Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 23-13.113
- ECLI:FR:CCASS:2024:C201140
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 28 novembre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, du 29 septembre 2022- Président
- Mme Martinel (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 novembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1140 F-D
Pourvoi n° D 23-13.113
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 NOVEMBRE 2024
La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-13.113 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2022 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société B4C, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 29 septembre 2022), la société B4C, exploitant un fonds de commerce de station service et de restaurant, a souscrit le 23 septembre 2019 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur), un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ».
2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société B4C a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même.
2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».
3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».
4. La société B4C a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses trois dernières branches
Enoncé du moyen
5. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire que la clause d'exclusion est réputée non écrite et inopposable à la société B4C et de le condamner à verser à cette dernière la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, alors :
« 3°/ qu'à supposer que la cour d'appel ait réputé non écrite la clause d'exclusion litigieuse sur le fondement des articles 1170 et 1171 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, elle a violé, par fausse application, les articles 1170 et 1171 du code civil ;
4°/ qu'à supposer que la cour d'appel ait réputé non écrite la clause d'exclusion litigieuse sur le fondement de l'article 1170 du code civil au motif que cette clause viderait de sa substance l'obligation essentielle contractée par l'assuré, qui serait de se garantir contre les pertes d'exploitation causées par une fermeture administrative pour épidémie, elle ne pouvait statuer ainsi, sans vérifier si l'obligation de l'assureur limitée par la clause d'exclusion était essentielle compte tenu des autres risques garantis par celui ci aux termes du contrat d'assurance ; que, partant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1170 du code civil ;
5°/ que l'appréciation du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ne peut porter sur l'objet principal du contrat ; qu'à supposer que la cour d'appel ait réputé non écrite la clause d'exclusion litigieuse au motif que cette clause créerait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en privant de sa substance la garantie des pertes d'exploitation causées par une fermeture administrative pour épidémie, quand l'appréciation du déséquilibre significatif ne pouvait porter sur la garantie et ses exclusions, la cour d'appel a violé l'article 1171 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement des articles 1170 et 1171 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dès lors qu'elle a jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées.
7. Le moyen est, dès lors, inopérant.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque doivent être formelles et limitées ; qu'une clause d'exclusion est formelle lorsqu'elle se réfère à des critères précis et ne nécessite aucune interprétation ; que pour juger que l'assureur ne pouvait valablement opposer à son assuré la clause d'exclusion de garantie, l'arrêt énonce, d'abord, que la clause d'exclusion faisait expressément référence à la clause d'extension de garantie en ce qu'elle visait « une cause identique » et ne pouvait ainsi être dissociée de cette dernière ; qu'il relève, ensuite, que même si elle ne figurait pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté était soulevée par la société B4C et qui était employée dans la clause d'extension de garantie, affectait nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle était un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application était revendiquée par l'assureur ; qu'il retient, enfin, qu'à défaut de définition du terme « épidémie » dans les documents contractuels, son emploi au sein de ceux-ci constituait un facteur de confusion pour l'assuré et que le caractère interprétable de cette notion caractérisait l'absence de caractère formel de la clause litigieuse ; qu'en statuant ainsi, cependant que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :
9. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.
10. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.
11. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt retient que même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, qui est employée dans la clause d'extension de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause d'exclusion puisqu'elle est un élément constitutif de cette exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur.
12. Il énonce, ensuite, qu'à défaut de définition du terme « épidémie » dans les documents contractuels, son emploi au sein de ceux-ci constitue un facteur de confusion pour l'assuré dès lors qu'il s'agit d'une notion qui présente un caractère interprétable.
13. Il en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse.
14. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
15. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « qu'une clause d'exclusion est limitée lorsqu'elle ne vide pas la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle laisse subsister une garantie qui n'est pas dérisoire ; qu'en affirmant que la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévalait était insuffisamment limitée au regard des exigences posées par la loi aux motifs qu'elle regroupait l'ensemble des établissements sans distinguer selon leur nature et leur activité, que l'échelle départementale choisie par l'assureur apparaissait particulièrement vaste et que la contagiosité constituait un facteur déterminant de la notion d'épidémie, qui se heurtait à l'hypothèse d'une pathologie cantonnée à un seul établissement, cependant que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :
16. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées.
17. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.
18. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que la clause litigieuse regroupe l'ensemble des établissements sans distinguer selon leur nature ou leur activité, et ce, à une échelle départementale qui apparaît particulièrement vaste.
19. Il en déduit que la clause d'exclusion de garantie s'avère insuffisamment limitée au regard des exigences posées par la loi.
20. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
21. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt réputant non écrite la clause d'exclusion de garantie dont se prévaut l'assureur et condamnant celui-ci à payer une certaine somme à titre d'indemnité provisionnelle entraîne la cassation du chef de dispositif de l'arrêt ordonnant une expertise, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la clause contractuelle d'exclusion est réputée non écrite et inopposable à la société B4C, en ce qu'il condamne la société Axa France IARD à verser à la société B4C la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, en ce qu'il ordonne une expertise contradictoire et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 29 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société B4C aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Cathala, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.ECLI:FR:CCASS:2024:C201140
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 novembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1140 F-D
Pourvoi n° D 23-13.113
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 NOVEMBRE 2024
La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-13.113 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2022 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société B4C, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 29 septembre 2022), la société B4C, exploitant un fonds de commerce de station service et de restaurant, a souscrit le 23 septembre 2019 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur), un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ».
2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société B4C a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même.
2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».
3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».
4. La société B4C a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses trois dernières branches
Enoncé du moyen
5. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire que la clause d'exclusion est réputée non écrite et inopposable à la société B4C et de le condamner à verser à cette dernière la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, alors :
« 3°/ qu'à supposer que la cour d'appel ait réputé non écrite la clause d'exclusion litigieuse sur le fondement des articles 1170 et 1171 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, elle a violé, par fausse application, les articles 1170 et 1171 du code civil ;
4°/ qu'à supposer que la cour d'appel ait réputé non écrite la clause d'exclusion litigieuse sur le fondement de l'article 1170 du code civil au motif que cette clause viderait de sa substance l'obligation essentielle contractée par l'assuré, qui serait de se garantir contre les pertes d'exploitation causées par une fermeture administrative pour épidémie, elle ne pouvait statuer ainsi, sans vérifier si l'obligation de l'assureur limitée par la clause d'exclusion était essentielle compte tenu des autres risques garantis par celui ci aux termes du contrat d'assurance ; que, partant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1170 du code civil ;
5°/ que l'appréciation du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ne peut porter sur l'objet principal du contrat ; qu'à supposer que la cour d'appel ait réputé non écrite la clause d'exclusion litigieuse au motif que cette clause créerait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en privant de sa substance la garantie des pertes d'exploitation causées par une fermeture administrative pour épidémie, quand l'appréciation du déséquilibre significatif ne pouvait porter sur la garantie et ses exclusions, la cour d'appel a violé l'article 1171 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement des articles 1170 et 1171 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dès lors qu'elle a jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées.
7. Le moyen est, dès lors, inopérant.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque doivent être formelles et limitées ; qu'une clause d'exclusion est formelle lorsqu'elle se réfère à des critères précis et ne nécessite aucune interprétation ; que pour juger que l'assureur ne pouvait valablement opposer à son assuré la clause d'exclusion de garantie, l'arrêt énonce, d'abord, que la clause d'exclusion faisait expressément référence à la clause d'extension de garantie en ce qu'elle visait « une cause identique » et ne pouvait ainsi être dissociée de cette dernière ; qu'il relève, ensuite, que même si elle ne figurait pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté était soulevée par la société B4C et qui était employée dans la clause d'extension de garantie, affectait nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle était un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application était revendiquée par l'assureur ; qu'il retient, enfin, qu'à défaut de définition du terme « épidémie » dans les documents contractuels, son emploi au sein de ceux-ci constituait un facteur de confusion pour l'assuré et que le caractère interprétable de cette notion caractérisait l'absence de caractère formel de la clause litigieuse ; qu'en statuant ainsi, cependant que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :
9. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.
10. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.
11. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt retient que même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, qui est employée dans la clause d'extension de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause d'exclusion puisqu'elle est un élément constitutif de cette exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur.
12. Il énonce, ensuite, qu'à défaut de définition du terme « épidémie » dans les documents contractuels, son emploi au sein de ceux-ci constitue un facteur de confusion pour l'assuré dès lors qu'il s'agit d'une notion qui présente un caractère interprétable.
13. Il en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse.
14. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
15. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « qu'une clause d'exclusion est limitée lorsqu'elle ne vide pas la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle laisse subsister une garantie qui n'est pas dérisoire ; qu'en affirmant que la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévalait était insuffisamment limitée au regard des exigences posées par la loi aux motifs qu'elle regroupait l'ensemble des établissements sans distinguer selon leur nature et leur activité, que l'échelle départementale choisie par l'assureur apparaissait particulièrement vaste et que la contagiosité constituait un facteur déterminant de la notion d'épidémie, qui se heurtait à l'hypothèse d'une pathologie cantonnée à un seul établissement, cependant que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :
16. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées.
17. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.
18. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que la clause litigieuse regroupe l'ensemble des établissements sans distinguer selon leur nature ou leur activité, et ce, à une échelle départementale qui apparaît particulièrement vaste.
19. Il en déduit que la clause d'exclusion de garantie s'avère insuffisamment limitée au regard des exigences posées par la loi.
20. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
21. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt réputant non écrite la clause d'exclusion de garantie dont se prévaut l'assureur et condamnant celui-ci à payer une certaine somme à titre d'indemnité provisionnelle entraîne la cassation du chef de dispositif de l'arrêt ordonnant une expertise, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la clause contractuelle d'exclusion est réputée non écrite et inopposable à la société B4C, en ce qu'il condamne la société Axa France IARD à verser à la société B4C la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, en ce qu'il ordonne une expertise contradictoire et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 29 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société B4C aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Cathala, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
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