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mardi 6 juin 2023

Ce recours constituait un appel en garantie et non un recours subrogatoire

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 359 F-D

Pourvoi n° Z 22-10.667




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023

La société Arcelormittal France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Arcelormittal Atlantique et Lorraine, et venant également aux droits de la société Sollac Lorraine, a formé le pourvoi n° Z 22-10.667 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Blue construction, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée Acore,

2°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à Mme [D] [E], dont le siège est [Adresse 1], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Construction solution acier (CSA),

4°/ à la société Mayeur et Romani, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5], exerçant sous le nom commercial Les Techniciens du toit,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Arcelormittal France, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la société Blue construction, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Arcelormittal France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Mayeur et Romani, et contre Mme [E], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CSA.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Metz,18 novembre 2021), à l'occasion de travaux de construction d'une maison d'habitation avec une ossature en acier, la société Sollac Lorraine, devenue Arcelormittal Atlantique et Lorraine puis Arcelormittal France (Arcelormittal), dont la responsabilité a été retenue en qualité de maître d'oeuvre de fait, et la société Acore, devenue Blue construction, entreprise de terrassement, gros oeuvre, couverture et plâtrerie, ont été définitivement condamnées in solidum à payer aux maîtres de l'ouvrage diverses sommes à titre de réparation.

3. Ensuite d'un complément d'expertise portant sur les responsabilités des constructeurs, la société Arcelormittal a exercé son recours contre la société Blue construction et la société Gan assurances IARD (le GAN), assureur d'un autre locateur d'ouvrage, en réclamant le paiement d'une somme correspondant à la part de responsabilité qu'elle imputait à chacun des intervenants.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

5. En application de ce texte, le recours d'un constructeur condamné in solidum avec un autre, aux fins de déterminer la charge définitive de la dette de chaque coobligé, n'est pas un recours subrogatoire mais un appel en garantie, qui ne suppose pas que le maître de l'ouvrage ait été préalablement indemnisé de ses préjudices, peu important que la demande soit exprimée par référence à un pourcentage des condamnations prononcées, correspondant à la part de responsabilité de l'appelé en garantie, ou tende au paiement d'une somme déterminée.

6. Pour rejeter la demande en paiement formé par la société Arcelormittal contre la société Blue construction, l'arrêt retient que, dans ses dernières conclusions, la société Arcelormittal ne demande pas à être garantie des condamnations prononcées contre elle au profit des maîtres de l'ouvrage mais poursuit la condamnation de la société Blue construction à lui payer une somme précise, qu'elle ne démontre pas être titulaire de créances à l'égard de celle-ci pour un motif autre qu'une éventuelle subrogation et qu'en l'absence de créance certaine et actuelle, sa demande ne peut qu'être rejetée.

7. En statuant ainsi, après avoir constaté que la société Arcelormittal, qui avait été définitivement condamnée, in solidum avec la société Blue construction, à payer certaines sommes au bénéfice des maîtres de l'ouvrage, exerçait son recours contre celle-ci au visa de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, d'où il résultait que ce recours constituait un appel en garantie et non un recours subrogatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

8. La cassation prononcée étant sans lien de dépendance nécessaire ou d'indivisibilité avec le chef de dispositif ayant rejeté, par des motifs distincts, les demandes de la société Arcelormittal contre le GAN, assureur d'une société tierce, celui-ci sera mis hors de cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de condamnation à paiement directement formulée par la société Arcelormittal France contre la société Blue construction, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz, autrement composée ;

Met hors de cause la société Gan assurances IARD ;

Condamne la société Blue construction aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

lundi 11 octobre 2021

Quand l'Administration est responsable de la faute de son cocontractant (CE)

 Note Monteclerc, AJDA 2021, p.1952.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société sportive professionnelle Olympique de Marseille a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille à lui verser la somme de 1 003 325 euros, majorée des intérêts au taux légal ainsi que la capitalisation de ceux-ci, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'indisponibilité du stade Vélodrome le 16 août 2009. Par un jugement n° 1304062 du 23 mai 2017, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17MA03262 du 23 mai 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Olympique de Marseille contre ce jugement.

Par une décision n° 421909 du 24 avril 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Par un arrêt n° 19MA02108 du 6 mars 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté à nouveau l'appel formé par la société Olympique de Marseille.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 6 mai 2020, 3 août 2020, 22 mars 2021 et 16 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Olympique de Marseille demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code du sport ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société sportive professionnelle Olympique de Marseille et à Me Haas, avocat de la ville de Marseille ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Marseille a conclu le 1er juillet 2009 avec la société sportive professionnelle Olympique de Marseille une convention de mise à disposition du stade Vélodrome, valable pour la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2011, en vue de l'organisation des rencontres de football programmées du club de l'Olympique de Marseille. La commune de Marseille a également conclu avec la société Live Nation France une convention de mise à disposition de ce même stade pour la période du 15 au 21 juillet 2009 en vue de l'organisation d'un concert. Le 16 juillet 2009, au cours des opérations de montage de la scène de spectacle édifiée en vue de cette manifestation, la structure métallique de la scène s'est effondrée, occasionnant le décès de deux personnes. A la suite de cet accident, le match de football devant opposer, le 16 août 2009, l'Olympique Marseille et le Lille Olympique Sporting Club n'a pu avoir lieu au stade Vélodrome, mais s'est tenu au stade de la Mosson à Montpellier. La société Olympique de Marseille a demandé à la commune de Marseille de lui verser la somme de 1 003 325 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'indisponibilité du stade Vélodrome le 16 août 2009. Par un jugement du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. La société Olympique de Marseille se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 mars 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur renvoi après annulation d'un premier arrêt par une décision du Conseil d'Etat du 24 avril 2019, a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. Pour juger que l'effondrement de la structure scénique prévue pour le concert et l'accident mortel qui s'en est suivi constituaient un cas de force majeure de nature à exonérer la commune de Marseille de toute responsabilité au regard du manquement aux obligations contractuelles résultant des stipulations de l'article 4.1 de la convention que celle-ci avait conclue le 1er juillet 2009 avec la société Olympique de Marseille, qu'elle a regardé comme établi dès lors que la commune n'a pas été à même de mettre le stade Vélodrome à disposition de cette société pour la rencontre sportive prévue le 16 août 2009, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur la circonstance que l'effondrement de la structure scénique et l'accident mortel qui s'en est suivi n'avaient pas pour origine une faute de la commune de Marseille, laquelle était étrangère à l'opération de montage de cette structure, et résultaient de faits qui étaient extérieurs à cette commune et avaient le caractère d'un événement indépendant de sa volonté, qu'elle était impuissante à prévenir et empêcher. En statuant ainsi, alors que l'indisponibilité du stade, bien qu'elle résulte de fautes commises par la société Live Nation France et les sous-traitants de cette dernière dans le montage de la structure scénique, n'aurait pu survenir sans la décision initiale de la commune de Marseille de mettre le stade Vélodrome à disposition de cette société pour l'organisation d'un concert, la cour a inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation.

3. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Olympique de Marseille est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'État statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'État étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

Sur la recevabilité de l'appel de la société Olympique de Marseille :

5. En premier lieu, la présentation d'une action par un avocat ou un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ne dispense pas le juge administratif de s'assurer, le cas échéant, lorsque la partie en cause est une personne morale, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour engager cette action. Une telle vérification n'est toutefois pas normalement nécessaire lorsque la personne morale requérante est dotée, par des dispositions législatives ou réglementaires, de représentants légaux ayant de plein droit qualité pour agir en justice en son nom. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 225-64 et L. 225-66 du code de commerce applicables aux sociétés anonymes disposant d'un directoire et d'un conseil de surveillance, ainsi que, par renvoi, de celles mentionnées au 3° de l'article L. 122-2 du code du sport applicables aux sociétés disposant de tels organes, que le président du directoire ou le directeur général unique ainsi que, le cas échéant, le directeur général, sont investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et représentent la société dans ses rapports avec les tiers. Ils ont ainsi, de plein droit, qualité pour agir en justice au nom de la société.

6. Il résulte de l'instruction que M. Jacques-Henri Eyraud, président du directoire de la société Olympique de Marseille à la date du pourvoi qu'il a formé devant le Conseil d'Etat au nom de cette société, a conclu à ce que le Conseil d'Etat, réglant l'affaire au fond, fasse droit à la requête d'appel de cette société. Par suite, l'intéressé doit, en tout état de cause, être regardé comme s'étant approprié dans ce cadre les conclusions de cette requête. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la société Olympique de Marseille n'aurait pas été représentée par une personne ayant qualité pour former l'appel objet de la présente instance doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge ". La requête d'appel présentée par la société Olympique de Marseille satisfaisant à ces exigences, la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Marseille doit être écartée.

Sur la recevabilité de la demande formée devant le tribunal administratif par la société Olympique de Marseille :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit au point 5 que M. A..., alors président du directoire de la société Olympique de Marseille, avait qualité pour introduire la demande soumise au tribunal administratif le 20 juin 2013.

9. En deuxième lieu, aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue. Il résulte de l'instruction que la société Olympique de Marseille a demandé le 14 mars 2017 à la commune de Marseille de l'indemniser du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de l'indisponibilité du stade Vélodrome pour la rencontre du 16 août 2009. Cette demande ayant été rejetée par le silence gardé par la commune de Marseille avant que le tribunal administratif statue, le 23 mai 2017, celle-ci n'est ainsi pas fondée à soutenir que la demande indemnitaire de la société Olympique de Marseille serait irrecevable faute de liaison du contentieux.

Sur la responsabilité contractuelle de la commune de Marseille :

10. Aux termes de l'article 2 de la convention conclue le 1er juillet 2009 entre la commune de Marseille et la société Olympique de Marseille : " La convention a pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles le stade Vélodrome est mis à disposition de l'OM pour l'organisation de ses rencontres programmées de football. La ville de Marseille conserve la disposition du stade Vélodrome et en assure l'entretien gros et menu, la gestion ainsi que l'exploitation des différentes activités susceptibles de s'y dérouler en dehors des périodes de mise à disposition prévues par la convention. ". Aux termes de l'article 4.1 de cette même convention : " La ville de Marseille met le stade Vélodrome à la disposition de l'OM pour l'organisation des rencontres programmées dans les conditions définies par la convention. L'OM est le " club résident " de football du stade Vélodrome, prioritaire en cette qualité pour l'utilisation du stade Vélodrome dans le cadre des rencontres officielles (...). La ville de Marseille prend les mesures appropriées pour que le stade Vélodrome puisse permettre l'organisation des rencontres officielles dans des conditions compatibles avec les normes impératives ". Selon l'article 1er de cette même convention, les " normes impératives " s'entendent de " toute règlementation ou norme impérative applicable aux enceintes sportives recevant du public émanant des autorités administratives compétentes ainsi que toute prescription ou décision en matière de sécurité des spectateurs et des sportifs édictées par les autorités nationales, européennes et internationales du football dont la mise en œuvre est nécessaire pour permettre l'organisation des rencontres de l'OM dans le stade ".

11. Il résulte de l'instruction que le match devant opposer l'Olympique de Marseille au Lille Olympique Sporting Club le 16 août 2009, joué au titre de la deuxième journée du championnat de France de ligue 1, constituait une rencontre programmée au sens des stipulations de la convention citées au point 10. La commune de Marseille n'ayant pas été en mesure de mettre le stade Vélodrome à disposition de la société Olympique de Marseille en vue de cette rencontre sportive, cette dernière, qui s'est trouvée contrainte d'organiser la rencontre dans un autre lieu sans que cela résulte, contrairement à ce qui est soutenu en défense, de sa seule initiative, est fondée à soutenir que la commune de Marseille a manqué aux obligations mises à sa charge par les stipulations de l'article 4.1 de la convention conclue avec ce club sportif. En l'absence de stipulation ou, comme il a été dit au point 2 et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, de circonstances relevant de la force majeure de nature à exonérer la commune de sa responsabilité contractuelle, la société Olympique de Marseille est fondée à demander la réparation du préjudice qui en est résulté pour elle.

Sur l'évaluation du préjudice :

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'en raison des capacités d'accueil du stade de la Mosson, limitées à 32 900 places, la rencontre sportive organisée à Montpellier le 16 août 2009 s'est déroulée en présence d'un nombre de spectateurs notablement inférieur à celui qui aurait pu être accueilli dans le cadre d'un match organisé au stade Vélodrome à une telle période de l'année. Il y a lieu de déterminer le montant du préjudice qui en est résulté en se référant à la rencontre ayant opposé l'Olympique de Marseille et l'Association de la Jeunesse Auxerroise le 17 août 2008, laquelle est représentative, en termes de nombre de spectateurs, des matchs de l'Olympique de Marseille qui se sont déroulés au stade Vélodrome au cours des mois d'août des années 2006 à 2010. La perte de recettes qui en résulte peut être évaluée sur cette base à 308 780 euros hors taxes au titre de la vente de places aux spectateurs, somme à laquelle il convient d'ajouter un manque à gagner pouvant être estimé à 21 111 euros hors taxes au titre des prestations de restauration qui leur sont délivrées sur place et dont la société Olympique de Marseille bénéfice par convention à hauteur de 20 % et à 9 930 euros hors taxes au titre des pertes sur les ventes de places " VIP ". En revanche, les justificatifs produits par cette société sont insuffisants pour établir d'éventuelles pertes liées à l'exploitation de la boutique vendant sur place des produits à l'effigie du club.

13. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'en raison de la délocalisation à Montpellier de la rencontre sportive qui s'est déroulée le 16 août 2009, la société Olympique de Marseille a exposé des frais de déplacement et d'hébergement pour ses salariés et les stadiers auxquels elle a recours. Elle justifie de ces frais à concurrence de la somme de 2 819 euros hors taxes, les autres dépenses de déplacement et d'hébergement dont la société demande l'indemnisation à ce titre n'étant assorties d'aucun justificatif ou concernant des personnels non répertoriés dans la liste des salariés du club versée au dossier par la société Olympique de Marseille et ne pouvant, par suite, être retenues. Il y a également lieu de l'indemniser des dépenses qu'elle a exposées pour une somme de 87 509 euros hors taxes aux fins d'assurer le transport de supporters à Montpellier.

14. En troisième lieu, la société Olympique de Marseille expose avoir engagé une somme totale de 56 670 euros hors taxes pour l'achat d'encarts publicitaires destinés à informer le public de la délocalisation du match, pour le transport et l'entreposage au stade de la Mosson de matériels et de panneaux d'affichage publicitaires et pour l'achat de banderoles. Il résulte de l'instruction que ces dépenses ont directement été supportées pour l'organisation de cette rencontre sportive et doivent ainsi donner lieu à indemnisation.

15. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction qu'en raison de l'indisponibilité du stade Vélodrome le 16 août 2009, la société Olympique de Marseille a été contrainte de prendre à sa charge les frais inhérents à la location du stade de la Mosson à Montpellier pour une somme de 29 290 euros hors taxes. Elle est par suite fondée à demander à en être indemnisée.

16. En cinquième lieu, la société Olympique de Marseille justifie avoir exposé des dépenses liées au recrutement de personnels intérimaires à Montpellier, pour la tenue du guichet ou des opérations de manutention, pour un montant dépassant de 18 860 euros hors taxes les charges habituellement supportées au titre de ces mêmes postes de dépenses lors des rencontres comparables organisées dans l'enceinte du stade Vélodrome. Cette somme doit par suite être prise en compte pour le calcul du montant du préjudice indemnisable.

17. En sixième lieu, la société Olympique de Marseille n'établit pas que la délivrance gratuite aux abonnés de places pour un match contre le FC Copenhague et la parution gratuite, dans les publications du club, de publicité pour des partenaires qui ont pu être affectés par la délocalisation du match procèderait d'obligations contractuelles à l'égard de ces personnes et non de choix commerciaux de sa part. Il n'y a, par suite, pas lieu d'en tenir compte pour déterminer le montant du préjudice ouvrant droit à indemnisation.

18. En septième lieu, l'indemnisation à accorder à la société Olympique de Marseille doit être réduite à hauteur des dépenses dont elle a été dispensée pour la location du stade Vélodrome du fait de cette délocalisation. Celles-ci doivent être évaluées, sur la base de la même hypothèse de fréquentation que celle retenue au point 12, à 73 082 euros hors taxes.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la société Olympique de Marseille est fondée à soutenir que la commune de Marseille doit être condamnée à lui verser, à titre d'indemnité, une somme qu'il y a lieu de fixer à 461 887 euros. La société Olympique de Marseille a droit, ainsi qu'elle le demande, aux intérêts au taux légal afférents à cette indemnité à compter du 20 juin 2013, date à laquelle elle a saisi le tribunal administratif de Marseille. La capitalisation des intérêts ayant été demandée par cette société à la même date, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 20 juin 2014, date à laquelle était due pour la première fois une année d'intérêts ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur l'appel en garantie de la société Live Nation France :

20. En premier lieu, la commune de Marseille n'ayant pas expressément abandonné, dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt attaqué, rendu par la cour administrative d'appel sur renvoi après annulation d'un premier arrêt par une décision du Conseil d'Etat du 24 avril 2019, les conclusions qu'elle a formées devant le tribunal administratif tendant à ce que la société Live Nation France soit condamnée à la garantir des indemnisations mises à sa charge, le Conseil d'Etat, réglant l'affaire au fond après annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel, demeure, contrairement à ce que soutient cette société, saisi de ces conclusions, la circonstance que celle-ci n'ait pas été partie à l'instance ayant donné lieu à la décision précitée du Conseil d'Etat étant dépourvue d'incidence à cet égard.

21. En deuxième lieu, la circonstance que la société Olympique de Marseille n'a formé aucune demande tendant à la condamnation de la société Live Nation France à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi à raison de l'impossibilité d'organiser au stade Vélodrome la rencontre programmée le 16 août 2019 est sans incidence sur la recevabilité de l'appel en garantie formé par la commune de Marseille à l'égard de cette société. Par ailleurs, ayant été formé le 18 octobre 2016, soit moins de cinq ans après la requête par laquelle la société Olympique de Marseille a sollicité la mise à la charge de la commune de Marseille de l'indemnisation contre laquelle cette commune demandait à être garantie, la société Live Nation France n'est pas fondée à soutenir que cet appel en garantie serait atteint par la prescription prévue par l'article 2224 du code civil.

22. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de la convention de mise à disposition du stade Vélodrome pour le concert devant se tenir le 19 juillet 2009, " La société Live Nation France organisatrice de la manifestation est responsable des dommages de toute nature pouvant survenir du fait ou à l'occasion de l'exécution de la présente convention ". Par suite, nonobstant les manquements qui auraient pu être commis par les sous-traitants auxquels a recouru la société Live Nation France pour le montage du dispositif scénique prévu pour la tenue du concert, il y a lieu d'accueillir les conclusions de la commune de Marseille tendant à ce que cette société soit appelée en garantie. En l'absence, au vu de l'instruction, de négligences de la commune de Marseille de nature à atténuer les responsabilités incombant à la société Live Nation France en application des stipulations précitées, cette société garantira la commune du montant total des sommes mises à sa charge par la présente décision.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la société Olympique de Marseille est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête et à demander la condamnation de la commune de Marseille à lui verser, en réparation du préjudice qu'elle a subi, une somme de 461 887 euros assortis des intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2013, ces intérêts étant capitalisés à compter du 20 juin 2014 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, la commune étant elle-même fondée à demander à être garantie par la société Live Nation France de la totalité des sommes mises à sa charge.

Sur les frais de l'instance :

24. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 6 000 euros, à verser à la société Olympique de Marseille, pour l'ensemble de la procédure, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que des sommes soient mise à ce titre à la charge de cette société, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 6 mars 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille et le jugement du 23 mai 2017 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.
Article 2 : La commune de Marseille est condamnée à verser à la société Olympique de Marseille une indemnité de 461 887 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2013. Les intérêts échus à la date du 20 juin 2014, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La société Live Nation France garantira la commune de Marseille du montant total des condamnations prononcées à son encontre.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Olympique de Marseille est rejeté.
Article 5 : La commune de Marseille versera à la société Olympique de Marseille une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Marseille et la société Live Nation France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société sportive professionnelle Olympique de Marseille, à la commune de Marseille et à la société par actions simplifiée Live Nation France.

ECLI:FR:CECHR:2021:440428.20211004

mercredi 20 mai 2020

La notification par le maître d'ouvrage, à l'architecte du décompte général et définitif du marché, non assorti d'une quelconque réserve, même non chiffrée, fait obstacle à son appel en garantie (CE)

Note Tréca et Monin, GP 2020, n° 19, p. 80
Note Hoepffner, RDI 2020-7, p. 398.

Conseil d'État

N° 425168   
ECLI:FR:CECHR:2020:425168.20200127
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Yohann Bouquerel, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP BOULLOCHE ; SCP DIDIER, PINET ; SCP BOULLEZ, avocats

lecture du lundi 27 janvier 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :
La société Alm Allain, en sa qualité de mandataire du groupement composé d'elle-même et de la société BG2C, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la condamnation du centre hospitalier de Libourne à lui verser la somme de 281 144 euros HT, en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chances sérieuses de remporter le marché portant sur le lot n° 2 " terrassement et gros oeuvre " relatif à la construction d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes à Libourne. Par un jugement n° 1204319 du 10 juillet 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le centre hospitalier de Libourne à verser à la société Alm Allain la somme de 160 000 euros à titre d'indemnité et a condamné le groupement de maîtrise d'oeuvre représenté par la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés à garantir intégralement le centre hospitalier de Libourne de la condamnation mise à sa charge.
Par un arrêt n° 15BX03010 du 28 août 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés, réformé ce jugement en condamnant cette société à garantir le centre hospitalier de Libourne à hauteur de 40 % de la somme de 160 000 euros.
Par un pourvoi sommaire, enregistré le 31 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat et régularisé le 9 novembre 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 janvier 2019, la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il l'a condamnée à garantir le centre hospitalier de Libourne à hauteur de 40 % de la somme de 160 000 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Libourne la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés, à la SCP Didier, Pinet, avocat du centre hospitalier de Libourne et à la SCP Boullez, avocat de la société Edeis ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour la construction d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, le centre hospitalier de Libourne a conclu le 24 juillet 2009 un contrat de maîtrise d'oeuvre avec un groupement solidaire d'entreprises, composé de la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés, mandataire du groupement, du bureau d'étude Laumond Faure Ingénierie, aux droits duquel sont venues successivement les sociétés SNC Lavallin et Edeis, et de M. B... A..., paysagiste. Le groupement d'entreprises composé de la société Alm Allain et de la société BG2C a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier de Libourne à lui verser une indemnité de 281 144 euros HT, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'éviction de sa candidature pour l'attribution du lot n° 2 " terrassements et gros oeuvre " du marché de travaux passé par l'hôpital. Par un jugement du 10 juillet 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné, d'une part, le centre hospitalier de Libourne à verser au groupement précité la somme de 160 000 euros et, d'autre part, la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés à garantir intégralement le centre hospitalier de Libourne du paiement de cette somme. Par un arrêt du 28 août 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel principal de la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés, a réduit sa garantie à 40 % de la somme de 160 000 euros mise à la charge du centre hospitalier de Libourne et a rejeté le surplus des conclusions des parties. La société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il la condamne à garantir le centre hospitalier de Libourne à hauteur de 40 % de la somme de 160 000 euros.
2. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Toutes les conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Toutefois, la circonstance que le décompte général d'un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d'appel en garantie du maître d'ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s'il est établi que le maître d'ouvrage avait eu connaissance de l'existence du litige avant qu'il n'établisse le décompte général du marché et qu'il n'a pas assorti le décompte d'une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige. Lorsqu'un maître d'ouvrage, attrait par un concurrent évincé devant le juge administratif, et ainsi nécessairement informé de l'existence d'un litige, après avoir appelé en garantie le maître d'oeuvre, signe avec celui-ci, sans l'assortir de réserve, le décompte général du marché qui les lie, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation correspondant à ces sommes.
3. Pour écarter le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie présentées par le centre hospitalier de Libourne contre la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés, la cour administrative d'appel a jugé que l'intervention du décompte général du marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec cette société ne pouvait faire obstacle à la recevabilité de ces conclusions, alors qu'il résultait de ses propres constations que le décompte avait été établi postérieurement à l'appel en garantie et à une date à laquelle le maître d'ouvrage avait nécessairement connaissance du litige l'opposant au groupement d'entreprises composé de la société Alm Allain et de la société BG2C. Elle a, par suite, entaché son arrêt d'erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions d'appel en garantie du centre hospitalier de Libourne contre la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 que la notification par le centre hospitalier de Libourne, le 5 mars 2015, à la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés du décompte général et définitif du marché, non assorti d'une quelconque réserve, même non chiffrée, fait obstacle à ce que les conclusions de son appel en garantie dirigées contre cette société puissent être accueillies.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de l'appel, que le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 juillet 2015 doit être annulé en tant qu'il a condamné la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés à garantir intégralement le centre hospitalier de Libourne de la condamnation mise à sa charge dans le litige qui l'opposait à la société Alm Alain.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Libourne la somme de 3 000 euros à verser à la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette société qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société Edeis.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 28 août 2018 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ainsi que l'article 5 du même arrêt en tant qu'il rejette les conclusions présentées par société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Libourne devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à ce que la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés soit appelée à le garantir des condamnations prononcées à son encontre, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le centre hospitalier de Libourne versera à la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour la présente instance et pour les instances devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Bordeaux. Les conclusions présentées au même titre par la société Edeis sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Atelier d'architecture Bégué Peyrichou Gérard et associés, au centre hospitalier de Libourne et à la société Edeis.
Copie en sera adressée à M. B... A... et aux sociétés Alm Allain, BG2C et Seg Fayat.





Analyse

Abstrats : 39-05-02-01-02 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. EXÉCUTION FINANCIÈRE DU CONTRAT. RÈGLEMENT DES MARCHÉS. DÉCOMPTE GÉNÉRAL ET DÉFINITIF. EFFETS DU CARACTÈRE DÉFINITIF. - APPEL EN GARANTIE D'UN MAÎTRE D'OUVRAGE CONTRE LE TITULAIRE DU MARCHÉ DONT LE DÉCOMPTE EST DEVENU DÉFINITIF [RJ1] - 1) IRRECEVABILITÉ LORSQUE LE MAÎTRE D'OUVRAGE A EU CONNAISSANCE DE L'EXISTENCE DU LITIGE AVANT L'ÉTABLISSEMENT DU DÉCOMPTE ET QU'IL N'A PAS ASSORTI LE DÉCOMPTE D'UNE RÉSERVE [RJ2] - 2) APPLICATION - MAÎTRE D'OUVRAGE ATTRAIT PAR UN CONCURRENT ÉVINCÉ DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF ET AYANT SIGNÉ AVEC LE MAÎTRE D'ŒUVRE LE DÉCOMPTE GÉNÉRAL SANS L'ASSORTIR DE RÉSERVE - IRRECEVABILITÉ DE L'APPEL EN GARANTIE.
39-06-01-06 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE. RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS À L'ÉGARD DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE. ACTIONS EN GARANTIE. - APPEL EN GARANTIE D'UN MAÎTRE D'OUVRAGE CONTRE LE TITULAIRE DU MARCHÉ DONT LE DÉCOMPTE EST DEVENU DÉFINITIF [RJ1] - 1) IRRECEVABILITÉ LORSQUE LE MAÎTRE D'OUVRAGE A EU CONNAISSANCE DE L'EXISTENCE DU LITIGE AVANT L'ÉTABLISSEMENT DU DÉCOMPTE ET QU'IL N'A PAS ASSORTI LE DÉCOMPTE D'UNE RÉSERVE [RJ2] - 2) APPLICATION - MAÎTRE D'OUVRAGE ATTRAIT PAR UN CONCURRENT ÉVINCÉ DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF ET AYANT SIGNÉ AVEC LE MAÎTRE D'ŒUVRE LE DÉCOMPTE GÉNÉRAL SANS L'ASSORTIR DE RÉSERVE - IRRECEVABILITÉ DE L'APPEL EN GARANTIE.

Résumé : 39-05-02-01-02 1) L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Toutes les conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Toutefois, la circonstance que le décompte général d'un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d'appel en garantie du maître d'ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s'il est établi que le maître d'ouvrage avait eu connaissance de l'existence du litige avant qu'il n'établisse le décompte général du marché et qu'il n'a pas assorti le décompte d'une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige.... ,,2) Lorsqu'un maître d'ouvrage, attrait par un concurrent évincé devant le juge administratif, et ainsi nécessairement informé de l'existence d'un litige, après avoir appelé en garantie le maître d'oeuvre, signe avec celui-ci, sans l'assortir de réserve, le décompte général du marché qui les lie, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation correspondant à ces sommes.
39-06-01-06 1) L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Toutes les conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Toutefois, la circonstance que le décompte général d'un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d'appel en garantie du maître d'ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s'il est établi que le maître d'ouvrage avait eu connaissance de l'existence du litige avant qu'il n'établisse le décompte général du marché et qu'il n'a pas assorti le décompte d'une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige.... ,,2) Lorsqu'un maître d'ouvrage, attrait par un concurrent évincé devant le juge administratif, et ainsi nécessairement informé de l'existence d'un litige, après avoir appelé en garantie le maître d'oeuvre, signe avec celui-ci, sans l'assortir de réserve, le décompte général du marché qui les lie, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation correspondant à ces sommes.



[RJ1] Cf., sur la recevabilité de cette action alors même que le décompte du marché est devenu définitif, CE, 15 novembre 2011, Commune de Dijon, n° 349107, T. pp. 854-855.,,[RJ2] Cf. CE, 6 mai 2019, Société Icade Promotion, n° 420765, à mentionner aux Tables.