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mercredi 19 juin 2024

Responsabilité décennale, cession d'acte nulle et point de départ de la prescription de l'action en nullité

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juin 2024




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 283 F-D

Pourvoi n° H 22-19.575




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024

Le syndicat mixte d'aménagement rural de la Drôme (SMARD), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 22-19.575 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Médiserres, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat du syndicat mixte d'aménagement rural de la Drôme, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Médiserres, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 31 mai 2022) et les productions, par actes des 29 décembre 1983 et 31 décembre 1985, la société civile d'exploitation agricole MORF (la SCEA MORF) a acquis du syndicat mixte d'aménagement rural de la Drôme (le SMARD) des serres que celui-ci avait fait construire en qualité de maître de l'ouvrage et a souscrit auprès de ce dernier un contrat d'abonnement de distribution d'eau chaude provenant des rejets thermiques d'une usine.

2. Par jugement du 8 décembre 1993, la SCEA MORF a été mise en redressement judiciaire, M. [S] étant désigné en qualité de représentant des créanciers.

3. Se plaignant de désordres affectant notamment le système de chauffage des serres, la SCEA MORF et M. [S] ont, le 20 décembre 1993, assigné le SMARD et plusieurs locateurs d'ouvrage en réparation au titre du coût de la remise en état des serres et des pertes culturales.

4. Dans la perspective de la cession des actifs de la SCEA MORF à un repreneur, M. [V], agissant tant à titre personnel qu'en sa qualité de gérant de la SCEA MORF, a conclu, le 21 février 1994, avec le SMARD une transaction aux termes de laquelle la SCEA MORF s'engageait à céder les serres à la SCEA Médiserres moyennant le paiement d'une somme de 5 000 000 francs, destinée à régler le solde du prix vente restant dû au SMARD, forfaitairement et transactionnellement limité à ce montant, l'action judiciaire en réparation du préjudice cultural restant dans le patrimoine de la SCEA MORF.

5. Les parties convenaient, par ailleurs, que, le résultat des instances judiciaires engagées aux fins d'indemnisation des désordres matériels sur le fondement de la garantie décennale étant inconnu, toute somme allouée à ce titre dépassant 6 millions de francs d'indemnisation reviendrait au SMARD en complément.

6. Un jugement du 23 février 1994 a prononcé la cession des actifs de la SCEA MORF au profit de la SCEA Médiserres, à l'exception du bénéfice de l'action engagée au titre du préjudice cultural.

7. La SCEA Médiserres, venant aux droits de la SCEA MORF, a assigné le SMARD en réparation au titre des frais de remise en état des serres ainsi que de ses préjudices de production et de surcoût de charges.

8. Un jugement du 30 mars 2014 a condamné le SMARD à payer certaines sommes à la SCEA Médiserres.

9. Par arrêt infirmatif du 5 juillet 2006, devenu irrévocable, la cour d'appel de Grenoble a rejeté la demande de la SCEA Médiserres en paiement de la somme de 6 millions de francs sur le fondement de la transaction de 1994, et a déclaré cette demande, ainsi que celle portant sur le préjudice cultural, recevables sur le fondement de la garantie décennale des articles 1792-1, 3 et suivants du code civil, a invité les parties à conclure sur ce point et a ordonné une expertise.

10. Par arrêt du 24 mai 2011, la même cour d'appel a déclaré le SMARD responsable, sur le fondement de l'article 1792-1, 3°, du code civil, du préjudice causé à la SCEA Médiserres par les désordres affectant les serres acquises auprès de la SCEA MORF, a fixé à la somme de 1 939 916,91 euros l'indemnité due au titre de la remise en état des serres et à celle de 2 946 074,91 euros l'indemnité due au titre du préjudice cultural et a condamné le SMARD à payer ces sommes à la SCEA Médiserres.

11. Par acte du 23 mai 2016, le SMARD a assigné la SCEA Médiserres en annulation du protocole du 21 février 1994 et en paiement de sommes, en se prévalant de l'absence de concessions réciproques.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

12. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches

Enoncé du moyen

13. Le SMARD fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables, comme prescrites, ses demandes, alors :

« 1°/ que le point de départ de l'action en nullité d'un contrat ne peut être antérieure à la survenance de la cause de nullité invoquée ; que le SMARD se prévalait de la nullité du protocole du 21 février 1994 du fait que l'article 3 de ce protocole, qui constituait la contrepartie de sa renonciation à une partie du prix de vente des serres, s'est trouvé privé d'effet par l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 24 mai 2011 qui a jugé cet article contraire aux dispositions de l'article 1792-5 du code civil ; qu'en se fondant, pour déclarer l'action prescrite, sur la circonstance inopérante qu'antérieurement à la constatation judiciaire de la contrariété de l'article 3 du protocole à l'article 1792-5 du code civil, le SMARD aurait dû connaître la règle édictée par ce texte en matière de construction et son caractère d'ordre public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;

2°/ que les dispositions de l'article 1792-5 du code civil n'interdisent pas au bénéficiaire d'une condamnation prononcée contre un maître de l'ouvrage déclaré responsable sur le fondement de l'article 1792 du code civil d'abandonner une partie de sa créance en indemnisation en contrepartie de la renonciation par le maître de l'ouvrage à une partie de la créance qu'il détient, en tant que vendeur, au titre du solde de prix de vente du bien affecté de malfaçons ; que l'arrêt attaqué relève que l'article 1er du protocole du 21 février 1994 prévoyait que le prix de la revente des serres par la SCEA MORF à la société Médiserres viendrait en règlement du capital restant dû par la SCEA MORF au SMARD forfaitairement et transactionnellement limité à 5 000 000 Francs et que l'article 3 stipulait que toute somme dépassant 6 000 000 francs d'indemnisation des malfaçons reviendrait au SMARD, ce dont il résultait que le protocole n'impliquait pas une limitation sans contrepartie de la réparation des malfaçons sur le fondement de l'article 1792 du code civil ; qu'en considérant que, dès avant que la cour d'appel de Grenoble ne déclare l'article 3 du protocole inapplicable en vertu de l'article 1792-5 du code civil, le SMARD devait savoir que cette règle d'ordre public empêchait d'appliquer l'article 3 du protocole, la cour d'appel a violé le texte précité ensemble l'article 2224 du code civil ;

3°/ que le SMARD faisait valoir que, jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 24 mai 2011, les juges avaient fait application du protocole du 21 février 1994 sans en relever l'irrégularité ; que les décisions rendues le 30 octobre 2002 par le juge de la mise en état et le 30 mars 2004 par le tribunal de grande instance de Valence tout comme l'arrêt du 5 juillet 2006 avaient considéré que le protocole était opposable à la SCEA Médiserres et en avaient fait application, si bien que ce n'est que par l'arrêt rendu le 24 mai 2011 par la cour d'appel de Grenoble qu'il a été jugé, pour la première fois, que le SMARD n'était pas fondée à s'en prévaloir dès lors que l'article 3 méconnaissait les exigences de l'article 1792-5 du code civil ; qu'en se bornant à énoncer que, par son arrêt du 5 juillet 2006, la a cour d'appel avait jugé qu'en sa qualité de promoteur, le SMARD était tenu non pas subsidiairement mais concurremment avec les constructeurs en sorte que la société Médiserres, acquéreur, bénéficiait du droit à demander réparation des désordres sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil et que le SMARD devait nécessairement en tirer la conséquence que toutes les dispositions d'ordre public en découlant étaient applicables sans examiner les décisions rendues les 30 octobre 2002 et 30 mars 2004, ni tenir compte de ce que l'arrêt du 5 juillet 2006 avait lui-même dit le protocole du 21 février 1994 opposable à la SCEA Médiserres, et relevé que cette dernière ne discutait pas la force obligatoire de l'article 3 du protocole, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

14. La cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que la SCEA Médiserres, venant aux doits de la SCEA MORF, avait acquis du SMARD des serres que celui-ci avait fait construire en qualité de maître de l'ouvrage, que, par arrêt mixte du 5 juillet 2006, devenu irrévocable à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation ayant déclaré le pourvoi irrecevable, les demandes de la SCEA Médiserres en réparation des désordres de nature décennale et des préjudices subséquents dirigées contre le SMARD avaient été jugées recevables sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, cette décision ayant précisé que le SMARD était tenu, non pas subsidiairement, mais concurremment avec les locateurs d'ouvrage de la garantie décennale des constructeurs, et que, par arrêt du 24 mai 2011, le SMARD avait été condamné sur ce fondement à payer diverses sommes à la SCEA Médiserres.

15. Ayant exactement énoncé, par motifs adoptés, que le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité d'une convention se situe au jour où l'acte irrégulier a été passé ou, au plus tard, à compter de la révélation de la cause de nullité lorsque celle-ci n'était pas décelable à la lecture de l'acte lui-même et relevé que le SMARD, établissement public spécialisé dans la création et l'aménagement des équipements ruraux, ayant agi en qualité de maître de l'ouvrage avant revente des serres, ne pouvait ignorer les règles d'ordre public régissant la responsabilité de plein droit des articles 1792 et suivants du code civil, elle a souverainement retenu, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche et sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que le SMARD ne pouvait ignorer, au plus tard à compter du prononcé de l'arrêt du 5 juillet 2006, que toutes les dispositions d'ordre public résultant de ces textes étaient applicables et que, l'acquéreur étant fondé à lui demander réparation de l'intégralité de ses préjudices, l'article 3 du protocole limitant l'indemnisation de la SCEA Médiserres à raison de malfaçons de nature décennale était contraire à ces prescriptions.

16. Elle en a exactement déduit que, le point de départ de la prescription de l'action en nullité de la transaction du 21 février 1994, faute de concessions réciproques résultant de l'absence d'effet juridique de son article 3, ayant couru à compter de l'arrêt du 5 juillet 2006, l'action engagée le 23 mai 2016, était prescrite.

17. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le syndicat mixte d'aménagement rural de la Drôme aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat mixte d'aménagement rural de la Drôme et le condamne à payer à la société civile d'exploitation agricole Médiserres la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300283

mercredi 16 mars 2022

L'application de cette règle de procédure instaurant une charge procédurale nouvelle, dans l'instance en cours aboutissait à priver Mme [O] d'un procès équitable

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 mars 2022




Annulation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 232 F-D

Pourvoi n° Y 20-23.446









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2022

Mme [L] [O], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 20-23.446 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Polysurfaces France Ouest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Hôtel Royal Saint-Germain, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [O], après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2020), Mme [O], estimant ne pas avoir été remplie de ses droits et contestant le bien-fondé de son licenciement par la société Polysurfaces France Ouest qui l'avait mise à la disposition de la société Hôtel Royal Saint-Germain, a saisi un conseil de prud'hommes qui l'a déboutée de ses demandes.

2. Mme [O] a interjeté appel le 1er août 2018.

3. La cour d'appel a relevé d'office la caducité de sa déclaration d'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [O] fait grief à l'arrêt de déclarer sa déclaration d'appel caduque, alors :

« 1°/ que si la jurisprudence nouvelle s'applique de plein droit à tout ce qui a été fait sur la base et sur la foi de la jurisprudence ancienne, la mise en oeuvre de ce principe peut affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, de sorte que le juge doit procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste ; que les conclusions d'appelante de Mme [O] ont été régulièrement notifiées et déposées en 2018 alors qu'elle ne pouvait ni connaître ni prévoir l'obligation nouvelle de mentionner dans le dispositif de ses conclusions une demande d'infirmation du jugement, qui a été consacrée pour la première fois par un arrêt publié de la Cour de cassation du 17 septembre 2020 et qui résulte de l'interprétation nouvelle des articles 542 et 954 du code de procédure civile au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; que dès lors, l'application immédiate de cette nouvelle règle de procédure à l'instance introduite par une déclaration d'appel antérieure à l'arrêt la consacrant aboutit à priver Mme [O] d'un procès équitable en lui interdisant l'accès au juge d'appel ; qu'en appliquant cependant cette nouvelle règle de procédure à l'instance introduite par Mme [O] deux années auparavant, la cour d'appel a violé l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'en tout état de cause, lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ; qu'en déclarant la déclaration d'appel déposée en 2018 par Mme [O] caduque au motif que ses conclusions remises dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile comportent un dispositif qui ne sollicite à aucun moment l'infirmation totale ou partielle du jugement quand la cour d'appel pouvait seulement confirmer le jugement, la cour d'appel a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile tels qu'interprétés au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. Il résulte des deux premiers de ces textes que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue, à l'article 914 du code de procédure civile, de relever d'office la
caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d‘appel si les conditions en sont réunies.

6. Cette règle, qui instaure une charge procédurale nouvelle pour les parties
à la procédure d'appel ayant été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié) pour la première fois dans un arrêt publié, son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

7. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt retient qu'il se déduit de la combinaison des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile que les conclusions d'appelant devant être remises au greffe dans le délai de trois mois, à compter de la déclaration d'appel, doivent déterminer l'objet du litige soumis à la cour d'appel portant sur la réformation partielle ou totale ou l'annulation du jugement entrepris. Il ajoute que, sur la question de la présentation des prétentions, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a repris in extenso les prescriptions applicables antérieurement, de sorte que le non-respect de ces dispositions caractérise une absence de conformité substantielle des conclusions de l'appelante et que ces règles, découlant de ce même décret, entré en vigueur le 1er septembre 2017, soit onze mois avant la déclaration d'appel de Mme [O], encadrant les conditions d'exercice du droit d'appel selon lesquelles la partie appelante est représentée par un professionnel du droit, sont dépourvues d'ambiguïté et ne remettent pas en cause le droit à l'accès au juge d'appel et le droit à un procès équitable.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure instaurant une charge procédurale nouvelle, dans l'instance en cours aboutissant à priver Mme [O] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne les sociétés Polysurfaces France Ouest et Hôtel Royal Saint-Germain aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Polysurfaces France Ouest et Hôtel Royal Saint-Germain à payer à Mme [O] la somme globale de 3 000 euros ;