Note M. Morales, RDI 2022, p. 350.
Conseil d'État - 7ème - 2ème chambres réunies
- N° 450477
- ECLI:FR:CECHR:2022:450477.20220328
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du lundi 28 mars 2022
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société MC Bat a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'arrêter le montant du décompte général et définitif du lot n° 1 " démolition - gros œuvre " du marché de réaménagement d'une grange en bibliothèque à Sainte-Flaive-des-Loups à la somme de 101 025,22 euros TTC, d'autre part, de condamner la commune de Sainte-Flaive-des-Loups à lui verser le solde du décompte de ce marché, soit la somme de 26 462,18 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 18 octobre 2012 et de la capitalisation de ces intérêts. Par un jugement n° 1708437 du 19 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune à verser à la société une somme de 26 462,18 euros TTC, majorée des intérêts et de leur capitalisation, au titre du solde du lot n° 1 du marché, sous réserve des paiements déjà intervenus, et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par un arrêt n° 19NT03351 du 8 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel de la commune de Sainte-Flaive-des-Loups contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 mars et 8 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Sainte-Flaive-des-Loups demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la société MC Bat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Corlay, avocat de la commune de Sainte-Flaive-des-Loups et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société MC Bat ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Sainte-Flaive-des-Loups (Vendée) a entrepris en 2011 des travaux de transformation d'une grange en bibliothèque. Elle a attribué le lot n° 1 " démolition - gros œuvre " du marché à la société MC Bat par un acte d'engagement du 3 novembre 2011. La réception de l'ouvrage a été prononcée sous réserve de l'achèvement de certaines prestations, dont celles relatives à la finition de l'enduit traditionnel extérieur. Dans le décompte général transmis à la société MC Bat, la commune a notamment déduit du montant du marché une somme de 17 979,64 euros TTC au titre de la finition de l'enduit traditionnel extérieur. Contestant ce décompte, la société MC Bat a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Sainte-Flaive-des-Loups à lui verser le solde de ce décompte, d'un montant de 26 462,18 euros TTC, assorti des intérêts moratoires et de leur capitalisation. Par un jugement du 19 juin 2019, le tribunal administratif a fait droit à cette demande. Par un arrêt du 8 janvier 2021, contre lequel la commune se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux approuvé par le décret du 21 janvier 1976 (CCAG Travaux) : " Lorsque la réception est assortie de réserves, l'entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini au 1 de l'article 44. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, la personne responsable du marché peut les faire exécuter aux frais et risques de l'entrepreneur ". Aux termes de l'article 41.7 du même cahier : " Si certains ouvrages ou certaines parties d'ouvrages ne sont pas entièrement conformes aux spécifications du marché, sans que les imperfections constatées soient de nature à porter atteinte à la sécurité, au comportement ou à l'utilisation des ouvrages, la personne responsable du marché peut, eu égard à la faible importance des imperfections et aux difficultés que présenterait la mise en conformité, renoncer à ordonner la réfection des ouvrages estimés défectueux et proposer à l'entrepreneur une réfaction sur les prix. / Si l'entrepreneur accepte la réfaction, les imperfections qui l'ont motivée se trouvent couvertes de ce fait et la réception est prononcée sans réserve. / Dans le cas contraire, l'entrepreneur demeure tenu de réparer ces imperfections, la réception étant prononcée sous réserve de leur réparation ". Aux termes de l'article 41.8 : " Toute prise de possession des ouvrages par le maître de l'ouvrage, doit être précédée de leur réception. (...) ".
3. D'une part, s'il résulte des termes du dernier alinéa de l'article 41.6 du CCAG précité que le maître d'ouvrage peut faire exécuter aux frais et risques du titulaire les travaux ayant fait l'objet de réserves lors de la réception qui n'ont pas été levées dans le délai imparti au titulaire pour ce faire, il n'en résulte pas qu'il devrait le faire avant l'établissement du décompte général.
4. D'autre part, l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Toutes les conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Lorsque des réserves ont été émises lors de la réception et n'ont pas été levées, il appartient au maître d'ouvrage d'en faire état au sein de ce décompte. À défaut, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation des sommes correspondant à ces réserves. Les réserves ainsi mentionnées dans le décompte peuvent être chiffrées ou non.
5. Lorsque les réserves sont mentionnées dans le décompte sans être chiffrées, celui-ci ne devient définitif que sur les éléments n'ayant pas fait l'objet de réserves. Lorsque le maître d'ouvrage chiffre le montant de ces réserves dans le décompte et que ce montant n'a fait l'objet d'aucune réclamation de la part du titulaire, le décompte devient définitif dans sa totalité, les sommes correspondant à ces réserves pouvant être déduites du solde du marché au titre des sommes dues au titulaire au cas où celui-ci n'aurait pas exécuté les travaux permettant la levée des réserves.
6. Il suit de là qu'en jugeant que malgré l'inscription dans le décompte général et définitif d'une somme correspondant aux travaux ayant fait l'objet de réserves non levées, la commune maître d'ouvrage ne pouvait se prévaloir d'une créance correspondant à cette somme à l'encontre du titulaire au motif que ces travaux n'avaient pas été réalisés, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, la commune de Sainte-Flaive-des-Loups est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Sainte-Flaive-des-Loups qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société MC Bat la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Sainte-Flaive-des-Loups au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 8 janvier 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La société MC Bat versera à la commune de Sainte-Flaive-des-Loups la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société MC Bat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Sainte-Flaive-des-Loups et à la société MC Bat.
Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. H... I..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. D... L..., Mme A... J..., M. C... G..., M. E... K..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Didier Ribes, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 28 mars 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Didier Ribes
La secrétaire :
Signé : Mme F... B...
ECLI:FR:CECHR:2022:450477.20220328
La société MC Bat a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'arrêter le montant du décompte général et définitif du lot n° 1 " démolition - gros œuvre " du marché de réaménagement d'une grange en bibliothèque à Sainte-Flaive-des-Loups à la somme de 101 025,22 euros TTC, d'autre part, de condamner la commune de Sainte-Flaive-des-Loups à lui verser le solde du décompte de ce marché, soit la somme de 26 462,18 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 18 octobre 2012 et de la capitalisation de ces intérêts. Par un jugement n° 1708437 du 19 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune à verser à la société une somme de 26 462,18 euros TTC, majorée des intérêts et de leur capitalisation, au titre du solde du lot n° 1 du marché, sous réserve des paiements déjà intervenus, et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par un arrêt n° 19NT03351 du 8 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel de la commune de Sainte-Flaive-des-Loups contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 mars et 8 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Sainte-Flaive-des-Loups demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la société MC Bat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Corlay, avocat de la commune de Sainte-Flaive-des-Loups et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société MC Bat ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Sainte-Flaive-des-Loups (Vendée) a entrepris en 2011 des travaux de transformation d'une grange en bibliothèque. Elle a attribué le lot n° 1 " démolition - gros œuvre " du marché à la société MC Bat par un acte d'engagement du 3 novembre 2011. La réception de l'ouvrage a été prononcée sous réserve de l'achèvement de certaines prestations, dont celles relatives à la finition de l'enduit traditionnel extérieur. Dans le décompte général transmis à la société MC Bat, la commune a notamment déduit du montant du marché une somme de 17 979,64 euros TTC au titre de la finition de l'enduit traditionnel extérieur. Contestant ce décompte, la société MC Bat a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Sainte-Flaive-des-Loups à lui verser le solde de ce décompte, d'un montant de 26 462,18 euros TTC, assorti des intérêts moratoires et de leur capitalisation. Par un jugement du 19 juin 2019, le tribunal administratif a fait droit à cette demande. Par un arrêt du 8 janvier 2021, contre lequel la commune se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux approuvé par le décret du 21 janvier 1976 (CCAG Travaux) : " Lorsque la réception est assortie de réserves, l'entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini au 1 de l'article 44. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, la personne responsable du marché peut les faire exécuter aux frais et risques de l'entrepreneur ". Aux termes de l'article 41.7 du même cahier : " Si certains ouvrages ou certaines parties d'ouvrages ne sont pas entièrement conformes aux spécifications du marché, sans que les imperfections constatées soient de nature à porter atteinte à la sécurité, au comportement ou à l'utilisation des ouvrages, la personne responsable du marché peut, eu égard à la faible importance des imperfections et aux difficultés que présenterait la mise en conformité, renoncer à ordonner la réfection des ouvrages estimés défectueux et proposer à l'entrepreneur une réfaction sur les prix. / Si l'entrepreneur accepte la réfaction, les imperfections qui l'ont motivée se trouvent couvertes de ce fait et la réception est prononcée sans réserve. / Dans le cas contraire, l'entrepreneur demeure tenu de réparer ces imperfections, la réception étant prononcée sous réserve de leur réparation ". Aux termes de l'article 41.8 : " Toute prise de possession des ouvrages par le maître de l'ouvrage, doit être précédée de leur réception. (...) ".
3. D'une part, s'il résulte des termes du dernier alinéa de l'article 41.6 du CCAG précité que le maître d'ouvrage peut faire exécuter aux frais et risques du titulaire les travaux ayant fait l'objet de réserves lors de la réception qui n'ont pas été levées dans le délai imparti au titulaire pour ce faire, il n'en résulte pas qu'il devrait le faire avant l'établissement du décompte général.
4. D'autre part, l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Toutes les conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Lorsque des réserves ont été émises lors de la réception et n'ont pas été levées, il appartient au maître d'ouvrage d'en faire état au sein de ce décompte. À défaut, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation des sommes correspondant à ces réserves. Les réserves ainsi mentionnées dans le décompte peuvent être chiffrées ou non.
5. Lorsque les réserves sont mentionnées dans le décompte sans être chiffrées, celui-ci ne devient définitif que sur les éléments n'ayant pas fait l'objet de réserves. Lorsque le maître d'ouvrage chiffre le montant de ces réserves dans le décompte et que ce montant n'a fait l'objet d'aucune réclamation de la part du titulaire, le décompte devient définitif dans sa totalité, les sommes correspondant à ces réserves pouvant être déduites du solde du marché au titre des sommes dues au titulaire au cas où celui-ci n'aurait pas exécuté les travaux permettant la levée des réserves.
6. Il suit de là qu'en jugeant que malgré l'inscription dans le décompte général et définitif d'une somme correspondant aux travaux ayant fait l'objet de réserves non levées, la commune maître d'ouvrage ne pouvait se prévaloir d'une créance correspondant à cette somme à l'encontre du titulaire au motif que ces travaux n'avaient pas été réalisés, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, la commune de Sainte-Flaive-des-Loups est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Sainte-Flaive-des-Loups qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société MC Bat la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Sainte-Flaive-des-Loups au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 8 janvier 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La société MC Bat versera à la commune de Sainte-Flaive-des-Loups la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société MC Bat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Sainte-Flaive-des-Loups et à la société MC Bat.
Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. H... I..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. D... L..., Mme A... J..., M. C... G..., M. E... K..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Didier Ribes, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 28 mars 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Didier Ribes
La secrétaire :
Signé : Mme F... B...
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