Note, M. Cormier, GP 2023-37, p. 17.
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 21-25.386
- ECLI:FR:CCASS:2023:CO00573
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 20 septembre 2023
Décision attaquée : Tribunal de commerce de Versailles, du 19 novembre 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SMSG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 20 septembre 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 573 FS-B
Pourvoi n° C 21-25.386
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 SEPTEMBRE 2023
La société Effigest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-25.386 contre le jugement rendu le 19 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Versailles (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société C and B, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de Me Bardoul, avocat de la société Effigest, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fevre, Ducloz, MM. Alt, Calloch, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de commerce de Versailles, 19 novembre 2021), rendu en dernier ressort, par un acte du 8 juillet 2021 transformé en procès-verbal de recherches infructueuses, la société Effigest, expert-comptable, a assigné la société C and B aux fins de la voir condamner à lui payer, d'une part, la somme de 756 euros, correspondant à trois factures émises pour des frais de domiciliation, d'autre part, la somme de 2 910 euros, correspondant à neuf factures mensuelles émises entre avril et décembre 2019 pour des interventions comptables, outre la somme de 645,66 euros au titre de frais de recouvrement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La société Effigest fait grief au jugement de ne condamner la société C and B à lui payer que les sommes de 756 euros, majorée des intérêts de retard calculés au taux de l'intérêt légal à compter du 28 janvier 2021, et de 120 euros, pour frais de recouvrement, alors « que, dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation ; qu'en cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à obtenir des dommages-intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat ; qu'en déboutant, alors même qu'elle n'était saisie d'aucune contestation ou demande de la partie adverse dont il avait constaté l'absence, la société Effigest de sa demande de condamnation de sa cliente au paiement de prestations de tenue de comptabilité au motif qu'elle ne produisait ni tarif horaire ni feuille de temps passé sur ces travaux qui justifierait le quantum de sa facturation, le tribunal a violé l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018. »
Réponse de la Cour
3. Selon l'article 1165 du code civil, dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation.
4. Selon l'article 1105, alinéa 3, du code civil, les règles générales relatives à la formation, à l'interprétation et aux effets des contrats s'appliquent sous réserve des règles particulières propres à certains contrats.
5. Selon l'article 151, alinéa 1, du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable, l'expert-comptable passe avec son client un contrat écrit définissant sa mission et précisant les droits et obligations de chacune des parties.
6. Il en résulte que les dispositions de l'article 1165 du code civil ne sont, conformément à l'article 1105, alinéa 3, du même code, pas applicables.
7. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. La société Effigest fait le même grief au jugement, alors « qu'en matière de louage d'ouvrage, il appartient au juge de fixer la rémunération due au prestataire compte tenu des éléments de la cause ; que le juge est ainsi tenu de fixer le montant d'honoraires dont il ressort de ses constatations qu'ils sont fondés en leur principe ; que le montant des honoraires dus à l'expert-comptable doit être déterminé en fonction du travail fourni et du service rendu ; qu'en déboutant la société d'expertise-comptable Effigest de sa demande de condamnation de sa cliente au paiement de prestations de tenue de comptabilité, dont il a constaté la réalisation, au motif qu'elle ne produisait ni tarif horaire ni feuille de temps passé sur ces travaux qui justifierait le quantum de sa facturation, quand il lui revenait d'évaluer le montant des honoraires dus, le tribunal a violé les articles 4 et 1787 du code civil, ensemble l'article 24 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil et l'article 24 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 :
9. Il résulte du premier de ces textes que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies et est, par suite, tenu d'évaluer une créance dont il a constaté l'existence en son principe.
10. Selon le second de ces textes, les honoraires de l'expert-comptable doivent constituer la juste rémunération du travail fourni comme du service rendu.
11. Pour rejeter les demandes en paiement des factures correspondant aux prestations comptables, le jugement, après avoir constaté que la société Effigest ne produit aux débats aucune lettre de mission la liant à la société C and B, retient que s'il n'est pas contestable que des prestations ont bien été réalisées par la société Effigest, celle-ci ne produit ni tarif horaire ni feuille de temps passé sur ces travaux qui justifierait le quantum de sa facturation.
12. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer le montant des honoraires dus à la société Effigest, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les prestations avaient été réalisées et que ces honoraires étaient fondés en leur principe, le tribunal, qui devait en fixer le montant, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société C and B à payer à la société Effigest les sommes de 756 euros, majorée des intérêts de retard calculés au taux de l'intérêt légal à compter du 28 janvier 2021, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, 120 euros au titre des frais de recouvrement et 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, le jugement rendu le 19 novembre 2021, entre les parties, par le tribunal de commerce de Versailles ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal de commerce de Nanterre ;
Condamne la société C and B aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société C and B à payer à la société Effigest la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CO00573
COMM.
SMSG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 20 septembre 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 573 FS-B
Pourvoi n° C 21-25.386
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 SEPTEMBRE 2023
La société Effigest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-25.386 contre le jugement rendu le 19 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Versailles (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société C and B, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de Me Bardoul, avocat de la société Effigest, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fevre, Ducloz, MM. Alt, Calloch, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de commerce de Versailles, 19 novembre 2021), rendu en dernier ressort, par un acte du 8 juillet 2021 transformé en procès-verbal de recherches infructueuses, la société Effigest, expert-comptable, a assigné la société C and B aux fins de la voir condamner à lui payer, d'une part, la somme de 756 euros, correspondant à trois factures émises pour des frais de domiciliation, d'autre part, la somme de 2 910 euros, correspondant à neuf factures mensuelles émises entre avril et décembre 2019 pour des interventions comptables, outre la somme de 645,66 euros au titre de frais de recouvrement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La société Effigest fait grief au jugement de ne condamner la société C and B à lui payer que les sommes de 756 euros, majorée des intérêts de retard calculés au taux de l'intérêt légal à compter du 28 janvier 2021, et de 120 euros, pour frais de recouvrement, alors « que, dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation ; qu'en cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à obtenir des dommages-intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat ; qu'en déboutant, alors même qu'elle n'était saisie d'aucune contestation ou demande de la partie adverse dont il avait constaté l'absence, la société Effigest de sa demande de condamnation de sa cliente au paiement de prestations de tenue de comptabilité au motif qu'elle ne produisait ni tarif horaire ni feuille de temps passé sur ces travaux qui justifierait le quantum de sa facturation, le tribunal a violé l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018. »
Réponse de la Cour
3. Selon l'article 1165 du code civil, dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation.
4. Selon l'article 1105, alinéa 3, du code civil, les règles générales relatives à la formation, à l'interprétation et aux effets des contrats s'appliquent sous réserve des règles particulières propres à certains contrats.
5. Selon l'article 151, alinéa 1, du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable, l'expert-comptable passe avec son client un contrat écrit définissant sa mission et précisant les droits et obligations de chacune des parties.
6. Il en résulte que les dispositions de l'article 1165 du code civil ne sont, conformément à l'article 1105, alinéa 3, du même code, pas applicables.
7. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. La société Effigest fait le même grief au jugement, alors « qu'en matière de louage d'ouvrage, il appartient au juge de fixer la rémunération due au prestataire compte tenu des éléments de la cause ; que le juge est ainsi tenu de fixer le montant d'honoraires dont il ressort de ses constatations qu'ils sont fondés en leur principe ; que le montant des honoraires dus à l'expert-comptable doit être déterminé en fonction du travail fourni et du service rendu ; qu'en déboutant la société d'expertise-comptable Effigest de sa demande de condamnation de sa cliente au paiement de prestations de tenue de comptabilité, dont il a constaté la réalisation, au motif qu'elle ne produisait ni tarif horaire ni feuille de temps passé sur ces travaux qui justifierait le quantum de sa facturation, quand il lui revenait d'évaluer le montant des honoraires dus, le tribunal a violé les articles 4 et 1787 du code civil, ensemble l'article 24 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil et l'article 24 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 :
9. Il résulte du premier de ces textes que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies et est, par suite, tenu d'évaluer une créance dont il a constaté l'existence en son principe.
10. Selon le second de ces textes, les honoraires de l'expert-comptable doivent constituer la juste rémunération du travail fourni comme du service rendu.
11. Pour rejeter les demandes en paiement des factures correspondant aux prestations comptables, le jugement, après avoir constaté que la société Effigest ne produit aux débats aucune lettre de mission la liant à la société C and B, retient que s'il n'est pas contestable que des prestations ont bien été réalisées par la société Effigest, celle-ci ne produit ni tarif horaire ni feuille de temps passé sur ces travaux qui justifierait le quantum de sa facturation.
12. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer le montant des honoraires dus à la société Effigest, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les prestations avaient été réalisées et que ces honoraires étaient fondés en leur principe, le tribunal, qui devait en fixer le montant, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société C and B à payer à la société Effigest les sommes de 756 euros, majorée des intérêts de retard calculés au taux de l'intérêt légal à compter du 28 janvier 2021, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, 120 euros au titre des frais de recouvrement et 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, le jugement rendu le 19 novembre 2021, entre les parties, par le tribunal de commerce de Versailles ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal de commerce de Nanterre ;
Condamne la société C and B aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société C and B à payer à la société Effigest la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.