chambre civile 2
Audience publique du jeudi 1 février 2018
N° de pourvoi: 16-16.886
Non publié au bulletin Rejet
Mme Flise (président), président
SCP Boullez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses troisième à sixième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 18 février 2016), qu'estimant être victime d'un détournement de clientèle de la part de son ancien gérant ayant créé une société dénommée Réseauplast, active dans le même secteur d'activité que le sien, la société Cana Plast a saisi le juge des requêtes d'une demande de mesure d'instruction au siège de la société Réseauplast ; que la société Réseauplast a saisi le juge des référés à fin de rétractation de l'ordonnance sur requête ayant autorisé les investigations ;
Attendu que la société Cana Plast fait grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance sur requête, d'annuler les procès-verbaux de constat de l'huissier de justice et tous actes subséquents et de la condamner, sous astreinte, à restituer à la société Réseauplast toutes les copies de fichiers effectuées par l'huissier de justice ou de justifier de leur destruction, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges sont tenus de ne pas dénaturer les pièces sur lesquelles ils se fondent ; que l'ordonnance sur requête du 28 mai 2015 donnait mission à l'huissier de justice « d'établir une synthèse des résultats de ses recherches sous forme d'un constat écrit mettant en valeur le nom des clients communs identifiés au cours de ses recherches, et précisant la nature des pièces justificatives permettant de prouver leur présence au sein des clients démarchés par Réseauplast, ainsi que, dans la mesure du possible, le montant des commandes ou marchés en jeu » ; qu'en énonçant que la mesure d'investigation sollicitée n'était pas légalement admissible en raison de sa généralité, dès lors qu'elle n'était pas limitée aux seuls clients éventuellement communs aux deux sociétés, la cour d'appel, qui a dénaturé l'ordonnance sur requête du 28 mai 2015, a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que les juges sont tenus de ne pas dénaturer les pièces sur lesquelles ils se fondent ; que la requête présentée par la société Cana Plast au président du tribunal de commerce d'Albi le 28 mai 2015 énonçait qu' « il est indispensable de faire cesser les procédés déloyaux utilisés par Serge Z... » et qu' « un constat par ministère d'huissier de justice de l'identité des clients de sa nouvelle société parait indispensable pour vérifier le lien avec la société Cana Plast » ; qu'en énonçant que la mesure d'investigation sollicitée n'était pas légalement admissible en raison de sa généralité, dès lors qu'elle n'était pas limitée aux seuls clients éventuellement communs des deux sociétés, la cour d'appel, qui a ainsi dénaturé la requête de la société Cana Plast, a de nouveau violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; que si la mesure d'investigation sollicitée doit être circonscrite, cette qualité s'apprécie au regard des faits dont pourrait dépendre la solution du litige potentiel, peu important l'étendue des mesures ; qu'au cas d'espèce, tant l'ordonnance sur requête du 28 mai 2015 que la requête elle-même énonçaient clairement que les investigations de l'huissier de justice avait pour objet la recherche des clients communs aux sociétés Cana Plast et Réseauplast, en vue de prouver des actes de concurrence déloyale commis par la société Réseauplast par le truchement de son associé et cogérant M. Z..., par ailleurs associé et ancien salarié de la société Cana Plast ; qu'en estimant néanmoins que la mesure d'investigation sollicitée n'était pas légalement admissible en raison de sa généralité, dès lors qu'elle n'était pas limitée aux seuls clients éventuellement communs des deux sociétés, quand il n'était pas retenu par ailleurs que la mesure concernait des faits autres que ceux dont pourrait dépendre la solution du litige potentiel, la cour d'appel a en tout état de cause violé l'article 145 du code de procédure civile ;
4°/ que la mesure d'instruction in futurum a précisément pour objet de permettre la conservation ou l'établissement avant tout procès de la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, s'il existe un motif légitime à cette fin ; qu'aussi, il ne peut être exigé du requérant qu'il produise d'ores et déjà des éléments de nature à prouver la réalité des faits pour lesquels la mesure d'instruction est sollicitée ; qu'au cas d'espèce, en retenant, pour rétracter l'ordonnance sur requête, que la société Cana Plast ne produisait pas d'éléments susceptibles de mettre en évidence l'éventuelle réalité des actes de concurrence déloyale allégués, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une condition non prévue par la loi, a violé les articles 145 et 146 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de la cause, que la société Cana Plast ne démontrait pas la réalité des allégations sur lesquelles elle se fondait pour suspecter des faits de concurrence déloyale de nature à constituer un litige potentiel, la cour d'appel, qui n'a pas fait peser sur la requérante l'obligation d'établir le bien-fondé de son action, a par ce seul motif caractérisant l'absence de motif légitime de nature à justifier le prononcé d'une mesure d'instruction in futurum, et abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par les troisième, quatrième et cinquième branches du moyen, légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première et deuxième branches du premier moyen et sur le second moyen annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cana Plast aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Réseauplast la somme de 3 000 euros ;
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.