mercredi 28 février 2018

Eoliennes - compétence et séparation des pouvoirs

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 14 février 2018
N° de pourvoi: 17-14.703
Publié au bulletin Cassation

Mme Batut (président), président
Me Occhipinti, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, ensemble la loi des 16-24 août 1793 et le décret du 16 fructidor an III ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par arrêté du 8 avril 2005, le préfet du Morbihan a délivré à la société ZJN Grundstucks-Verwaltungs GmbH un permis de construire quatre éoliennes et un poste de livraison sur une parcelle située sur le territoire de la commune de Guern ; que, par arrêté du 3 décembre 2007, ce permis a été transféré à la société Parc éolien Guern (la société) ; que trois éoliennes ont été mises en service à compter du 29 décembre 2008 ; que, par arrêt du 7 avril 2010, devenu définitif à la suite du rejet du pourvoi par décision du Conseil d'Etat du 28 septembre 2012, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé l'arrêté préfectoral du 8 avril 2005 ; que l'Association contre le projet éolien de Guern, M. X... et quatorze autres riverains ont assigné la société, sur le fondement des articles L. 480-13 du code de l'urbanisme et 1382, devenu 1240 du code civil, pour voir ordonner le démontage des éoliennes et du poste de livraison et obtenir le paiement de dommages-intérêts ; que celle-ci a soulevé l'incompétence de la juridiction judiciaire pour connaître de la demande tendant à la démolition desdites installations ;

Attendu que, pour accueillir cette exception et décliner la compétence judiciaire, l'arrêt retient que, même si la juridiction administrative, en annulant le permis de construire, a sanctionné le non-respect des prescriptions en matière d'urbanisme, le juge judiciaire ne peut ordonner la démolition des éoliennes litigieuses, dès lors qu'une telle mesure aurait pour effet de remettre en cause la poursuite de l'activité de ces installations, qui relèvent, pour leur exploitation, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;

Attendu, cependant, que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s'oppose seulement à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter des installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'ainsi, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître de la demande tendant à l'enlèvement d'une éolienne, au motif que son implantation ou son fonctionnement serait susceptible de compromettre la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques, l'agriculture, la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, l'utilisation rationnelle de l'énergie, ou la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ; qu'en revanche, lorsque le permis autorisant la construction d'une telle installation a été annulé par la juridiction administrative, le juge judiciaire est compétent pour ordonner la démolition de l'éolienne implantée en méconnaissance des règles d'urbanisme ;

D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société Parc éolien Guern aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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