HOMMAGE
A JEAN-PIERRE BERDAH
Jean-Pierre Berdah était tout
d’abord un avocat !
Et quel avocat !
Mais aussi, quel parcours
universitaire brillant !
Moi, je voudrais juste évoquer
rapidement une amitié fidèle de plus de 50 années…
Au sein de la FNUJA, dans les
années 70, nos activités syndicales nous avaient déjà révélé combien nous
étions proches.
C’est que nous étions tous
deux nés sous le Signe du Taureau, quasiment le même jour, mais moi, un an plus
tôt, d’où j’ai toujours déduit, qu’il me devait le respect…
Je ne pense pas l’avoir
vraiment convaincu…
Nous nous sommes encore mieux connus
dans les années 80, car, tous deux quadragénaires, pleins d’ardeur et forts d’un
ego de bonne dimension, nous nous sommes affrontés pendant quelques 10 années,
dans un contentieux répétitif de quelques 500 dossiers de vice de matériau de
construction, lui intervenant en cours de route comme soutien d’une brochette
de confrères parisiens.
Il y arrivait sur le tard, en défense,
dans l’intérêt du fabricant du matériau défectueux, une multinationale
américaine et ses filiales d’Europe et de France.
J’étais en demande pour l’ensemble
des assureurs construction français et leurs assurés.
J’entends encore le début de
sa première plaidoirie d’appelant dans l’une de ces affaires, devant une
chambre spécialisée de la Cour de Paris :
« C’est avec beaucoup
d’humilité que, modeste avocat de province, je me présente devant vous, face à
mon éminent confrère, dont la réputation… etc, etc ! », mais il
en venait rapidement à l’essentiel : développer sur le fond un
argumentaire aussi rigoureux qu’implacable, ce qui ne vous surprendra pas …
Ainsi, de proche en proche sur
tous ces dossiers, il m’a progressivement « grignoté »… Mais, au fil
de toutes ces procédures nos relations exigeantes d’amitié ne se sont jamais démenties, aboutissant au bout de 10 ans, –– à une
solution transactionnelle globale pour ces 500 dossiers,
Un protocole d’accord faisait même
de nous deux les arbitres exclusifs, émetteurs d’avis irrévocables réglant
définitivement toutes difficultés d’exécution… L’idée était de lui ou de moi,
je ne sais plus … Mais cela a fonctionné.
En mai dernier, fêtant nos
anniversaires, une fois encore, nous évoquions
ces vieilles batailles, tels d’anciens combattants, paradant devant leurs épouses,
chacun prétendant avoir été le meilleur…
Car on se voyait souvent et à
chaque fois, on s’offrait des livres. Notamment, aussi passionné que nous pour
le jeu de SCRABBLE, il nous en avait offert le dictionnaire officiel, avec - de
son écriture fine – la dédicace suivante :
« La médiation étant à
l’ordre du jour, et sachant certains penchants (masculins) à une relative bonne
foi, cet ouvrage amènera paix et sérénité dans des parties endiablées…
auxquelles nous pourront peut-être participer ! ».
En réalité, on ne jouait plus
beaucoup, car il gagnait tout le temps, ayant manifestement quasiment appris ce
dictionnaire par cœur…
Cette affection avait aussi fait
de chacun le témoin de la vie
personnelle de l’autre et parfois son confident, voire son conseiller…
Je me rappelle aussi Jean-Pierre,
lors de quelques vacances :
En Corse, Jean-Pierre
argumentant méthodiquement et convainquant Joaquim, mon fils cadet, alors âgé
de 4 ans, d’avaler un médicament particulièrement rébarbatif.
Quelque part en Méditerranée, Jean-Pierre, sur
son bateau, loup de mer et capitaine au long cours, tentant de me rassurer sur
l’évolution d’une météo plutôt grise, en citant un adage dont je ne saisis
toujours pas toute la portée :
« Ciel pommelé et femme
fardée sont toujours de courte durée… ».
Et si souvent, encore, la
voix, le ton et les premiers mots de
Jean-Pierre m’appelant sur mon portable : « Bonjour Albert, est-ce que je
te dérange ?... »
Non tu ne m’as jamais
dérangé !
Ou plutôt : Si,
tu nous déranges en partant comme ça, brutalement, sans prévenir.
Ce n’est pas correct.
Ça ne se fait pas …
Ce n’est pas humainement
possible !
Ce n’est pas toi…
Et Bernadette et moi sommes inconsolables
de savoir qu’on ne t’entendra plus jamais.
Albert
Caston
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