mardi 4 octobre 2022

Responsabilité contractuelle de l'entrepreneur : obligation de résultat

 Note A. Caston, GP 2023-2, p. 62.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 septembre 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 668 F-D

Pourvoi n° H 21-17.984




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

1°/ Mme [G] [R], veuve [N],

2°/ M. [U] [N],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

3°/ M. [Z] [N], domicilié [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° H 21-17.984 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [J] [P],

2°/ à Mme [M] [E], épouse [P],

domiciliés tous deux [Adresse 3],

3°/ à M. [X] [C], domicilié [Adresse 4], excerçant sous l'enseigne [C] renovation,

4°/ à la caisse régionale assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire (CRAMA), dont le siège est [Adresse 1],

5°/ au syndicat intercommunal pour la collecte et le traitement des eaux usées des bassins de la Theve et de l'Ysieux (SICTEUB), dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat des consorts [N], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. et Mme [P], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat du syndicat intercommunal pour la collecte et le traitement des eaux usées des bassins de la Theve et de l'Ysieux, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [C] et de la caisse régionale assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 6 avril 2021), [T] [N] et son épouse, Mme [G] [N], ont confié à M. [C], assuré auprès de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire (la CRAMA), des travaux de rénovation et d'aménagement d'une maison d'habitation, qu'ils ont par la suite vendue à M. et Mme [P].

2. Le syndicat intercommunal pour la collecte et le traitement des eaux usées des bassins de la Thève et de l'Ysieux (le SICTEUB) avait contrôlé le raccordement de la maison au réseau d'assainissement.

3. Se plaignant de désordres, M. et Mme [P] ont assigné Mme [N], MM. [Z] et [U] [N], venant aux droits d'[T] [N], décédé (les consorts [N]), M. [C], la CRAMA et le SICTEUB.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. Les consorts [N] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de garantie formée contre M. [C] et la CRAMA, alors « que l'inexécution ou la mauvaise exécution par l'entrepreneur de ses obligations à l'égard du maître de l'ouvrage engage sa responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en considérant qu'au vu du devis n° 2011 003 établi le 20 janvier 2011, les travaux réalisés par M. [C] étaient de peu d'ampleur compte tendu de la modicité de leur prix, à savoir 1 576,71 euros toutes taxes comprises, et avaient consisté, outre des travaux de dépose de sanitaires et de carrelage, en de simples travaux de pose d'un nouveau carrelage, de dalles et d'un parquet flottant, outre la pose d'une cloison de 2,50 m², et que, par conséquent, les seuls travaux de construction avaient été ceux, extrêmement modestes, de pose du carrelage sur 7 m², et ainsi qu'en l'absence d'ouvrage construit par M. [C], la responsabilité de celui-ci ne pouvait être retenue et que les consorts [N] ne pouvait prétendre être garantis par celui-ci et son assureur, après pourtant avoir retenu que les travaux réalisés par M. [C] étaient « incontestablement à l'origine du désordre dès lors qu'il apparaît bien avoir procédé à la suppression de la cloison (comme cela résulte de la mention portée sur la facture du 20 janvier 2011 (pièce n° 6 des acquéreurs) porteuse », la cour d'appel, qui n'a pas tiré toutes les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

6. Selon ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

7. Pour rejeter la demande de garantie formée par les consorts [N] contre M. [C] et son assureur, l'arrêt retient qu'en dépit des affirmations de l'expert judiciaire, qui ne s'appuie que sur des suppositions, aucune pièce n'établit avec certitude que M. [C] aurait posé la poutre qualifiée d'insuffisante pour empêcher l'affaissement du plancher et qu'en l'absence d'ouvrage construit par M. [C], la responsabilité de celui-ci ne peut être retenue.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que l'affaissement du plancher de l'étage trouvait son origine dans l'initiative de supprimer la cloison en cuisine sans réalisation d'un portique de renfort pour reprise des appuis des solives du plancher des combles et que les travaux réalisés par M. [C], étaient à l'origine du désordre, dès lors que l'entrepreneur avait procédé à la suppression de la cloison porteuse, ce dont il résultait que l'entrepreneur avait manqué à son obligation de résultat, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

9. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause le SICTEUB, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de garantie formée par Mme [N] et MM. [U] et [Z] [N] contre M. [C] et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire, l'arrêt rendu le 6 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;


Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens autrement composée ;

Met hors de cause le syndicat intercommunal pour la collecte et le traitement des eaux usées des bassins de la Thève et de l'Ysieux ;

Condamne M. et Mme [P], M. [C] et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [C] et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire à payer à Mme [N] et MM. [U] et [Z] [N] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

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