mardi 28 novembre 2023

Quand le syndic de copropriété est maître d'œuvre des travaux...

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 novembre 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 741 F-D

Pourvoi n° N 22-21.144




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7], dont le siège est [Adresse 5], représenté par son syndic la société RI syndic, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 22-21.144 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la société Funel et associés, société d'exercice libéral, dont le siège est [Adresse 6], anciennement dénommée société Traddei-Funel, prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Home fermeture,

3°/ à la société Cabinet LVS, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Cabinet LVS, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Generali IARD, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Axa France IARD et Funel et associés.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juin 2022), en 2009, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] (le syndicat des copropriétaires) a commandé des travaux de pose de garde-corps, suppression d'un escalier extérieur et pose de deux échelles de toit à la société Home fermetures qui a abandonné le chantier, puis fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 6 août 2009.

3. Le 31 juillet 2009, la société Cabinet LVS, syndic de la copropriété (le syndic) a fait dresser un procès-verbal de constat révélant des mal-façons et des non-façons dans les travaux réalisés.

4. Après une expertise judiciaire, le syndicat des copropriétaires a assigné le syndic en responsabilité contractuelle et celui-ci a appelé en garantie son assureur, la société Generali.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande à l'encontre du syndic et de mettre hors de cause l'assureur de celui-ci, alors :

« 2° / que responsable à l'égard du syndicat des copropriétaires, des fautes commises dans l'exercice de ses fonctions, le syndic engage sa responsabilité à l'égard de ce dernier à raison de manquements à son obligation de conseil et de diligence ; que la cour d'appel a déclaré que le constat fait par l'expert, selon lequel M. [G] « qui intervenait en tant que syndic et aussi en tant que Maître d'oeuvre » ne pouvait ignorer la réalité des travaux réalisés, leur conditions de mise en oeuvre et d'exécution ainsi que les dommages avérés apparus durant le chantier, ne suffisait pas à caractériser une ou des fautes susceptibles d'engager sa responsabilité ; qu'en statuant par ce motif inopérant relatif à la responsabilité de M. [G], cependant que le syndic était la société Cabinet LVS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 1992 du code civil ;

3°/ que responsable à l'égard du syndicat des copropriétaires, des fautes commises dans l'exercice de ses fonctions, le syndic engage sa responsabilité à l'égard de ce dernier à raison de manquements à son obligation de conseil et de diligence ; que les premiers juges ont considéré, que le syndicat des copropriétaires ne démontrait pas, d'une part, que la société Cabinet LVS avait manqué à son devoir de conseil en n'alertant pas les copropriétaires sur la nécessité de s'adjoindre effectivement le concours d'un maître d'oeuvre ou d'un ingénieur en structures au regard de l'importance du chantier, d'autre part, que la société Cabinet LVS avait signé sans précaution le marché de travaux litigieux ; qu'en se bornant à postuler ainsi que le syndic n'encourait aucune responsabilité de ces chefs, sans rechercher de surcroît, comme elle y était invitée par le syndicat des copropriétaires, si la société Cabinet LVS ne pouvait se voir reprocher un défaut dans le suivi de l'exécution des travaux et dans la surveillance du chantier, de même que l'importance des paiements effectués à l'entreprise qui, intervenue en juin 2009, avait, le 3 juin 2009, déjà perçu 57 177,50 euros sur un montant de marché de 65 051,30 euros, la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté les multiples malfaçons et non-façons relevées par l'expert judiciaire, a, si elle a adopté les motifs des premiers juges, privé sa décision de base légale au regard de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 1992 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :

6. Il résulte de ce texte que le syndic est responsable à l'égard du syndicat des copropriétaires des fautes commises dans l'accomplissement de sa mission.

7. Pour rejeter la demande du syndicat des copropriétaires à l'encontre du syndic, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le syndicat des copropriétaires ne démontre pas que le syndic a manqué à son devoir de conseil, en n'attirant pas l'attention des copropriétaires sur la nécessité de s'adjoindre le concours d'un maître d'oeuvre, ou d'un ingénieur en structures, au regard de l'importance du chantier, qu'il n'établit pas que le syndic ait signé sans précaution le marché de travaux litigieux et que l'avis de l'expert, selon lequel M. [G] qui intervenait en tant que syndic et aussi en tant que maître d'oeuvre selon le marché de travaux, ne pouvait ignorer la réalité des travaux réalisés, leurs conditions de mise en oeuvre et d'exécution ainsi que les dommages apparus durant le chantier, est insuffisant à caractériser une faute de celui-ci.

8. En se déterminant ainsi, alors que le syndicat des copropriétaires invoquait des manquements dans le suivi des travaux et dans les paiements faits à l'entreprise, et sans constater que le syndic avait accompli toutes les diligences lui incombant dans la gestion des travaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne les sociétés Cabinet LVS et Generali IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Cabinet LVS et Generali IARD et les condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] la somme de 3 000 euros ;

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