mardi 25 janvier 2022

L'acquéreur avait connaissance du vice affectant le terrain, ce qui excluait l'application de la clause de non-garantie des vices cachés

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 58 F-D

Pourvoi n° G 21-10.073




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022

La commune de [Localité 1], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-10.073 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant à la société Rabatech, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la commune de [Localité 1], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Rabatech, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 5 novembre 2020), par acte notarié du 19 février 2014, la société Rabatech a acquis de la commune de [Localité 1] (la commune) trois parcelles situées dans un lotissement dénommé zone d'activité du Tonkin II, qui faisaient partie d'un ensemble de terrains constituant un ancien dépôt, vendus à la commune par la Société nationale des chemins de fer français (la SNCF) le 1er août 1985.

2. Les travaux engagés par la société Rabatech, après l'obtention d'un permis de construire le 21 mai 2015, pour la construction d'ateliers et de bureaux, ont mis à jour la présence de deux fosses en béton enfouies dans le sous-sol des parcelles, d'une trentaine de mètres de long chacune et de 6,5 et 4,5 mètres de large, dont l'une contenait des tôles amiantées.

3. Après le dépôt du rapport de l'expert judiciaire dont elle avait demandé la désignation, la société Rabatech a assigné la commune en indemnisation de ses préjudices sur le fondement, notamment, de la garantie des vices cachés.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

5. La commune fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de la société Rabatech et de la condamner à lui payer des dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que le vendeur n'est pas tenu des vices cachés dont il n'avait pas connaissance lorsqu'il a été stipulé qu'il ne serait obligé à aucune garantie; que le vendeur n'a pas à procéder à des investigations approfondies ou complexes pour déceler les vices éventuels de la chose vendue ; qu'en jugeant, pour exclure l'application de la clause de non-garantie des vices cachés stipulée dans l'acte de vente du 19 février 2014, que la commune aurait dû « faire effectuer des sondages suffisamment profonds » pour vérifier la présence éventuelle de fosses enterrées sous le terrain vendu, la cour d'appel a violé l'article 1643 du code civil ;

2°/ que seule la connaissance effective d'un vice caché par le vendeur est de nature à écarter l'application de la clause d'exclusion de garantie; que la circonstance que le vendeur ait eu connaissance d'un risque potentiel de vice et n'en ait pas informé l'acquéreur est donc sans incidence sur la mise en oeuvre de cette clause; qu'en retenant néanmoins, pour écarter la clause d'exclusion de garantie stipulée dans l'acte de vente du 19 février 2014, que la commune exposante aurait dû informer la société Rabatech d'un « risque potentiel » de présence de fosses enterrées sous les parcelles vendues, la cour d'appel a violé l'article 1643 du code civil ;

3°/ que la bonne foi du vendeur profane est toujours présumée ; qu'il s'ensuit qu'il appartenait à la société Rabatech de rapporter la preuve de la mauvaise foi de la commune exposante en démontrant qu'elle avait précisément connaissance des vices affectant le terrain vendu ; qu'en reprochant néanmoins à cette dernière de ne pas rapporter la preuve qu'elle avait, avant la vente, réalisé des travaux qui « auraient pu la convaincre de manière erronée, mais dans des conditions propres à établir sa bonne foi, de ce que les parcelles vendues n'étaient pas susceptibles de contenir les fosses litigieuses », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 et 1643 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a relevé qu'il résultait de la convention conclue le 13 mars 1985 entre la commune et la SNCF qu'il existait des fosses enterrées dans les parcelles cédées le 1er août 1985, que la SNCF ne les détruirait pas avant la cession et que la commune devait faire son affaire personnelle de leur présence.

7. Elle a retenu qu'à supposer que la commune n'ait pas pu se convaincre, soit visuellement soit au moyen d'informations données par la SNCF, de la localisation des fosses, elle savait, à tout le moins, qu'un risque de présence de fosses affectait l'ensemble des parcelles achetées et que, dans un tel contexte, elle devait soit effectuer des sondages suffisamment profonds pour déterminer où se trouvaient les fosses en cause soit, à défaut, informer ses futurs acquéreurs d'un risque potentiel subsistant de ce chef.

8. Elle a constaté qu'aucun élément n'était produit quant aux travaux qui avaient pu être effectués sur les parcelles postérieurement à la vente du 1er août 1985, le seul élément certain étant que les installations de surfaces avaient été effectivement supprimées, et a retenu que la commune n'établissait pas que les conditions de réalisation de ces travaux auraient pu la convaincre que les parcelles vendues n'étaient pas susceptibles de contenir les fosses litigieuses.

9. Elle en a souverainement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que l'enchaînement des conventions conclues par la commune et leur contenu établissaient que celle-ci avait connaissance du vice affectant le terrain et qu'il convenait d'écarter l'application de la clause de non-garantie des vices cachés.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la commune de [Localité 1] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la commune de [Localité 1] et la condamne à payer à la société Rabatech la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat aux Conseils, pour la commune de [Localité 1]

La commune de [Localité 1] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fait droit à la demande de la société Rabatech sur le fondement de la garantie des vices cachés et de l'avoir condamnée à payer à cette dernière la somme de 221 078,71 euros TTC à titre de dommages-intérêts, avec intérêts légaux ;

1°) ALORS QUE le vendeur n'est pas tenu des vices cachés dont il n'avait pas connaissance lorsqu'il a été stipulé qu'il ne serait obligé à aucune à aucune garantie ; que le vendeur n'a pas à procéder à des investigations approfondies ou complexes pour déceler les vices éventuels de la chose vendue ; qu'en jugeant, pour exclure l'application de la clause de non-garantie des vices cachés stipulée dans l'acte de vente du 19 février 2014, que la commune exposante aurait dû " faire effectuer des sondages suffisamment profonds " pour vérifier la présence éventuelle de fosses enterrées sous le terrain vendu (arrêt, p. 7 § 8), la cour d'appel a violé l'article 1643 du code civil ;

2°) ALORS QUE seule la connaissance effective d'un vice caché par le vendeur est de nature à écarter l'application de la clause d'exclusion de garantie ; que la circonstance que le vendeur ait eu connaissance d'un risque potentiel de vice et n'en ait pas informé l'acquéreur est donc sans incidence sur la mise en oeuvre de cette clause ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter la clause d'exclusion de garantie stipulée dans l'acte de vente du 19 février 2014, que la commune exposante aurait dû informer la société Rabatech d'un " risque potentiel " de présence de fosses enterrées

3°) ALORS QUE le vendeur qui n'a pas la qualité de professionnel de la vente immobilière peut se prévaloir d'une clause exonératoire de la garantie des vices cachés ; que pour juger que la commune exposante ne pouvait se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie stipulée dans l'acte de vente du 19 février 2014, la cour d'appel a retenu " qu'une commune qui rachète les parcelles d'un dépôt SNCF présent sur son territoire ne peut être considérée comme un acquéreur légitimement peu avisé qui ignore tout de la topographie des lieux et des enjeux de son achat " (arrêt, p. 7 § 3) ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs impropres à établir que la commune était une professionnelle de la vente immobilière, la cour d'appel a violé l'article 1643 du code civil.

4°) ALORS QUE le vendeur qui n'a pas la qualité de professionnel de la vente immobilière peut se prévaloir d'une clause exonératoire de la garantie des vices cachés ; que pour juger que la commune exposante ne pouvait se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie stipulée dans l'acte de vente du 19 février 2014, la cour d'appel a retenu " qu'une commune qui rachète les parcelles d'un dépôt SNCF présent sur son territoire ne peut être considérée comme un acquéreur légitimement peu avisé qui ignore tout de la topographie des lieux et des enjeux de son achat " (arrêt, p. 7 § 3) ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs impropres à établir que la commune était une professionnelle de la vente immobilière, la cour d'appel a violé l'article 1643 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2022:C300058

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