recevable en ses prétentions, l'arrêt rendu le 12 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne la société Solandes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le dix-huit décembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C201338

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.