mardi 11 mars 2025

Les conclusions distinguaient, de manière claire et lisible, les prétentions et les moyens soutenus en appel à leur appui

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 février 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 106 F-D

Pourvoi n° W 23-13.290




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2025

La société Auerbach junior, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-13.290 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société JMD immobilier, société à responsabilité limitée,

2°/ à la société Chich'immo, société civile immobilière,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de la société civile immobilière Auerbach junior, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société JMD immobilier et de la société civile immobilière Chich'immo, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société civile immobilière Auerbach junior (la SCI) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société civile immobilière Chich'immo.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 2023), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 24 novembre 2021, pourvoi n° 20-14.277), par acte authentique du 17 mars 2005, la société civile immobilière Chich'immo a vendu à la SCI les lots n° 2 et 38 d'un ensemble immobilier en copropriété.

3. Par acte sous seing privé du 17 mars 2005, la SCI a confié la gestion de ce bien à la société JMD immobilier (l'agent immobilier). Le 30 novembre 2011, par l'intermédiaire de ce dernier, la SCI l'a donné à bail d'habitation.

4. Par arrêté du 16 octobre 2014, le préfet de Paris, considérant que les lieux loués étaient impropres à l'habitation, a mis en demeure la SCI de faire cesser définitivement cette occupation.

5. La SCI a assigné l'agent immobilier en indemnisation de ses préjudices.
Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts formée contre l'agent immobilier, alors « que sont conformes aux exigences de l'article 954 du code de procédure civile les conclusions qui énoncent, de manière distincte, l'énoncé des faits et de la procédure, le dispositif récapitulant les prétentions, et des développements correspondant aux moyens de fait et de droit articulés au soutien de ses prétentions, peu important que ne figure pas expressément la mention « discussion » ; qu'en retenant que les dernières conclusions de la société Auerbach junior, précitées, ne comportent aucune "discussion", mais seulement trois chapitres intitulés : - Les faits et la procédure - Le droit - La responsabilité civile de la société JMD » et qu'« à défaut de "discussion", la cour ne pourra donc examiner aucun des moyens invoqués dans ses conclusions par cette société au soutien de ses prétentions telles qu'énoncées au dispositif, moyens qui doivent donc être considérés comme n'étant pas expressément énoncés », la cour d'appel a violé le texte précité. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

7. Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière distincte.

8. Selon le troisième alinéa, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

9. Ces dispositions, qui imposent la présentation, dans les conclusions, des prétentions ainsi que des moyens soutenus à l'appui de celles-ci, ont pour finalité de permettre, en introduisant une discussion, de les distinguer de l'exposé des faits et de la procédure, de l'énoncé des chefs de jugement critiqués et du dispositif récapitulant les prétentions. Elles tendent à assurer clarté et lisibilité des écritures des parties.

10. Elles n'exigent pas que les prétentions et les moyens contenus dans les conclusions d'appel figurent formellement sous un paragraphe intitulé « discussion ». Il importe que ces éléments apparaissent de manière claire et lisible dans le corps des conclusions (2e Civ., 29 juin 2023, pourvoi n° 22-14.432, publié).

11. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la SCI contre l'agent immobilier, l'arrêt retient que les dernières conclusions de la SCI ne comportent aucune « discussion », mais seulement trois chapitres, intitulés « - Les faits et la procédure - Le droit - La responsabilité civile de la société JMD » et qu'à défaut de « discussion », la cour d'appel ne pourra examiner aucun des moyens invoqués dans ses conclusions par la SCI au soutien de ses prétentions telles qu'énoncées au dispositif, moyens qui doivent être considérés comme n'étant pas invoqués au soutien de sa demande.

12. En statuant ainsi, alors que les conclusions de la SCI devant elle distinguaient, de manière claire et lisible, les prétentions et les moyens soutenus en appel à leur appui, la cour d'appel, qui y a ajouté une condition qu'il ne prévoit pas, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société civile immobilière Auerbach junior contre la société JMD immobilier, l'arrêt rendu le 12 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société JMD immobilier aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300106

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