Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-19.475
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300657
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 28 septembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, du 10 mai 2022Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 septembre 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 657 F-D
Pourvoi n° Y 22-19.475
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2023
M. [J] [X], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Y 22-19.475 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Central Parc Neige, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Les Mandataires, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [T], pris en sa qualité de mandataire judiciaire de M. [J] [X],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [X], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société civile immobilière Central Parc Neige, après débats en l'audience publique du 11 juillet 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 mai 2022), pour la construction d'un immeuble d'habitation, la société civile immobilière Central parc neige (la SCI) a confié une mission de maîtrise d'oeuvre de conception à M. [X].
2. Le chantier a été interrompu à la suite de la plainte de riverains dénonçant la hauteur de cette construction, susceptible d'excéder celle mentionnée au permis de construire et d'enfreindre les règles du plan local d'urbanisme.
3. Un permis de construire modificatif prévoyant de diminuer la hauteur des faîtages a été obtenu le 4 mai 2016.
4. Se prévalant d'une erreur de conception, la SCI a, après expertise, assigné M. [X] en indemnisation de ses préjudices. Celui-ci a sollicité, à titre reconventionnel, le paiement du solde de ses honoraires.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [X] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la SCI plusieurs sommes à titre de provision à valoir sur la réparation de ses préjudices, les frais irrépétibles et les dépens, alors « que le jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-21 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que par jugement rendu le 25 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Gap, M. [X] a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ; qu'en confirmant néanmoins le jugement qui a condamné M. [X] à payer à la Sci Central Parc Neige une provision de 246 708 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. La SCI conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que M. [X] n'a pas prétendu en appel que la règle de l'interruption des poursuites individuelles justifiée par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde s'opposait à sa condamnation en paiement et qu'il l'invoque pour la première fois devant la Cour de cassation.
7. Cependant, ce moyen, dont l'examen ne nécessite aucune constatation de fait que la décision frappée de pourvoi ne comporterait pas, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.
8. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 622-21, L. 622-22 et R. 622-20 du code de commerce :
9. Il résulte de ces textes que le jugement qui ouvre la sauvegarde interrompt les instances en cours qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, que ces instances sont reprises dès que le créancier a produit à la juridiction saisie une copie de la déclaration de sa créance et qu'il a mis en cause le mandataire judiciaire et l'administrateur, lorsque ce dernier a pour mission d'assister le débiteur, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
10. La cour d'appel confirme le jugement du 12 octobre 2020 ayant condamné M. [X] à verser à la SCI plusieurs sommes à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice, les dépens et les frais irrépétibles et y ajoutant, le condamne à payer une somme complémentaire au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et aux dépens.
11. En statuant ainsi, après avoir constaté que le mandataire judiciaire de M. [X], désigné en cette qualité suivant jugement de sauvegarde du 25 septembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Gap, était partie à l'instance et que la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant lui avaient été régulièrement signifiées les 31 décembre 2020 et 11 février 2021, la cour d'appel, qui, ayant connaissance de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de M. [X], était tenue de relever, au besoin d'office, les effets attachés au principe de l'interruption des poursuites individuelles, a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. M. [X] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement du solde de ses honoraires, alors « que la demande en paiement d'un solde d'honoraires formée par l'architecte ne peut être écartée au motif qu'il a manqué à ses obligations lorsque l'architecte a été condamné à indemniser le préjudice résultant des fautes commises ; qu'en jugeant, pour débouter M. [X] de sa demande en paiement de la somme de 18 000 euros au titre du solde de ses honoraires, que la SCI était en droit de lui opposer l'exception d'inexécution de ses obligations, quand elle avait par ailleurs décidé que les manquements commis par M. [X] l'obligeaient à indemniser la totalité du préjudice subi, la cour d'appel a violé l'article 1149 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de réparation intégrale du préjudice :
13. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.
14. Pour rejeter la demande de M. [X] et dispenser la SCI de payer le solde du prix des prestations par lui exécutées, l'arrêt retient que le maître de l'ouvrage était en droit d'opposer l'exception d'inexécution des obligations de son cocontractant pour refuser de payer le solde des honoraires.
15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait indemnisé la SCI des conséquences des fautes commises par M. [X], la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [X] entièrement responsable du préjudice subi par la SCI Central parc neige du fait de l'erreur de conception affectant les plans de l'immeuble, le condamne à payer à la SCI [Adresse 3] une somme de 246 708 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice, rejette la demande de M. [X] en paiement du solde de ses honoraires, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 10 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société civile immobilière Central parc neige aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Central parc neige et la condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ;
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 septembre 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 657 F-D
Pourvoi n° Y 22-19.475
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2023
M. [J] [X], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Y 22-19.475 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Central Parc Neige, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Les Mandataires, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [T], pris en sa qualité de mandataire judiciaire de M. [J] [X],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [X], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société civile immobilière Central Parc Neige, après débats en l'audience publique du 11 juillet 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 mai 2022), pour la construction d'un immeuble d'habitation, la société civile immobilière Central parc neige (la SCI) a confié une mission de maîtrise d'oeuvre de conception à M. [X].
2. Le chantier a été interrompu à la suite de la plainte de riverains dénonçant la hauteur de cette construction, susceptible d'excéder celle mentionnée au permis de construire et d'enfreindre les règles du plan local d'urbanisme.
3. Un permis de construire modificatif prévoyant de diminuer la hauteur des faîtages a été obtenu le 4 mai 2016.
4. Se prévalant d'une erreur de conception, la SCI a, après expertise, assigné M. [X] en indemnisation de ses préjudices. Celui-ci a sollicité, à titre reconventionnel, le paiement du solde de ses honoraires.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [X] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la SCI plusieurs sommes à titre de provision à valoir sur la réparation de ses préjudices, les frais irrépétibles et les dépens, alors « que le jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-21 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que par jugement rendu le 25 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Gap, M. [X] a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ; qu'en confirmant néanmoins le jugement qui a condamné M. [X] à payer à la Sci Central Parc Neige une provision de 246 708 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. La SCI conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que M. [X] n'a pas prétendu en appel que la règle de l'interruption des poursuites individuelles justifiée par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde s'opposait à sa condamnation en paiement et qu'il l'invoque pour la première fois devant la Cour de cassation.
7. Cependant, ce moyen, dont l'examen ne nécessite aucune constatation de fait que la décision frappée de pourvoi ne comporterait pas, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.
8. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 622-21, L. 622-22 et R. 622-20 du code de commerce :
9. Il résulte de ces textes que le jugement qui ouvre la sauvegarde interrompt les instances en cours qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, que ces instances sont reprises dès que le créancier a produit à la juridiction saisie une copie de la déclaration de sa créance et qu'il a mis en cause le mandataire judiciaire et l'administrateur, lorsque ce dernier a pour mission d'assister le débiteur, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
10. La cour d'appel confirme le jugement du 12 octobre 2020 ayant condamné M. [X] à verser à la SCI plusieurs sommes à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice, les dépens et les frais irrépétibles et y ajoutant, le condamne à payer une somme complémentaire au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et aux dépens.
11. En statuant ainsi, après avoir constaté que le mandataire judiciaire de M. [X], désigné en cette qualité suivant jugement de sauvegarde du 25 septembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Gap, était partie à l'instance et que la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant lui avaient été régulièrement signifiées les 31 décembre 2020 et 11 février 2021, la cour d'appel, qui, ayant connaissance de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de M. [X], était tenue de relever, au besoin d'office, les effets attachés au principe de l'interruption des poursuites individuelles, a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. M. [X] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement du solde de ses honoraires, alors « que la demande en paiement d'un solde d'honoraires formée par l'architecte ne peut être écartée au motif qu'il a manqué à ses obligations lorsque l'architecte a été condamné à indemniser le préjudice résultant des fautes commises ; qu'en jugeant, pour débouter M. [X] de sa demande en paiement de la somme de 18 000 euros au titre du solde de ses honoraires, que la SCI était en droit de lui opposer l'exception d'inexécution de ses obligations, quand elle avait par ailleurs décidé que les manquements commis par M. [X] l'obligeaient à indemniser la totalité du préjudice subi, la cour d'appel a violé l'article 1149 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de réparation intégrale du préjudice :
13. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.
14. Pour rejeter la demande de M. [X] et dispenser la SCI de payer le solde du prix des prestations par lui exécutées, l'arrêt retient que le maître de l'ouvrage était en droit d'opposer l'exception d'inexécution des obligations de son cocontractant pour refuser de payer le solde des honoraires.
15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait indemnisé la SCI des conséquences des fautes commises par M. [X], la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [X] entièrement responsable du préjudice subi par la SCI Central parc neige du fait de l'erreur de conception affectant les plans de l'immeuble, le condamne à payer à la SCI [Adresse 3] une somme de 246 708 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice, rejette la demande de M. [X] en paiement du solde de ses honoraires, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 10 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société civile immobilière Central parc neige aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Central parc neige et la condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ;
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