Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 19-25.190
- ECLI:FR:CCASS:2022:C200031
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 06 janvier 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 04 octobre 2019Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 janvier 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 31 F-D
Pourvoi n° Y 19-25.190
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de [L] [U].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 octobre 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JANVIER 2022
La Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 19-25.190 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant :
1°/ à [L] [U], ayant été domiciliée [Adresse 6], décédée le 23 août 2020,
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 2],
3°/ à l'association Gardoise de protection des majeurs, dont le siège est [Adresse 5], pris en qualité de curateur de [L] [U],
4°/ à l'Agent judiciaire de l'État, domicilié [Adresse 4],
5°/ au directeur départemental des finances publiques de l'Hérault, domicilié [Adresse 3], en charge le pôle régional de gestion des patrimoines privés de Montpellier agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques désigné comme curateur à la succession vacante de [L] [U],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Agent judiciaire de l'État et du directeur départemental des finances publiques de l'Hérault en charge le pôle régional de gestion des patrimoines privés de Montpellier agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques désigné comme curateur à la succession vacante de [L] [U], et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la Caisse nationale d'assurance vieillesse de ce qu'elle reprend l'instance devant la Cour de cassation contre l'Agent judiciaire de l'Etat, en raison du décès le 23 août 2020 de [L] [U].
Intervention volontaire
2. Il est donné acte au directeur départemental des finances publiques de l'Hérault en charge du pôle régional de gestion des patrimoines privés de Montpellier, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, désigné comme curateur à la succession vacante de [L] [U], de son intervention volontaire à l'instance.
Désistement partiel
3. Il est donné acte à la Caisse nationale d'assurance vieillesse du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 octobre 2019), [L] [U] (l'assurée) ayant déclaré une modification de sa résidence en juin 2015, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (la Caisse) lui a notifié la suspension, à compter du 1er juillet 2015, du service de l'allocation supplémentaire, puis, le 16 avril 2016 à la suite d'une enquête, la suppression rétroactive de cette allocation, fixant à une certaine somme le trop-perçu pour la période du 1er janvier 2006 au 30 juin 2015.
5. L'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
6. Elle est décédée le 23 août 2020.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La Caisse fait grief à l'arrêt de ne faire droit que partiellement à sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner l'assurée au paiement d'un indu d'allocation supplémentaire, alors « que si la fraude est souverainement appréciée par les juges du fond c'est à la condition que leur appréciation soit suffisamment motivée et qu'il apparaisse que tous les éléments de preuve invoqués par la partie victime de la fraude ont été examinés ; qu'en l'espèce, pour démontrer que l'assurée avait nécessairement conscience des conséquences du transfert de sa résidence de France vers le Brésil puis le Portugal, la Caisse produisait le document intitulé « Allocation supplémentaire – Déclaration relative à la résidence » remplie et signée par l'assurée le 18 septembre 2000 ; que ce document rappelait expressément la condition de résidence en France pour le bénéfice de l'allocation, avant que l'assurée ne déclare expressément résider en France ; qu'il résultait de ce document une information précise de l'assurée sociale sur son obligation de résidence et suite à sa déclaration formelle de résidence en France, une claire conscience des conséquences de son changement de résidence pour l'étranger ; qu'en considérant qu'il n'était pas démontré que l'assurée aurait eu connaissance des conséquences de son changement de résidence sur le versement de l'allocation litigieuses sans s'expliquer sur cet élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Tout jugement doit être motivé.
9. Pour limiter la répétition de l'indu aux deux années précédant la notification, l'arrêt retient essentiellement que si l'assurée a signé le formulaire de demande d'allocation supplémentaire lequel mentionnait expressément que l'attribution de cette allocation est soumise à une condition de résidence effective sur le territoire français, il n'est pas démontré qu'elle aurait eu connaissance des conséquences d'un tel changement de résidence quant à la perception de l'allocation, ni qu'elle ait cherché à dissimuler à la caisse ses séjours à l'étranger.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des conclusions déposées par la Caisse, et n'ayant fait l'objet sur point d'aucune contestation, qu'elle produisait aux débats une déclaration relative à la résidence signée par l'assurée le 18 septembre 2000, la cour d'appel, qui n'a pas examiné, même sommairement, cette pièce, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Mise hors de cause
11. Il convient de mettre hors de cause l'Agent judiciaire de l'Etat, qui n'a pas la qualité pour défendre à l'action de la Caisse, laquelle n'entre pas dans les prévisions de l'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la Caisse nationale d'assurance vieillesse partiellement fondée en sa demande reconventionnelle et condamne [L] [U] à payer la somme de 10 538,20 euros en restitution d'indu, l'arrêt rendu le 4 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Met hors de cause l'Agent judiciaire de l'Etat ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne le directeur départemental des finances publiques de l'Hérault en charge du pôle régional de gestion des patrimoines privés de Montpellier, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, désigné comme curateur à la succession vacante de [L] [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré la caisse nationale d'assurance vieillesse partiellement fondée en sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner Mme [U] à lui payer la somme de 50 046,46 euros en restitution d'indu, d'avoir condamné Mme [U] à lui payer la somme de 10 538,20 euros seulement et d'avoir condamné la caisse nationale d'assurance vieillesse aux dépens d'appel ;
aux motifs propres que « La CNAV fait valoir que Mme [U] avait parfaitement connaissance de l'obligation de résidence imposée pour le service de l'allocation supplémentaire et qu'elle a volontairement dissimulé à la caisse ses séjours à l'étranger de sorte qu'elle est bien fondée à solliciter le remboursement de l'indu sur l'intégralité de la période allant du 1er janvier 2006 au 30 juin 2015 soit un montant de 50 046,46 euros. Mme [U] demande qu'il soit fait application de la prescription biennale et que la créance de la CNAV soit en conséquence limitée à la somme de 10 538,20 euros. Il est constant que Mme [U] a signé le formulaire de demande d'allocation supplémentaire lequel mentionnait expressément que l'attribution de cette allocation est soumise à une condition de résidence effective sur le territoire français. Cependant, force est de retenir, à l'instar des premiers juges, qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait eu connaissance des conséquences d'un tel changement de résidence quant à la perception de l'allocation litigieuse, qu'en outre, elle a été confrontée temporairement à des difficultés de santé au cours de l'année 2016 qui l'ont conduite à être placée sous mesure de sauvegarde puis sous curatelle renforcée, ce qui peut expliquer les contradictions dans ses déclarations. En outre, elle produit en cause d'appel la photocopie de la déclaration de vol de son passeport, qu'elle n'avait pas produite devant les premiers juges, établissant le vol de son passeport survenu le 22 février 2014 au Portugal. Enfin, le fait qu'elle ait pris l'initiative le 6 juin 2015 d'aviser la CNAV de son changement d'adresse au Portugal, démontre qu'elle n'a pas cherché à dissimuler à la caisse ses séjours à l'étranger. Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu l'application de la prescription biennale et condamné Mme [U] à rembourser à la CNAV la somme de 10 538,20 euros dont le calcul n'est pas contesté » ;
et aux motifs adoptés que « La CNAV s'oppose à l'application de la prescription biennale au motif qu'en signant sa demande d'attribution, Mme [U] s'était engagée, au regard des informations données dans le formulaire de demande, à l'aviser de tout changement de résidence. Elle ajoute qu'au moment de l'enquête, ses déclarations démontrent que, loin de la bonne foi alléguée par son conseil, elle a cherché par tout moyen à occulter sa résidence en dehors du territoire national. Toutefois, il n'est pas démontré qu'elle aurait eu connaissance des conséquences d'un tel changement de résidence quant à la perception de l'allocation litigieuse. Au surplus, la lecture de ses réponses parfois confuses et contradictoires, données le 24 février 2016 – alors qu'elle a fait l'objet d'une mesure de sauvegarde de justice le 30 septembre 2016 après établissement d'un certificat médical du 25 août 2016 établi par un médecin spécialiste inscrit sur la liste établie par le Procureur de la République, ce qui démontre que la procédure de mise sous curatelle renforcée était déjà en cours depuis plusieurs semaines – ne permet pas d'établir le caractère intentionnel du manquement reproché et, partant, des manoeuvres frauduleuses et fausses déclarations. Il convient dès lors de retenir l'application de la prescription biennale et de condamner Mme [U] à payer à la CNAV – qui n'a pas contesté le calcul effectué sur ce point – la somme de 10 538,20 euros » ;
1°) alors que si la fraude est souverainement appréciée par les juges du fond c'est à la condition que leur appréciation soit suffisamment motivée et qu'il apparaisse que tous les éléments de preuve invoqués par la partie victime de la fraude ont été examinés ; qu'en l'espèce, pour démontrer que Mme [U] avait nécessairement conscience des conséquences du transfert de sa résidence de France vers le Brésil puis le Portugal, la CNAV produisait (p. 11 pièces d'appel ; production n° 5) le document intitulé « Allocation supplémentaire – Déclaration relative à la résidence » remplie et signée par Mme [U] le 18 septembre 2000 ; que ce document rappelait expressément la condition de résidence en France pour le bénéfice de l'allocation, avant que Mme [U] ne déclare expressément résider en France ; qu'il résultait de ce document une information précise de l'assurée sociale sur son obligation de résidence et suite à sa déclaration formelle de résidence en France, une claire conscience des conséquences de son changement de résidence pour l'étranger ; qu'en considérant qu'il n'était pas démontré que Mme [U] aurait eu connaissance des conséquences de son changement de résidence sur le versement de l'allocation litigieuses sans s'expliquer sur cet élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) alors que si les juges apprécient souverainement l'existence d'une fraude commise par l'assuré social omettant de déclarer un changement de situation, cette appréciation cesse d'être souveraine lorsqu'elle est fondée sur des motifs erronés ; que le juge ne peut écarter la fraude commise au cours d'une période donnée en se référant à des circonstances survenues ultérieurement et ne pouvant justifier a posteriori le silence conservé par l'assuré ; que la CNAV faisait valoir que la dégradation de l'état de santé de Mme [U] à compter de 2015, justifiant la mise en place d'une mesure de protection le 30 septembre 2016, ne pouvait en soi justifier qu'elle n'ait pas cru bon de déclarer ses séjours à l'étranger entre 2006 et 2015 mais avait précisément permis de mettre à jour la dissimulation jusqu'alors pratiquée ; qu'en considérant que la fraude commise au cours de cette période ne serait pas établie par cela seul que Mme [U] a été confrontée à des difficultés de santé au cours de l'année 2016 l'ayant conduite à être placée sous mesure de sauvegarde puis sous curatelle renforcée, ceci pouvant expliquer les contradictions dans ses déclarations lors de l'enquête menée en 2016, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 815-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la cause ;
3°) alors de même qu'en retenant que le fait que Mme [U] ait pris l'initiative, le 6 juin 2015, d'aviser la CNAV de son changement d'adresse au Portugal démontrait qu'elle n'avait pas cherché à dissimuler à la caisse ses séjours à l'étranger entre 2006 et 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 815-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la cause ;
4°) alors de même encore qu'en retenant, pour exclure la fraude, que Mme [U] produisait pour la première en cause d'appel la photocopie de la déclaration de vol de son passeport, survenu le 22 février 2014 au Portugal, la cour d'appel s'est de nouveau déterminée en fonction d'une circonstance inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 815-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la cause.ECLI:FR:CCASS:2022:C200031
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 janvier 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 31 F-D
Pourvoi n° Y 19-25.190
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de [L] [U].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 octobre 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JANVIER 2022
La Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 19-25.190 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant :
1°/ à [L] [U], ayant été domiciliée [Adresse 6], décédée le 23 août 2020,
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 2],
3°/ à l'association Gardoise de protection des majeurs, dont le siège est [Adresse 5], pris en qualité de curateur de [L] [U],
4°/ à l'Agent judiciaire de l'État, domicilié [Adresse 4],
5°/ au directeur départemental des finances publiques de l'Hérault, domicilié [Adresse 3], en charge le pôle régional de gestion des patrimoines privés de Montpellier agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques désigné comme curateur à la succession vacante de [L] [U],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Agent judiciaire de l'État et du directeur départemental des finances publiques de l'Hérault en charge le pôle régional de gestion des patrimoines privés de Montpellier agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques désigné comme curateur à la succession vacante de [L] [U], et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la Caisse nationale d'assurance vieillesse de ce qu'elle reprend l'instance devant la Cour de cassation contre l'Agent judiciaire de l'Etat, en raison du décès le 23 août 2020 de [L] [U].
Intervention volontaire
2. Il est donné acte au directeur départemental des finances publiques de l'Hérault en charge du pôle régional de gestion des patrimoines privés de Montpellier, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, désigné comme curateur à la succession vacante de [L] [U], de son intervention volontaire à l'instance.
Désistement partiel
3. Il est donné acte à la Caisse nationale d'assurance vieillesse du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 octobre 2019), [L] [U] (l'assurée) ayant déclaré une modification de sa résidence en juin 2015, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (la Caisse) lui a notifié la suspension, à compter du 1er juillet 2015, du service de l'allocation supplémentaire, puis, le 16 avril 2016 à la suite d'une enquête, la suppression rétroactive de cette allocation, fixant à une certaine somme le trop-perçu pour la période du 1er janvier 2006 au 30 juin 2015.
5. L'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
6. Elle est décédée le 23 août 2020.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La Caisse fait grief à l'arrêt de ne faire droit que partiellement à sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner l'assurée au paiement d'un indu d'allocation supplémentaire, alors « que si la fraude est souverainement appréciée par les juges du fond c'est à la condition que leur appréciation soit suffisamment motivée et qu'il apparaisse que tous les éléments de preuve invoqués par la partie victime de la fraude ont été examinés ; qu'en l'espèce, pour démontrer que l'assurée avait nécessairement conscience des conséquences du transfert de sa résidence de France vers le Brésil puis le Portugal, la Caisse produisait le document intitulé « Allocation supplémentaire – Déclaration relative à la résidence » remplie et signée par l'assurée le 18 septembre 2000 ; que ce document rappelait expressément la condition de résidence en France pour le bénéfice de l'allocation, avant que l'assurée ne déclare expressément résider en France ; qu'il résultait de ce document une information précise de l'assurée sociale sur son obligation de résidence et suite à sa déclaration formelle de résidence en France, une claire conscience des conséquences de son changement de résidence pour l'étranger ; qu'en considérant qu'il n'était pas démontré que l'assurée aurait eu connaissance des conséquences de son changement de résidence sur le versement de l'allocation litigieuses sans s'expliquer sur cet élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Tout jugement doit être motivé.
9. Pour limiter la répétition de l'indu aux deux années précédant la notification, l'arrêt retient essentiellement que si l'assurée a signé le formulaire de demande d'allocation supplémentaire lequel mentionnait expressément que l'attribution de cette allocation est soumise à une condition de résidence effective sur le territoire français, il n'est pas démontré qu'elle aurait eu connaissance des conséquences d'un tel changement de résidence quant à la perception de l'allocation, ni qu'elle ait cherché à dissimuler à la caisse ses séjours à l'étranger.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des conclusions déposées par la Caisse, et n'ayant fait l'objet sur point d'aucune contestation, qu'elle produisait aux débats une déclaration relative à la résidence signée par l'assurée le 18 septembre 2000, la cour d'appel, qui n'a pas examiné, même sommairement, cette pièce, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Mise hors de cause
11. Il convient de mettre hors de cause l'Agent judiciaire de l'Etat, qui n'a pas la qualité pour défendre à l'action de la Caisse, laquelle n'entre pas dans les prévisions de l'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la Caisse nationale d'assurance vieillesse partiellement fondée en sa demande reconventionnelle et condamne [L] [U] à payer la somme de 10 538,20 euros en restitution d'indu, l'arrêt rendu le 4 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Met hors de cause l'Agent judiciaire de l'Etat ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne le directeur départemental des finances publiques de l'Hérault en charge du pôle régional de gestion des patrimoines privés de Montpellier, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, désigné comme curateur à la succession vacante de [L] [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré la caisse nationale d'assurance vieillesse partiellement fondée en sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner Mme [U] à lui payer la somme de 50 046,46 euros en restitution d'indu, d'avoir condamné Mme [U] à lui payer la somme de 10 538,20 euros seulement et d'avoir condamné la caisse nationale d'assurance vieillesse aux dépens d'appel ;
aux motifs propres que « La CNAV fait valoir que Mme [U] avait parfaitement connaissance de l'obligation de résidence imposée pour le service de l'allocation supplémentaire et qu'elle a volontairement dissimulé à la caisse ses séjours à l'étranger de sorte qu'elle est bien fondée à solliciter le remboursement de l'indu sur l'intégralité de la période allant du 1er janvier 2006 au 30 juin 2015 soit un montant de 50 046,46 euros. Mme [U] demande qu'il soit fait application de la prescription biennale et que la créance de la CNAV soit en conséquence limitée à la somme de 10 538,20 euros. Il est constant que Mme [U] a signé le formulaire de demande d'allocation supplémentaire lequel mentionnait expressément que l'attribution de cette allocation est soumise à une condition de résidence effective sur le territoire français. Cependant, force est de retenir, à l'instar des premiers juges, qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait eu connaissance des conséquences d'un tel changement de résidence quant à la perception de l'allocation litigieuse, qu'en outre, elle a été confrontée temporairement à des difficultés de santé au cours de l'année 2016 qui l'ont conduite à être placée sous mesure de sauvegarde puis sous curatelle renforcée, ce qui peut expliquer les contradictions dans ses déclarations. En outre, elle produit en cause d'appel la photocopie de la déclaration de vol de son passeport, qu'elle n'avait pas produite devant les premiers juges, établissant le vol de son passeport survenu le 22 février 2014 au Portugal. Enfin, le fait qu'elle ait pris l'initiative le 6 juin 2015 d'aviser la CNAV de son changement d'adresse au Portugal, démontre qu'elle n'a pas cherché à dissimuler à la caisse ses séjours à l'étranger. Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu l'application de la prescription biennale et condamné Mme [U] à rembourser à la CNAV la somme de 10 538,20 euros dont le calcul n'est pas contesté » ;
et aux motifs adoptés que « La CNAV s'oppose à l'application de la prescription biennale au motif qu'en signant sa demande d'attribution, Mme [U] s'était engagée, au regard des informations données dans le formulaire de demande, à l'aviser de tout changement de résidence. Elle ajoute qu'au moment de l'enquête, ses déclarations démontrent que, loin de la bonne foi alléguée par son conseil, elle a cherché par tout moyen à occulter sa résidence en dehors du territoire national. Toutefois, il n'est pas démontré qu'elle aurait eu connaissance des conséquences d'un tel changement de résidence quant à la perception de l'allocation litigieuse. Au surplus, la lecture de ses réponses parfois confuses et contradictoires, données le 24 février 2016 – alors qu'elle a fait l'objet d'une mesure de sauvegarde de justice le 30 septembre 2016 après établissement d'un certificat médical du 25 août 2016 établi par un médecin spécialiste inscrit sur la liste établie par le Procureur de la République, ce qui démontre que la procédure de mise sous curatelle renforcée était déjà en cours depuis plusieurs semaines – ne permet pas d'établir le caractère intentionnel du manquement reproché et, partant, des manoeuvres frauduleuses et fausses déclarations. Il convient dès lors de retenir l'application de la prescription biennale et de condamner Mme [U] à payer à la CNAV – qui n'a pas contesté le calcul effectué sur ce point – la somme de 10 538,20 euros » ;
1°) alors que si la fraude est souverainement appréciée par les juges du fond c'est à la condition que leur appréciation soit suffisamment motivée et qu'il apparaisse que tous les éléments de preuve invoqués par la partie victime de la fraude ont été examinés ; qu'en l'espèce, pour démontrer que Mme [U] avait nécessairement conscience des conséquences du transfert de sa résidence de France vers le Brésil puis le Portugal, la CNAV produisait (p. 11 pièces d'appel ; production n° 5) le document intitulé « Allocation supplémentaire – Déclaration relative à la résidence » remplie et signée par Mme [U] le 18 septembre 2000 ; que ce document rappelait expressément la condition de résidence en France pour le bénéfice de l'allocation, avant que Mme [U] ne déclare expressément résider en France ; qu'il résultait de ce document une information précise de l'assurée sociale sur son obligation de résidence et suite à sa déclaration formelle de résidence en France, une claire conscience des conséquences de son changement de résidence pour l'étranger ; qu'en considérant qu'il n'était pas démontré que Mme [U] aurait eu connaissance des conséquences de son changement de résidence sur le versement de l'allocation litigieuses sans s'expliquer sur cet élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) alors que si les juges apprécient souverainement l'existence d'une fraude commise par l'assuré social omettant de déclarer un changement de situation, cette appréciation cesse d'être souveraine lorsqu'elle est fondée sur des motifs erronés ; que le juge ne peut écarter la fraude commise au cours d'une période donnée en se référant à des circonstances survenues ultérieurement et ne pouvant justifier a posteriori le silence conservé par l'assuré ; que la CNAV faisait valoir que la dégradation de l'état de santé de Mme [U] à compter de 2015, justifiant la mise en place d'une mesure de protection le 30 septembre 2016, ne pouvait en soi justifier qu'elle n'ait pas cru bon de déclarer ses séjours à l'étranger entre 2006 et 2015 mais avait précisément permis de mettre à jour la dissimulation jusqu'alors pratiquée ; qu'en considérant que la fraude commise au cours de cette période ne serait pas établie par cela seul que Mme [U] a été confrontée à des difficultés de santé au cours de l'année 2016 l'ayant conduite à être placée sous mesure de sauvegarde puis sous curatelle renforcée, ceci pouvant expliquer les contradictions dans ses déclarations lors de l'enquête menée en 2016, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 815-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la cause ;
3°) alors de même qu'en retenant que le fait que Mme [U] ait pris l'initiative, le 6 juin 2015, d'aviser la CNAV de son changement d'adresse au Portugal démontrait qu'elle n'avait pas cherché à dissimuler à la caisse ses séjours à l'étranger entre 2006 et 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 815-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la cause ;
4°) alors de même encore qu'en retenant, pour exclure la fraude, que Mme [U] produisait pour la première en cause d'appel la photocopie de la déclaration de vol de son passeport, survenu le 22 février 2014 au Portugal, la cour d'appel s'est de nouveau déterminée en fonction d'une circonstance inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 815-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la cause.
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