mardi 12 avril 2022

La notification par l'entreprise d'un mémoire antérieurement au prononcé de la réception expresse ne pouvait faire courir le délai imparti au maître de l'ouvrage pour notifier le décompte général définitif

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 avril 2022




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 306 F-D

Pourvoi n° G 19-25.268




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2022

La société Chorus Line, société civile, dont le siège est chez l'Immobilière Thevot, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 19-25.268 contre l'arrêt rendu le 27 août 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Electricité industrielle JP Fauché, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Chorus Line, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Electricité industrielle JP Fauché, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 27 août 2019), la société Electricité industrielle JP Fauché (la société Fauché), se prévalant de l'acceptation tacite du mémoire définitif des sommes qu'elle estimait lui être dues au titre d'un marché de travaux réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la société Chorus Line, résultant de l'absence de notification par le maître de l'ouvrage du décompte définitif dans le délai contractuellement convenu, a assigné celui-ci en paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

2. La société Chorus Line fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une somme au titre du solde du marché, alors « que le contrat fait la loi des parties ; qu'il résulte de la norme P 03-001, lorsqu'elle a été contractuellement choisie par les parties, que l'entrepreneur ne peut adresser son mémoire de décompte définitif qu'après la réception de l'ouvrage ou la résiliation du marché ; qu'en jugeant que la société Électricité Industrielle JP Fauché pouvait adresser son mémoire de décompte définitif avant même la signature de l'acte de réception, dès lors qu'elle était « en mesure de justifier de l'achèvement des travaux » lesquels « seraient alors entièrement réalisés et contrôlables », tandis que la norme P 03-001 subordonne l'envoi du mémoire de décompte définitif à la réception de l'ouvrage ou la résiliation du marché, car seuls ces événements mettent en mesure le maître de l'ouvrage de vérifier les travaux effectivement accomplis, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

3. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

4. Pour dire que le mémoire définitif de la société Fauché a été accepté tacitement par la société Chorus Line et condamner celle-ci à lui payer un solde de marché, l'arrêt retient que les délais contractuellement prévus, résultant de la norme Afnor NF P 03-001, ne peuvent pas s'interpréter comme ayant pour effet de sanctionner un entrepreneur diligent ayant établi son décompte avant la réception, dès lors qu'il serait en mesure de justifier de l'achèvement des travaux et que ceux-ci seraient réalisés et contrôlables.

5. Il ajoute que les travaux ont été exécutés et suivis de la délivrance du consuel le 13 mai 2014, puis d'un avis favorable de la commission de sécurité le 4 juin 2014 et de l'ouverture au public de l'établissement qui a été inauguré le 7 juillet 2014.

6. Il relève, enfin, que le procès-verbal de réception, établi par le maître d'oeuvre le 31 décembre 2014, a fixé la date de réception au 4 juillet précédent, et en déduit que celle-ci constitue le point de départ du délai d'établissement du mémoire définitif de l'entrepreneur.

7. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'article 19.5.1 de la norme Afnor, visée par les pièces du marché, disposait que l'entrepreneur remettait au maître d'oeuvre le mémoire définitif des sommes qu'il estimait lui être dues en application du marché dans le délai de soixante jours à dater de la réception ou de la résiliation, de sorte que, la date des opérations de réception constituant le point de départ de la procédure conventionnelle d'arrêté des comptes, la notification par l'entreprise d'un mémoire antérieurement au prononcé de la réception expresse ne pouvait faire courir le délai imparti au maître de l'ouvrage pour notifier le décompte général définitif, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 août 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Electricité industrielle JP Fauché aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.