mardi 5 avril 2022

La subrogation de l'assureur n'exige pas que le paiement ait été fait entre les mains de l'assuré lui-même

 Note Krajeski, RCA 2022-6-, p. 29.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 31 mars 2022




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 369 F-B

Pourvoi n° B 20-17.147




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2022

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 20-17.147 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2020 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant à la société Helvetia assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Helvetia assurances, et après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mars 2020), M. [P] a fait l'acquisition auprès de la société ACM-Chantier naval de Colombelles (ACM) d'un bateau de plaisance, qu'il a assuré, en vertu d'un contrat d'assurance de dommages, auprès de la société Axa France IARD (l'assureur). La société CGI Finance, crédit-bailleresse, a financé cette acquisition.

2. A la suite d'un sinistre survenu le 21 août 2008 et au vu des conclusions d'une expertise judiciaire, l'assureur a assigné la société Helvetia assurances, en qualité d'assureur de la société ACM, devant un tribunal de commerce aux fins de condamnation à lui payer la somme de 207 843,57 euros qu'elle avait versée à titre d'indemnisation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. L'assureur fait grief à l'arrêt de condamner la société Helvetia assurances à lui régler la seule somme de 80 888,76 euros alors :

« 1°/ que le jeu de la subrogation légale n'exige pas que le paiement de l'indemnité d'assurance ait été opéré entre les mains de l'assuré lui-même, pourvu qu'il ait été fait pour son compte ; qu'en ayant jugé que l'assureur ne pouvait pas se prévaloir de la subrogation légale, concernant la somme de 126 954,81 euros qui était finalement revenue à la société CGI Finance, crédit-bailleresse du bateau assuré, sans rechercher si le paiement de la somme de 126 954,81 euros à la société CGI Finance n'avait pas, comme il résultait de la pièce n° 10 versée aux débats, été opéré par le conseil de l'assureur laquelle avait déposé l'indemnité dans son intégralité, en un seul chèque, sur le compte Carpa de son avocat), sur ordre de M. [P], assuré, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 121-12 du code des assurances ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant jugé que l'assureur ne pouvait se prévaloir de la subrogation légale, concernant la somme de 126 954,81 euros qui était finalement revenue à la société CGI Finance, propriétaire du bateau, sans répondre aux conclusions de l'exposante, ayant fait valoir que c'était sur ordre de M. [P], assuré, qu'elle avait réglé cette somme à la société CGI Finance qui s'était d'ailleurs manifestée auprès de l'assureur, en tant que crédit-bailleresse du bateau, pour faire opposition au paiement de l'entière indemnité entre les mains de l'assuré, ce dont il résultait que le paiement litigieux avait été opéré par l'assureur au nom et pour le compte de l'assuré, ce qui autorisait le jeu de la subrogation légale, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 121-12 du code des assurances :

4. Ce texte, selon lequel l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui ont causé le dommage, La subrogation de l'assureur.

5. Pour limiter au montant de 80 888,76 euros la somme que la société Helvetia assurances doit à l'assureur au titre du recours subrogatoire formé, l'arrêt, après avoir constaté que ce dernier, bien qu'il ait versé une somme totale de 207 843,57 euros, limite sa demande à la somme de 205 308,37 euros, qui correspond à l'évaluation réalisée par l'expert judiciaire, énonce qu'il résulte des pièces produites par M. [P], l'assuré, qu'il a perçu de l'assureur la seule somme de 80 888,76 euros, une autre somme, de 126 954,81 euros, ayant été versée par l'assureur à la société CGI Finance, crédit-bailleresse.

6. La décision ajoute que, pour bénéficier de la subrogation légale de plein droit, l'assureur doit justifier qu'il a effectivement payé l'indemnité d'assurance et que le paiement est intervenu en exécution de l'obligation de garantie qu'il avait souscrite par contrat et qu' il n'est pas démontré que le paiement serait intervenu en exécution d'un contrat d'assurance, puisque le seul contrat d'assurance dont justifie l'assureur est celui qu'il a signé avec M. [P], aucune pièce du dossier ne permettant de considérer que la société CGI Finance ait eu la qualité d'assurée et le seul fait qu'elle ait été propriétaire du bateau, au jour du sinistre, ne suffit pas à justifier qu'elle ait bénéficié de partie de l'indemnité d'assurance ce dont elle déduit que, faute pour l'assureur de démontrer qu'il bénéficie de la subrogation légale s'agissant de la somme versée à la société CGI Finance, et en l'absence de quittance subrogative, sa demande en paiement de la somme de 126 954,81 euros ne saurait prospérer.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le paiement de cette somme n'avait pas été opéré, au titre de l'indemnisation d'assurance, sur ordre et pour le compte de l'assuré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Helvetia assurances à payer à la société Axa France IARD la somme de 80 888,76 euros et dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2013 et que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 19 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Helvetia assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Helvetia assurances et la condamne à payer à la société Axa France IARD la somme de 3 000 euros ;

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