mardi 26 avril 2022

L'acquisition de parts sociales ne suffisait pas, à elle seule, à exclure la qualité de consommateur

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 avril 2022




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 347 F-B

Pourvoi n° N 20-19.043









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2022

1°/ M. [T] [I],
2°/ Mme [B] [C] [U], épouse [I],

domiciliés tous deux [Adresse 7],

ont formé le pourvoi n° N 20-19.043 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant à la société caisse de Crédit mutuel [Localité 1] Joffre, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 1] [Localité 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. et Mme [I], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société caisse de Crédit mutuel [Localité 1] Joffre, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 juin 2020), suivant acte notarié du 7 mars 2007, la caisse de Crédit mutuel [Localité 1] Joffre (la banque) a consenti à M. et Mme [I] (les emprunteurs) un prêt destiné à acquérir des parts sociales.

2. La banque a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires des emprunteurs aux fins de recouvrement des sommes dues au titre du prêt.

3. Invoquant la prescription de la créance de la banque, les emprunteurs ont agi en annulation du procès-verbal de saisie-attribution.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de constater l'absence de prescription et de valider la saisie-attribution, alors « que la circonstance qu'un prêt soit destiné à financer l'acquisition de parts sociales n'exclut pas, par lui-même et dans tous les cas, que l'emprunteur soit qualifié de consommateur ; qu'en affirmant, d'une manière générale et absolue, que l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation n'était pas applicable au prêt litigieux dès lors que cette opération était destinée à financer l'acquisition de parts sociales, ce qui excluait que les emprunteurs puissent être considérés comme des consommateurs, la cour d'appel a violé ce texte. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La banque conteste la recevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté.

6. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation :

7. Selon ce texte, l'action des professionnels, pour les biens ou services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

8. La personne physique qui souscrit un prêt destiné à financer l'acquisition de parts sociales ne perd la qualité de consommateur que si elle agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle.

9. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale de l'action en recouvrement de la banque, l'arrêt retient que l'opération était destinée à financer l'acquisition de parts sociales, ce qui exclut que les emprunteurs puissent être considérés comme des consommateurs.

10. En statuant ainsi, alors que l'acquisition de parts sociales ne suffisait pas, à elle seule, à exclure la qualité de consommateur des emprunteurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux dernières branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la caisse de Crédit mutuel [Localité 1] Joffre aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de Crédit mutuel [Localité 1] Joffre et la condamne à payer à M. et Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ;

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