mardi 21 novembre 2023

"Contra non valentem..." et prescription des obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 novembre 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 731 F-D

Pourvoi n° T 22-17.147




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2023

1°/ M. [F] [G], domicilié [Adresse 3],

2°/ la société Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° T 22-17.147 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2022 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige les opposant à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Loire Bretagne, Groupama Loire Bretagne, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [G] et de la société Mutuelle des architectes français, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Loire Bretagne, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 avril 2022), la commune de [Adresse 4] a confié la maîtrise d'oeuvre de la réhabilitation d'une piscine à M. [G], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF) et le lot terrassement-démolition-gros oeuvre à la société Espace paysage, assurée auprès de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Loire Bretagne (Groupama Loire Bretagne).

2. Se plaignant, après réception, de désordres, elle a obtenu devant la juridiction administrative, par ordonnance du 6 mai 2009, la désignation d'un expert puis, par ordonnance du 12 mars 2013, la condamnation de M. [G] à lui payer une certaine somme à titre de provision à valoir sur la réparation des désordres.

3. Par acte du 28 avril 2016, M. [G] et la MAF ont assigné la Groupama Loire Bretagne en remboursement, à hauteur de 70 %, des sommes versées à la commune de [Adresse 4].

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La MAF fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable comme prescrite en ses demandes, alors « que le recours d'un constructeur ou de son assureur contre un autre constructeur ou son assureur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que le délai de ce recours ne peut courir à compter d'une requête en référé expertise ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action récursoire, formée par la MAF subrogée dans les droits de son assuré, maître d'oeuvre, à l'encontre de l'assureur d'un entrepreneur, la cour d'appel a retenu que la MAF avait eu connaissance de ce que sa responsabilité était recherchée par la demande d'expertise présentée par la commune de [Adresse 4] à son contradictoire et celui de M. [G], violant ainsi l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour

Vu les articles 2219 et 2224 du code civil et l'article L. 110-4, I, du code de commerce :

5. Aux termes du premier de ces textes, la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.

6. Il résulte des deux derniers que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

7. Par un arrêt rendu le 14 décembre 2022 (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié), la Cour de cassation a jugé que le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l'application de la prescription extinctive, avant l'introduction de ces demandes principales puis en a déduit que, l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures.

8. Pour déclarer irrecevable la demande de la MAF, l'arrêt relève qu'elle a eu connaissance de ce que la responsabilité de son assuré était recherchée par la demande d'expertise présentée par la commune de [Adresse 4] à son contradictoire et qu'elle a assigné la Groupama Loire Bretagne plus de cinq ans après la date de la décision ordonnant cette expertise.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la MAF avait assigné en garantie la Groupama Loire Bretagne par acte du 28 avril 2016, moins de cinq ans après la requête de la commune de [Adresse 4] ayant donné lieu à la décision de la juridiction administrative condamnant M. [G] à l'indemniser de ses préjudices, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Loire Bretagne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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