Etude, E. Sagalovitsch, AJDA 2021, p. 1772.
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lundi 20 septembre 2021
mardi 15 octobre 2019
Expertise judiciaire et principe de contradiction
Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 3 octobre 2019
N° de pourvoi: 18-19.981
Non publié au bulletin Cassation partielle
Mme Gelbard-Le DAUPHIN (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Gaschignard, avocat(s)
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 13 novembre 2012, Mme H... a été blessée dans un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. V..., assuré par la société Assurances du crédit mutuel (la société ACM) ; que, par ordonnance du 15 janvier 2014, le juge des référés, saisi par Mme H..., a ordonné une expertise ; que le 15 septembre 2015, Mme H... a assigné la société ACM et M. V... en réparation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme H... en annulation du rapport d'expertise judiciaire, l'arrêt relève que l'ordonnance de référé donnait mission à l'expert de remettre un pré-rapport aux parties en considération de la complexité technique de la mission ; que l'avocat de Mme H... indiquait ne pas avoir reçu le pré-rapport d'expertise ; qu'en dépit de l'irrégularité notée dans la transmission du pré-rapport d'expertise, la nullité de celle-ci n'était pas encourue dès lors que le conseil de Mme H... était présent aux côtés de sa cliente lors des opérations d'expertise et pouvait à ce moment faire toutes observations qu'il jugeait opportunes ; qu'en outre, Mme H... avait pu faire valoir devant le tribunal, comme devant la cour d'appel, tous moyens de défense utiles, et notamment tous arguments critiques à l'encontre du rapport d'expertise judiciaire ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme H... qui invoquait un grief tiré de ce que l'expert n'avait communiqué de manière effective son pré-rapport qu'à l'assureur, ce qui avait permis à celui-ci de lui adresser des dires alors qu'elle avait été privée de cette faculté, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif déboutant Mme H... de sa demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire, entraîne, par voie de conséquence, la cassation de toutes les dispositions de l'arrêt statuant sur le fond du litige dès lors que la cour d'appel s'est fondée sur ce rapport pour apprécier les préjudices de la victime ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit l'arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne et dit recevables les demandes formées par Mme H... et notamment sa demande d'indemnisation de l'incidence professionnelle, l'arrêt rendu le 22 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. V... et la société Assurances du crédit mutuel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme H... la somme globale de 3 000 euros ;
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 3 octobre 2019
N° de pourvoi: 18-19.981
Non publié au bulletin Cassation partielle
Mme Gelbard-Le DAUPHIN (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Gaschignard, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 13 novembre 2012, Mme H... a été blessée dans un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. V..., assuré par la société Assurances du crédit mutuel (la société ACM) ; que, par ordonnance du 15 janvier 2014, le juge des référés, saisi par Mme H..., a ordonné une expertise ; que le 15 septembre 2015, Mme H... a assigné la société ACM et M. V... en réparation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme H... en annulation du rapport d'expertise judiciaire, l'arrêt relève que l'ordonnance de référé donnait mission à l'expert de remettre un pré-rapport aux parties en considération de la complexité technique de la mission ; que l'avocat de Mme H... indiquait ne pas avoir reçu le pré-rapport d'expertise ; qu'en dépit de l'irrégularité notée dans la transmission du pré-rapport d'expertise, la nullité de celle-ci n'était pas encourue dès lors que le conseil de Mme H... était présent aux côtés de sa cliente lors des opérations d'expertise et pouvait à ce moment faire toutes observations qu'il jugeait opportunes ; qu'en outre, Mme H... avait pu faire valoir devant le tribunal, comme devant la cour d'appel, tous moyens de défense utiles, et notamment tous arguments critiques à l'encontre du rapport d'expertise judiciaire ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme H... qui invoquait un grief tiré de ce que l'expert n'avait communiqué de manière effective son pré-rapport qu'à l'assureur, ce qui avait permis à celui-ci de lui adresser des dires alors qu'elle avait été privée de cette faculté, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif déboutant Mme H... de sa demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire, entraîne, par voie de conséquence, la cassation de toutes les dispositions de l'arrêt statuant sur le fond du litige dès lors que la cour d'appel s'est fondée sur ce rapport pour apprécier les préjudices de la victime ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit l'arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne et dit recevables les demandes formées par Mme H... et notamment sa demande d'indemnisation de l'incidence professionnelle, l'arrêt rendu le 22 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. V... et la société Assurances du crédit mutuel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme H... la somme globale de 3 000 euros ;
mardi 5 décembre 2017
expertise - principe de contradiction et absence de dépôt d'un pré-rapport
Note Strickler, Procédures, 2018-2, p. 7.
Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 30 novembre 2017
N° de pourvoi: 16-17.686
Publié au bulletin Cassation partielle
M. Chauvin (président), président
Me Le Prado, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP François-Henri Briard, avocat(s)
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 2016), que, par contrat du 24 mai 2000, la société VR services a concédé à une société, aux droits de laquelle se trouve la société Dukan de Nitya, la jouissance, pour une durée indéterminée, d'un emplacement dans le centre commercial La Vallée Village ; que, le 4 mars 2011, elle a notifié un congé à la société Dukan de Nitya ; qu'après annulation d'une sentence arbitrale du 10 août 2012, complétée le 24 septembre 2012, un arrêt irrévocable du 14 janvier 2014 a requalifié le contrat liant les parties en bail commercial, annulé le congé et, au constat de l'impossibilité de réintégrer la société Dukan de Nitya dans les lieux, ordonné une expertise sur le montant de l'indemnité d'éviction ; qu'après dépôt du rapport de l'expert, la société Dukan de Nitya a sollicité sa réintégration dans les lieux et, subsidiairement, l'annulation de l'expertise et la désignation d'un autre expert, en contestant le montant de l'indemnisation proposé par l'expert ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Dukan de Nitya fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réintégration au sein du centre commercial La Vallée Village, alors, selon le moyen :
1°/ que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements ont modifié la situation antérieurement reconnue en justice ; que, pour déclarer irrecevable la demande de la société Dukan de Nitya de réintégration dans les lieux, l'arrêt retient que la cour d'appel de Paris a déjà jugé, dans son arrêt du 14 janvier 2014 qui n'a pas été frappé d'un pourvoi sur ce point ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si des événements postérieurs n'étaient pas venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice et, en particulier, si des emplacements ne s'étaient pas libérés au sein de la Vallée Village si bien que la réintégration de la société Dukan de Nitya était devenue possible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil ;
2°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Dukan de Nitya faisait valoir qu'il était possible de demander sa réintégration dans les lieux dès lors que des événements postérieurs tenant à la libération d'emplacements au sein de la Vallée Village avaient modifié la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en ne répondant pas sur ce point aux conclusions de la société Dukan de Nitya, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'un précédent arrêt avait constaté l'impossibilité pour la société Dukan de Nitya de réintégrer le local, objet du bail, et retenu que celle-ci ne pouvait prétendre à aucun droit à réintégration dans un autre emplacement, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et qui a répondu aux conclusions, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Dukan de Nitya fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à l'annulation du rapport d'expertise et à l'organisation d'une nouvelle expertise, alors, selon le moyen :
1°/ que le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ; qu'en déboutant la société Dukan de Nitya de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise du 20 février 2015, après avoir pourtant constaté que « ni M. X... ni le cabinet HB & Associés ne travaillaient plus pour VR services depuis la fin du mois de février 2013, soit antérieurement à l'arrêt de la cour du 14 janvier 2014 désignant M. Y... », ce dont il résultait que M. X..., trésorier de la fondation Bruno Z... dont l'expert est le président, avait travaillé pour VR services, la cour d'appel a violé l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ; qu'en déboutant la société Dukan de Nitya de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise du 20 février 2015, motif pris de ce que « ni M. X... ni le cabinet HB & associés ne travaillaient plus pour VR services depuis la fin du mois de février 2013, soit antérieurement à l'arrêt de la cour d'appel du 14 janvier 2014 désignant M. Y... », que si M. Michel A..., professeur à l'université de Rennes, expert judiciaire près cette cour d'appel et expert agréé par la Cour de cassation, estime dans son avis sur le rapport de M. Y... notamment que « l'expert s'est placé pleinement dans la logique du "contrat de services" et n'a fait que conforter la position de VR services qui avait justement cherché à échapper indûment au statut des baux commerciaux en imposant aux commerçants installés dans le "Village" ce type de contrat alors qu'il lui était demandé de s'écarter de cette construction juridique et de chercher à reconstituer la part de loyer intégrée dans la redevance » et s'il considère très surprenante la position de l'expert, indiquant : « Il est préoccupant de constater qu'il est demandé à l'évincé de faire le travail à la place de l'expert sans même lui donner la possibilité matérielle de le faire, puisque rejetant chaque fois les demandes des conseils de Dukan de Nitya de communication de pièces nécessaires pour y parvenir», « il n'en demeure pas moins qu'une telle appréciation ne constitue qu'un avis d'un technicien », bien que de tels motifs étaient impropres à établir que l'avis émis par l'expert ait été objectif, la cour d'appel a violé l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ; qu'en se bornant à apprécier isolément les éléments de fait invoqués par la société Dukan de Nitya à l'appui de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise sans rechercher si de tels éléments, pris dans leur ensemble et globalement, ne pouvaient pas, du fait de leur conjonction et leur répétition, faire naître un doute légitime sur l'impartialité de l'expert chez la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 237 du code de procédure civile et de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ; qu'il doit solliciter la communication des pièces qui lui sont nécessaires pour accomplir sa mission, sauf empêchement légitime ; que, pour débouter la société Dukan de Nitya de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise et la communication de nouveaux documents, l'arrêt retient que si l'expert reconnaît lui-même que sa méthode est arbitraire et son chiffrage imprécis, l'expert a répondu à sa mission en déterminant le montant de l'indemnité d'éviction, retenant à ce titre diverses sommes et en proposant un compte entre les parties ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'empêchement légitime de la communication des pièces sollicitées ni même s'intéresser à leur caractère probant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 11 et 237 du code de procédure civile ;
5°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour débouter la société Dukan de Nitya de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise, l'arrêt retient que les parties ont eu connaissance de la méthode de calcul de l'expert par son écrit du 9 décembre 2014 et ont postérieurement adressé un dire à ce dernier, de sorte que le principe de la contradiction n'a pas été violé, peu important l'absence de dépôt d'un pré-rapport ; qu'en statuant ainsi, alors que dans son courrier du 9 décembre 2014, M. Y... lui-même avait indiqué qu'il adresserait début 2015 « un pré-apport conclusif sur lequel [les parties] aur[aient] un mois pour formuler [leurs] observations », la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions récapitulatives d'appel, la société Dukan de Nitya soutenait que le principe de la contradiction n'avait pas été respecté par l'expert judiciaire dans la mesure où il n'avait pas pris en considération les dires n° 7 et 11 de la société Dukan de Nitya chiffrant le droit au bail ; qu'en écartant toute violation du principe de la contradiction sans répondre à ces conclusions de la société Dukan de Nitya, la cour d'appel a violé les articles 455 et 276 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que, lors de la désignation de l'expert, M. X... n'était plus l'avocat de la société VR services depuis près d'un an, la cour d'appel, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée et appréciant souverainement la valeur probante des avis techniques qui lui étaient soumis, a pu en déduire qu'il n'existait aucun manquement de l'expert au principe d'impartialité ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que l'expert avait communiqué son chiffrage provisoire et réclamé un dire récapitulatif qu'il avait reçu des deux parties qui avaient pu répondre à la méthode de calcul proposée et faire valoir leurs observations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire qu'il n'existait aucune violation du principe de la contradiction, peu important l'absence de dépôt d'un pré-rapport ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé :
Attendu que la société Dukan de Nitya fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme l'indemnité d'éviction ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de défaut de motifs et de violation de la loi, le moyen ne tend en réalité qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en sa quatrième branche, les quatrième et sixième moyens, ci-après annexés :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le cinquième moyen :
Vu les articles L. 145-14 et L. 145-28 du code de commerce ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société Dukan de Nitya en réparation de la perte de son droit au maintien dans les lieux, l'arrêt retient que l'indemnisation de la perte du droit au maintien dans les lieux a déjà été prise en compte par la fixation d'une indemnité d'éviction qui indemnise le préjudice subi par le défaut de renouvellement du bail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice né de la perte du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction est distinct de celui réparé par cette indemnité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Dukan de Nitya en paiement de dommages-intérêts pour privation du droit au maintien dans les lieux avant paiement de l'indemnité d'éviction, l'arrêt rendu le 22 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société VR services aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société VR services et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Dukan de Nitya ;
Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 30 novembre 2017
N° de pourvoi: 16-17.686
Publié au bulletin Cassation partielle
M. Chauvin (président), président
Me Le Prado, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP François-Henri Briard, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 2016), que, par contrat du 24 mai 2000, la société VR services a concédé à une société, aux droits de laquelle se trouve la société Dukan de Nitya, la jouissance, pour une durée indéterminée, d'un emplacement dans le centre commercial La Vallée Village ; que, le 4 mars 2011, elle a notifié un congé à la société Dukan de Nitya ; qu'après annulation d'une sentence arbitrale du 10 août 2012, complétée le 24 septembre 2012, un arrêt irrévocable du 14 janvier 2014 a requalifié le contrat liant les parties en bail commercial, annulé le congé et, au constat de l'impossibilité de réintégrer la société Dukan de Nitya dans les lieux, ordonné une expertise sur le montant de l'indemnité d'éviction ; qu'après dépôt du rapport de l'expert, la société Dukan de Nitya a sollicité sa réintégration dans les lieux et, subsidiairement, l'annulation de l'expertise et la désignation d'un autre expert, en contestant le montant de l'indemnisation proposé par l'expert ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Dukan de Nitya fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réintégration au sein du centre commercial La Vallée Village, alors, selon le moyen :
1°/ que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements ont modifié la situation antérieurement reconnue en justice ; que, pour déclarer irrecevable la demande de la société Dukan de Nitya de réintégration dans les lieux, l'arrêt retient que la cour d'appel de Paris a déjà jugé, dans son arrêt du 14 janvier 2014 qui n'a pas été frappé d'un pourvoi sur ce point ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si des événements postérieurs n'étaient pas venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice et, en particulier, si des emplacements ne s'étaient pas libérés au sein de la Vallée Village si bien que la réintégration de la société Dukan de Nitya était devenue possible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil ;
2°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Dukan de Nitya faisait valoir qu'il était possible de demander sa réintégration dans les lieux dès lors que des événements postérieurs tenant à la libération d'emplacements au sein de la Vallée Village avaient modifié la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en ne répondant pas sur ce point aux conclusions de la société Dukan de Nitya, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'un précédent arrêt avait constaté l'impossibilité pour la société Dukan de Nitya de réintégrer le local, objet du bail, et retenu que celle-ci ne pouvait prétendre à aucun droit à réintégration dans un autre emplacement, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et qui a répondu aux conclusions, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Dukan de Nitya fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à l'annulation du rapport d'expertise et à l'organisation d'une nouvelle expertise, alors, selon le moyen :
1°/ que le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ; qu'en déboutant la société Dukan de Nitya de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise du 20 février 2015, après avoir pourtant constaté que « ni M. X... ni le cabinet HB & Associés ne travaillaient plus pour VR services depuis la fin du mois de février 2013, soit antérieurement à l'arrêt de la cour du 14 janvier 2014 désignant M. Y... », ce dont il résultait que M. X..., trésorier de la fondation Bruno Z... dont l'expert est le président, avait travaillé pour VR services, la cour d'appel a violé l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ; qu'en déboutant la société Dukan de Nitya de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise du 20 février 2015, motif pris de ce que « ni M. X... ni le cabinet HB & associés ne travaillaient plus pour VR services depuis la fin du mois de février 2013, soit antérieurement à l'arrêt de la cour d'appel du 14 janvier 2014 désignant M. Y... », que si M. Michel A..., professeur à l'université de Rennes, expert judiciaire près cette cour d'appel et expert agréé par la Cour de cassation, estime dans son avis sur le rapport de M. Y... notamment que « l'expert s'est placé pleinement dans la logique du "contrat de services" et n'a fait que conforter la position de VR services qui avait justement cherché à échapper indûment au statut des baux commerciaux en imposant aux commerçants installés dans le "Village" ce type de contrat alors qu'il lui était demandé de s'écarter de cette construction juridique et de chercher à reconstituer la part de loyer intégrée dans la redevance » et s'il considère très surprenante la position de l'expert, indiquant : « Il est préoccupant de constater qu'il est demandé à l'évincé de faire le travail à la place de l'expert sans même lui donner la possibilité matérielle de le faire, puisque rejetant chaque fois les demandes des conseils de Dukan de Nitya de communication de pièces nécessaires pour y parvenir», « il n'en demeure pas moins qu'une telle appréciation ne constitue qu'un avis d'un technicien », bien que de tels motifs étaient impropres à établir que l'avis émis par l'expert ait été objectif, la cour d'appel a violé l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ; qu'en se bornant à apprécier isolément les éléments de fait invoqués par la société Dukan de Nitya à l'appui de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise sans rechercher si de tels éléments, pris dans leur ensemble et globalement, ne pouvaient pas, du fait de leur conjonction et leur répétition, faire naître un doute légitime sur l'impartialité de l'expert chez la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 237 du code de procédure civile et de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ; qu'il doit solliciter la communication des pièces qui lui sont nécessaires pour accomplir sa mission, sauf empêchement légitime ; que, pour débouter la société Dukan de Nitya de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise et la communication de nouveaux documents, l'arrêt retient que si l'expert reconnaît lui-même que sa méthode est arbitraire et son chiffrage imprécis, l'expert a répondu à sa mission en déterminant le montant de l'indemnité d'éviction, retenant à ce titre diverses sommes et en proposant un compte entre les parties ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'empêchement légitime de la communication des pièces sollicitées ni même s'intéresser à leur caractère probant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 11 et 237 du code de procédure civile ;
5°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour débouter la société Dukan de Nitya de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise, l'arrêt retient que les parties ont eu connaissance de la méthode de calcul de l'expert par son écrit du 9 décembre 2014 et ont postérieurement adressé un dire à ce dernier, de sorte que le principe de la contradiction n'a pas été violé, peu important l'absence de dépôt d'un pré-rapport ; qu'en statuant ainsi, alors que dans son courrier du 9 décembre 2014, M. Y... lui-même avait indiqué qu'il adresserait début 2015 « un pré-apport conclusif sur lequel [les parties] aur[aient] un mois pour formuler [leurs] observations », la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions récapitulatives d'appel, la société Dukan de Nitya soutenait que le principe de la contradiction n'avait pas été respecté par l'expert judiciaire dans la mesure où il n'avait pas pris en considération les dires n° 7 et 11 de la société Dukan de Nitya chiffrant le droit au bail ; qu'en écartant toute violation du principe de la contradiction sans répondre à ces conclusions de la société Dukan de Nitya, la cour d'appel a violé les articles 455 et 276 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que, lors de la désignation de l'expert, M. X... n'était plus l'avocat de la société VR services depuis près d'un an, la cour d'appel, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée et appréciant souverainement la valeur probante des avis techniques qui lui étaient soumis, a pu en déduire qu'il n'existait aucun manquement de l'expert au principe d'impartialité ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que l'expert avait communiqué son chiffrage provisoire et réclamé un dire récapitulatif qu'il avait reçu des deux parties qui avaient pu répondre à la méthode de calcul proposée et faire valoir leurs observations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire qu'il n'existait aucune violation du principe de la contradiction, peu important l'absence de dépôt d'un pré-rapport ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé :
Attendu que la société Dukan de Nitya fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme l'indemnité d'éviction ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de défaut de motifs et de violation de la loi, le moyen ne tend en réalité qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en sa quatrième branche, les quatrième et sixième moyens, ci-après annexés :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le cinquième moyen :
Vu les articles L. 145-14 et L. 145-28 du code de commerce ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société Dukan de Nitya en réparation de la perte de son droit au maintien dans les lieux, l'arrêt retient que l'indemnisation de la perte du droit au maintien dans les lieux a déjà été prise en compte par la fixation d'une indemnité d'éviction qui indemnise le préjudice subi par le défaut de renouvellement du bail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice né de la perte du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction est distinct de celui réparé par cette indemnité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Dukan de Nitya en paiement de dommages-intérêts pour privation du droit au maintien dans les lieux avant paiement de l'indemnité d'éviction, l'arrêt rendu le 22 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société VR services aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société VR services et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Dukan de Nitya ;
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