lundi 26 février 2018

Agé de cinq ans et déjà verbalisé pour stationnement irrégulier !

Note Bouchet, D. 2018, p. 399.

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 14 novembre 2017
N° de pourvoi: 17-80.893
Publié au bulletin Cassation

M. Soulard (président), président




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :


-
Alexander X...,


contre le jugement de la juridiction de proximité d'ANNONAY, en date du 12 décembre 2016, qui, pour infractions à la réglementation sur le stationnement des véhicules, l'a condamné à 38 euros et 75 euros d'amende ;


La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 octobre 2017 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Cathala, Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Mme de-Lamarzelle, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Lemoine ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ASCENSI et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;

Vu les mémoires personnels et les observations complémentaires produits ;

Sur la recevabilité du mémoire reçu le 19 décembre 2016 :

Attendu que ce mémoire, signé par un avocat au barreau de l'Ardèche, ne porte pas la signature du demandeur, non plus que celle de l'un de ses représentants légaux, l'intéressé étant mineur ; que, dès lors, n'étant pas conforme aux prescriptions des articles 584 du code de procédure pénale et 24 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, dont il se déduit que, lorsque le demandeur au pourvoi est mineur, le mémoire personnel doit être signé soit par ce dernier, soit par son représentant légal, il est irrecevable et ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il pourrait contenir ;

Sur la recevabilité des mémoires reçus le 2 juin 2017 :

Attendu que ces mémoires, produits après le dépôt du rapport, sont irrecevables par application de l'article 590 du code de procédure pénale ;

Sur le moyen soulevé d'office, après avis donné aux parties, pris de la violation de l'article 122-8, alinéa 1, du code pénal ;

Vu les articles 122-8 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, seuls les mineurs capables de discernement peuvent être déclarés pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables ;

Attendu que, selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure qu'Alexander X..., mineur âgé de 5 ans, a été poursuivi devant la juridiction de proximité d'Annonay des chefs de stationnement irrégulier en zone de stationnement payant et de stationnement gênant sur une voie publique spécialement désignée par arrêté, comme étant titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule ayant fait l'objet des procès-verbaux de constatation de ces infractions ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits qui lui étaient reprochés, le jugement retient notamment qu'il ne justifie pas de l'une des situations qui l'auraient autorisé à stationner sur l'emplacement 3 place Paul Sevin à Tournon (07) et qu'il a bien stationné son véhicule rue Dauphin François sans acquitter la redevance due ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le prévenu était capable de discernement, la juridiction de proximité a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le moyen soulevé d'office, après avis donné aux parties, pris de la violation des article 111-3 du code pénal et 21 de l'ordonnance du 2 février 1945 ;

Vu les articles 111-3 du code pénal et 21 de l'ordonnance du 2 février 1945 ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu que, selon le second, sous réserve de l'application des articles 524 à 530-1 du code de procédure pénale, les contraventions de police des quatre premières classes, commises par les mineurs, sont déférées au tribunal de police siégeant dans les conditions de publicité prescrites à l'article 14 pour le tribunal pour enfants ; que si la contravention est établie, le tribunal pourra soit simplement admonester le mineur, soit prononcer la peine d'amende prévue par la loi ; que, toutefois, les mineurs de treize ans ne pourront faire l'objet que d'une admonestation ;

Attendu qu'après avoir déclaré Alexander X... coupable de stationnement irrégulier en zone de stationnement payant et de stationnement gênant sur une voie publique spécialement désignée par arrêté, comme étant titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule ayant fait l'objet des procès-verbaux de constatation de ces infractions, le jugement attaqué l'a condamné à 38 et 75 euros d'amende ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, à l'encontre d'un mineur âgé de cinq ans, une peine non prévue par l'article 21 de l'ordonnance du 2 février 1945, la juridiction de proximité a méconnu les textes et principes ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;

Par ces motifs ;

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement susvisé de la juridiction de proximité d'Annonay, en date du 12 décembre 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal de police de Privas à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

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