mercredi 12 novembre 2025

Les maîtres de l'ouvrage s'étaient réservés par une clause particulière de l'acte de vente, les actions dont le maître de l'ouvrage est titulaire

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 23 octobre 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, présidente



Arrêt n° 493 F-D

Pourvoi n° D 23-20.266




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 OCTOBRE 2025

1°/ M. [O] [W], domicilié [Adresse 2] (Maroc),

2°/ Mme [Z] [I], divorcée [W], domiciliée [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° D 23-20.266 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2023 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Fidelidade - Companhia de Seguros, dont le siège est [Adresse 4] (Portugal), société de droit étranger, prise en sa qualité d'assureur de la société Cool Haven,

2°/ à la société Cool Haven, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 6] (Portugal),

3°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], prise en sa qualité d'assureur de la société Sarp,

4°/ à la société Lloyd's Insurance Company, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 5] (Belgique), prise en sa qualité d'assureur de M. [V],

défenderesses à la cassation.

Les sociétés Cool Haven et Gan assurances ont formé, chacune, un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.

La société Cool Haven, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La société Gan assurances, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseillère, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. et Mme [W], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Lloyd's Insurance Company, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Fidelidade-Companhia de Seguros, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, de Me Soltner, avocat de la société Cool Haven, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Foucher-Gros, conseillère rapporteure, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 27 juin 2023), M. et Mme [W] (les maîtres de l'ouvrage) ont confié une mission de maîtrise d'oeuvre à M. [V], assuré auprès de la société Lloyd's Insurance Company.

2. Ils ont ensuite commandé à la société Cool Haven, assurée auprès de la société Fidelidade-Companhia de Seguros (la société Fidelidade) la fabrication d'une structure pour un pavillon et confié à la société Sarp, assurée auprès de la société Gan assurances, les lots « terrassement et réseaux, maçonnerie, enduit, pose des fournitures Cool Haven ».

3. Se plaignant de malfaçons et de désordres, notamment d'infiltrations, les maîtres de l'ouvrage ont assigné les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs en référé-expertise.

4. Après avoir vendu leur immeuble, ils ont assigné au fond, les sociétés Cool Haven, Fidelidade, Gan assurances, Lloyd's Insurance Compagny et M. [V] en indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi incident de la société Gan assurances et sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi incident de la société Cool Haven

5. En application de l'article 1014, alinéa 2 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen du pourvoi incident de la société Cool Haven

Enoncé du moyen

6. La société Cool Haven fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Gan assurances, M. [V] et la société Lloyd's, en sa qualité d'assureur décennal de ce dernier, à payer aux maîtres de l'ouvrage certaines sommes au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble et du préjudice de jouissance, et de fixer le partage de responsabilité entre coobligés à la dette, alors « qu'est réputé constructeur de l'ouvrage tout entrepreneur lié au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ; que le fournisseur de matériaux qui n'est pas intervenu dans la réalisation des travaux affectés de désordres de nature décennale n'est pas lié au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage et ne peut être assimilé à un constructeur de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, pour dire que la société Cool Haven était liée à M. et Mme [W] par un contrat de louage d'ouvrage et devait être assimilée à un constructeur de l'ouvrage, la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, retenu que le procès-verbal de réception de chantier avait été établi par elle, qu'elle avait mentionné sur ce procès-verbal que les éléments mobiliers endommagés par le dégât des eaux seraient pris en charge par son assureur et qu'elle s'était impliquée dans la remise en état des désordres au point d'avoir envisagé de proposer aux maîtres de l'ouvrage une remise de prix ; qu'en statuant de la sorte, au regard de circonstances factuelles toutes postérieures à la réalisation des travaux de désordres de nature décennale et, partant, impropres à établir que la société Cool Haven était intervenue dans la réalisation desdits travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Ayant constaté que, selon son marché, la société Cool Haven avait conçu et fabriqué la structure du pavillon, ce dont il résultait l'existence d'un travail spécifique destiné à répondre à des besoins particuliers, la cour d'appel a pu en déduire que celle-ci était liée aux maîtres de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage.

8. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

9. Les maîtres de l'ouvrage font grief à l'arrêt de condamner la société Cool Haven, la société Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, M. [V] et la société Lloyd's Insurance Compagny, en sa qualité d'assureur décennal de M. [V], à leur payer, in solidum, les seules sommes de 42 144,05 euros au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble, et de 3 600 euros au titre du préjudice de jouissance, et de rejeter leurs autres demandes, alors :

« 1°/ que le jugement de première instance condamnait « solidairement la société de droit portugais Cool Haven et la compagnie d'assurances société Fidelidade, la société Gan assurances, M. [V] et la société Lloyd's Insurance Compagny à payer à M. et Mme [W], une certaine somme, sans mentionner que cette indemnité leur était allouée au titre des seuls désordres décennaux ; qu'en estimant néanmoins, pour en déduire qu'en sollicitant confirmation du jugement dans les termes de leurs écritures d'appel, M. et Mme [W] n'auraient plus réclamé, à hauteur d'appel, d'indemnisation au titre des désordres relevant de la responsabilité de droit commun, que le jugement aurait condamné les constructeurs et assureurs susmentionnés à leur payer cette somme « au titre des désordres décennaux », cependant que le dispositif du jugement ne disait pas que cette somme était allouée à ce seul titre, la cour d'appel a dénaturé cette décision, violant ainsi l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que dans ses motifs, le jugement de première instance précisait, d'une part, que M. et Mme [W] avaient un droit à indemnisation, s'agissant des demandes fondées sur la garantie décennale, à hauteur de la somme de 56 409,47 euros, au titre des travaux de remise en état, et à hauteur de la somme de 4 000 euros, au titre du préjudice de jouissance, puis, s'agissant des demandes fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun, à hauteur de la somme de 18 483,91 euros au titre du coût des travaux de remise en état, d'autre part, que les maîtres de l'ouvrage devaient être indemnisés à hauteur de la somme de 33 890,41 euros au titre de la garantie de bon fonctionnement ; qu'en son dispositif, le jugement condamnait les constructeurs et assureurs à payer à M. et Mme [W] la somme de 98 116,49 euros et certains d'entre eux à leur verser la somme de 33 890,41 euros ; qu'il ressortait donc clairement dudit jugement que la première des sommes mentionnées à son dispositif correspondait aux indemnités dues au titre de la garantie décennale et de la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs, et la seconde de ces sommes à l'indemnité due au titre de la garantie de bon fonctionnement, de sorte que la somme de 18 483,91 euros, s'agissant des désordres relevant de la responsabilité contractuelle de droit commun, n'avait pas été omise dans le dispositif de cette décision ; qu'en retenant néanmoins, pour en déduire qu'en sollicitant confirmation du jugement dans les termes de leurs écritures d'appel, M. et Mme [W] n'auraient plus réclamé, à hauteur d'appel, d'indemnisation au titre des désordres relevant de la responsabilité de droit commun, que le jugement entrepris aurait condamné les constructeurs et assureurs susmentionnés à payer à M. et Mme [W] la somme de 98 116,49 euros « au titre des désordres décennaux » et que, s'agissant des désordres relevant de la responsabilité de droit commun, il aurait omis, dans son dispositif, la somme de 18 483,91 euros mentionnée dans la motivation du jugement, la cour d'appel a dénaturé ledit jugement, violant ainsi l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que par leurs dernières écritures d'appel, M. et Mme [W] avaient sollicité la confirmation du jugement de première instance, sauf en ce qu'il avait écarté la condamnation de la société Lloyd's Insurance Compagny, assureur de M. [V], au titre de désordres relevant de la garantie de bon fonctionnement, et en ce qu'il avait limité la réparation du préjudice de jouissance à la somme de 4 000 euros, ainsi, enfin, qu'en ce qu'il avait condamné les maîtres de l'ouvrage à payer à la société Cool Haven la somme de 33 890,41 euros (correspondant au solde prétendument impayé du prix des travaux) ; qu'il ressortait ainsi clairement des écritures d'appel des maîtres de l'ouvrage qu'ils sollicitaient confirmation du jugement en ce qu'il fixait les indemnités dues aux maîtres de l'ouvrage au titre du coût de reprise des désordres relevant, tant de la garantie décennale, que de la responsabilité de droit commun ; qu'en estimant néanmoins que M. et Mme [W] sollicitaient confirmation du jugement entrepris en ce qu'il aurait condamné les constructeurs et assureurs susmentionnés à leur payer la somme de 98 116,49 euros « au titre des désordres décennaux » , la cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel des maîtres de l'ouvrage, violant ainsi derechef l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause. »


Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

10. Pour rejeter les demandes des maîtres de l'ouvrage présentées au titre des désordres relevant de la responsabilité contractuelle des constructeurs, l'arrêt retient, d'une part, que le tribunal avait intégré ces désordres dans sa motivation mais les avait omis du dispositif du jugement, d'autre part, que les maîtres de l'ouvrage ont demandé la confirmation du jugement en ce qu'il leur a été alloué une indemnité au titre des désordres décennaux.

11. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il ressortait du dispositif du jugement que la somme de 8 116,49 euros qui avait été allouée aux maîtres de l'ouvrage ne l'était pas au seul titre de la responsabilité décennale et correspondait à l'addition des indemnités retenues tant à ce titre qu'au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun et de la garantie de bon fonctionnement, d'autre part, que les maîtres de l'ouvrage n'ont pas limité leur demande de confirmation de la décision de première instance à la seule indemnité allouée au titre de la garantie décennale, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du jugement et des conclusions des maîtres de l'ouvrage, a violé le principe susvisé.

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. Les maîtres de l'ouvrage font grief à l'arrêt de limiter à la somme de 42 144,05 euros la condamnation indemnitaire prononcée à leur profit et à l'encontre, in solidum, de la société Cool Haven et de la société Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, ainsi que de M. [V] et de la société Lloyd's Insurance Compagny, en sa qualité d'assureur décennal de ce dernier, au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble, alors « que tout constructeur d'un ouvrage engage sa responsabilité décennale, responsabilité de plein droit, envers le maître de l'ouvrage, au titre des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en se bornant, pour écarter une indemnisation des maîtres de l'ouvrage sur le fondement de la responsabilité décennale, au titre du coût de la réfection de la couverture bac acier, à relever que cette réfection ne relevait pas des « désordres examinés par l'expert », et en ne vérifiant pas, comme l'y invitaient pourtant M. et Mme [W] par leurs dernières écritures d'appel, si le désordre concerné, quand bien même il n'aurait pas été examiné par l'expert, ne constituait pas un désordre relevant de la garantie décennale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792 du code civil :

13. Selon ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

14. Pour écarter l'indemnisation du coût de réfection de la toiture bac acier, « partie nuit », l'arrêt retient que ce coût ne fait pas partie des désordres examinés par l'expert.

15. En se déterminant ainsi, par un motif impropre et sans rechercher, comme il le lui incombait, si les maîtres de l'ouvrage ne rapportaient pas la preuve d'un désordre de nature décennale affectant la couverture bac acier, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche

16. Les maîtres de l'ouvrage font le même grief à l'arrêt, alors « que les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle, ni perte, ni profit ; que le maître de l'ouvrage ayant vendu l'immeuble, dès lors qu'il est recevable à agir, a un droit à indemnisation au titre de l'ensemble des conséquences des désordres engageant la responsabilité du constructeur ; que, si l'indemnité est fixée en considération du coût des travaux nécessaires à la reprise de ces désordres, aucun des frais s'y rapportant, tels les frais de coordination, ne peut être exclu au motif que les travaux concernés ne seront jamais réalisés par le maître de l'ouvrage ; qu'en se fondant néanmoins, pour exclure l'indemnisation de M. et Mme [W] au titre du coût des frais de coordination des travaux de reprise des désordres engageant la responsabilité des constructeurs, sur la considération selon laquelle les travaux ne seraient jamais réalisés par les maîtres de l'ouvrage, la cour d'appel s'est déterminée par une considération impropre et, partant, a violé le texte susvisé, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »





Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

17. La société Gan assurances conteste la recevabilité du moyen, pris en sa deuxième branche. Elle soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

18. Cependant, dans leurs conclusions d'appel, les maîtres de l'ouvrage avaient demandé le paiement des frais de coordination des travaux, en faisant valoir que ces travaux devaient être mis à la charge des constructeurs et assureurs au titre de la garantie décennale.

19. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1792 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice :

20. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués en réparation des dommages dont sont responsables de plein droit les constructeurs doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour le maître de l'ouvrage ni perte ni profit.

21. Il s'ensuit que tous dommages, matériels et immatériels, consécutifs aux désordres de l'ouvrage, doivent être réparés par le constructeur tenu à garantie en application de ce texte.

22. Pour exclure les frais de coordination des travaux de l'indemnisation au titre de la garantie décennale, l'arrêt retient qu'aucun des travaux ne sera jamais réalisé par les maîtres de l'ouvrage.

23. En statuant ainsi, après avoir retenu que les maîtres de l'ouvrage s'étaient réservés par une clause particulière de l'acte de vente, les actions dont le maître de l'ouvrage est titulaire, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident de la société Gan assurances et sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident de la société Cool Haven, rédigés en termes identiques, réunis




Enoncé des moyens

24. Par leur moyen, la société Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, et la société Cool Haven font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec M. [V] et la société Lloyd's Insurance Company, en sa qualité d'assureur décennal de ce dernier, à payer certaines sommes aux maîtres de l'ouvrage au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble, et du préjudice de jouissance, et de fixer le partage de responsabilité entre co-obligés à la dette, alors « que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, pour contester la prise en charge, sur le fondement de la garantie décennale, de la somme de 9 602,95 euros TTC, incluse dans le chiffrage des travaux de reprise du désordre n° 19 lié aux infiltrations d'eau dans l'arrière-cuisine, d'un montant total de 10 000,36 euros TTC, l'exposante a fait valoir que cette somme correspondait seulement à des travaux « préventifs » relatifs à la couverture de la maison, destinés à éviter la survenance d'autres désordres, et qu'elle était donc sans lien avec le désordre n° 19 lui-même ; qu'en écartant la prise en compte du coût de ces travaux préventifs, tout en les intégrant dans l'indemnité globale allouée à M. et Mme [W] au titre de la garantie décennale, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

25. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.

26. Pour fixer à la somme de 42 144,05 euros la somme allouée aux maîtres de l'ouvrage au titre du coût réparatoire des désordres de nature décennale, l'arrêt retient que celle-ci se rapporte aux travaux de reprise en lien avec les infiltrations, et qu'il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il avait pris en compte le coût de travaux préventifs.

27. En statuant ainsi, alors que le coût des travaux préventifs dont elle excluait la prise en compte était inclus dans la somme qu'elle a retenue, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi incident de la société Gan assurances et sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi incident de la société Cool Haven, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé des moyens

28. Par leur moyen, la société Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, et la société Cool Haven font le même grief à l'arrêt, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; que le juge ne peut substituer un fondement juridique à celui sur lequel les parties fondent leurs demandes, sans les inviter à présenter leurs observations sur ce moyen de droit relevé d'office ; qu'en l'espèce, M. et Mme [W] ont demandé la réparation des désordres n° 6 et 7 affectant la porte coulissante et le volet roulant du bureau, à hauteur des sommes respectives de 1 262,75 euros TTC et 138,60 euros TTC, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs, et non sur celui de la garantie décennale ; qu'aucune partie n'a invoqué ce fondement pour ces désordres ; qu'en retenant d'office que ces désordres n° 6 et 7 relevaient de la garantie décennale, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

29. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

30. Pour condamner les sociétés Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, et Cool Haven à payer aux maîtres de l'ouvrage une certaine somme au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble, l'arrêt retient que les désordres numéros 6 et 7 affectant le bureau et diverses autres pièces relèvent de cette garantie.

31. En statuant ainsi, alors que les maîtres de l'ouvrage sollicitaient la réparation de ces désordres sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré du caractère décennal de ceux-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

32. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui condamne in solidum la société Cool Haven, la société Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, M. [V], la société Lloyd's Insurance Company, en sa qualité d'assureur décennal de M. [V], à payer aux maîtres de l'ouvrage la somme de 42 144,05 euros au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble entraîne la cassation des chefs de dispositif condamnant in solidum les mêmes à payer aux maîtres de l'ouvrage la somme de 3 600 euros au titre du préjudice de jouissance, fixant le partage de responsabilité et disant que les sociétés Gan assurances et Lloyd's Insurance Company sont fondées à opposer les franchises contractuelles applicables à l'indemnisation du préjudice immatériel relevant des garanties facultatives, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Mise hors de cause

33. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Fidelidade, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme [W] présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs, condamne in solidum la société Cool Haven, la société Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, M. [V], la société Lloyd's Insurance Company, en sa qualité d'assureur décennal de M. [V], à payer à M. et Mme [W] la somme de 42 144,05 euros au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble et la somme de 3 600 euros au titre du préjudice de jouissance, dit que, dans les rapports respectifs, les fautes ont concouru aux préjudices dans les proportions suivantes : la société Cool Haven un tiers, la société Sarp un tiers, M. [V] un tiers, dit que les sociétés Gan assurances et Lloyd's Insurance Company sont fondées à opposer les franchises contractuelles applicables à l'indemnisation du préjudice immatériel relevant des garanties facultatives, l'arrêt rendu le 27 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la société Fidelidade-Companhia de Seguros ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-trois octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300493

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