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lundi 21 novembre 2022

Un avocat ne peut produire des pièces couvertes par le secret professionnel que sous réserve des strictes exigences de sa propre défense

 Note S. Grayot-Dirx, SJ G 2022, p. 1289.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 septembre 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 970 F-B

Pourvoi n° U 21-13.625




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022

Mme [O] [Z], épouse [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-13.625 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-1), dans le litige l'opposant à M. [S] [W], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de Me Occhipinti, avocat de Mme [Z], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 décembre 2020), Mme [Z] a relevé appel, le 14 mai 2019, du jugement d'un juge aux affaires familiales rendu le 29 avril 2016 dans une instance l'opposant à M. [W].

2. Par ordonnance du 11 février 2019 [en réalité 2020], le conseiller de la mise en état a déclaré cet appel irrecevable, comme tardif.

3. Mme [Z] a déféré cette ordonnance à la cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel du jugement du 29 avril 2016, alors « que lorsque la représentation des parties est obligatoire, la décision doit être préalablement notifiée au représentant, faute de quoi la notification à partie est nulle ; que l'absence de notification au représentant constituant l'omission d'un acte et non un vice de forme dont un acte de procédure accompli serait entaché, la nullité de la signification faite à la partie est acquise sans qu'elle ait à justifier d'un grief résultant de cette omission ; qu'en estimant que l'absence de signification du jugement entrepris à l'avocat de Mme [Z] était soumis au régime des vices de forme, la cour d'appel a violé les articles 114 et 678 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. L'irrégularité de la signification d'un jugement à une partie résultant de l'absence de notification préalable à son avocat est un vice de forme qui n'entraîne la nullité de la signification destinée à la partie que sur justification d'un grief.

6. Le moyen, qui postule le contraire, ne peut être accueilli.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. Mme [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors « que les juges du fond sont tenus d'analyser au moins brièvement les pièces versées aux débats ; qu'en se bornant à énoncer que les pièces du dossier établissaient que l'avocat de Mme [Z] avait eu connaissance du jugement qui lui avait été transmis par le tribunal et avait communiqué le jugement à M. [W], sans identifier et analyser brièvement une quelconque pièce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Tout jugement doit être motivé.

9. Pour déclarer l'appel de Mme [Z] irrecevable, l'arrêt retient, par motifs propres , que les pièces du dossier établissent que l'avocat de Mme [Z] avait connaissance du jugement qui lui avait été transmis par le tribunal avant même la signification qui en a été faite à sa cliente.

10. En statuant ainsi, par le seul visa de documents qu'elle n'a pas analysés, même sommairement, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

11. Mme [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors « que seules les correspondances entre avocats portant à juste titre la mention « officiel » peuvent être communiquées à des tiers ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, s'il n'était pas exact que la lettre de l'avocat de M. [W] du 17 mars 2017 était dépourvue d'une telle mention, de sorte qu'elle ne pouvait pas être produite en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 et 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 :

12. En application de ces articles, un avocat ne peut produire des pièces couvertes par le secret professionnel que sous réserve des strictes exigences de sa propre défense.

13. Pour déclarer l'appel de Mme [Z] irrecevable, l'arrêt retient, par motif adopté, que par lettre du 17 mars 2017, l'avocat de M. [W] a informé celui de Mme [Z] de ce qu'il avait eu communication du jugement du 29 avril 2016, ce qui dispensait son confrère d'avoir à le lui adresser et qu'il l'informait qu'il allait lui faire signifier. L'arrêt en déduit que l'avocat de Mme [Z] avait le jugement en sa possession et qu'il était donc en mesure d'aviser Mme [Z] de la marche à suivre et des délais quant à un éventuel recours.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la pièce produite par l'avocat de M. [W] était couverte par le secret professionnel et si sa production répondait aux strictes exigences de sa défense dans le cadre du litige l'opposant à Mme [Z], la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Condamne M. [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [W] à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour Mme [Z]

Mme [Z] reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable son appel du jugement du 29 avril 2016 ;

1°) - ALORS QUE lorsque la représentation des parties est obligatoire, la décision doit être préalablement notifiée au représentant, faute de quoi la notification à partie est nulle ; que l'absence de notification au représentant constituant l'omission d'un acte et non un vice de forme dont un acte de procédure accompli serait entaché, la nullité de la signification faite à la partie est acquise sans qu'elle ait à justifier d'un grief résultant de cette omission ; qu'en estimant que l'absence de signification du jugement entrepris à l'avocat de Mme [Z] était soumis au régime des vices de forme, la cour d'appel a violé les articles 114 et 678 du code de procédure civile ;

2°) - ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'analyser au moins brièvement les pièces versées aux débats ; qu'en se bornant à énoncer que les pièces du dossier établissaient que l'avocat de Mme [Z] avait eu connaissance du jugement qui lui avait été transmis par le tribunal et avait communiqué le jugement à M. [W], sans identifier et analyser brièvement une quelconque pièce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) - ALORS QUE M. [W] n'a jamais soutenu que le tribunal avait communiqué le jugement à l'avocat de Mme [Z] ; qu'en se fondant sur un tel moyen, sans le soumettre à la discussion des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°) - ALORS QU'en se fondant, pour dire que l'avocat de Mme [Z] avait eu connaissance du jugement avant la signification à partie, sur une lettre de l'avocat de M. [W] du 17 mars 2017, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il était établi que cette lettre avait bien été reçue par l'avocat de Mme [Z], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114 et 678 du code de procédure civile ;

5°) - ALORS QUE seules les correspondances entre avocats portant à juste titre la mention « officiel » peuvent être communiquées à des tiers ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, s'il n'était pas exact que la lettre de l'avocat de M. [W] du 17 mars 2017 était dépourvue d'une telle mention, de sorte qu'elle ne pouvait pas être produite en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. ECLI:FR:CCASS:2022:C200970

lundi 11 janvier 2021

Le secret des correspondances avocat-client

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° C 19-84.304 FS-P+B+I

N° 2299


CK
25 NOVEMBRE 2020


CASSATION


M. SOULARD président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 NOVEMBRE 2020



CASSATION sur le pourvoi formé par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) contre l'ordonnance n° 18/00124 du premier président de la cour d'appel de Chambéry, en date du 22 mars 2019, qui a prononcé sur la régularité des opérations de visite et de saisies effectuées en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Auvergne Rhône-Alpes, et les conclusions de M. Valleix, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 octobre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Planchon, Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, M. Ascensi, conseillers référendaires, M. Valleix, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 4 avril 2018, le juge des libertés et de la détention a autorisé la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne Rhône-Alpes (DIRECCTE) à procéder à des opérations de visite et saisies, notamment au sein des locaux de la société Au vieux campeur Paris de Rorthays et Cie.

3. Le 2 mai 2018, la société Au vieux campeur a déposé un recours à l'encontre du déroulement des opérations de visite et de saisies, qui se sont déroulées le 24 avril 2018.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens

4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'ordonnance attaqué en ce qu'il a, statuant sur le recours en annulation de la société Au vieux campeur Paris de Rorthays et Cie, ordonné le retrait de la saisie des courriers électroniques listés dans le tableau récapitulatif joint à l'ordonnance, alors :

« 1°/ que seules les correspondances entre l'avocat et son client, relatives à l'exercice du droit de la défense, sont insaisissables ; qu'en s'abstenant de constater que tel était le cas des différentes correspondances ayant fait l'objet du retrait, l'ordonnance attaquée a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 450-4 du code de commerce et 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

2°/ que si l'administration ne contestait pas le principe selon lequel certaines correspondances échangées entre l'avocat et son client peuvent être couvertes par le secret, elle soulignait également qu'il fallait encore que le principe s'applique à l'espèce et que le retrait n'était pas automatique ; qu'en s'abstenant de rechercher si, eu égard au contenu des correspondances visées par la demande de retrait, les correspondances en cause pouvaient être regardées comme ayant trait à l'exercice des droits de la défense, et pouvaient dès lors être extraites de la saisie, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 450-4 du code de commerce et 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et L. 450-4 du code de commerce :

6. Si, selon les principes rappelés par le premier de ces textes, les correspondances échangées entre le client et son avocat sont, en toutes matières, couvertes par le secret professionnel, il demeure qu'elles peuvent notamment être saisies dans le cadre des opérations de visite prévues par le second dès lors qu'elles ne concernent pas l'exercice des droits de la défense.

7. Il résulte du second de ces textes que le premier président, statuant sur la régularité de ces opérations ne peut ordonner la restitution des correspondances entre l'occupant des lieux visités et un avocat en raison de leur confidentialité que si celles-ci sont en lien avec l'exercice des droits de la défense.

8. Pour faire droit à la demande de la société Au vieux campeur que soient retirées des fichiers saisis les correspondances avec ses avocats, l'ordonnance attaquée retient que la requérante produit un tableau récapitulatif des documents faisant l'objet d'une demande de protection précisant l'ordinateur concerné, la référence des dossiers outlook où sont rangées les correspondances, l'identité de l'avocat et le destinataire du message ainsi que la date de ce message.

9. Le premier président en conclut que ces éléments sont suffisamment précis pour qu'il soit fait droit à la demande.

10. En se déterminant ainsi, le premier président n'a pas justifié sa décision.

11. En effet, il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que la requérante, qui s'est contentée d'identifier les courriers concernés, n'a pas apporté d'élément de nature à établir que ces courriers étaient en lien avec l'exercice des droits de la défense.

12. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du premier président de la cour d'appel de Chambéry, en date du 22 mars 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant le premier président de la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil. ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq novembre deux mille vingt.ECLI:FR:CCASS:2020:CR02299