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vendredi 26 avril 2024

Paiement direct au sous-traitant, par le maître d'ouvrage délégué, du prix des travaux exécutés dans le cadre d'un marché de travaux publics

 CONTRAT D'ENTREPRISE

Les litiges relatifs au paiement direct au sous-traitant, par le maître d'ouvrage délégué, du prix des travaux exécutés dans le cadre d'un marché de travaux publics, qui, ne concernant pas l'exécution d'une convention de droit privé unissant les parties, impliquent que soient appréciées les conditions dans lesquelles un contrat portant sur la réalisation de travaux publics a été exécuté, relèvent de la compétence du juge administratif, peu important que tant le sous-traitant que le maître d'ouvrage délégué soient deux sociétés de droit privé

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 avril 2024




Cassation sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 217 FS-B

Pourvoi n° J 22-22.912




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 AVRIL 2024

La société Nexity Property Management, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 22-22.912 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société Concept TP, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Nexity Property Management, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Concept TP, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 septembre 2022) et les productions, la société SNCF réseau a délégué à la société Nexity Property Management (la société Nexity) la maîtrise d'ouvrage d'un marché de travaux publics ayant pour objet la réalisation d'un péage rail-route.

2. La société Mannucci, titulaire du lot « 01 VRD – gros œuvre – charpente métallique », a sous-traité à la société Concept TP la réalisation de ces travaux. Son intervention, en cette qualité, a été agréée par la société Nexity.

3. Après la liquidation judiciaire de la société Mannucci, la société Concept TP a assigné la société Nexity en paiement des travaux exécutés.

4. Cette dernière a soulevé l'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. La société Nexity fait grief à l'arrêt de déclarer le juge judiciaire compétent, alors « que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics qui oppose des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé, sans qu'il y ait lieu de rechercher si les parties sont liées au maître de l'ouvrage par un contrat de droit public ; qu'en l'espèce, pour retenir la compétence du juge judiciaire, la cour a retenu que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales et que si le maître d'ouvrage est la société SNCF Réseau, il n'existe pas de lien entre elle et la société Concept TP, et que le fait que la société Nexity soit le maître d'ouvrage délégué de cette entité publique ne peut conditionner la compétence des juridictions administratives pour connaître de l'action directe du sous-traitant (la société Concept) du titulaire du marché (la société Mannucci) contre le maître d'ouvrage délégué qui est une personne privée (la société Nexity) ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que le litige résultait de l'exécution d'un marché public, de sorte qu'en l'absence de contrat de droit privé unissant la société Concept TP et la société Nexity, le litige relevait de la compétence du juge administratif, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790. »

Réponse de la Cour

Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et les articles L. 2193-3, L. 2193-11, alinéa 1er, et L. 2422-6 du code de la commande publique :

6. Selon le troisième de ces textes, le titulaire d'un marché peut, sous sa responsabilité, sous-traiter l'exécution d'une partie des prestations de son marché.

7. Aux termes du quatrième, le sous-traitant direct du titulaire du marché, qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par l'acheteur, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution.

8. Selon le cinquième, le maître d'ouvrage peut confier par contrat de mandat de maîtrise d'ouvrage à un mandataire l'exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions mentionnées à l'article L. 2422-6, notamment celle tenant au paiement des marchés publics de travaux.

9. Faisant application des deux premiers, le tribunal des conflits a jugé, par une décision du 10 janvier 2022 (TC, 10 janvier 2022, n° C4231) que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit son fondement juridique, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé et que le litige concerne l'exécution de ce contrat.

10. Il en résulte que les litiges relatifs au paiement direct au sous-traitant, par le maître d'ouvrage délégué, du prix des travaux exécutés dans le cadre d'un marché de travaux publics, qui, ne concernant pas l'exécution d'une convention de droit privé unissant les parties, impliquent que soient appréciées les conditions dans lesquelles un contrat portant sur la réalisation de travaux publics a été exécuté, relèvent de la compétence du juge administratif, peu important que tant le sous-traitant que le maître d'ouvrage délégué soient deux sociétés de droit privé.

11. Pour rejeter l'exception d'incompétence, l'arrêt énonce, d'abord, que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales.

12. Après avoir relevé, ensuite, que les travaux avaient été exécutés dans le cadre d'un marché public de travaux, et qu'aucune référence n'était faite dans le contrat de sous-traitance à un marché conclu avec une personne publique, il retient que la convention de sous-traitance conclue entre la société Concept TP et la société Mannucci, toutes deux sociétés de droit privé, est un contrat de droit privé, sur lequel le juge judiciaire est seul compétent pour statuer.

13. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le litige était né de l'exécution d'un marché de travaux publics et ne concernait pas l'exécution d'un contrat de droit privé unissant les parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

16. L'action en paiement direct formée par la société Concept TP, qui concerne l'exécution d'un marché public de travaux, relevant de la compétence de la juridiction administrative, il y a lieu de déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour en connaître.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de la demande en paiement formée par la société Concept TP à l'encontre de la société Nexity Property Management ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir de ce chef ;

Dit n'y avoir lieu de modifier les indemnités de procédure allouées par les juges du fond et les condamnations aux dépens prononcées par eux ;

Condamne la société Concept TP aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Concept TP et la condamne à payer à la société Nexity Property Management une somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille vingt-quatre.

mardi 20 juin 2023

Sous-traité annulé exécuté : la créance de restitution du sous-traitant correspond au coût réel des travaux réalisés, à l'exclusion de ceux qu'il a effectués pour reprendre les malfaçons dont il est l'auteur.

 Note C. Sizaire, Constr.-urb. 2023-7/8, p. 33.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 juin 2023




Cassation partielle sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 395 FS-B

Pourvoi n° U 22-13.330




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023

La société Bernard Brignon, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-13.330 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2022 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Eiffage génie civil, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Bernard Brignon, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Eiffage génie civil, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 12 janvier 2022), la société civile immobilière Carré du roi a confié le lot gros oeuvre d'une opération de construction immobilière à la société Bernard Brignon, laquelle a sous-traité la réalisation des pieux de fondation et d'une paroi micro-berlinoise butonnée à la société RESIREP, aux droits de laquelle vient la société Eiffage génie civil (la société Eiffage).

2. Pendant les opérations d'expertise judiciaire, ordonnées en raison de malfaçons signalées sur les travaux sous-traités, la société Eiffage a procédé à la reprise des pieux défaillants.

3. Elle a ensuite assigné la société Bernard Brignon en annulation du contrat de sous-traitance et en fixation du juste prix de ses prestations. Celle-ci a demandé, à titre reconventionnel, l'indemnisation de ses préjudices résultant des défauts d'exécution des travaux sous-traités.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La société Bernard Brignon fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Eiffage la somme de 375 841,30 euros HT en indemnisation du coût réel total des travaux réalisés, alors « que l'annulation d'un contrat de sous-traitance confère au sous-traitant le droit d'obtenir le règlement de travaux réalisés à leur juste coût, ce qui ne peut s'étendre aux travaux de reprise réalisés pour corriger les malfaçons et désordres dont il a été l'auteur ; qu'en allouant à la société Eiffage génie civil la somme de 149 500 euros correspondant aux travaux de reprise qu'elle a été contrainte de réaliser pour corriger les désordres et malfaçons dont elle était responsable, la cour d'appel a violé l'article 1178 ancien du code civil, ensemble les principes régissant les conséquences de l'annulation des actes juridiques. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La société Eiffage conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que ce moyen est nouveau dès lors que l'appelant se limitait, dans ses conclusions, à évoquer des travaux mal exécutés sans demander, ni justifier d'écarter du montant de l'indemnisation le coût des travaux de reprise des malfaçons.

7. Cependant, le moyen portant sur l'assiette de la créance de restitution était inclus dans le débat devant la cour d'appel.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et 1178 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Il résulte de ces textes que, dans le cas où le sous-traité annulé a été exécuté, la créance de restitution du sous-traitant correspond au coût réel des travaux réalisés, à l'exclusion de ceux qu'il a effectués pour reprendre les malfaçons dont il est l'auteur.

10. Pour dire que la valeur réelle de la prestation de la société Eiffage s'élève à la somme de 375 841,30 euros, l'arrêt retient que le sous-traitant est en droit d'obtenir la restitution de toutes les sommes réellement déboursées, comprenant le coût réel des travaux réalisés initialement et celui des travaux réalisés en reprise des malfaçons affectant les premiers.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a tenu compte de la valeur des travaux réalisés par le sous-traitant pour reprendre ceux qu'il avait mal exécutés, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation des chefs de dispositif condamnant la société Bernard Brignon à payer à la société Eiffage la somme de 375 841,30 euros HT en indemnisation du coût réel total des travaux réalisés, avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2018 et ordonnant la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Bernard Brignon aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

15. Le coût réel des travaux réalisés par la société Eiffage en exécution du sous-traité annulé s'élevant à 226 341,30 euros, il convient de condamner la société Bernard Brignon à lui payer cette somme au titre des restitutions dues à la suite de l'annulation du sous-traité, avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 5 novembre 2018.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Bernard Brignon à payer à la société Eiffage génie civil la somme de 375 841,30 euros HT en indemnisation du coût réel total des travaux réalisés, avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2018 et ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 12 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Bernard Brignon à payer à la société Eiffage génie civil la somme de 226 341,30 euros au titre des restitutions dues à la suite de l'annulation du sous-traité, avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 5 novembre 2018 ;

Maintient les dispositions relatives aux dépens et aux indemnités de procédures prononcées par les juges du fond ;

Condamne la société Eiffage génie civil aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eiffage génie civil et la condamne à payer à la société Bernard Brignon la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:C300395

mercredi 22 décembre 2021

Sous-traitance et cession de créance

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 décembre 2021




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 871 FS-B

Pourvoi n° V 20-16.152




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2021

La société Eiffage énergie, systèmes, transport & distribution, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° V 20-16.152 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Eiffage énergie, systèmes, transport & distribution, de Me Balat, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Farrenq-Nési, M. Jacques, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 décembre 2019), la société Eiffage énergie systèmes transport et distribution (la société Eiffage), titulaire d'un marché de travaux publics, a confié la réalisation de certains travaux à un sous-traitant.

2. Le 26 avri 2016, le sous-traitant a établi une facture au nom de la société Eiffage d'un montant de 61 556 euros, laquelle a été réglée le 30 juin 2016 par paiement direct du maître de l'ouvrage sur un compte à créditer ouvert dans les livres de la société Oséo, devenue Bpifrance financement, conformément à la mention apposée sur cette facture par son émetteur.

3. Selon acte de cession du 6 mai 2016, le sous-traitant a cédé cette créance à la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin (la Caisse d'épargne), laquelle a notifié cette cession à la société Eiffage le 10 mai 2016.

4. Ne parvenant pas à obtenir le règlement de sa créance, la Caisse d'épargne a assigné en paiement la société Eiffage.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société Eiffage fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la Caisse d'épargne le montant de la créance, alors :

« 1°/ que la notification de la cession de la créance d'un sous-traitant contre l'entrepreneur titulaire du marché doit être faite entre les mains du comptable public assignataire dès lors que le sous-traitant bénéficie d'un droit au paiement direct contre le maître de l'ouvrage, transmis de plein droit avec la créance ; qu'en retenant, pour juger que la société Eiffage ne pouvait opposer à la Caisse d'Epargne le paiement réalisé par le maître de l'ouvrage entre les mains d'Oséo, que la créance de la société TBCO, sous-traitante, contre la société Eiffage, entrepreneur titulaire du marché, était née entre deux sociétés de droit privé, de sorte que la cession de créance dont se prévalait la Caisse d'Epargne n'était pas soumise aux dispositions applicables aux cessions de créance « au titre d'un marché public », quand la société TBCO, cédante, était titulaire d'un droit au paiement direct contre le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article R. 313-17 du code monétaire et financier, ensemble l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

2°/ que le paiement direct du sous-traitant du titulaire d'un marché public, ou de ses ayants-droits, par le maître de l'ouvrage, est libératoire même s'il est réalisé postérieurement à la cession par le sous-traitant de sa créance contre l'entrepreneur et à la notification de cette cession à ce dernier ; qu'en retenant que la société Eiffage ne pouvait opposer à la Caisse d'Épargne le paiement réalisé par la maître de l'ouvrage entre les mains d'Oséo, quand ce paiement était intervenu dans le cadre d'une procédure de paiement direct, et ne constituait donc pas un paiement interdit après la notification à l'entrepreneur en application de l'article L. 313-28 du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 313-28 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable, l'établissement de crédit ou la société de financement cessionnaire d'une créance par remise de bordereau, peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée de payer entre les mains du signataire du bordereau. A compter de cette notification, le débiteur ne se libère valablement qu'auprès du cessionnaire.

7. Aux termes de l'article R. 313-17 du même code, lorsque la créance est cédée ou nantie au titre d'un marché public, la notification doit être faite entre les mains du comptable assignataire désigné dans les documents contractuels.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que le second, qui désigne l'autorité à laquelle la notification doit être faite lorsque la créance est cédée ou nantie au titre d'un marché public, n'est applicable qu'aux cessions de créance détenues sur des personnes morales de droit public.

9. La cour d'appel, qui a relevé que la créance cédée à la Caisse d'épargne correspondait à une facture du sous-traitant établie au nom de la société Eiffage, ayant ainsi fait ressortir que le débiteur cédé, contre lequel était dirigée l'action en paiement, était l'entreprise principale, peu important que celle-ci ait été titulaire d'un marché de travaux publics, en a exactement déduit que la cessionnaire n'avait pas à notifier la cession de créance entre les mains du comptable assignataire, le maître de l'ouvrage public n'étant ni débiteur cédé ni défendeur à l'action en paiement.

10. Ayant souverainement retenu que la société Eiffage, qui soutenait seulement que la cession de créance au bénéfice de la société Oséo était antérieure à celle dont bénéficiait la Caisse d'épargne, ne le démontrait pas, la cour d'appel, qui a fait application de la règle d'antériorité entre cessions de créances en concours, a pu en déduire que le paiement de la créance du sous-traitant à la société Oséo n'était pas libératoire, peu important que ce dernier ait été le fait du maître de l'ouvrage au titre du paiement direct des sous-traitants.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Eiffage énergie systèmes transport et distribution aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Eiffage énergie, systèmes, transport & distribution

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Eiffage Energie Systèmes Transport et Distribution à payer à la Caisse d'épargne la somme de 61 556 euros avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 22 mai 2017 ;

AUX MOTIFS QU'il ressort des pièces versées aux débats que : - la société TBCO était le sous-traitant de la société Eiffage aux termes d'un contrat signé le 23 février 2016 pour des travaux effectués sur le chantier dénommé Poste Chesnoy (situé à [Adresse 3]) et bénéficiait d'un paiement direct du maître d'ouvrage, la SA RTE EDF transport, en application de l'article 6 du contrat et de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, celui-ci l'ayant agréée selon acte spécial du 17 février 2017 ; - le 26 avril 2016, la société TBCO a établi au nom de la société Eiffage une facture référencée 16AVR32 d'un montant de 61 556 euros ; - la société TBCO a cédé cette créance le 6 mai 2016 à la Caisse d'épargne selon acte de cession signé par la société et la banque et mentionnant expressément cette facture, sa référence et sa date d'échéance ; cet acte a été établi sur un imprimé de la Caisse d'épargne dénommé "acte de cession de créances professionnelles résultant d'un marché public articles L.313-23 à L.313-34 du code monétaire et financier" ; - par lettre recommandée datée du 6 mai 2016 et dont l'avis de réception a été signé le 8 ou le 10 mai 2016, la date n'étant pas davantage lisible, la Caisse d'épargne a informé la société Eiffage, débitrice de la facture, de la cession de créance et lui a demandé de s'engager à la payer directement en lui retournant, au plus tard sous huitaine, l'acte d'acception de cession de créance dûment complété et signé ; par le même courrier elle lui a demandé de l'aviser le cas échéant, dans les plus brefs délais, de son refus de souscrire cet engagement et de lui expliquer les motifs en lui rappelant que la présente lettre valait notification de cession créance et qu'il lui était demandé, conformément aux dispositions de l'article L.313-28 du code monétaire et financier, de cesser à compter de cette notification tout paiement à la société TBCO ; la société Eiffage n'a apporté aucune réponse à ce courrier ; - la société TBCO a également apposé, sur la même facture établie au nom d'Eiffage que celle invoquée par la Caisse d'épargne, la mention dactylographiée suivante "Merci d'effectuer votre règlement à Oséo", les références de la banque et du compte à créditer étant également mentionnées ; - la société RTE a réglé cette facture à Oséo devenue Bpifrance financement, par chèque du 30 juin 2016 ; que s'il n'est pas discuté par la Caisse d'épargne que la société Eiffage était titulaire d'un marché public à l'égard de la société RTE, l'appelante observe cependant justement que la créance qui lui a été cédée est née entre deux sociétés privées, la société TBCO et la société Eiffage conformément au contrat de sous-traitance conclu entre elles ; le paiement direct de la société sous-traitante par la société RTE qui l'a agréée et qui est titulaire du marché public n'est qu'une modalité de paiement de cette créance qui reste une créance de droit privé, aucune conséquence juridique ne pouvant être tirée du fait que l'acte de cession a été régularisé, par erreur, sur un imprimé relatif à une créance résultant d'un marché public ; que par conséquent, la Caisse d'épargne n'avait ni à notifier la cession de créance entre les mains du comptable assignataire conformément aux dispositions de l'article R.313-17 du code monétaire et financier, ni à accompagner cette notification de l'exemplaire unique du marché ; que la cession de créance ne peut donc, pour ce motif, être jugée inopposable à la société Eiffage ; que conformément aux dispositions de l'article L313-27 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable lors de la cession de créance litigieuse, "la cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs. À compter de cette date, le client de l'établissement de crédit ou de la société de financement bénéficiaire du bordereau ne peut, sans l'accord de cet établissement ou de cette société, modifier l'étendue des droits attachés aux créances représentées par ce bordereau" ; que la société Eiffage qui indique avoir reçu le 26 avril 2016 la facture de la société TBCO à régler entre les mains d'Oséo et qui soutient que cette cession de créance était antérieure à celle opérée au bénéfice de la Caisse d'épargne, ne communique cependant aucun autre élément que cette facture pour justifier des conditions dans lesquelles la créance que la société TBCO détenait à son égard a effectivement fait l'objet de cette cession à Oséo, la seule date portée sur la facture ne démontrant pas que cette créance ait été cédée le même jour ; que dans ces conditions, la société Eiffage ne peut valablement opposer à la Caisse d'épargne que la cession de créance effectuée au bénéfice d'Oséo devenue Bpifrance financement serait antérieure à celle dont a bénéficié l'appelante ; que contrairement à ce que l'intimée prétend, il est suffisamment démontré par l'avis de réception signé le 8 ou le 10 mai 2016 et portant le tampon du "service courrier campus [Localité 6]" que la société Eiffage a reçu la demande d'acceptation de la cession de créance que la Caisse d'épargne lui a adressée au 10 avenue de l'entreprise à [Localité 2] [Localité 4] qui est l'adresse figurant sur le contrat de sous-traitance signé par l'intimée et celle de son siège social d'après ses conclusions ; qu'il n'est pas démontré que "le service courrier" n'aurait pas été habilité à recevoir le courrier destiné à la société intimée. Dès lors que la société Eiffage a eu connaissance de la cession de créance à laquelle elle ne s'est au demeurant pas opposée, le paiement de la facture entre les mains de Bpifrance n'est pas libératoire ; qu'il convient par conséquent, infirmant le jugement, d'accueillir la demande de la Caisse d'épargne et de condamner la société Eiffage à lui régler la somme de 61 euros qui portera intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 22 mai 2017 ;

1° ALORS QUE la notification de la cession de la créance d'un sous-traitant contre l'entrepreneur titulaire du marché doit être faite entre les mains du comptable public assignataire dès lors que le sous-traitant bénéficie d'un droit au paiement direct contre le maître de l'ouvrage, transmis de plein droit avec la créance ; qu'en retenant, pour juger que la société Eiffage ne pouvait opposer à la Caisse d'Epargne le paiement réalisé par le maître de l'ouvrage entre les mains d'Oséo, que la créance de la société TBCO, sous-traitante, contre la société Eiffage, entrepreneur titulaire du marché, était née entre deux sociétés de droit privé, de sorte que la cession de créance dont se prévalait la Caisse d'Epargne n'était pas soumise aux dispositions applicables aux cessions de créance « au titre d'un marché public », quand la société TBCO, cédante, était titulaire d'un droit au paiement direct contre le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article R. 313-17 du code monétaire et financier, ensemble l'article 6 de la loi du 31 écembre 1975 relative à la sous-traitance ;

2° ALORS QUE le paiement direct du sous-traitant du titulaire d'un marché public, ou de ses ayants-droits, par le maître de l'ouvrage, est libératoire même s'il est réalisé postérieurement à la cession par le sous-traitant de sa créance contre l'entrepreneur et à la notification de cette cession à ce dernier ; qu'en retenant que la société Eiffage ne pouvait opposer à la Caisse d'Épargne le paiement réalisé par la maître de l'ouvrage entre les mains d'Oséo, quand ce paiement était intervenu dans le cadre d'une procédure de paiement direct, et ne constituait donc pas un paiement interdit après la notification à l'entrepreneur en application de l'article L. 313-28 du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.ECLI:FR:CCASS:2021:C300871

mercredi 15 décembre 2021

Sous-traitance et cessions de créance détenues sur des personnes morales de droit public

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 décembre 2021




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 871 FS-B

Pourvoi n° V 20-16.152




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2021

La société Eiffage énergie, systèmes, transport & distribution, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° V 20-16.152 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Eiffage énergie, systèmes, transport & distribution, de Me Balat, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Farrenq-Nési, M. Jacques, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 décembre 2019), la société Eiffage énergie systèmes transport et distribution (la société Eiffage), titulaire d'un marché de travaux publics, a confié la réalisation de certains travaux à un sous-traitant.

2. Le 26 avri 2016, le sous-traitant a établi une facture au nom de la société Eiffage d'un montant de 61 556 euros, laquelle a été réglée le 30 juin 2016 par paiement direct du maître de l'ouvrage sur un compte à créditer ouvert dans les livres de la société Oséo, devenue Bpifrance financement, conformément à la mention apposée sur cette facture par son émetteur.

3. Selon acte de cession du 6 mai 2016, le sous-traitant a cédé cette créance à la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin (la Caisse d'épargne), laquelle a notifié cette cession à la société Eiffage le 10 mai 2016.

4. Ne parvenant pas à obtenir le règlement de sa créance, la Caisse d'épargne a assigné en paiement la société Eiffage.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société Eiffage fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la Caisse d'épargne le montant de la créance, alors :

« 1°/ que la notification de la cession de la créance d'un sous-traitant contre l'entrepreneur titulaire du marché doit être faite entre les mains du comptable public assignataire dès lors que le sous-traitant bénéficie d'un droit au paiement direct contre le maître de l'ouvrage, transmis de plein droit avec la créance ; qu'en retenant, pour juger que la société Eiffage ne pouvait opposer à la Caisse d'Epargne le paiement réalisé par le maître de l'ouvrage entre les mains d'Oséo, que la créance de la société TBCO, sous-traitante, contre la société Eiffage, entrepreneur titulaire du marché, était née entre deux sociétés de droit privé, de sorte que la cession de créance dont se prévalait la Caisse d'Epargne n'était pas soumise aux dispositions applicables aux cessions de créance « au titre d'un marché public », quand la société TBCO, cédante, était titulaire d'un droit au paiement direct contre le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article R. 313-17 du code monétaire et financier, ensemble l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

2°/ que le paiement direct du sous-traitant du titulaire d'un marché public, ou de ses ayants-droits, par le maître de l'ouvrage, est libératoire même s'il est réalisé postérieurement à la cession par le sous-traitant de sa créance contre l'entrepreneur et à la notification de cette cession à ce dernier ; qu'en retenant que la société Eiffage ne pouvait opposer à la Caisse d'Épargne le paiement réalisé par la maître de l'ouvrage entre les mains d'Oséo, quand ce paiement était intervenu dans le cadre d'une procédure de paiement direct, et ne constituait donc pas un paiement interdit après la notification à l'entrepreneur en application de l'article L. 313-28 du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 313-28 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable, l'établissement de crédit ou la société de financement cessionnaire d'une créance par remise de bordereau, peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée de payer entre les mains du signataire du bordereau. A compter de cette notification, le débiteur ne se libère valablement qu'auprès du cessionnaire.

7. Aux termes de l'article R. 313-17 du même code, lorsque la créance est cédée ou nantie au titre d'un marché public, la notification doit être faite entre les mains du comptable assignataire désigné dans les documents contractuels.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que le second, qui désigne l'autorité à laquelle la notification doit être faite lorsque la créance est cédée ou nantie au titre d'un marché public, n'est applicable qu'aux cessions de créance détenues sur des personnes morales de droit public.

9. La cour d'appel, qui a relevé que la créance cédée à la Caisse d'épargne correspondait à une facture du sous-traitant établie au nom de la société Eiffage, ayant ainsi fait ressortir que le débiteur cédé, contre lequel était dirigée l'action en paiement, était l'entreprise principale, peu important que celle-ci ait été titulaire d'un marché de travaux publics, en a exactement déduit que la cessionnaire n'avait pas à notifier la cession de créance entre les mains du comptable assignataire, le maître de l'ouvrage public n'étant ni débiteur cédé ni défendeur à l'action en paiement.

10. Ayant souverainement retenu que la société Eiffage, qui soutenait seulement que la cession de créance au bénéfice de la société Oséo était antérieure à celle dont bénéficiait la Caisse d'épargne, ne le démontrait pas, la cour d'appel, qui a fait application de la règle d'antériorité entre cessions de créances en concours, a pu en déduire que le paiement de la créance du sous-traitant à la société Oséo n'était pas libératoire, peu important que ce dernier ait été le fait du maître de l'ouvrage au titre du paiement direct des sous-traitants.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Eiffage énergie systèmes transport et distribution aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Eiffage énergie, systèmes, transport & distribution

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Eiffage Energie Systèmes Transport et Distribution à payer à la Caisse d'épargne la somme de 61 556 euros avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 22 mai 2017 ;

AUX MOTIFS QU'il ressort des pièces versées aux débats que : - la société TBCO était le sous-traitant de la société Eiffage aux termes d'un contrat signé le 23 février 2016 pour des travaux effectués sur le chantier dénommé Poste Chesnoy (situé à [Adresse 3]) et bénéficiait d'un paiement direct du maître d'ouvrage, la SA RTE EDF transport, en application de l'article 6 du contrat et de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, celui-ci l'ayant agréée selon acte spécial du 17 février 2017 ; - le 26 avril 2016, la société TBCO a établi au nom de la société Eiffage une facture référencée 16AVR32 d'un montant de 61 556 euros ; - la société TBCO a cédé cette créance le 6 mai 2016 à la Caisse d'épargne selon acte de cession signé par la société et la banque et mentionnant expressément cette facture, sa référence et sa date d'échéance ; cet acte a été établi sur un imprimé de la Caisse d'épargne dénommé "acte de cession de créances professionnelles résultant d'un marché public articles L.313-23 à L.313-34 du code monétaire et financier" ; - par lettre recommandée datée du 6 mai 2016 et dont l'avis de réception a été signé le 8 ou le 10 mai 2016, la date n'étant pas davantage lisible, la Caisse d'épargne a informé la société Eiffage, débitrice de la facture, de la cession de créance et lui a demandé de s'engager à la payer directement en lui retournant, au plus tard sous huitaine, l'acte d'acception de cession de créance dûment complété et signé ; par le même courrier elle lui a demandé de l'aviser le cas échéant, dans les plus brefs délais, de son refus de souscrire cet engagement et de lui expliquer les motifs en lui rappelant que la présente lettre valait notification de cession créance et qu'il lui était demandé, conformément aux dispositions de l'article L.313-28 du code monétaire et financier, de cesser à compter de cette notification tout paiement à la société TBCO ; la société Eiffage n'a apporté aucune réponse à ce courrier ; - la société TBCO a également apposé, sur la même facture établie au nom d'Eiffage que celle invoquée par la Caisse d'épargne, la mention dactylographiée suivante "Merci d'effectuer votre règlement à Oséo", les références de la banque et du compte à créditer étant également mentionnées ; - la société RTE a réglé cette facture à Oséo devenue Bpifrance financement, par chèque du 30 juin 2016 ; que s'il n'est pas discuté par la Caisse d'épargne que la société Eiffage était titulaire d'un marché public à l'égard de la société RTE, l'appelante observe cependant justement que la créance qui lui a été cédée est née entre deux sociétés privées, la société TBCO et la société Eiffage conformément au contrat de sous-traitance conclu entre elles ; le paiement direct de la société sous-traitante par la société RTE qui l'a agréée et qui est titulaire du marché public n'est qu'une modalité de paiement de cette créance qui reste une créance de droit privé, aucune conséquence juridique ne pouvant être tirée du fait que l'acte de cession a été régularisé, par erreur, sur un imprimé relatif à une créance résultant d'un marché public ; que par conséquent, la Caisse d'épargne n'avait ni à notifier la cession de créance entre les mains du comptable assignataire conformément aux dispositions de l'article R.313-17 du code monétaire et financier, ni à accompagner cette notification de l'exemplaire unique du marché ; que la cession de créance ne peut donc, pour ce motif, être jugée inopposable à la société Eiffage ; que conformément aux dispositions de l'article L313-27 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable lors de la cession de créance litigieuse, "la cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs. À compter de cette date, le client de l'établissement de crédit ou de la société de financement bénéficiaire du bordereau ne peut, sans l'accord de cet établissement ou de cette société, modifier l'étendue des droits attachés aux créances représentées par ce bordereau" ; que la société Eiffage qui indique avoir reçu le 26 avril 2016 la facture de la société TBCO à régler entre les mains d'Oséo et qui soutient que cette cession de créance était antérieure à celle opérée au bénéfice de la Caisse d'épargne, ne communique cependant aucun autre élément que cette facture pour justifier des conditions dans lesquelles la créance que la société TBCO détenait à son égard a effectivement fait l'objet de cette cession à Oséo, la seule date portée sur la facture ne démontrant pas que cette créance ait été cédée le même jour ; que dans ces conditions, la société Eiffage ne peut valablement opposer à la Caisse d'épargne que la cession de créance effectuée au bénéfice d'Oséo devenue Bpifrance financement serait antérieure à celle dont a bénéficié l'appelante ; que contrairement à ce que l'intimée prétend, il est suffisamment démontré par l'avis de réception signé le 8 ou le 10 mai 2016 et portant le tampon du "service courrier campus [Localité 6]" que la société Eiffage a reçu la demande d'acceptation de la cession de créance que la Caisse d'épargne lui a adressée au 10 avenue de l'entreprise à [Localité 2] [Localité 4] qui est l'adresse figurant sur le contrat de sous-traitance signé par l'intimée et celle de son siège social d'après ses conclusions ; qu'il n'est pas démontré que "le service courrier" n'aurait pas été habilité à recevoir le courrier destiné à la société intimée. Dès lors que la société Eiffage a eu connaissance de la cession de créance à laquelle elle ne s'est au demeurant pas opposée, le paiement de la facture entre les mains de Bpifrance n'est pas libératoire ; qu'il convient par conséquent, infirmant le jugement, d'accueillir la demande de la Caisse d'épargne et de condamner la société Eiffage à lui régler la somme de 61 euros qui portera intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 22 mai 2017 ;

1° ALORS QUE la notification de la cession de la créance d'un sous-traitant contre l'entrepreneur titulaire du marché doit être faite entre les mains du comptable public assignataire dès lors que le sous-traitant bénéficie d'un droit au paiement direct contre le maître de l'ouvrage, transmis de plein droit avec la créance ; qu'en retenant, pour juger que la société Eiffage ne pouvait opposer à la Caisse d'Epargne le paiement réalisé par le maître de l'ouvrage entre les mains d'Oséo, que la créance de la société TBCO, sous-traitante, contre la société Eiffage, entrepreneur titulaire du marché, était née entre deux sociétés de droit privé, de sorte que la cession de créance dont se prévalait la Caisse d'Epargne n'était pas soumise aux dispositions applicables aux cessions de créance « au titre d'un marché public », quand la société TBCO, cédante, était titulaire d'un droit au paiement direct contre le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article R. 313-17 du code monétaire et financier, ensemble l'article 6 de la loi du 31 écembre 1975 relative à la sous-traitance ;

2° ALORS QUE le paiement direct du sous-traitant du titulaire d'un marché public, ou de ses ayants-droits, par le maître de l'ouvrage, est libératoire même s'il est réalisé postérieurement à la cession par le sous-traitant de sa créance contre l'entrepreneur et à la notification de cette cession à ce dernier ; qu'en retenant que la société Eiffage ne pouvait opposer à la Caisse d'Épargne le paiement réalisé par la maître de l'ouvrage entre les mains d'Oséo, quand ce paiement était intervenu dans le cadre d'une procédure de paiement direct, et ne constituait donc pas un paiement interdit après la notification à l'entrepreneur en application de l'article L. 313-28 du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.ECLI:FR:CCASS:2021:C300871

lundi 18 mai 2020

PROPOSITION DE LOI portant sur la responsabilité des donneurs d’ordre vis‑à‑vis des sous‑traitants, des emplois et des territoires

Description : LOGO
N° 2916
_____
ASSEMBLÉE  NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 mai 2020.
PROPOSITION DE LOI
portant sur la responsabilité des donneurs dordre visàvis des soustraitants, des emplois et des territoires,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Bénédicte TAURINE, Régis JUANICO, Pierre DHARRÉVILLE,
et Mesdames et Messieurs,
Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Caroline FIAT, Bastien LACHAUD, JeanLuc MÉLENCHON, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Fabien ROUSSEL, Stéphane PEU, Sébastien JUMEL, Alain BRUNEEL, Michel ZUMKELLER, Jean LASSALLE, MarieGeorge BUFFET, JeanPaul DUFRÈGNE, JeanPaul LECOQ, Hubert WULFRANC,
députés.


 1 
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi a été initiée et rédigée par des salariés et les représentants du personnel de l’entreprise sous‑traitante creusoise d’équipementier automobile, GM&S La Souterraine. 
Mise en liquidation judiciaire en mai 2017, l’entreprise – désormais renommée LSI (La Souterraine Industry) ‑ a été reprise en septembre 2017 par GMD, un groupe industriel composé de 26 sites dont 11 à l’étranger et qui emploie 4 800 personnes dont 3 900 en France.
La reprise du site creusois par GMD s’est effectuée au prix d’un plan de sauvegarde de l’emploi pour plus de la moitié de ses salariés (157 sur 277) et sur l’engagement des deux principaux donneurs d’ordre, PSA et Renault Nissan, de commandes permettant d’asseoir sur les cinq années à venir un chiffre d’affaire annuel de 22 millions d’euros.
Pourtant, à l’heure actuelle, l’entreprise ne fonctionne plus qu’à 38 % de son potentiel. PSA et Renault n’ont pas honoré leurs engagements, commandant à eux deux pour seulement 13,9 millions d’euros en 2019. Enfin, depuis septembre 2017, seule une quarantaine de salariés ont retrouvé un contrat à durée indéterminé (CDI) dans le cadre de la cellule de reclassement mise en place à l’automne 2017.
Sans dédouaner les actionnaires et les directions successives de leurs responsabilités, c’est dans ce contexte éprouvant qu’est flagrant la dépendance démesurée des sous‑traitants vis‑à‑vis des donneurs d’ordre. Une dépendance visible dans l’organisation, la structuration et la gestion des sites, avec la complicité des directions successive. C’est pourquoi, les salariés de la GM&S La Souterraine ainsi que leurs représentants ont rédigé une proposition de loi pour contraindre les donneurs d’ordres à assurer socialement et financièrement les conséquences de leur désengagement auprès de leurs sous‑traitants.
Dans la lignée de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, une première fois déposée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) à l’Assemblée nationale en mai 2014, puis débattue et votée sur une nouvelle proposition du groupe Socialistes républicains et citoyens (SRC) en février 2017, les députés signataires de cette proposition de loi ont jugé utile et nécessaire de porter au débat et au vote la proposition de loi des salariés de GM&S La Souterraine et de leurs représentants.
Des dispositifs juridiques dans la sous‑traitance industrielle existent. Ainsi, la loi de 1975 a été initialement mise en place pour le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP). Petit à petit son champ d’application s’est élargi pour être générale aujourd’hui. Mais la sous‑traitance s’est développée dans tous les secteurs et en particulier dans le domaine industriel. Or, si les dispositions sont toujours utiles, elle apparait insuffisante à règlementer la sous‑traitance d’aujourd’hui et à protéger les sous‑traitants dans la relation déséquilibrée qui les lie aux donneurs d’ordre. Tous les rapports sur la relation sous‑traitants et donneurs d’ordre pointent notamment la nécessité de définir la sous‑traitance industrielle et de la doter d’un cadre plus protecteur pour les sous‑traitants.
Par ailleurs, depuis février 2017, les entreprises transnationales sont tenues de mettre en œuvre des plans de vigilance pour prévenir les atteintes graves à l’environnement et à la santé, et donc d’identifier les risques sur toute leur chaîne de fournisseurs afin de préserver la société et les consommateurs. Il est désormais temps d’élargir ce devoir de vigilance aux risques sociaux et économiques que ces grandes entreprises font peser sur leurs sous‑traitants et sur leurs salariés.
Leur responsabilité doit en effet s’étendre aux impacts de leurs choix stratégiques sur l’ensemble de la filière. Cet appel à responsabilité a pris plusieurs formes mais reste sur le fond soit un simple accompagnement des stratégies des entreprises sans prise en compte de la problématique territoriale, soit des déclarations de bonnes intentions telles que : en 2010, la charte de la Médiation du crédit et de la l’Association des acheteurs de France (CDAF) régissant les relations entre grands donneurs d’ordres et petites et moyennes entreprise (PME), ou encore à la fin de l’année 2009, les Etats généraux de l’Industrie qui ont débouché sur les Chartes automobiles puis sur le Fond de modernisation des équipementiers automobiles. De plus, encore très récemment l’Assemblée nationale a ouvert une mission d’information sur les relations donneurs d’ordre‑sous‑traitants.
La relation entre les donneurs d’ordres et les entreprises sous‑traitantes n’est pas une relation égale. La présente proposition de loi vise à prendre en compte la dépendance structurelle des entreprises sous‑traitantes et à réduire ses effets, notamment par la mise en place de contrats‑types.
La responsabilité des donneurs d’ordres doit être à la hauteur du pouvoir qu’ils ont sur leurs sous‑traitants et les salariés des sous‑traitants qui doivent bénéficier d’une protection. De surcroît, il est nécessaire de responsabiliser les donneurs d’ordres vis‑à‑vis des décisions qu’ils peuvent prendre non seulement pour les sous‑traitants, pour les salariés mais aussi pour les territoires.
Pour ce faire, afin de responsabiliser et d’anticiper, le droit doit redonner une unité́ économique et environnementale à l’entité donneurs d’ordres vis‑à‑vis de ses sous‑traitants.
L’organisation de la sous‑traitance conduit à̀ séparer la production en entités faussement indépendantes. Aujourd’hui, les intérêts des sous‑traitants et de leurs salariés ne sont pas pris en compte dans la gestion de l’entreprise donneur d’ordres.
Cette proposition de loi entend y remédier en les intégrant dans les comités de groupe des donneurs d’ordre de façon à recevoir une information complète, identique et simultanée sur les implications et les conséquences socio‑économiques de leurs choix.
L’enjeu de la politique d’achat va au‑delà̀ de la rentabilité́ de la seule entreprise donneuse d’ordres. Elle a un impact sur la bonne santé́ de tout le tissu industriel et sur les bassins de vie. Les critères à prendre en compte sont la proximité, les enjeux territoriaux, la durabilité de la relation sur les cinq dernières années.
Les donneurs d’ordres doivent assumer une responsabilité́ environnementale au regard des dégâts environnementaux que leurs choix stratégiques génèrent. Cette responsabilité́ doit s’étendre aux sous‑traitants. Les fermetures d’entreprise génèrent des friches industrielles dont la réhabilitation doit être à la charge des décideurs.
Les créanciers sous‑traitants sont exposés à de gros risques d’impayés lorsque le donneur d’ordre rencontre des difficultés.
Dans un objectif de protection des sous‑traitants et de lutte contre les mauvaises pratiques, nous sommes dans l’obligation fixer des clauses obligatoires et des clauses interdites dans la loi. Celles‑ci étant par nature très générales, pour être adaptables aux spécificités de tous les secteurs d’activité. Il faut promouvoir la mise en place de contrats types au niveau de chaque filière ou secteur par une négociation entre les acteurs concernés. En rester à un contrat type unique laisse nécessairement trop de marge aux services juridiques des grandes entreprises donneuses d’ordre pour s’engouffrer dans les imprécisions à leur profit. Nous souhaitons que les acteurs des filières mettent en place des contrats types.
En ce sens, légiférer contre les mauvaises pratiques et mettre en place des contrats types par filières négociés, renforcera les mécanismes d’alerte et de médiation.
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Larticle 1 permet de qualifier la relation entre donneur d’ordres et sous‑traitant dans le droit, afin que la nature de la relation commerciale inégale qui les unit soit reconnue et donne lieu à̀ une responsabilité sociale économique, juridique et environnementale. Cette relation est établie en fonction :
– De la taille du périmètre du donneur d’ordres : une entreprise d’au moins 5 000 salariés dont le siège social est en France et 10 000 salariés lorsqu’il est à̀ l’étranger
– De la dépendance : une relation commerciale de caractère stable, suivie et habituelle (au moins 30 % du chiffre d’affaires sur les 5 dernières années)
– Du chiffre d’affaires du fournisseur qui doit dépendre à 30 % d’une entreprise
Larticle 2 prévoit que les entreprises sous‑traitantes, ainsi que leurs représentants du personnel, soient intégrés dans le comité́ de groupe des donneurs d’ordres ou, à défaut de l’existence d’un comité́ de groupe sur le périmètre français, dans un comité́ inter‑entreprises. Cet article doit permettre l’implication conjointe et solidaire de la société donneuse d’ordre au côté de la sous‑traitante dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Il introduit une exception à la double condition que le sous‑traitant ait été intégré au comité de groupe ou qu’un comité inter‑groupe ait été créé, et que le volume des commandes du donneur d’ordre n’ait pas baissé au cours de deux derniers exercices (dans ce cas les difficultés du sous‑traitant ne lui sont pas imputables, il n’a donc pas à en assumer les conséquences).
Larticle 3 prévoit que les comités stratégiques de filière ou les commissions territoriales concernées doivent être informés de cette intégration ou de cette création ainsi que des points abordés dans un objectif de travail en commun et d’anticipation. Aussi, d’associer les sous‑traitants aux décisions stratégiques du donneur d’ordre et leur octroyer un meilleur accès aux informations afin de les mettre en situation de mieux définir leur stratégie industrielle. Les entreprises sous‑traitantes ou prestataires, ainsi que leurs institutions représentatives du personnel reçoivent ainsi des informations sur la réalité́ et la projection d’activité́, d’évolution des effectifs, le besoin en qualification et compétences, et les évolutions technologiques.
Larticle 4 instaure l’obligation de réaliser une étude d’impact dans le cadre du plan de vigilance prévu par la loi du 12 juillet 2017 lorsqu’intervient « un changement d’orientation technique, normatif ou économique ayant un impact sur l’activité d’un sous‑traitant ». Cette étude d’impact doit intervenir en amont.
Larticle 5 obligent les entreprises donneuses d’ordre de plus de 5 000 salariés qui procèdent à des licenciements collectifs affectant l’équilibre d’un bassin d’emploi de contribuer à la création d’activité au donneur d’ordres vis‑à‑vis du sort de ses sous‑traitants. Actuellement, les donneurs d’ordres sont exonérés de toute responsabilité à l’égard des salariés de leurs sous‑traitants et ainsi, en cessant ou en limitant les commandes, de provoquer des situations de dépôt de bilan. En cela l’article 5 oblige :
– Les donneurs d’ordres doivent être tenus d’assumer, aux côtés de la société défaillante, l’obligation de reclassement et de formation.
– Les donneurs d’ordres doivent être rendus débiteurs des moyens mis en œuvre dans le cadre du Plan de sécurisation de l’emploi (PSE).
– La contribution des entreprises qui licencient pour motif économique aux actions de revitalisation des bassins d’emploi est supprimée par la loi lors d’un redressement judiciaire. Les donneurs d’ordres doivent en être débiteurs.
Larticle 6 prévoit qu’en cas de licenciement collectif affectant, par son ampleur, l’équilibre du ou des bassins d’emploi dans lesquels elles sont implantées, un ou des donneurs d’ordre, seront personnellement débiteurs de l’obligation de contribuer à la création d’activités et au développement des emplois et d’atténuer les effets du licenciement envisagé sur les autres entreprises dans le ou les bassins d’emploi sauf si l’entreprise sous‑traitante a été intégrée dans le comité de groupe ou si un comité inter‑entreprises est créé.
Larticle 7 prévoit que le comité de groupe se réunit au moins une fois par semestre, et non plus par an, sur convocation de son président.
Il pourra également se réunir si au moins l’un des représentants d’une entreprise sous‑traitante, dont il estime qu’elle est susceptible de rencontrer des difficultés, en fait la demande expresse et motivée
Larticle 8 prévoit que le donneur d’ordre sera responsable de l’obligation de reclassement sauf si l’entreprise sous‑traitante a été intégrée dans le comité de groupe ou si un comité inter‑entreprises est créé.
Larticle 9 prévoit que les membres du comité bénéficieront d’heures de délégation, le contingent annuel sera fixé par voie d’accord ou à défaut par décret.
Larticle 10 prévoit que les donneurs d’ordre, informés du non‑paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié de son cocontractant, d’un sous‑traitant direct ou indirect ou d’un cocontractant d’un sous‑traitant, enjoint aussitôt, par écrit, à ce sous‑traitant ou à ce cocontractant de faire cesser sans délai cette situation, et ce quelques soient les conditions d’effectifs, de volume, et d’ancienneté de la relation de la sous‑traitance.
Larticle 11 élargit au donneur d’ordre la responsabilité au titre du principe pollueur payeur. Il instaure un principe de coresponsabilité du donneur d’ordre pour les dégâts environnementaux créés par l’activité du sous‑traitant. Il s’agit d’ajouter au principe pollueur payeur cette responsabilité solidaire. La relation de sous‑traitance tend à déresponsabiliser les donneurs d’ordre y compris vis‑à‑vis de l’environnement. Mais le déséquilibre entre les parties peut conduire celui‑ci à imposer des conditions ne laissant que peu de choix au sous‑traitant de prendre des risques environnementaux. Le sous‑traitant en est déjà pleinement responsable en application du principe pollueur payeur. Il s’agit d’encourager les pratiques vertueuses des donneurs d’ordre dans leur politique d’achat et leur rapport à leur sous‑traitant en les coresponsabilisant des éventuels dommages causés à l’environnement.
Larticle 12 introduit dans la loi une définition de la sous‑traitance industrielle sur la base de la combinaison d’un critère de taille de l’entreprise donneuse d’ordres, d’existence d’une relation commerciale établie avec le sous‑traitant et de proportion du chiffre d’affaire de l’entreprise sous‑traitante réalisé pour le donneur d’ordre.
Cette définition permet d’instaurer un régime particulier à la sous‑traitance industrielle qui tient compte du déséquilibre structurel entre les parties et permet d’en gommer par la loi les effets les plus néfastes. Elle permet donc de renforcer les obligations spécifiques des donneurs d’ordre lorsqu’il s’agit d’entreprises d’une certaine taille.
Larticle 13 réduit le délai maximum légal de paiement d’une facture à 45 jours et fixe un point de départ unique pour éviter les jeux avec les libertés laissées par la loi. Une possibilité d’aménagement contractuel est laissée quant au point de départ, mais à la condition que ce soit en faveur du sous‑traitant. Ici encore, on entérine le fait que les sous‑traitant ont globalement une marge de négociation très faible et parfois inexistante, leur seule protection ne peut venir que de la loi avec un caractère impératif.
Larticle 14 souhaite lutter contre les mauvaises pratiques, c’est‑à‑dire faire obstacle aux pratiques qui consistent à localiser le lieu de facturation à l’étranger afin de rendre inapplicable la loi française en matière de délais de paiement en affirmant le caractère d’ordre public de l’article et la localisation du sous‑traitant comme critère unique de détermination de la loi applicable
Larticle 15 renforce par la loi, sans attendre une révision du décret de 2008, la fréquence (d’annuelles à semestrielles) et les informations attendues des comptes certifiés par les commissaires aux comptes (distinction créances échues et à échoir pour inclure les délais conventionnels et non seulement les délais légaux dans les comptes et ventilation selon le nombre de jours de retard).
Cette objectivation permettant aux commissaires aux compte des mieux jouer leur rôle d’alerte à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) grâce à un nouveau critère unifié permettant de qualifier la notion de « manquements répétés », significatifs en matière de délais de paiement.
N’est applicable qu’aux grandes entreprises (voir PACTE sur modification du périmètre commissaires aux comptes). En effet, le constat est qu’aujourd’hui les contrôles de la DGCCRF sont peu nombreux et n’aboutissent que peu sur des sanctions. Par exemple, selon le rapport 2017 de l’observatoire des délais de paiement, il y a eu 2 500 contrôles en 2017 qui ont conduits à 235 avertissements (pas une sanction), 170 injonctions de se conformer aux règles et de cesser tout agissement illicite, 230 procès‑verbaux de sanction. Avec une meilleure information et plus d’alertes communiquées par les commissaires au compte à la DGCCRF, cela permettrait de mieux cibler certains contrôles et d’intensifier les sanctions trop peu nombreuses.
Larticle 16 met en place un taux d’escompte 0 pour les petites et moyennes entreprises. Les difficultés de trésorerie liées aux délais de paiement sont la cause de 150 000 faillites d’entreprises par an, soit 25 % des faillites. Selon l’observatoire des délais de paiement, « pour 2016, la trésorerie, qui pourrait être libérée si aucun retard de paiement n’était constaté, serait de 9 milliards d’euros (contre 11 milliards en 2015). La décomposition par taille d’entreprises montre que les PME bénéficieraient d’un supplément net de trésorerie de 16 milliards (montant identique à 2014 et 2015), quand les entreprises de taille intermédiaire (ETI) en récupéreraient 4 milliards (contre 6 milliards en 2015). Ces sommes seraient transférées pour 11 milliards de la trésorerie de grandes entreprises (comme en 2015) ; le solde (9 milliards d’euros) provenant des sociétés financières, de l’État, des collectivités locales, des ménages et des non‑résidents. Les secteurs qui bénéficieraient le plus d’un alignement des délais de paiement à 60 jours sont ceux de la construction (7,5 milliards) et des conseils et services aux entreprises (9 milliards). Ces montants représentent, pour eux, respectivement 12 et 14 jours de chiffre d’affaires. Cette proposition de loi préconise, il y a à donner une respiration aux entreprises souvent les plus fragiles qui sont aussi les plus créatrices d’emploi.
Larticle 18 renforce le droit de rétention en prévoyant que le silence de l’administrateur pendant un mois vaut acceptation et en allongeant le délai de recours devant le juge commissaire.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Après l’article L. 233‑5‑1 du code de commerce, il est inséré́ un article L. 233‑5‑2 ainsi rédigé́ :
« Art. L. 23352. – La relation entre donneur d’ordres et sous‑traitant est établie dès lors que le donneur d’ordres est une entreprise d’au moins 5 000 salariés dont le siège social est en France et 10 000 salariés lorsqu’il est à̀ l’étranger, qu’il y a une relation commerciale établie de caractère stable, suivie et habituelle, soit au moins 30 % du chiffre d’affaires sur les 5 dernières années, et que le chiffre d’affaires du fournisseur dépend à 30 % d’une entreprise. En cas de changement de capital social, de forme juridique ou de dénomination du sous‑traitant, la durée consécutive de cinq ans ne s’interrompt pas lorsque le site de production est inchangé́ ».
Article 2
L’article L. 2332‑1 du code du travail est complété par six alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque des entreprises sous‑traitantes sont intégrées dans le comité de groupe celui‑ci est informé lors de chacune de ses réunions :
« ‑ De la réalisation des contrats en cours et ceux à venir, notamment leur contenu précis et leur durée ;
« ‑ Des projections d’activité ;
« ‑ Des effectifs, présentés sous forme d’une analyse quantitative et qualitative par métier ;
« ‑ Des besoins en qualifications et compétences et les plans de formation ou de recrutement envisagés ;
« ‑ Des évolutions technologiques pour permettre l’anticipation de transformation des procédés et process de production. »
Article 3
Après le cinquième alinéa du II de l’article L. 2331‑1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ‑ ou constitue un donneur d’ordres au sens des dispositions de l’article 14‑2 de la loi n° 75‑1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous‑traitance ».
L’article 4
Après le 5° du I de l’article L.  225‑102‑4 du code de commerce, il est inséré un 6° ainsi rédigé : 
« 6° Lorsqu’un changement d’orientation technique, normatif ou économique ayant un impact sur l’activité d’un sous‑traitant est envisagé par le donneur d’ordre direct ou indirect, une étude d’impact est réalisée en amont, rendue publique et communiquée au comité de groupe. »
Article 5
Après l’article L. 1233‑60‑1 du code du travail, il est inséré́ un article L. 1233‑60‑2 ainsi rédigé́ :
« Art. L 1233602. ‑ Lorsque des licenciements économiques sont envisagés dans le cadre d’une société́ dépendant d’un donneur d’ordres au responsable de la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi et les moyens mis en œuvre dans ce cadre sont appréciés à l’aune des moyens du donneur d’ordres.
« Cette responsabilité n’est pas encourue si l’entreprise sous‑traitante a été́ intégré́e dans le comité́ de groupe ou si un comité́ inter‑entreprises est créé́ avec des moyens d’anticipation et si le chiffre d’affaires réalisé́ au profit du donneur d’ordres n’a pas subi de baisse par comparaison aux deux derniers exercices comptables. »
Article 6
Le second alinéa de l’article L. 1233‑84 du code du travail, est complété par la phrase suivante : « Toutefois un ou des donneurs d’ordres au sens de l’article L. 233‑5‑2 du code de commerce est personnellement débiteur de cette obligation, sauf l’exception prévue par le deuxième alinéa de l’article L. 1233‑60‑2 du code du travail ».
Article 7
L’article L. 2334‑2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « an » est remplacé par le mot : « semestre » ;
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres du comité bénéficient d’heures de délégation, dont le contingent annuel est fixé par voie d’accord de branche ou à défaut par décret » ;
3° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé́ :
« Le comité́ se réunit également sur demande expresse et motivée de l’un au moins des représentants d’une entreprise sous‑traitante lorsque celui‑ci estime que l’entreprise à laquelle il appartient est susceptible de rencontrer des difficultés en raison de décisions prises par le donneur d’ordre ».
Article 8
Après le deuxième alinéa de l’article L. 1233‑4 du code du travail, il est inséré́ un alinéa ainsi rédigé́ :
« De même, un donneur d’ordres au sens de l’article L. 233‑5‑2 du code de commerce est personnellement tenu, en son sein, de cette même obligation de reclassement, sauf l’exception prévue par l’alinéa 2 de l’article L. 1233‑60‑2 ».
Article 9
Après le deuxième alinéa de l’article L. 2334‑2 du code du travail, il est inséré́ un alinéa ainsi rédigé́ :
« Les membres du comité́ bénéficient d’heures de délégation, dont le contingent annuel est fixé par voie d’accord ou à̀ défaut par décret ».
Article 10
Au premier alinéa de l’article L. 3245‑2 du code du travail, après le mot :  « ordre », sont insérés les mots : « quelles que soient les conditions d’effectif, de volume, et d’ancienneté́ de la relation de sous‑traitance ».
Article 11
L’article L. 160‑1 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé : 
« Lorsque l’activité d’un exploitant dépend d’un donneur d’ordres, au sens de l’article 14‑2 de la loi n° 75‑1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous‑traitance, ce dernier est solidairement responsable des dommages causés à l’environnement par l’exploitant sous‑traitant. »
Article 12
Après le titre III de la loi n° 75‑1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous‑traitance, il est inséré un titre III bis ainsi rédigé :
« TITRE III BIS
« DES CONTRATS DE SOUS‑TRAITANCE INDUSTRIELS
« Art. 14‑2. – La relation de sous‑traitance industrielle est caractérisée lorsque que le donneur d’ordres direct ou indirect est une entreprise ou un groupe d’au moins 5 000 salariés et qu’il existe une relation commerciale établie de caractère stable ou habituelle représentant au moins 30 % du chiffre d’affaires de l’entreprise sous‑traitante sur les trois dernières années 
« Le changement de capital social, de forme juridique ou de dénomination du sous‑traitant n’interrompt pas le délai de cinq ans, mentionné au précédent alinéa dès lors que le site de production est inchangé.
« Art. 143. – Au sein de chaque filière, il est négocié et établi avant le 1er janvier 2020 un contrat type de sous‑traitance. Ces contrats type ne peuvent comporter que des dispositions plus favorables aux entreprises sous‑traitantes que celles des lois et règlements en vigueur. Ils sont publiés par décret sur proposition des organismes professionnels du secteur concerné et des comités stratégiques de filières. 
« À défaut, un contrat type applicable au secteur ou à la filière défaillante est publié par arrêté du ministre chargé de l’économie.
« À défaut, les conditions générales de vente s’appliquent de plein droit aux relations commerciales entre donneurs d’ordre et sous‑traitants. »
« Art. 14‑4. – À peine de nullité, les contrats de sous‑traitance sont conclus par écrit et signés par les parties qui fixent :
« 1° L’objet du contrat, les obligations respectives des parties, notamment un montant minimal de commandes auquel s’engage le donneur d’ordre ;
« 2° Le prix convenu ou les critères permettant de le déterminer, une clause de renégociation en cas de variation significative du prix de certaines matières premières ou composants clés ;
« 3° Les conditions de facturation et de règlement dans les limites fixées par la loi ;
« 4° Les garanties et responsabilités respectives des parties ;
« 5° La durée du contrat, ses modalités de reconduction et de rupture. Un délai de préavis raisonnable est fixé entre les parties ;
« 6° Une clause de médiation en cas de différend ; 
« 7° Une clause de réserve de propriété jusqu’à complet paiement du prix, y compris en cas d’incorporation ou de transformation du bien ;
« 8° Une clause garantissant le plein respect des droits de propriété intellectuelle du sous‑traitant ;
« 9° Une clause prévoyant les modalités de la prise en charge par le donneur d’ordre des investissements réalisés par le sous‑traitant en cas de rupture brutale ou anticipée des relations commerciales ;
« 10° Une clause prévoyant les modalités la notion du territoire de l’entreprise sous‑traitante. »
Article 13
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Les trois derniers alinéas du I de l’article L. 441‑10 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante‑cinq jours à compter de la date d’émission de la facture, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. » ;
2°Le I de l’article L. 441‑11 est ainsi rédigé :
« Les professionnels d’un secteur, clients et fournisseurs, peuvent décider conjointement de réduire le délai maximum de paiement fixé au deuxième alinéa du I de l’article L. 441‑10. Ils peuvent également proposer de retenir comme point de départ de ce délai, une date plus avantageuse pour les créanciers. En application de l’article L. 441‑3, la facture doit être émise dès la réalisation de la vente ou de la prestation de service. Un décret peut étendre le nouveau délai maximal de paiement à tous les opérateurs du secteur ou, le cas échéant, valider le nouveau mode de computation et l’étendre à ces mêmes opérateurs. »
Article 14
L’article L. 441‑16 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article sont d’ordre public. Elles s’appliquent à tous les contrats de sous‑traitance quel que soit le lieu de facturation du donneur d’ordre dès lors que l’activité du sous‑traitant est située sur le territoire national. »
Article 15
L’article L. 441‑14 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « clients », sont insérés les mots : « dans des conditions permettant de distinguer les dettes et créances échues et à échoir avec une ventilation selon le nombre de jours dépassés et » ;
2° La seconde phrase du second alinéa est complétée par les mots : « caractérisés des retards de paiement supérieurs à trente jours constatés au cours du dernier exercice »
Article 16
L’article 1 A de l’ordonnance n° 2005‑722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle finance l’escompte des petites et moyennes entreprises à taux zéro. »
Article 17
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l’article L. 622‑7, les mots : « conféré par le 4° de l’article 2286 du code civil » sont supprimés ;
2° La première phrase du dernier alinéa de l’article L. 642‑20‑1, est complétée par les mots : « sauf si la chose vendue a été régulièrement revendiquée par son propriétaire, auquel cas préférence est donné à ce dernier sur le rétenteur ».
Article 18
L’article L. 624‑9 du code de commerce est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« La demande en revendication d’un bien est adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’administrateur s’il en a été désigné ou, à défaut, au débiteur. Le demandeur en adresse une copie au mandataire judiciaire.
« Le défaut de réponse dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande emporte acceptation. En cas de refus, le demandeur peut, sous peine de forclusion, saisir le juge‑commissaire au plus tard dans un délai de deux mois à compter de la réception de la réponse motivée.
« Avant de statuer, le juge‑commissaire recueille les observations des parties intéressées. La demande en revendication emporte de plein droit demande en restitution. »
Article 19
Après l’article 3 de la loi n° 75‑1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous‑traitance, il est inséré un article 3 bis ainsi rédigé :
« Art. 3 bis. – Toute entreprise ou personne morale ayant recours à un contrat de sous‑traitance doit assurer le sous‑traitant contre le risque de non‑paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de sous‑traitance à la date de la décision prononçant le règlement judiciaire ou la liquidation des biens.
« Le régime d’assurance prévu à l’alinéa précédent est mis en œuvre par une association créée, dans le délai d’un an à dater de la publication de la loi n° du portant sur la responsabilité des donneurs d’ordre vis‑à‑vis des sous‑traitants, des emplois et des territoires, par les organisations nationales professionnelles représentantes des secteurs et des filières professionnelles. »
Article 20 :
La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.