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mardi 13 mai 2025

Nouveaux dommages procédant d'un même désordre précédent

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 7 mai 2025




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 238 F-D

Pourvoi n° E 23-19.324




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025

La société Jean Jaurès, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 2], a formé le pourvoi n° E 23-19.324 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 5],

2°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 1], [Localité 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société civile immobilière Jean Jaurès, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MAAF assurances, et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er juin 2023) et les productions, M. [L] a entrepris des travaux en vue de la division d'un immeuble. Le lot « menuiseries extérieures et intérieures » a été confié à la société Établissements Meyzié, assurée auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA IARD), le lot « carrelage sols-revêtements » étant confié à M. [O], assuré auprès de la société MAAF assurances.

2. Les travaux ont été réceptionnés le 20 novembre 2000. L'immeuble a été soumis au statut de la copropriété et la société civile immobilière Jean Jaurès (la SCI), qui a acquis un lot le 22 octobre 2009, a entrepris des travaux de rénovation qui ont révélé des désordres justifiant un arrêté de péril pris par le maire de la commune le 22 janvier 2010.

3. Une expertise a été ordonnée en référé le 4 mars 2010 à la demande notamment du syndicat des copropriétaires de l'immeuble et de la SCI, le premier ayant, après le dépôt de son rapport par l'expert, assigné les constructeurs et leurs assureurs aux fins d'indemnisation de ses préjudices devant un tribunal judiciaire.

4. Par un jugement du 4 juillet 2017, confirmé sur ces points par un arrêt du 28 janvier 2021, les sociétés MMA IARD et MAAF assurances ont été condamnées à payer diverses sommes au syndicat des copropriétaires.

5. Par acte du 28 septembre 2021, la SCI a assigné les sociétés MMA IARD et MAAF assurances afin d'être indemnisée de l'ensemble des préjudices personnellement subis suite aux désordres constatés dans son lot en 2009 et 2010, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.

6. Les sociétés MMA IARD et MAAF assurances ont saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme forclose son action, alors « que l'assignation du syndicat des copropriétaires en réparation des désordres affectant l'immeuble interrompt le délai de forclusion de l'action d'un copropriétaire aux fins de réparation des préjudices personnels subis à raison desdits désordres, même si ce copropriétaire n'a pas été partie à l'instance introduite par le syndicat ; qu'en l'espèce, la SCI Jean Jaurès faisait valoir qu'une action avait été engagée par le syndicat de copropriété et par d'autres copropriétaires ayant donné lieu à un jugement rendu le 4 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Périgueux et à un arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Bordeaux, qui avaient reconnu la responsabilité des entreprises ayant réalisé les travaux et la garantie de leurs assureurs, dont les sociétés MAAF et MMA, et qu'elle avait bénéficié de l'interruption du délai d'action en résultant, de sorte que l'action qu'elle avait engagée par actes des 28 et 30 septembre 2021 contre la sociétés MAAF assurances et les MMA, assureur respectivement de M. [O] et de la société Etablissements Meyzié, n'était pas prescrite ; qu'en jugeant néanmoins que puisque la SCI Jean Jaurès n'avait pas été partie à l'instance engagée par le syndicat des copropriétaires faute d'y être intervenue volontairement, elle ne pouvait opposer ces décisions qui n'avaient pas produit d'effet interruptif de forclusion à son égard, la cour a violé les articles 15 de la loi du 10 juillet 1965, 1792-4-1 et 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1792-4-1 et 2241, alinéa 1er, du code civil et l'article 15, alinéa 1er, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :

8. Selon le premier de ces textes, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux.

9. Aux termes du deuxième, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

10. Aux termes du troisième, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble.

11. Il en résulte que l'effet interruptif de forclusion attaché à l'assignation délivrée par un syndicat des copropriétaires ayant agi en réparation d'un dommage affectant les parties communes bénéficie au copropriétaire agissant en réparation d'un dommage affectant ses parties privatives lorsque ces dommages procèdent d'un même désordre, peu important que le copropriétaire n'ait pas été partie à l'instance engagée par le syndicat des copropriétaires.

12. Pour déclarer irrecevable comme forclose l'action de la SCI, l'arrêt retient que celle-ci n'était pas partie à la procédure, initiée par le syndicat des copropriétaires, ayant conduit à la reconnaissance de la responsabilité des entreprises et à la garantie de leurs assureurs par jugement du 4 juillet 2017 et arrêt d'appel du 28 janvier 2021, de sorte que ces décisions ne lui sont pas opposables et n'ont pas produit d'effet interruptif de forclusion à son égard.

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les dommages dont la SCI sollicitait la réparation ne trouvaient pas leur origine dans les mêmes désordres que ceux ayant affecté les parties communes pour la réparation desquels le syndicat des copropriétaires avait agi en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne les sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et MAAF assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et MAAF assurances et les condamne à payer à la société civile immobilière Jean Jaurès la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le sept mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300238

mardi 24 mai 2022

Responsabilité décennale et nuisances olfactives

 Note S. Bertolaso, RCA 2022-7/8, p. 25.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 387 FS-B

Pourvoi n° Z 21-15.608




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022

Le syndicat des copropriétaires [Adresse 6], dénommée [Adresse 6], dont le siège est [Adresse 5], représenté par son syndic la société Le Kalliste, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-15.608 contre l'arrêt rendu le 17 février 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la compagnie d'assurances Axa Fance IARD, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Les Jardins de Toga, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du syndicat des copropriétaires [Adresse 6], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la compagnie d'assurances Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Jacques, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Désistement partiel

1. Il est donné acte au [Adresse 6], dénommée résidence Les Jardins de Toga (le syndicat des copropriétaires) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Les Jardins de Toga.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 17 février 2021), se plaignant de désordres affectant les bâtiments d'une résidence réalisée par la société Les Jardins de Toga, le syndicat des copropriétaires a, après expertise, assigné celle-ci en réparation, ainsi que la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, en indemnisation.

Examen du moyen

Sur le moyen, en ce qu'il vise l'absence d'écran en sous-toiture

Enoncé du moyen

3. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage relatives à l'absence d'écran en sous-toiture, alors :

« 1°/ que l'assureur dommages ouvrage garantit la réparation des dommages qui, apparus dans un délai de dix ans, compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en considérant, pour exclure la garantie de la société Axa, en qualité d'assureur dommages ouvrage, que, dix ans après la réception de l'immeuble, « le risque pour la santé et la sécurité des occupants résultant de l'absence de raccordement des évents et de l'absence d'écran sous-toiture retenu par l'expert ne s'était pas concrétisé », quand elle relevait que l'ouvrage était affecté de non-façons, apparues dans les dix ans de la réception, qui, faisant courir des risques aux occupants, le rendaient nécessairement impropre à sa destination, peu important que ces risques ne se soient pas encore concrétisés, la cour d'appel a méconnu les articles 1792 et 1792-4-1 du code civil, ensemble l'article L. 242-1 du code des assurances ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, le syndicat des copropriétaires contestait le caractère apparent des non-façons lors de la réception, soulignant que « les acquéreurs profanes en la matière, ne pouvaient relever l'absence d'un film sous-toiture pas plus que l'absence des évents » et que ce n'était « qu'à la suite d'infiltrations et à la présence d'odeurs nauséabondes que le syndic » avait dénoncé les désordres, lesquels étaient « apparus bien après l'année de parfait achèvement » ; qu'en retenant, pour exclure la garantie de la société Axa, en qualité d'assureur dommages ouvrage, que le syndicat aurait, dans ses écritures, admis le caractère apparent des non-façons litigieuses, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel du syndicat des copropriétaires et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ;
qu'en se fondant sur le caractère apparent des désordres lors de la réception, sans répondre aux conclusions du syndicat des copropriétaires selon lesquelles les compétences des acquéreurs de l'immeuble, totalement profanes en matière de construction, ne leur permettaient pas de se rendre compte de l'absence de raccordement des évents et de l'absence d'écran sous-toiture lors de la réception, ni, à plus forte raison, en appréhender les conséquences, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que seuls peuvent être exclus de la garantie dommages ouvrage les désordres que le maître de l'ouvrage a pu appréhender, dans leur ampleur et leurs conséquences, lors de la réception ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les conséquences décennales et l'ampleur des désordres (odeurs nauséabondes dangereuses pour la santé s'agissant de l'absence de raccordement des évents ; possibilité d'entrées d'eau s'agissant de l'absence de film) n'étaient pas apparues postérieurement à la réception de sorte que les maîtres de l'ouvrage n'avaient pu les accepter en connaissance de cause lors de la réception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-6 du code civil, ensemble l'article L. 242-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel, qui a constaté que l'absence d'écran sous-toiture pouvait, selon l'expert, provoquer, en cas de vents violents, des chutes de tuiles sur les occupants et des entrées d'eau, a retenu que, la réception ayant été prononcée le 31 juillet 2004, le risque évoqué ne s'était pas réalisé à la date du dépôt du rapport d'expertise le 9 février 2015.

5. Elle en a déduit, à bon droit, abstraction faite des motifs critiqués par les deuxième, troisième et quatrième branches, qu'en l'absence de désordre décennal constaté durant le délai d'épreuve, les demandes formées de ce chef à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage ne pouvaient être accueillies.

6. Par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il vise l'absence de raccordement des évents

Enoncé du moyen

7. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage relatives à l'absence de raccordement des évents, alors « que l'assureur dommages ouvrage garantit la réparation des dommages qui, apparus dans un délai de dix ans, compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en considérant, pour exclure la garantie de la société Axa, en qualité d'assureur dommages ouvrage, que, dix ans après la réception de l'immeuble, « le risque pour la santé et la sécurité des occupants résultant de l'absence de raccordement des évents et de l'absence d'écran sous-toiture retenu par l'expert ne s'était pas concrétisé », quand elle relevait que l'ouvrage était affecté de non-façons, apparues dans les dix ans de la réception, qui, faisant courir des risques aux occupants, le rendaient nécessairement impropre à sa destination, peu important que ces risques ne se soient pas encore concrétisés, la cour d'appel a méconnu les articles 1792 et 1792-4-1 du code civil, ensemble l'article L. 242-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1792 du code civil et L. 242-1 du code des assurances :

8. En application de ces textes, l'assurance dommages-ouvrage garantit notamment les dommages qui, affectant l'ouvrage dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination dans le délai d'épreuve de dix ans courant à compter de la réception.

9. Pour rejeter les demandes formées à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage, l'arrêt retient que, la réception ayant eu lieu le 31 juillet 2004, le risque pour la santé et la sécurité des occupants résultant de l'absence de raccordement des évents ne s'était pas concrétisé à la date de l'expertise.

10. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'expert avait relevé que l'absence de raccordement des évents provoquait des odeurs nauséabondes présentant un danger pour la santé des personnes, de sorte que le risque sanitaire lié aux nuisances olfactives rendait, en lui-même, l'ouvrage impropre à sa destination durant le délai d'épreuve, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche, en ce qu'il vise l'absence de raccordement des évents

Enoncé du moyen

11. Le syndicat des copropriétaires fait le même grief à l'arrêt, alors « que seuls peuvent être exclus de la garantie dommages ouvrage les désordres que le maître de l'ouvrage a pu appréhender, dans leur ampleur et leurs conséquences, lors de la réception ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les conséquences décennales et l'ampleur des désordres (odeurs nauséabondes dangereuses pour la santé s'agissant de l'absence de raccordement des évents ; possibilité d'entrées d'eau s'agissant de l'absence de film) n'étaient pas apparues postérieurement à la réception de sorte que les maîtres de l'ouvrage n'avaient pu les accepter en connaissance de cause lors de la réception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-6 du code civil, ensemble l'article L. 242-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1792 et 1792-6 du code civil et L. 242-1 du code des assurances :

12. Si en application du deuxième de ces textes, la réception sans réserve couvre les vices apparents, il résulte du premier et du troisième que la garantie dommages-ouvrage s'applique pour les désordres de nature décennale apparus après celle-ci.

13. Pour rejeter les demandes formées à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage, l'arrêt retient que l'absence de raccordement des évents était apparente à la date de la réception.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les nuisances olfactives provoquées par l'absence de raccordement des colonnes d'eaux usées à des évents extérieurs ne s'étaient pas manifestées que postérieurement à la réception, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande formée par le [Adresse 6], dénommée résidence Les Jardins de Toga à l'encontre de la société Axa France IARD au titre de l'absence de raccordement des évents, en ce qu'il condamne le [Adresse 6], dénommée résidence Les Jardins de Toga, à payer à la société Axa France IARD la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il le condamne aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 17 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

mardi 17 mai 2022

Notion et computation de la durée de gravité décennale des désordres couverts par la police "dommages-ouvrage"

  Note S. Bertolaso, RCA 2022-7/8, p. 25.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 387 FS-B

Pourvoi n° Z 21-15.608




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022

Le syndicat des copropriétaires [Adresse 6], dénommée [Adresse 6], dont le siège est [Adresse 5], représenté par son syndic la société Le Kalliste, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-15.608 contre l'arrêt rendu le 17 février 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la compagnie d'assurances Axa Fance IARD, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Les Jardins de Toga, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du syndicat des copropriétaires [Adresse 6], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la compagnie d'assurances Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Jacques, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Désistement partiel

1. Il est donné acte au [Adresse 6], dénommée résidence Les Jardins de Toga (le syndicat des copropriétaires) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Les Jardins de Toga.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 17 février 2021), se plaignant de désordres affectant les bâtiments d'une résidence réalisée par la société Les Jardins de Toga, le syndicat des copropriétaires a, après expertise, assigné celle-ci en réparation, ainsi que la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, en indemnisation.

Examen du moyen

Sur le moyen, en ce qu'il vise l'absence d'écran en sous-toiture

Enoncé du moyen

3. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage relatives à l'absence d'écran en sous-toiture, alors :

« 1°/ que l'assureur dommages ouvrage garantit la réparation des dommages qui, apparus dans un délai de dix ans, compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en considérant, pour exclure la garantie de la société Axa, en qualité d'assureur dommages ouvrage, que, dix ans après la réception de l'immeuble, « le risque pour la santé et la sécurité des occupants résultant de l'absence de raccordement des évents et de l'absence d'écran sous-toiture retenu par l'expert ne s'était pas concrétisé », quand elle relevait que l'ouvrage était affecté de non-façons, apparues dans les dix ans de la réception, qui, faisant courir des risques aux occupants, le rendaient nécessairement impropre à sa destination, peu important que ces risques ne se soient pas encore concrétisés, la cour d'appel a méconnu les articles 1792 et 1792-4-1 du code civil, ensemble l'article L. 242-1 du code des assurances ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, le syndicat des copropriétaires contestait le caractère apparent des non-façons lors de la réception, soulignant que « les acquéreurs profanes en la matière, ne pouvaient relever l'absence d'un film sous-toiture pas plus que l'absence des évents » et que ce n'était « qu'à la suite d'infiltrations et à la présence d'odeurs nauséabondes que le syndic » avait dénoncé les désordres, lesquels étaient « apparus bien après l'année de parfait achèvement » ; qu'en retenant, pour exclure la garantie de la société Axa, en qualité d'assureur dommages ouvrage, que le syndicat aurait, dans ses écritures, admis le caractère apparent des non-façons litigieuses, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel du syndicat des copropriétaires et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ;
qu'en se fondant sur le caractère apparent des désordres lors de la réception, sans répondre aux conclusions du syndicat des copropriétaires selon lesquelles les compétences des acquéreurs de l'immeuble, totalement profanes en matière de construction, ne leur permettaient pas de se rendre compte de l'absence de raccordement des évents et de l'absence d'écran sous-toiture lors de la réception, ni, à plus forte raison, en appréhender les conséquences, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que seuls peuvent être exclus de la garantie dommages ouvrage les désordres que le maître de l'ouvrage a pu appréhender, dans leur ampleur et leurs conséquences, lors de la réception ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les conséquences décennales et l'ampleur des désordres (odeurs nauséabondes dangereuses pour la santé s'agissant de l'absence de raccordement des évents ; possibilité d'entrées d'eau s'agissant de l'absence de film) n'étaient pas apparues postérieurement à la réception de sorte que les maîtres de l'ouvrage n'avaient pu les accepter en connaissance de cause lors de la réception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-6 du code civil, ensemble l'article L. 242-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel, qui a constaté que l'absence d'écran sous-toiture pouvait, selon l'expert, provoquer, en cas de vents violents, des chutes de tuiles sur les occupants et des entrées d'eau, a retenu que, la réception ayant été prononcée le 31 juillet 2004, le risque évoqué ne s'était pas réalisé à la date du dépôt du rapport d'expertise le 9 février 2015.

5. Elle en a déduit, à bon droit, abstraction faite des motifs critiqués par les deuxième, troisième et quatrième branches, qu'en l'absence de désordre décennal constaté durant le délai d'épreuve, les demandes formées de ce chef à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage ne pouvaient être accueillies.

6. Par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il vise l'absence de raccordement des évents

Enoncé du moyen

7. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage relatives à l'absence de raccordement des évents, alors « que l'assureur dommages ouvrage garantit la réparation des dommages qui, apparus dans un délai de dix ans, compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en considérant, pour exclure la garantie de la société Axa, en qualité d'assureur dommages ouvrage, que, dix ans après la réception de l'immeuble, « le risque pour la santé et la sécurité des occupants résultant de l'absence de raccordement des évents et de l'absence d'écran sous-toiture retenu par l'expert ne s'était pas concrétisé », quand elle relevait que l'ouvrage était affecté de non-façons, apparues dans les dix ans de la réception, qui, faisant courir des risques aux occupants, le rendaient nécessairement impropre à sa destination, peu important que ces risques ne se soient pas encore concrétisés, la cour d'appel a méconnu les articles 1792 et 1792-4-1 du code civil, ensemble l'article L. 242-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1792 du code civil et L. 242-1 du code des assurances :

8. En application de ces textes, l'assurance dommages-ouvrage garantit notamment les dommages qui, affectant l'ouvrage dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination dans le délai d'épreuve de dix ans courant à compter de la réception.

9. Pour rejeter les demandes formées à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage, l'arrêt retient que, la réception ayant eu lieu le 31 juillet 2004, le risque pour la santé et la sécurité des occupants résultant de l'absence de raccordement des évents ne s'était pas concrétisé à la date de l'expertise.

10. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'expert avait relevé que l'absence de raccordement des évents provoquait des odeurs nauséabondes présentant un danger pour la santé des personnes, de sorte que le risque sanitaire lié aux nuisances olfactives rendait, en lui-même, l'ouvrage impropre à sa destination durant le délai d'épreuve, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche, en ce qu'il vise l'absence de raccordement des évents

Enoncé du moyen

11. Le syndicat des copropriétaires fait le même grief à l'arrêt, alors « que seuls peuvent être exclus de la garantie dommages ouvrage les désordres que le maître de l'ouvrage a pu appréhender, dans leur ampleur et leurs conséquences, lors de la réception ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les conséquences décennales et l'ampleur des désordres (odeurs nauséabondes dangereuses pour la santé s'agissant de l'absence de raccordement des évents ; possibilité d'entrées d'eau s'agissant de l'absence de film) n'étaient pas apparues postérieurement à la réception de sorte que les maîtres de l'ouvrage n'avaient pu les accepter en connaissance de cause lors de la réception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-6 du code civil, ensemble l'article L. 242-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1792 et 1792-6 du code civil et L. 242-1 du code des assurances :

12. Si en application du deuxième de ces textes, la réception sans réserve couvre les vices apparents, il résulte du premier et du troisième que la garantie dommages-ouvrage s'applique pour les désordres de nature décennale apparus après celle-ci.

13. Pour rejeter les demandes formées à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage, l'arrêt retient que l'absence de raccordement des évents était apparente à la date de la réception.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les nuisances olfactives provoquées par l'absence de raccordement des colonnes d'eaux usées à des évents extérieurs ne s'étaient pas manifestées que postérieurement à la réception, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande formée par le [Adresse 6], dénommée résidence Les Jardins de Toga à l'encontre de la société Axa France IARD au titre de l'absence de raccordement des évents, en ce qu'il condamne le [Adresse 6], dénommée résidence Les Jardins de Toga, à payer à la société Axa France IARD la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il le condamne aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 17 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

lundi 17 décembre 2018

La responsabilité décennale s'étend aux désordres futurs inéluctables (CE)

Note Woog et Bilici, GP 2018, n° 43, p. 77.

Conseil d'État

N° 417595   
ECLI:FR:CECHS:2018:417595.20180615
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre jugeant seule
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur
M. Olivier Henrard, rapporteur public
SCP BOULLOCHE ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats

lecture du vendredi 15 juin 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :
La communauté de communes du Cher à La Loire a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans de condamner solidairement, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, les sociétés Atelier Arcos Architecture, CD2I et Val Etanchéité, à lui verser la somme provisionnelle de 244 681,64 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête, en réparation des désordres affectant la piscine intercommunale de Faverolles-sur-Cher. Par une ordonnance n° 1600205 du 12 mai 2016, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 16NT01724 du 24 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la communauté de communes du Cher à La Loire, annulé ce jugement et condamné conjointement et solidairement les sociétés Atelier Arcos Architecture et CD2I ainsi que la société Val Etanchéité représentée par son mandataire liquidateur, Me A..., à verser à la communauté de communes Val-de-Cher-Controis, à titre de provision, la somme de 244 681,44 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016, et la somme de 27 335,34 euros au titre des frais et débours d'expertise.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 janvier, 8 février et 3 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Atelier Arcos Architecture demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la communauté de communes du Cher à La Loire ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Val-de-Cher-Controis la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de la société Atelier Arcos Architecture, et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la communauté de communes Val-de-Cher-Controis.
1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la communauté de communes du Cher à la Loire a entrepris, en 2005, une opération de réhabilitation et d'extension de la piscine intercommunale implantée à Faverolles-sur-Cher ; que la maîtrise d'oeuvre a été confiée, par acte d'engagement du 28 avril 2005, à un groupement conjoint et solidaire comprenant les sociétés Atelier Arcos Architecture, CD2I et Studio Nemo ainsi que M. B...; que le lot n° 6 " couverture - étanchéité - toiture " a fait l'objet d'un marché conclu le 31 août 2006 avec la société Val Etanchéité ; que la réception des travaux a été prononcée sans réserve le 26 janvier 2009 ; qu'à la suite de l'apparition de coulures de rouille le long des parois verticales intérieures de la piscine début 2013, la communauté de communes a saisi le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans aux fins de désignation d'un expert ; que l'expert, désigné par ordonnance du 19 juin 2014 du président du tribunal, a déposé son rapport le 18 juillet 2015 ; que sur la base de ce rapport d'expertise, la communauté de communes du Cher à la Loire a saisi le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans aux fins de condamnation conjointe et solidaire des sociétés Atelier Arcos Architecture, CD2I et Val Etanchéité à lui verser la somme provisionnelle de 244 681,44 euros TTC, en réparation des désordres affectant la piscine ; que par une ordonnance du 12 mai 2016, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que, sur appel de la communauté de communes du Cher à la Loire, au droit de laquelle vient la communauté de communes Val-de-Cher-Controis, la cour administrative d'appel de Nantes a, par un arrêt du 24 novembre 2017, annulé cette ordonnance et condamné conjointement et solidairement les sociétés Atelier Arcos Architecture et CD2I ainsi que la société Val Etanchéité représentée par son mandataire liquidateur, MeA..., à verser à la communauté de communes Val-de-Cher-Controis, à titre de provision, la somme de 244 681,44 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016, et la somme de 27 335,34 euros au titre des frais et débours d'expertise, au motif que la responsabilité solidaire des sociétés Atelier Arcos Architecture, CD2I et Val Etanchéité sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs n'était pas sérieusement contestable ; que la société Atelier Arcos Architecture se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ; qu'il ressort de la minute de l'arrêt attaqué que celle-ci porte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative auraient été méconnues manque en fait et doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'absence de précision de l'échéance à laquelle les désordres constatés, consistant en un important phénomène d'oxydation affectant les éléments de charpente métalliques de la casquette et des auvents de la piscine et en des coulures de rouille sur les poteaux de la structure métallique, porteraient atteinte à la solidité de l'ouvrage, n'était pas de nature à leur ôter leur caractère décennal dès lors que le processus d'aggravation était inéluctable ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à retenir que le processus d'aggravation des désordres observés était inéluctable, sans préciser le délai prévisible dans lequel ces désordres seraient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, la cour administrative d'appel de Nantes a suffisamment motivé son arrêt ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Atelier Arcos Architecture doit être rejeté ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté de communes Val-de-Cher-Controis qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Atelier Arcos Architecture la somme de 3 500 euros à verser à la communauté de communes Val-de-Cher-Controis, au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Atelier Arcos Architecture est rejeté.
Article 2 : La société Atelier Arcos Architecture versera à la communauté de communes Val-de-Cher-Controis une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Atelier Arcos Architecture, à la communauté de communes Val-de-Cher-Controis, à la société CD2I et à la société Val Etanchéité représentée par son mandataire liquidateur, MeA....

mercredi 14 novembre 2018

Responsabilité décennale, désordres évolutifs et revirement de jurisprudence

Note JP Karila, RGDA 2018, p. 489.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 6 septembre 2018

N° de pourvoi: 17-22
370
Non publié au bulletin Rejet
M. Chauvin (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Didier et Pinet, SCP Ohl et Vexliard, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)


Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte M. et Mme X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la MACIF, M. et Mme Z..., la société Groupama Centre Atlantique, Mme B..., divorcée C..., M. C..., la société Allianz IARD, la société TBI et M. et Mme E... ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 mai 2017), qu'en 2001, M. et Mme X... ont acquis un pavillon voisin de celui de M. et Mme Z... ; que ce pavillon a initialement été acquis en l'état futur d'achèvement ; qu'une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la société Mutuelle du Mans assurances IARD (la société MMA) ; que l'ouvrage a été réceptionné le 23 novembre 1993 ; qu'ayant constaté l'apparition de fissures importantes en façade avant, M. et Mme X... ont déclaré le sinistre auprès de la société MMA, qui, après expertise, a accordé sa garantie pour des travaux de traitement des fissures extérieures ; que, les fissures traitées étant réapparues, M. et Mme X... ont fait une nouvelle déclaration de sinistre auprès de la société MMA, qui a répondu que la garantie décennale était expirée et que les garanties du contrat n'étaient pas acquises ; que M. et Mme X... ont assigné la société MMA, leurs voisins, M. et Mme I..., la société Groupama, la société TBI Sham, qui a appelé en garantie son assureur, la société Gan Eurocourtage, devenue société Allianz IARD en garantie, en indemnisation de leurs préjudices et leurs voisins, M. et Mme Z... et M. C... et Mme B..., divorcée C... en intervention ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leur recours en garantie formé contre la société MMA, assureur dommages-ouvrage, alors, selon le moyen :

1°/ que le principe de sécurité juridique et le droit à un procès
équitable s'opposent à ce que la règle nouvelle issue d'un revirement de jurisprudence soit appliquée au cours d'une instance introduite antérieurement au prononcé de la décision consacrant la règle nouvelle ; qu'en l'espèce, l'ouvrage des époux X..., reçu le 23 novembre 1993, a été affecté de fissures, objet d'une déclaration de sinistre à la société MMA IARD, assureur dommages-ouvrage, le 11 septembre 2003, et après la reprise inadéquate des fissures en façade opérée et celles-ci réapparaissant et progressant, une nouvelle déclaration de sinistre a été opérée le 10 octobre 2005 ; que devant le refus de garantie de l'assureur dommages ouvrage le 18 octobre 2005 et après avoir fait constater amiablement les désordres le 17 mai 2006, les maîtres de l'ouvrage ont saisi, par acte du 24 mai 2006, le juge des référés aux fins de désignation d'expert et assigné l'assureur devant le tribunal de grande instance ; que la cour d'appel, infirmant le jugement entrepris et ordonnant la restitution des sommes versées par l'assureur dommages ouvrages dans le cadre de l'exécution provisoire, a, sur le fondement de l'arrêt de la Cour de cassation du 18 janvier 2006 (Bull. Civ. III n° 17) opérant revirement de jurisprudence, déclaré les époux X... irrecevables en leur recours en garantie ; qu'en faisant application, pour dire les époux X... irrecevables en leur recours en garantie contre l'assureur dommage-ouvrage, d'une nouvelle définition jurisprudentielle du désordre évolutif à des désordres déclarés avant le 18 janvier 2006, la cour d'appel a méconnu les exigences de sécurité juridique et le droit à un procès équitable et violé l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que la garantie décennale couvre les conséquences futures
des vices affectant un ouvrage, révélés au cours de la période de garantie
décennale et procédant de la même cause que les désordres apparus après celle-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les experts judiciaire et amiable et le sapiteur avaient relevé que l'ouvrage des époux X... n'avait pas été réalisé conformément aux règles de l'art, compte tenu du terrain et de la sécheresse alors connue des constructeurs, que la conception technique du mur pignon avait conduit à réaliser un ouvrage fragile et sensible à tout mouvement du sol, que le dallage était construit sur terre plein, que les façades et le pignon étaient en maçonnerie légère et les fondations superficielles ; qu'elle a en outre constaté que les préconisations aux fins de reprise en 2003 étaient inadaptées, ne traitant pas la « réelle cause des désordres » soit les vices des fondations ; qu'il ressortait de ces
constatations que les désordres, objet de la seconde déclaration de sinistre, avaient la même cause, la même nature et la même origine que ceux antérieurement repris et étaient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ; qu'en retenant pour dire que les époux X... étaient irrecevables dans leur recours en garantie exercé contre l'assureur dommages-ouvrage, que ceux-ci avaient déclaré un second sinistre après l'expiration du délai décennal, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code
civil, ensemble l'article L. 114-1 du code des assurances ;

Attendu, d'une part, que les motifs critiqués par la seconde branche sont sans lien avec le chef du dispositif relatif à l'irrecevabilité de la demande en garantie formée contre la société MMA, assureur dommages-ouvrage ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la notion de désordre évolutif était définie, aux termes de l'arrêt de la Cour de cassation du 18 janvier 2006, opérant un revirement de jurisprudence, comme de nouveaux désordres constatés au-delà de l'expiration du délai décennal, qui trouvent leur siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature a été constaté et dont la réparation a été demandée en justice avant l'expiration de ce délai, que cette nouvelle définition rappelait que le délai décennal était un délai d'épreuve et qu'un ouvrage ou une partie d'ouvrage, qui avait satisfait à sa fonction pendant dix ans, avait rempli l'objectif recherché par le législateur et constaté que la réception était intervenue le 23 novembre 1993 et que le premier acte introductif d'instance, dont pouvaient se prévaloir M. et Mme X..., datait du 24 mai 2006, donc après le délai décennal qui expirait le 23 novembre 2003, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître les exigences de sécurité juridique et le droit à un procès équitable, que la demande en garantie formée contre l'assureur dommages-ouvrage était irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;