Arrêt n° 106 du 31 janvier 2018 (16-21.697) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2018:C100106
Séparation des pouvoirsCassation partielle
Demandeur : la société BTSG, société civile professionnelle, prise en la personne de M. Marc X..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Médoc gourmandDéfendeur : le trésorier de Castelnau-de-Médoc ; et autre
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le
14 septembre 1990, une convention de location-vente d’une usine relais a
été conclue entre la commune de Castelnau-de-Médoc (la commune) et la
société Le Médoc gourmand, exerçant une activité de fabrication de
pâtisseries industrielles ; qu’en 1991, la commune a fait édifier le
bâtiment à usage industriel, sous la maîtrise d’oeuvre de M. Y...,
architecte, et de la société Bureau d’études Aquitec (la société
Aquitec) ; que le lot climatisation a été confié à la société Hervé
thermique ; qu’une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de
la société Général accident, aux droits de laquelle se trouve la société
Aviva Insurance Limited ; que les travaux ont été réceptionnés avec
réserves le 19 septembre 1991 ; que, le 20 novembre suivant, la société
Le Médoc gourmand, entrée dans les lieux le 21 octobre, a dénoncé à la
commune un problème de condensation provoquant des moisissures sur les
pâtisseries et des dégradations des revêtements muraux ; que, le 22
septembre 1992, la commune a adressé une déclaration de sinistre à
l’assureur dommages-ouvrage ; que, par acte authentique du 27 avril
1993, la commune a consenti à la société Le Médoc gourmand un
crédit-bail portant sur l’immeuble en cause, pour une durée de seize
années ayant commencé à courir rétroactivement le 1er novembre 1991,
assorti d’une promesse unilatérale de vente ; que deux compresseurs
frigorifiques défaillants ont été remplacés par la société Hervé
thermique, mais les conséquences de cette défaillance, matérialisées par
la présence de nappes de condensation importantes, n’ont pas été prises
en charge par cette société et son assureur ; que la commune a assigné
M. Y..., la société Aquitec et la société Hervé thermique en
indemnisation de ses préjudices ; que, par jugement du 30 septembre
1999, devenu irrévocable, le tribunal administratif de Bordeaux a
condamné M. Y..., la société Aquitec et la société Hervé thermique à
payer à la commune la somme de 942 315,73 euros ; que, le 6 juillet
2000, la commune et la société Le Médoc gourmand ont conclu une
transaction, aux termes de laquelle la commune s’est engagée à reverser
cette indemnité à la société Le Médoc gourmand, celle-ci faisant son
affaire personnelle des travaux de mise aux normes et s’engageant à
payer les loyers dus entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1999 ;
qu’en outre, elle s’est obligée, après perception effective d’une partie
de l’indemnité pour préjudice commercial devant lui être versée à
l’occasion de l’action engagée par elle à l’encontre des constructeurs,
soit à reprendre le paiement des loyers, soit à réaliser le rachat
anticipé du bâtiment ; que, le 27 janvier 2003, le trésorier de
Castelnau-de-Médoc (le trésorier) a émis trois titres exécutoires à
l’encontre de la société Le Médoc gourmand, pour obtenir paiement des
loyers dus pour les années 2000, 2001 et 2002 ; que celle-ci a saisi la
juridiction judiciaire pour voir prononcer l’annulation de ces titres et
juger que la commune avait commis une faute dans la mise en oeuvre de
l’assurance dommages-ouvrage ; qu’un jugement du 3 août 2016 a placé la
société Le Médoc gourmand en liquidation judiciaire, la société BTSG,
prise en la personne de M. X..., étant nommée mandataire judiciaire à
cette liquidation ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la société BTSG, ès
qualités, fait grief à l’arrêt de rejeter les demandes formées par la
société Le Médoc gourmand contre la commune et le trésorier ;
Attendu qu’après avoir relevé que le
contrat de crédit-bail conclu entre les parties prévoyait que,
s’agissant des réparations relevant de la garantie des articles 1792 et
suivants du code civil, « la commune donn[ait] mandat général à la
société preneur d’exercer les droits et actions du bailleur contre tout
tiers quelconque qu’il appartiendra », l’arrêt retient que, par ces
stipulations conventionnelles dérogatoires aux articles 1719 et 1720 du
code civil, la société Le Médoc gourmand a accepté, d’une part, de
décharger la commune de toute responsabilité au titre des désordres ou
des malfaçons tenant tant à la conception qu’à la réalisation de
l’immeuble, d’autre part, la charge de toutes les réparations, y compris
celles qui incombaient normalement au bailleur ; qu’il énonce, sans
dénaturation, que la mention insérée au paragraphe 4 relatif à l’état
des lieux, aux termes de laquelle la commune, par l’intermédiaire de son
assureur, s’engage à remédier aux malfaçons constatées à concurrence du
montant accordé, n’est pas en contradiction avec la décharge de
responsabilité stipulée par ailleurs ; que la cour d’appel a pu en
déduire qu’aucune faute délictuelle ne pouvait être retenue à l’encontre
de la commune ; qu’elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa
décision de ce chef ;
Mais sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches :
Vu les articles L. 2131-1 et L. 2131-2
du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction
alors en vigueur, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu qu’il résulte des deux premiers
de ces textes qu’à défaut de transmission au représentant de l’Etat dans
le département ou à son délégué dans l’arrondissement, la délibération
d’un conseil municipal autorisant la conclusion d’une transaction est
dépourvue de force exécutoire ;
Attendu que, pour écarter le moyen tiré
de la nullité de la transaction du 6 juillet 2000, soulevé par la
société Le Médoc gourmand, et valider les titres exécutoires émis contre
elle, l’arrêt retient que cette société ne peut remettre en question le
caractère exécutoire de la délibération du conseil municipal du 23 juin
2000 ayant autorisé la conclusion du contrat, au motif qu’elle n’aurait
pas été transmise au contrôle de légalité antérieurement à la signature
de la convention, dès lors qu’elle ne justifie pas avoir exercé, en
temps utile, un recours de ce chef devant l’autorité administrative et
le juge administratif, l’appréciation de la régularité d’un tel acte ne
relevant pas de la compétence du juge judiciaire ;
Attendu, cependant, que le défaut de
transmission au préfet de la délibération du conseil municipal
autorisant la conclusion d’un contrat de droit privé est sans incidence
sur la légalité de cette délibération ; que, celle-ci étant dépourvue de
force exécutoire, il appartient au juge judiciaire de constater, au vu
d’une jurisprudence établie du juge administratif, l’illégalité de la
décision du maire de signer le contrat, en raison de son incompétence ;
qu’un contrat de droit privé qui ne remplit pas les conditions requises
pour sa validité est nul ; que la méconnaissance des dispositions
d’ordre public relatives à la compétence de l’autorité signataire d’un
contrat conclu au nom d’une commune est sanctionnée par la nullité
absolue ; que, dès lors, en l’absence de justification de la
transmission au préfet de la délibération autorisant la conclusion d’une
transaction, le juge judiciaire doit prononcer l’annulation de ce
contrat, lorsqu’il est saisi d’écritures en ce sens, sauf à constater
que le contrat a reçu un commencement d’exécution et que la nullité a
été soulevée, par voie d’exception, après l’expiration du délai de
prescription de l’action ;
D’où il suit qu’en statuant comme elle
l’a fait, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et violé
les textes susvisés ;
Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les cinquième et sixième branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il
rejette les demandes formées par la société Le Médoc gourmand à
l’encontre de la commune de Castelnau-de-Médoc et du trésorier de
Castelnau-de-Médoc, l’arrêt rendu le 6 juillet 2016, entre les parties,
par la cour d’appel de Bordeaux ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Canas, conseiller référendaire
Avocat général : M. Ride
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard - SCP Sevaux et Mathonnet
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