Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 18-21.694
- ECLI:FR:CCASS:2022:C100235
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 16 mars 2022
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 21 juin 2018Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 235 F-D
Pourvoi n° C 18-21.694
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
La société SET, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 18-21.694 contre l'arrêt rendu le 21 juin 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société Agence de la mer, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société SET, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Agence de la mer, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 juin 2018), le 29 octobre 2009, la société SET a donné mandat à la société Agence de la mer, ainsi qu'à deux autres agents immobiliers, de vendre neuf hectares d'un tènement immobilier, au prix de 8 000 000 euros. Le mandat prévoyait qu'au-delà de ce montant, la différence sur le prix de vente serait acquise au bénéfice exclusif des agents immobiliers.
2. Le 30 décembre 2010, par l'entremise des trois agents immobiliers, la société SET a conclu, avec la société italienne Brand Partners Retail Development, une promesse unilatérale de vente avec faculté de substitution. Le prix était fixé à 10 500 000 euros hors taxes, décomposé comme suit : 5 000 000 euros payable comptant le jour de la vente, au titre du prix de vente, et 5 500 000 euros au titre d'une indemnité forfaitaire, payable à l'obtention des permis de construire et autorisations commerciales, prévue au plus tard le 30 avril 2014.
3. Le 14 février 2011, a été conclu, par acte sous seing privé, un « protocole d'accord sur versement de commissions vente SARL SET à société Brand Partners Retail Development », prévoyant de rémunérer les trois intermédiaires à parts égales à hauteur de 133 333 euros chacun au 30 avril 2011 et de 233 333 euros chacun au 30 avril 2014, soit une commission totale de 1 100 000 euros au lieu de 2 500 000 euros.
4. Le 6 octobre 2011, l'acte authentique de vente a été conclu entre la société SET et la société Brand Partners Retail Development, devenue Le Muy Developpement, avec une modification des modalités financières, à savoir que le prix de vente de 5 000 000 euros était payable en deux fois, soit 3 500 000 euros à la signature et le solde au plus tard le 31 mars 2012.
5. Les trois agents immobiliers ont accepté que leur commission soit modulée selon les mêmes modalités et la société Agence de la mer a émis une première facture de 93 333,33 euros, laquelle a été payée.
6. Le 29 mars 2012, le vendeur et l'acquéreur ont prorogé au 30 septembre 2012 la date d'exigibilité du solde du prix de vente de 1 500 000 euros. La société Agence de la mer a accepté que le paiement du solde de sa commission soit reporté à la même date et a émis une facture de 40 000 euros en date du 20 septembre 2012, laquelle n'a pas été payée.
7. Le 29 octobre 2012, la société SET a contesté la validité du mandat de la société Agence de la mer et lui a indiqué que, le règlement de la somme de 40 000 euros n'étant pas exigible, elle serait réglée au jour où elle aura perçu le solde du prix de vente de 1 500 000 euros.
8. Le 1er août 2013, la société Agence de la mer a assigné la société SET en paiement de la somme de 40 000 euros.
9. Après avoir adressé, le 30 avril 2014, au terme prévu pour l'exigibilité de la seconde partie de sa commission, une facture de 233 333 euros à la société SET, la société Agence de la mer a sollicité, en cours de procédure, le paiement de cette somme.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. La société SET fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Agence de la mer la somme de 233 333 euros, outre des intérêts, alors « qu'en l'absence de mandat conforme aux exigences de la loi du 2 janvier 1970, le mandant ne peut reconnaître le droit à rémunération de l'agent immobilier que postérieurement à la réitération de la vente par acte authentique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, par protocole d'accord du 14 février 2011, conclu antérieurement à l'acte authentique de vente du 6 octobre 2011, la société SET avait accepté de verser une commission à la société Agence de la mer ; elle a, en outre, relevé que par courrier du 29 octobre 2012, postérieur à la signature de l'acte authentique, la société SET avait indiqué à la société Agence de la mer que « le solde de la commission sera réglé de convention expresse entre les parties, au jour où la SARL SET aura perçu le solde du prix de vente soit 1 500 000 euros » ; qu'en retenant, pour condamner la société SET à payer à la société Agence de la mer la somme de 233 333 euros correspondant à la commission due au titre de l'indemnité forfaitaire de 5,5 millions d'euros exigible après obtention des autorisations administratives, que la société SET avait ainsi reconnu le droit de la société Agence de la mer à percevoir l'intégralité de la commission stipulée dans le protocole du 14 février 2011, quand il résultait de ses propres constatations que la société SET avait uniquement reconnu le droit de la société Agence de la mer à percevoir sa commission au titre du solde du prix de vente de 1,5 millions d'euros, d'un montant 40 000 euros TTC, la cour d'appel a violé les articles 6, 6-1, 6-2 et 7 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, ensemble l'article 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 dans sa rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
11. La société Agence de la mer conteste la recevabilité du moyen, en ce qu'il serait contraire aux écritures d'appel.
12. Cependant, le moyen, qui n'est pas contraire aux conclusions d'appel de la société SET ayant sollicité le rejet des demandes en paiement, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 :
13. Si l'une des parties peut s'engager, hors mandat, à rémunérer les services de l'agent immobilier, cet engagement n'est valable que lorsqu'il est postérieur à la réitération de la vente par acte authentique.
14. Pour condamner la société SET à payer à la société Agence de la mer la somme de 233 333 euros, après avoir relevé que le mandat du 29 octobre 2009 ne répondait pas exigences de la loi susvisée, l'arrêt retient que, la société SET, ayant expressément reconnu le droit de la société Agence de la mer à percevoir sa commission au titre de la transaction intervenue, ne peut se prévaloir de la nullité du mandat pour refuser le paiement prévu par les parties.
15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que, postérieurement à la vente intervenue par acte authentique du 6 octobre 2011, la société SET ne s'était engagée à payer à la société Agence de la mer que la commission de 40 000 euros due sur le solde du prix de vente de 1 500 000 euros, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société SET à payer à la société Agence de la mer la somme de 233 333 euros avec intérêts au taux légal augmenté de sept points à compter du 30 novembre 2012 et dit qu'il sera fait application de l'article 1154 (ancien) du code civil pour cette condamnation, l'arrêt rendu le 21 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société Agence de la mer aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Agence de la mer et la condamne à payer à la société SET la somme de 3 000 euros ;
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 235 F-D
Pourvoi n° C 18-21.694
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022
La société SET, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 18-21.694 contre l'arrêt rendu le 21 juin 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société Agence de la mer, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société SET, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Agence de la mer, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 juin 2018), le 29 octobre 2009, la société SET a donné mandat à la société Agence de la mer, ainsi qu'à deux autres agents immobiliers, de vendre neuf hectares d'un tènement immobilier, au prix de 8 000 000 euros. Le mandat prévoyait qu'au-delà de ce montant, la différence sur le prix de vente serait acquise au bénéfice exclusif des agents immobiliers.
2. Le 30 décembre 2010, par l'entremise des trois agents immobiliers, la société SET a conclu, avec la société italienne Brand Partners Retail Development, une promesse unilatérale de vente avec faculté de substitution. Le prix était fixé à 10 500 000 euros hors taxes, décomposé comme suit : 5 000 000 euros payable comptant le jour de la vente, au titre du prix de vente, et 5 500 000 euros au titre d'une indemnité forfaitaire, payable à l'obtention des permis de construire et autorisations commerciales, prévue au plus tard le 30 avril 2014.
3. Le 14 février 2011, a été conclu, par acte sous seing privé, un « protocole d'accord sur versement de commissions vente SARL SET à société Brand Partners Retail Development », prévoyant de rémunérer les trois intermédiaires à parts égales à hauteur de 133 333 euros chacun au 30 avril 2011 et de 233 333 euros chacun au 30 avril 2014, soit une commission totale de 1 100 000 euros au lieu de 2 500 000 euros.
4. Le 6 octobre 2011, l'acte authentique de vente a été conclu entre la société SET et la société Brand Partners Retail Development, devenue Le Muy Developpement, avec une modification des modalités financières, à savoir que le prix de vente de 5 000 000 euros était payable en deux fois, soit 3 500 000 euros à la signature et le solde au plus tard le 31 mars 2012.
5. Les trois agents immobiliers ont accepté que leur commission soit modulée selon les mêmes modalités et la société Agence de la mer a émis une première facture de 93 333,33 euros, laquelle a été payée.
6. Le 29 mars 2012, le vendeur et l'acquéreur ont prorogé au 30 septembre 2012 la date d'exigibilité du solde du prix de vente de 1 500 000 euros. La société Agence de la mer a accepté que le paiement du solde de sa commission soit reporté à la même date et a émis une facture de 40 000 euros en date du 20 septembre 2012, laquelle n'a pas été payée.
7. Le 29 octobre 2012, la société SET a contesté la validité du mandat de la société Agence de la mer et lui a indiqué que, le règlement de la somme de 40 000 euros n'étant pas exigible, elle serait réglée au jour où elle aura perçu le solde du prix de vente de 1 500 000 euros.
8. Le 1er août 2013, la société Agence de la mer a assigné la société SET en paiement de la somme de 40 000 euros.
9. Après avoir adressé, le 30 avril 2014, au terme prévu pour l'exigibilité de la seconde partie de sa commission, une facture de 233 333 euros à la société SET, la société Agence de la mer a sollicité, en cours de procédure, le paiement de cette somme.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. La société SET fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Agence de la mer la somme de 233 333 euros, outre des intérêts, alors « qu'en l'absence de mandat conforme aux exigences de la loi du 2 janvier 1970, le mandant ne peut reconnaître le droit à rémunération de l'agent immobilier que postérieurement à la réitération de la vente par acte authentique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, par protocole d'accord du 14 février 2011, conclu antérieurement à l'acte authentique de vente du 6 octobre 2011, la société SET avait accepté de verser une commission à la société Agence de la mer ; elle a, en outre, relevé que par courrier du 29 octobre 2012, postérieur à la signature de l'acte authentique, la société SET avait indiqué à la société Agence de la mer que « le solde de la commission sera réglé de convention expresse entre les parties, au jour où la SARL SET aura perçu le solde du prix de vente soit 1 500 000 euros » ; qu'en retenant, pour condamner la société SET à payer à la société Agence de la mer la somme de 233 333 euros correspondant à la commission due au titre de l'indemnité forfaitaire de 5,5 millions d'euros exigible après obtention des autorisations administratives, que la société SET avait ainsi reconnu le droit de la société Agence de la mer à percevoir l'intégralité de la commission stipulée dans le protocole du 14 février 2011, quand il résultait de ses propres constatations que la société SET avait uniquement reconnu le droit de la société Agence de la mer à percevoir sa commission au titre du solde du prix de vente de 1,5 millions d'euros, d'un montant 40 000 euros TTC, la cour d'appel a violé les articles 6, 6-1, 6-2 et 7 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, ensemble l'article 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 dans sa rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
11. La société Agence de la mer conteste la recevabilité du moyen, en ce qu'il serait contraire aux écritures d'appel.
12. Cependant, le moyen, qui n'est pas contraire aux conclusions d'appel de la société SET ayant sollicité le rejet des demandes en paiement, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 :
13. Si l'une des parties peut s'engager, hors mandat, à rémunérer les services de l'agent immobilier, cet engagement n'est valable que lorsqu'il est postérieur à la réitération de la vente par acte authentique.
14. Pour condamner la société SET à payer à la société Agence de la mer la somme de 233 333 euros, après avoir relevé que le mandat du 29 octobre 2009 ne répondait pas exigences de la loi susvisée, l'arrêt retient que, la société SET, ayant expressément reconnu le droit de la société Agence de la mer à percevoir sa commission au titre de la transaction intervenue, ne peut se prévaloir de la nullité du mandat pour refuser le paiement prévu par les parties.
15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que, postérieurement à la vente intervenue par acte authentique du 6 octobre 2011, la société SET ne s'était engagée à payer à la société Agence de la mer que la commission de 40 000 euros due sur le solde du prix de vente de 1 500 000 euros, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société SET à payer à la société Agence de la mer la somme de 233 333 euros avec intérêts au taux légal augmenté de sept points à compter du 30 novembre 2012 et dit qu'il sera fait application de l'article 1154 (ancien) du code civil pour cette condamnation, l'arrêt rendu le 21 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société Agence de la mer aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Agence de la mer et la condamne à payer à la société SET la somme de 3 000 euros ;
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