Affichage des articles dont le libellé est évidence. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est évidence. Afficher tous les articles

mardi 6 mai 2025

Marché - contestation sur travaux dits supplémentaires - référé - évidence et contestation sérieuse

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 30 avril 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 225 F-D

Pourvoi n° W 23-18.856




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025

La société Paprec CRV, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 23-18.856 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Patriarca entreprise, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Paprec CRV, de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société Patriarca entreprise, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 juin 2023), rendu en référé, le syndicat mixte du département de l'Oise a conclu avec un groupement d'entreprises, comprenant notamment la société Paprec CRV, un marché public global de performance portant sur la conception, la réalisation et l'exploitation d'un centre de tri.

2. La société Paprec CRV a sous-traité des travaux à la société Patriarca entreprise (la société Patriarca).

3. Le juge des référés a désigné un expert à la demande de la société Paprec CRV, pour qu'il donne notamment son avis sur les décalages de calendrier et non-conformités et sur le caractère nécessaire des travaux supplémentaires dont la sous-traitante réclamait le paiement.

4. La société Patriarca a, par la suite, assigné la société Paprec CRV en référé aux fins de paiement par provision du solde du prix de ses travaux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société Paprec CRV fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Patriarca diverses sommes à titre de provision, alors « que dans un marché de travaux qui n'est pas à forfait, l'entrepreneur ne peut obtenir la condamnation du maître de l'ouvrage à lui payer le prix de travaux supplémentaires qu'il a réalisés que s'il établit que ce dernier a expressément commandé les travaux supplémentaires avant leur réalisation ou les a acceptés sans équivoque après leur exécution ; que pour juger que l'obligation de paiement de l'exposante au titre des travaux supplémentaires ne se heurtait à aucune contestation sérieuse à hauteur de la somme de 855 989,32 euros HT, la cour d'appel s'est bornée à relever que « le rapport d'expertise a mis en évidence que [?] la majorité des travaux supplémentaires indispensables [a] été validée », que « l'expert a retenu, sans être contredit sur ce point, que le marché litigieux est un marché sur bordereau de prix de sorte que si le prix unitaire est définitivement fixé dans le contrat, le paiement s'effectue au regard des quantités exactes réalisées », que « l'expert a [?] chiffré les travaux supplémentaires indispensables à la somme de 855 989,32 euros HT » et qu' « au regard de ces éléments, la réalité des travaux supplémentaires et leur utilité pour la bonne réalisation de l'ouvrage étant établies, le principe de l'obligation de paiement de la société Paprec CRV ne se heurte à aucune contestation sérieuse » ; qu'en statuant par de tels motifs qui ne suffisent pas à établir que l'intégralité des travaux supplémentaires au titre desquels l'exposante a été condamnée à payer une provision avaient été expressément commandés par elle ou le SMDO avant leur réalisation ou acceptés sans équivoque après leur exécution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 873 du code de procédure civile et des articles 1103 et 1113 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1103 du code civil :

7. Il résulte de ce texte que, quelle que soit la qualification du marché retenue, les travaux supplémentaires ne donnent lieu à paiement que s'ils ont été soit commandés avant leur exécution, soit acceptés sans équivoque après leur exécution.

8. Pour condamner la société Paprec CRV au paiement d'une provision à valoir sur le prix de travaux supplémentaires, l'arrêt retient que, la réalité de ces travaux et leur utilité pour la bonne réalisation de l'ouvrage étant établies, le principe de l'obligation de paiement de cette société ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

9. En se déterminant ainsi, sans constater que les travaux supplémentaires avaient été soit commandés avant leur exécution, soit acceptés sans équivoque après leur exécution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. La société Paprec CRV fait le même grief à l'arrêt, alors « que le défendeur n'a pas à démontrer avec l'évidence requise en référé le bien-fondé de la contestation qu'il oppose à la demande de provision, mais seulement que sa contestation est sérieuse ; qu'en accueillant les demandes de provisions de la société Patriarca en dépit des contestations de l'exposante tirées d'un trop-versé et de non-conformités contractuelles au motif qu'« au regard des pièces produites et, notamment du rapport d'expertise, la société Paprec CRV ne démontre pas avec l'évidence requise en référé être créancière de la société Patriarca entreprise tant au titre d'un trop-versé que de manquements que cette dernière aurait commis », cependant qu'en sa qualité de défenderesse aux demandes de provisions, l'exposante n'avait pas à démontrer avec l'évidence requise en référé le bien-fondé de ses contestations mais seulement que ces dernières étaient sérieuses, la cour d'appel a violé l'article 873 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour

Vu l'article 873 du code de procédure civile :

11. Selon ce texte, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

12. Pour condamner la société Paprec CRV au paiement de provisions, l'arrêt retient qu'au regard des pièces produites et notamment du rapport d'expertise, celle-ci ne démontre pas avec l'évidence requise en référé être créancière de la sous-traitante tant au titre d'un trop-versé que de manquements que cette dernière aurait commis.

13. En statuant ainsi, alors que le juge des référés, saisi d'une demande de paiement du solde du prix d'un marché, est tenu d'examiner si le droit invoqué par le défendeur pour s'y opposer constitue une contestation sérieuse, sans qu'il soit exigé de celui-ci que le bien-fondé du droit opposé à la demande soit démontré avec l'évidence requise en référé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare les juridictions de l'ordre judiciaire compétentes pour connaître du litige opposant les sociétés Patriarca entreprise et Paprec CRV et en ce qu'il dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes de la société Patriarca entreprise, l'arrêt rendu le 23 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Patriarca entreprise aux dépens aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300225 

mardi 8 mars 2022

Référé : le trouble manifestement illicite invoqué n'était pas caractérisé

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 mars 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 243 F-B

Pourvoi n° J 21-13.892



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2022

La société La Ferme du Piton, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 1], société placée en redressement judiciaire suivant jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis du 21 août 2018 désignant la société [K] prise en la personne de M. [M] [K], mandataire judiciaire, demeurant [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 21-13.892 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2021 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre civile TGI), dans le litige l'opposant à la société Avi-Pole Réunion, société coopérative agricole, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société La Ferme du Piton, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Avi-Pole Réunion, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 2 mars 2021), la société La Ferme du Piton est membre d'une société coopérative agricole, la société Avi-Pôle Réunion, dont les statuts et le règlement intérieur, par une clause d'engagement d'apport total, lui imposent de livrer la totalité de sa production à la coopérative.

2. Des contrats de partenariat ont été signés, notamment entre la coopérative et un provendier, ainsi qu'une société d'abattage. Les interventions auprès la société la Ferme du Piton ont pris fin le 31 décembre 2018, après un refus, tant de la société d'abattage que de la société chargée de la livraison des aliments, d'intervenir en raison de la dangerosité du chemin d'accès.

3. La société la Ferme du Piton a été placée en redressement judiciaire par jugement du 21 août 2018, désignant la Selarl [K] prise en la personne de M. [K] en qualité de mandataire judiciaire. Un plan de continuation a été adopté, par un jugement du 4 février 2020, nommant la Selarl [K], prise en la personne de M. [K], en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

4. Par acte d'huissier de justice du 27 février 2019, la société La Ferme du Piton a saisi un président d'un tribunal de grande instance, statuant en référé qui, par ordonnance du 6 juin 2019, a constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite et ordonné à la société Avi-Pôle Réunion de poursuivre les relations commerciales qu'elle entretenait avec la société la Ferme du Piton conformément au statut et au règlement intérieur de cette dernière, aux conditions et volumes/prix habituels existants avant le 17 juillet 2018, et ce sous astreinte, outre une condamnation à une provision.

5. La société Avi-Pôle Réunion a interjeté appel de cette ordonnance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. La société la Ferme du Piton fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que soit constaté un trouble manifestement illicite et à ce que soit ordonné sous astreinte la poursuite des relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Avi-Pôle Réunion, et de la débouter de sa demande d'indemnité provisionnelle alors « que, de deuxième part, le président du tribunal peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel avait justement relevé que la société Avi Pôle Réunion était tenue d'exécuter ses obligations à l'égard de ses associés, « quels que soient les moyens et techniques mis en oeuvre par elle »; qu'en jugeant pourtant que le trouble manifestement illicite n'était pas caractérisé en ce que les obligations pesant sur la société Avi Pôle Réunion, qui a suspendu ses interventions auprès de la société La Ferme du Piton à raison d'un chemin difficile d'accès, devaient faire l'objet d'un débat devant le juge du fond, la cour d'appel, qui s'est bornée à caractériser une contestation sérieuse d'interprétation du contrat qui n'est pourtant pas exclusive d'un trouble manifestement illicite, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

8. Selon l'article 809, alinéa 1, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable au litige, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

9. Ayant constaté, d'une part, que la société Avi-Pôle Réunion n'avait qu'une obligation de moyens à l'égard de la société La Ferme du Piton et que sa décision de suspendre ses interventions faisait suite à un arrêté municipal interdisant la circulation des véhicules de plus de 3.5 tonnes sur le chemin d'accès vers l'exploitation, d'autre part, que l'interprétation des obligations contractuelles mises à la charge de chacun justifiait un débat devant le juge du fond s'agissant de l'obligation de s'adapter aux difficultés d'accès à l'élevage, la cour d'appel a pu en déduire que le droit à la poursuite des relations commerciales n'apparaissait pas avec l'évidence requise devant le juge des référés et que le trouble manifestement illicite invoqué n'était pas caractérisé.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne la société La Ferme du Piton aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Ferme du Piton et la condamne à payer à la société Avi-Pôle Réunion la somme de 3 000 euros ;