mardi 14 juin 2022

Les fautes de l'architecte concernant l'évaluation du coût des travaux nécessaires avaient directement contribué au préjudice de l'ASL

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 435 F-D

Pourvoi n° Z 19-22.178




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022

1°/ la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° Z 19-22.178 contre l'arrêt rendu le 15 juillet 2019 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [S] [W], domicilié [Adresse 12],

2°/ à Mme [I] [M], épouse [H], domiciliée [Adresse 4],

3°/ à M. [C] [E], domicilié [Adresse 13],

4°/ à M. [N] [F], domicilié [Adresse 2],

5°/ à M. [D] [L], domicilié [Adresse 1],

6°/ à Mme [T] [G]-[P], domiciliée [Adresse 8],

7°/ à la société MG2P, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 9],

8°/ à l'Association syndicale libre Maison de la grande teinturerie, dont le siège est [Adresse 6],

9°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 10],

10°/ à la Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 5],

11°/ à la société Léon Noël, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],

12°/ à M. [Y] [A], domicilié [Adresse 11],

défendeurs à la cassation.

M. [W] et la Mutuelle des architectes français ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Mme [M] épouse [H], M. [E], M. [F], M. [L], Mme [G]-[P], la société MG2P et l'association syndicale libre Maison de la Grande Teinturerie ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La société Axa France IARD a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

M. [W] et la Mutuelle des architectes français, demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Mme [M], épouse [H], MM. [E], [F], [L], Mme [G]-[P], la société MG2P et l'association syndicale libre Maison de la Grande Teinturerie, demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La société Axa France IARD, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [W] et de la Mutuelle des architectes français, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [M], épouse [H], MM. [E], [F], [L], Mme [G]- [P], la société MG2P et l'Association syndicale libre Maison de la grande teinturerie, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Léon Noël.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 juillet 2019), la société La Chesnaie, propriétaire de la Maison de la grande teinturerie, classée monument historique, l'a vendue par lots à Mme [M], épouse [H], M. [E], M. [F], M. [L], Mme [G]-[P] et la société MG2P (les acquéreurs).

3. L'association syndicale libre (l'ASL), constituée entre les acquéreurs, a confié les travaux de rénovation de l'immeuble et de division en appartements à l'entreprise générale Renovim, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), sous la maîtrise d'oeuvre de M. [W] (l'architecte), assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF). La société Renovim a sous-traité les travaux du lot "pierres de taille" à la société Léon Noël.

4. Le montage juridique de cette opération, éligible à un dispositif de défiscalisation, a été confié à M. [A], (l'avocat), assuré auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.

5. Se plaignant notamment d'un abandon de chantier, l'ASL et les acquéreurs ont, après expertise, assigné en réparation l'architecte et son assureur, la société Renovim et son assureur, et l'avocat, lequel a appelé ses assureurs en garantie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

6. La première chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, après débats à l'audience publique du 21 septembre 2021, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

7. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles font grief à l'arrêt de condamner la seconde au paiement de diverses sommes, alors :

« 1°/ que la responsabilité de l'avocat suppose que soit établie l'existence d'un lien de causalité entre la faute qui lui imputée et le préjudice dont il est demandé réparation ; qu'en condamnant M. [A] à indemniser l'ASL du montant des travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble au motif qu'il ne l'avait pas alertée du risque de payer au constructeur le montant des travaux qui n'avaient pas été réalisés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si même en l'absence de faute de l'avocat, l'ASL n'aurait pas agi de la même manière et procédé aux mêmes règlements, dès lors que l'échéancier accepté présentait un intérêt fiscal déterminant pour ses membres et que l'ASL avait déjà accepté de régler des travaux qui n'étaient pas visés par l'échéancier, tout en sachant que les travaux visés par de précédents appels de fonds n'avaient pas été exécutés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°/ que la responsabilité de l'avocat suppose que soit établie l'existence d'un lien de causalité entre la faute qui lui imputée et le préjudice dont il est demandé réparation ; qu'en condamnant M. [A] à indemniser l'ASL du montant des travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble au motif qu'il ne l'avait pas alertée du risque de payer au constructeur le montant des travaux qui n'avaient pas été réalisés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si même en l'absence de faute de l'avocat, l'ASL aurait obtenu
au même prix l'achèvement de l'immeuble et aurait évité de procéder à des dépenses supplémentaires nécessaires à l'achèvement des travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

3°/ que la responsabilité de l'avocat suppose l'existence d'un lien de causalité entre la faute imputée à ce dernier et le préjudice dont il est demandé réparation ; qu'en condamnant M. [A] à verser à l'ASL le montant des travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble au motif qu'il aurait commis une faute en n'alertant pas l'ASL du caractère incomplet des marchés de travaux signés, sans constater que, mise en garde contre ce risque, l'ASL aurait obtenu au même prix l'achèvement de l'immeuble dans les délais initiaux et que ses membres n'auraient ainsi pas subi de perte locatives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

4°/ que la responsabilité de l'avocat suppose que soit établie l'existence d'un lien de causalité entre la faute qui lui imputée et le préjudice dont il est demandé réparation ; qu'en condamnant M. [A] à indemniser les membres de l'ASL d'une perte de chance d'obtenir des revenus locatifs durant les travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble au motif qu'il n'avait pas alerté l'ASL du risque de payer à la société Renovim des travaux qui n'avaient pas été réalisés, sans préciser, ainsi qu'elle y était invitée, grâce à quels moyens et selon quel procédé, même aléatoire, en l'absence de faute de l'avocat, les membres de l'ASL auraient pu mettre en location leur bien dans les délais initialement prévus et n'auraient pas subi de pertes locatives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

8. Après avoir examiné la mission confiée à l'avocat et relevé que, s'il s'était engagé à assister l'ASL dans la tenue des comptes et l'envoi des appels de fonds et à valider les libellés des factures, néanmoins, il n'avait pas émis d'objection sur la viabilité du projet au regard de l'enveloppe budgétaire qui lui avait été affectée, que l'architecte avait été réglé de l'intégralité de ses honoraires et l'entreprise quasi entièrement réglée du prix du marché alors que les travaux de réhabilitation et de création de six appartements objets de l'opération n'avaient pas été exécutés et que la somme versée à l'entreprise générale Renovim était disproportionnée au regard des travaux réalisés, la cour d'appel a retenu que l'ASL et ses membres avaient, en conséquence, déboursé la totalité du budget de l'opération alors que celle-ci était très loin d'être achevée et a pu en déduire, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, qu'un lien causal direct était établi entre les manquements de l'avocat dans sa mission d'assistance et de conseil et le préjudice des membres de l'ASL.

9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef.

Sur le second moyen du pourvoi principal

10. La première chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, après débats à l'audience publique du 21 septembre 2021, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

11. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles font grief à l'arrêt de limiter l'appel en garantie formé contre la MAF et la société Axa aux limites contractuelles opposables aux tiers prévues dans leur police, alors « que dans leurs conclusions, les exposantes sollicitaient la garantie intégrale des assureurs de l'architecte et de l'entreprise générale de travaux pour les indemnités allouées aux demandeurs au-delà de leur plafond de garantie en soutenant que ces assureurs auraient dû conseiller à leurs clients des garanties complémentaires au regard de l'ampleur de l'opération de rénovation litigieuse et du découvert d'assurance susceptible d'en résulter ; qu'en s'abstenant pourtant de répondre à ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des allégations dépourvues d'offre de preuve.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi incident de l'architecte et de la MAF

Enoncé du moyen

14. L'architecte et la MAF font grief à l'arrêt de condamner cette dernière, in solidum avec l'avocat, et les sociétés MMA IARD et Axa, à payer une certaine somme à l'ASL au titre des travaux nécessaires à l'achèvement du chantier, alors « que le préjudice indemnisable du maître d'ouvrage doit être en lien de causalité avec la faute commise par l'architecte ; que tel n'est pas le cas du coût des travaux qui étaient, en toute hypothèse, nécessaires à la réalisation de l'ouvrage convenu et auraient dû être payés même en l'absence de toute faute ; qu'en condamnant la Mutuelle des architectes français à indemniser l'ASL du montant total des travaux nécessaires pour achever le projet initialement confié à l'architecte, sans rechercher, comme l'y invitait la MAF, si, dès lors qu'il était nécessaire de renforcer les fondations et les planchers, le maître d'ouvrage devait garder
à sa charge cette dépense qui devait, de toute façon, être engagée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

15. La cour d'appel, qui a constaté que la mission du maître d'oeuvre comprenait notamment l'estimation du coût prévisionnel des travaux et la mise au point des marchés, a retenu, d'une part, que l'estimation initiale du budget de l'opération, inférieure de moitié au montant total des travaux à réaliser, était manifestement sous-évaluée, et, d'autre part, que l'architecte, qui n'avait pas établi, au mépris de ses engagements, de dossier consultatif des entreprises ni de cahier des clauses techniques particulières mais s'était fait remettre des devis au fur et à mesure de l'avancée du chantier, n'avait pas tenu compte des particularités du site à proximité d'une rivière et de la vétusté du bâtiment, propres à faire craindre, selon l'expert, une grave altération des fondations tout à fait prévisible et qui n'avait pas été anticipée.

16. Elle a, par ailleurs, relevé que le marché de travaux conclu avec la société Renovim était un marché à forfait, lequel inclut le coût des travaux supplémentaires nécessaires à la réalisation de l'ouvrage (3e Civ., 18 avril 2019, pourvoi n° 18-18.801, publié), et que celle-ci était en liquidation judiciaire.

17. Elle a pu déduire de ses constatations que les fautes de l'architecte, tant en ce qui concerne l'évaluation du coût des travaux nécessaires à la réhabilitation complète du bâtiment que lors de la mise au point du marché de travaux confié à la société Renovim, avaient directement contribué, avec celles retenues à la charge de l'entreprise générale et de M. [A], au préjudice de l'ASL résultant du coût, restant à la charge de celle-ci, des travaux supplémentaires liés au renforcement des fondations et des planchers.

18. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le moyen du pourvoi incident des acquéreurs

Enoncé du moyen

19. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes au titre du préjudice fiscal, alors :

« 1°/ que le juge ne peut soulever un moyen d'office sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé qu'aucune des pièces produites aux débats, à savoir les arrêts de non-admission rendus par le Conseil d'Etat, les redressements fiscaux et les avis d'imposition, ne permettait de rattacher les informations qui y étaient contenues à l'opération immobilière « La Grande Teinturerie» ; qu'elle en a déduit que le préjudice fiscal invoqué par les membres de l'ASL n'était pas établi ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'aucune des parties ne soutenait que les pièces produites aux débats ne permettaient pas de rattacher le préjudice fiscal allégué à l'opération immobilière, la cour d'appel a soulevé un moyen d'office sans inviter les parties à présenter leurs observations et a ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile et le principe de la contradiction ;

2°/ que la cour d'appel a jugé qu'aucune des pièces produites aux débats, à savoir les arrêts de non-admission rendus par le Conseil d'Etat, les redressements fiscaux et les avis d'imposition, ne permettait de rattacher les informations qui y étaient contenues à l'opération immobilière « La Grande Teinturerie » ; qu'elle en a déduit que le préjudice fiscal invoqué par les membres de l'ASL n'était pas établi ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant adopté les motifs du jugement selon lesquels il ressortait des pièces versées aux débats « que tous les membres de l'ASL, qui ont acquis les lots postérieurement à la lettre de mission confiée à la SCP [A] & Maubaret, ont fait l'objet d'un redressement fiscal aux motifs qu'un appartement ne figurait pas dans le bâtiment classé monument historique ou que les travaux engagés ne concernaient pas une simple rénovation mais une véritable reconstruction ni un bâtiment déjà affecté à l'habitation», la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que le redressement fiscal dont les membres de l'ASL avaient fait l'objet concernait l'avantage fiscal inhérent à l'opération immobilière « La Grande Teinturerie », a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

3°/ que le fait, pour un investisseur immobilier de perdre le bénéfice de l'avantage fiscal qui lui avait été promis constitue un préjudice réparable dès lors qu'il a consenti à l'opération d'investissement immobilier en considération de l'obtention de cet avantage fiscal ; qu'en l'espèce, les membres de l'ASL faisaient valoir qu'ils avaient subi un préjudice fiscal lié à la perte de l'avantage fiscal promis, en raison de l'abandon du chantier et des redressements dont ils avaient fait l'objet ; qu'ils produisaient aux débats les décisions par lesquelles M. [F], M. [L], Mme [G] et Mme [H] avaient épuisé les voies de recours contestant les redressements fiscaux dont ils avaient fait l'objet ; qu'à supposer adoptés les motifs du jugement par lesquels « aucune des pièces versées aux débats ne permet de caractériser avec certitude l'existence et l'étendue du préjudice fiscal invoqué » , la cour d'appel, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si les décisions de la juridiction administrative rejetant les recours de plusieurs des membres de l'ASL contestant les redressements fiscaux dont ils avaient fait l'objet établissaient que le bénéfice de l'avantage fiscal, dans les termes des dispositions applicables lors du début des travaux, avait été définitivement perdu, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code. »

Réponse de la Cour

20. En premier lieu, le juge qui se borne à examiner, sans introduire de nouveaux éléments de fait dans le débat, si les allégations d'une partie, même non expressément contestées par son adversaire, sont établies par les éléments de preuve produits, ne relève d'office aucun moyen nouveau (2e Civ., 9 janvier 2020, pourvoi n°18-24.344).

21. En second lieu, la cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, a retenu, par motifs propres, procédant à la recherche prétendument omise, que, si les acquéreurs se prévalaient d'un préjudice résultant des redressements fiscaux qui leur avaient été notifiés, les pièces produites au soutien de leurs demandes, et en particulier les décisions du Conseil d'Etat rejetant leurs pourvois, ne permettaient pas de les rattacher à l'opération immobilière en cause, faisant ainsi ressortir que le caractère définitif des redressements fiscaux invoqués n'était pas établi, et a pu, en conséquence, rejeter leurs demandes de ce chef.

22. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le pourvoi incident de la société Axa

Enoncé du moyen

23. La société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la MAF, l'avocat et la société MMA IARD, au paiement de diverses sommes, alors :

« 1°/ que l'assurance de responsabilité professionnelle ne couvre que les dommages survenus dans l'exercice de l'activité déclarée par l'assuré ; que la cour d'appel constate, par motifs adoptés qu'aux termes de l'attestation d'assurance délivrée le 2 juin 2005 à la société Renovim, étaient couvertes par la garantie « les conséquences pécuniaires de la responsabilité y compris celle résultant de la Loi Spinetta (du 04/01/78) découlait de ou des missions dont l'objet principal est l'architecture intérieure, l'aménagement, la décoration, les travaux correspondants pouvant ou non comporter la modification des éléments de structure ou de couverture de l'ouvrage à concurrence des montants ci-après » ; qu'en déclarant cette garantie acquise, ce qui était contesté, après avoir pourtant constaté que la société Renovim avait réalisé des travaux de remplacement partiel de la charpente, de pose d'une gouttière, d'établissement d'un chaînage en béton armé et incrustation d'une corniche au pourtour de la tourelle ancienne d'escalier, et que le contrat conclu par la société Renovim incluait notamment les frais de raccordement aux réseaux et les taxes de voirie, ainsi que les frais de maîtrise d'oeuvre, les bureaux d'étude technique et de contrôle, ce qui ne correspondait pas à la réalisation d'une mission dont l'objet principal était l'architecture intérieure, l'aménagement et la décoration, seule garantie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, et violé ainsi l'article 1134 (devenu 1103) du code civil ;

2°/ qu'en retenant que les travaux confiés à la société Renovim entraient dans le champ de la garantie couvrant l'activité d' « aménagement », « les travaux correspondants pouvant ou non comporter la modification des éléments de structure ou de couverture de l'ouvrage (?) », quand elle constatait que l'expert judiciaire n'avait pu avoir accès à l'ensemble des documents contractuels (descriptif sommaire, cahier des clauses techniques particulières devant être élaboré par le maître d'oeuvre) définissant contractuellement les travaux confiés à la société Renovim, ce dont il résultait qu'elle n'avait pu s'assurer que les travaux confiés à cette société se limitaient effectivement à des travaux dont l'objet principal était l'architecture intérieure, l'aménagement, la décoration couverts par la garantie de la société Axa France IARD, la cour d'appel a derechef violé l'article 1134 (devenu 1103) du code civil. »

Réponse de la Cour

24. La cour d'appel, qui a constaté que le marché de travaux et le descriptif sommaire avaient été remis à l'expert, a relevé que l'attestation délivrée par l'assureur visait, au titre des activités garanties, les travaux d'aménagement « pouvant ou non comporter la modification des éléments de structure ou de couverture de l'ouvrage ».

25. Elle a pu en déduire que la société Axa devait sa garantie à son assurée au titre des activités déclarées se trouvant à l'origine du préjudice de l'ASL et des acquéreurs.

26. Le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

En application de l'article 700, du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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