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mardi 14 février 2023

Police "dommages-ouvrage" : sort du second désordre survenu postérieurement à la déclaration du premier

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 février 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 105 F-D

Pourvoi n° M 21-18.494




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 FÉVRIER 2023

La société Monnet, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8], a formé le pourvoi n° M 21-18.494 contre deux arrêts rendus les 3 novembre 2020 et 23 mars 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Geotec, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 13],

3°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], pris en sa qualité d'assureur de M. [J] [V] et de la société Colas Centre Ouest, devenue Colas France, venant aux droits de la société Screg Ouest,

4°/ à la société Bureau Veritas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 15],

5°/ à la société Bureau Veritas Construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 14], venant aux droits de la société Bureau Véritas,

6°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

7°/ à M. [D] [Z], domicilié [Adresse 4],

8°/ à M. [J] [V], domicilié [Adresse 6],

9°/ à la société Lloyd's Insurance Company, venant aux droits de la société d'assurances Les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 16], représentée par la société Lloyd's France, dont le siège est [Adresse 12],

10°/ à la société Mutuelle des architectes français, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 5],

11°/ à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 11],

12°/ à la société Saulnier-Ponroy et associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société TP Bat, dont le siège social est [Adresse 9],

13°/ à la société Colas France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement Colas Centre Ouest venant aux droits de la société Screg Ouest,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Monnet, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Geotec et de la société Lloyd's Insurance Company, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Bureau Veritas, Bureau Veritas Construction et de la société MMA IARD, de la SAS Cabinet Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [Z] et de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD et de la société Colas France, de la SCP Duhamel-Rameix- Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la SMABTP, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Orléans, 3 novembre 2020 rectifié le 23 mars 2021), la société Monnet a conclu, en qualité de crédit-preneur, un contrat de crédit-bail pour la construction d'un immeuble devant accueillir un entrepôt et des bureaux.

2. En vue des opérations de construction, une assurance couvrant les dommages à l'ouvrage a été souscrite auprès de la société La Préservatrice foncière, devenue Allianz IARD (la société Allianz).

3. Après l'édification de l'immeuble, la société Monnet a levé l'option d'achat prévue par le contrat de crédit-bail, acquérant ainsi la propriété du bâtiment.

4. Se plaignant de désordres dans l'immeuble, la société Monnet a, après expertise étendue aux locateurs d'ouvrage et à leurs assureurs, assigné la société Allianz en indemnisation de ses préjudices. La société Allianz a appelé en garantie les constructeurs et leurs assureurs.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La société Monnet fait grief à l'arrêt de condamner la société Allianz à lui payer la seule somme de 743 594 euros au titre du préjudice matériel, alors :

« 1°/ que l'assureur dommage-ouvrage est tenu de prendre en charge tous les dommages de nature décennale consécutifs au sinistre déclaré par l'assuré qui ont ensuite été constatés in situ par l'expert ; qu'en jugeant en l'espèce que le désordre 2 devait être exclu du préjudice matériel couvert par la garantie dommages-ouvrage du seul fait qu'il avait été constaté par l'expert judiciaire postérieurement à la déclaration de sinistre du 15 novembre 2002, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code des assurances et l'annexe II à l'article A. 243-1 du même code ;

2°/ qu'en l'espèce, la déclaration de sinistre du 15 novembre 2002, fondée sur l'assignation du 13 novembre 2002, faisait état de « désordres affectant les structures enterrées » consécutifs à « un phénomène de tassement » qui s'était manifesté non seulement dans la « zone de bureaux » mais également dans la « zone de l'entrepôt » ; que l'expert judiciaire avait précisé dans son rapport du 16 mars 2010 que le désordre 1 constaté dans la zone de bureaux et le désordre n° 2 affectant le dallage de la zone entrepôt avaient tous deux pour origine « le comportement des sols en déblai et en remblai » ; qu'il incombait donc à la cour d'appel de rechercher si ce désordre n'était pas une conséquence directe du sinistre global relatif à un tassement différentiel des sols du bâtiment qui avait été régulièrement déclaré à la société Allianz Iard le 15 novembre 2002 ; que la cour d'appel a cependant jugé que le désordre n° 2 identifié par l'expert judiciaire en septembre 2003 dans la zone de l'entrepôt devait être exclu de l'indemnisation due par l'assureur au motif inopérant qu'il n'était pas compris dans le désordre n° 1 que le technicien avait constaté dans la zone de bureaux avant la déclaration de sinistre du 15 novembre 2002 ; que, ce faisant, elle a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a relevé que le désordre n° 1, qui concernait la zone des bureaux, avait été observé pour la première fois le 15 janvier 2002 tandis que le désordre n° 2, localisé dans la zone de l'entrepôt, n'avait été constaté qu'en septembre 2003, soit postérieurement à la déclaration de sinistre adressée à l'assureur dommages-ouvrage le 15 novembre 2002.

8. Elle en a exactement déduit, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que le désordre n° 2 devait être exclu de l'indemnisation due par l'assureur dommages-ouvrage au titre des dommages matériels.

9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Monnet aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

mardi 18 octobre 2022

Le sinistre ayant été connu de l'assuré postérieurement à la résiliation de la police souscrite auprès d'Axa, celle-ci n'était pas tenue aux garanties de l'assurance facultative au titre de la période subséquente

 Note L. Mayaux, RGDA 2022-11, p. 21.

Note P. Dessuet, Moniteur, 2022, n° 6220, p. 78 (du danger des assureurs "exotiques")

Note, S. Bertolaso, RCA 2022-12, p. 36.

Note C. Sizaire, Constr.-urb. 2022-12, p. 22. 

Note P. Dessuet, RDI 2022, p. 670.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 octobre 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 717 FS-B

Pourvoi n° 21-21.427




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022

La société Dragui constructions, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° 21-21.427 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [C], domicilié [Adresse 1],

2°/ à M. [T] [M], domicilié [Adresse 4],

3°/ à la société Haute Coiffure Josy, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

4°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

5°/ à la société Elite Insurance Company Limited, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

6°/ à la société Enola, dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Dragui constructions, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Mmes Abgrall, Grall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Davoine, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Dragui constructions du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. [M] et [C], la société Haute Coiffure Josy, la société Enola et la société Elite Insurance Company Limited.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juin 2021), en mai 2013, un maître de l'ouvrage a confié des travaux de réfection de la toiture d'un bâtiment à la société Dragui constructions, assurée en responsabilité décennale et en responsabilité civile professionnelle auprès de la société Axa France IARD (la société Axa) jusqu'au 1er janvier 2014, puis auprès de la société Elite Insurance Company Limited (la société Elite), laquelle a été placée sous administration judiciaire et déclarée insolvable par la Cour suprême de Gibraltar en décembre 2019.

3. Ensuite des travaux réalisés, des infiltrations sont survenues en février 2014.

4. Le maître de l'ouvrage, le preneur selon bail commercial et une société exploitant son activité dans l'immeuble ont, après expertise, assigné la société Dragui constructions et ses deux assureurs en réparation des désordres et de leurs préjudices matériels et immatériels subséquents. La société Dragui constructions a recherché la garantie de ses deux assureurs.
Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société Dragui constructions fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation à garantie de la société Axa à hauteur de la seule somme allouée au titre de la réparation des désordres décennaux et de rejeter ses autres demandes, alors « que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation et que la première réclamation est formulée entre la prise d'effet de la garantie et l'expiration du délai subséquent, sans qu'il importe que cette garantie ait été resouscrite dès lors que l'assureur auprès duquel elle l'a été est insolvable ; qu'en considérant, pour limiter la garantie de la société Axa France au montant des travaux de reprise de la toiture, soit 17 313,60 € TTC et en exclure les dommages matériels aux existants et les dommages immatériels, pourtant garantis par la police souscrite auprès de cet assureur par la société Dragui constructions, que la police souscrite en base réclamation auprès de la société Elite Insurance Compagny Limited, le 7 janvier 2014, prévoyait également la garantie des dommages matériels aux existants et des dommages immatériels de sorte « qu'en présence d'un nouveau contrat garantissant ces dommages « en base réclamation », la SA Axa France IARD n'[était] pas tenue de garantir les dommages matériels aux existants et immatériels », bien qu'elle ait relevé que la société Elite Insurance avait été placée en liquidation judiciaire et était insolvable, ce qui privait la garantie souscrite de toute efficacité, la cour d'appel a violé l'article L. 124-5 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 124-5, alinéa 4, du code des assurances, la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable.

7. Il résulte de ce texte que, lorsque l'assuré a eu connaissance du dommage postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie d'un premier contrat, en base réclamation, la souscription de la même garantie, en base réclamation, auprès d'un second assureur met irrévocablement fin à la période de garantie subséquente attachée au contrat initial.

8. La cour d'appel a relevé que les garanties complémentaires souscrites par la société Dragui constructions auprès de la société Axa incluant les dommages matériels aux existants et les dommages immatériels étaient déclenchées en base réclamation, que ce contrat avait été résilié au 1er janvier 2014 et que l'entreprise avait souscrit, le 7 janvier suivant, une même garantie, en base réclamation, auprès de la société Elite.

9. Elle en a exactement déduit, le sinistre ayant été connu de l'assuré postérieurement à la résiliation de la police souscrite auprès de la société Axa, que celle-ci n'était pas tenue aux garanties de l'assurance facultative au titre de la période subséquente.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Dragui constructions aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

jeudi 17 février 2022

L'assureur dommages-ouvrage ne peut plus, à défaut d'avoir répondu à la déclaration de sinistre dans le délai de soixante jours prescrit par l'article L. 242-1 du code des assurances, opposer la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du même code (CE)

 Note H. Hoepffner, RDI 2022, p. 113.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD à lui verser conjointement la somme de 1 533 908,28 euros au titre de la réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel, assortie des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 14 mai 2012 et de leur capitalisation, et d'autre part, de condamner conjointement les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD aux entiers dépens à hauteur de 46 697,81 euros.

La communauté d'agglomération a, en outre, demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner la société SOGEA Bretagne BTP à lui verser la somme de 1 533 908,28 euros au titre de la réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel, assortie des intérêts et de leur capitalisation, sous déduction des sommes susceptibles d'être mises à la charge des sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD dans la première instance, et d'autre part, de condamner la société Sogea Bretagne BTP aux entiers dépens à hauteur de 46 697,81 euros, sous déduction des sommes susceptibles d'être mises à la charge des sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD dans la première instance.

Par un jugement n°s 1204984, 1602534 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a condamné conjointement les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD à verser à la communauté d'agglomération de Quimper Bretagne Occidentale une somme globale de 1 580 606,09 euros TTC au titre du préfinancement des travaux de réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel, tout en précisant que les sommes de 23 058 euros TTC, 105 408 euros TTC et 1 405 442,28 euros TTC porteraient intérêts au double du taux légal à compter du 6 janvier 2016 pour les deux premières sommes et à compter du 9 mai 2018 pour la troisième et que ces intérêts seraient capitalisés à la date du 6 janvier 2017 pour les deux premières sommes et à chaque échéance annuelle, à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts.

Par un arrêt n° 19NT00258 du 26 juin 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD contre ce jugement, fait partiellement droit à l'appel incident de la communauté d'agglomération de Quimper Bretagne Occidentale en réformant le jugement du tribunal administratif s'agissant du point de départ des intérêts, fixé à compter du 15 mai 2012, et s'agissant de la capitalisation des intérêts échus sur la somme de 1 405 442,28 euros, retenue à compter du 9 mai 2018.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 août 2020, 26 novembre 2020 et 29 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale et des sociétés Sogea Bretagne BTP, Merlin et Cabinet Bourgois la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des assurances ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société MMA IARD Assurances mutuelles et de la société MMA IARD, au cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Merlin, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Sogea Bretagne BTP et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'en 1997, la commune de Quimper a décidé d'engager des travaux de restructuration, d'extension et de mise à niveau d'une station d'épuration. Le 28 décembre 2001, elle a attribué le lot n° 2 de ce marché, relatif à la " police unique de chantier ", à la société Lange, courtier en assurances mandataire de la société MMA IARD. La compétence de la commune de Quimper en matière d'assainissement a été transférée le 1er janvier 2002 à la communauté d'agglomération Quimper Communauté, aux droits de laquelle vient la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale. Les travaux ont été réceptionnés le 27 décembre 2004, avec effet au 20 décembre 2004. Compte tenu de l'existence de désordres, la réception a été assortie de réserves, levées, au plus tard, le 31 mars 2005. La communauté d'agglomération, constatant la réapparition de désordres, selon elle de nature décennale, a déclaré un sinistre, le 27 avril 2010, à la société AON Assurances Risques Services, venant aux droits et obligations de la société Lange. L'assureur a estimé, le 25 juin 2010, au vu d'une expertise diligentée par ses soins, que les désordres allégués étaient apparents lors de la réception et avaient fait l'objet de réserves, de sorte qu'ils ne relevaient pas de l'assurance dommages-ouvrage souscrite par la communauté d'agglomération. Par un jugement du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a condamné conjointement les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD à verser à la communauté d'agglomération de Quimper Bretagne Occidentale les sommes de 1 533 908,28 euros TTC au titre du préfinancement des travaux de réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel et de 46 697,81 euros TTC au titre des frais d'expertise, soit une somme globale de 1 580 606,09 euros TTC, assortie d'intérêts capitalisés. Par un arrêt du 26 juin 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles contre ce jugement et, sur l'appel incident de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, a réformé le jugement du tribunal administratif en tant qu'il fixait les dates de début des intérêts et de la capitalisation et rejeté le surplus des conclusions des parties. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles se pourvoient en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 114-1 du code des assurances : " Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ". Aux termes de l'article L. 242-1 du même code : " Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, (...) fait réaliser des travaux de bâtiment, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. / Toutefois, l'obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s'applique [pas] aux personnes morales de droit public (...), lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de bâtiment pour un usage autre que l'habitation. / L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat./ Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, (...) destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. (...) / Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages (...) ".

3. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances que l'assureur dommages-ouvrage est tenu de répondre à toute déclaration de sinistre, en adressant à son assuré le courrier contenant sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat dans le délai maximal de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre. A défaut, l'assureur ne peut plus opposer la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du même code lorsqu'elle est déjà acquise à la date d'expiration de ce délai.

4. Pour juger que la société AON Assurances Risques Services, venant aux droits et obligations de la société Lange, mandataire de la société MMA IARD, n'avait pas respecté le délai maximal de soixante jours prescrit par les dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances, la cour administrative d'appel de Nantes s'est fondée sur la circonstance que le courrier du 25 juin 2010 par lequel cette société avait fait connaître son refus de faire jouer les garanties du contrat d'assurances n'avait été reçu par son assuré que le 29 juin 2010, soit plus de soixante jours après la réception par l'assureur, le 28 avril 2010, de la déclaration de sinistre envoyée par la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale. En jugeant ainsi que la notification de cette décision devait parvenir à l'assuré dans le délai de soixante jours, alors qu'il appartenait seulement à l'assureur, ainsi qu'il a été dit au point précédent, d'adresser le courrier contenant sa décision dans ce même délai, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.

5. En second lieu, si, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'assureur dommages-ouvrage ne peut plus, à défaut d'avoir répondu à la déclaration de sinistre dans le délai de soixante jours prescrit par l'article L. 242-1 du code des assurances, opposer la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du même code lorsqu'elle est déjà acquise à la date d'expiration de ce délai, la seule circonstance que l'assureur n'ait pas respecté ce délai ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse ensuite opposer la prescription biennale dans le cas où l'action du maître de l'ouvrage n'a pas été engagée dans le délai de deux ans à compter de l'expiration du délai de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles ont soutenu devant la cour administrative d'appel de Nantes que lorsque la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale a saisi le tribunal administratif de Rennes, le 7 décembre 2012, sa créance était prescrite par l'application des dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances, la déclaration de sinistre ayant été reçue le 28 avril 2010. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que quand bien même l'assureur n'aurait pas adressé à la communauté d'agglomération sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat dans le délai maximal de soixante jours mentionné à l'article L. 242-1 du même code, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles pouvaient utilement opposer la prescription biennale courant à compter de l'expiration du délai de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre. Dès lors, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que, faute d'avoir répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'insuffisance de motivation.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles, qui ne sont pas la partie perdante, la somme que demande, à ce titre, la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, la société Sogea Bretagne BTP et la société Merlin. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés, au même titre, par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 26 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale versera la somme de 3 000 euros aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles. Les conclusions présentées au même titre par la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, par la société Sogea Bretagne BTP et la société Merlin sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société MMA IARD Assurances mutuelles et à la société MMA IARD, à la société Merlin, à la la société Sogea Bretagne BTP et à la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale.
Copie en sera adressée à la société Socotec Construction, à la société Aon France et à société Cabinet Bourgois.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2021 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. H... J..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. I... L..., Mme A... K..., M. D... G..., M. E... M..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. François Lelièvre, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 5 novembre 2021.

Le président :
Signé : M. N... C...

Le rapporteur :
Signé : M. François Lelièvre
La secrétaire :
Signé : Mme F... B...

ECLI:FR:CECHR:2021:443368.20211105

jeudi 3 février 2022

la recevabilité de l'action directe contre l'assureur du responsable n'est pas subordonnée à la déclaration préalable du sinistre par la victime auprès de son propre assureur

 Note D. Krajeski, RCA 2022-2, p. 26.

Note D. Noguéro, GP 2022, n° 10, p. 60.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 décembre 2021




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1257 F-B

Pourvoi n° Z 20-16.340

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [U].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 4 février 2020.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2021

Mme [V] [U], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 20-16.340 contre le jugement rendu le 13 juin 2019 par le tribunal d'instance d'Haguenau, dans le litige l'opposant à la société ACM Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de Me [P], avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (tribunal d'instance d'Haguenau, 13 juin 2019), Mme [U] est propriétaire d'un véhicule qui a été percuté par un véhicule conduit par Mme [G], assurée auprès de la société ACM Iard (l'assureur).

2. Après avoir fait expertiser son véhicule, Mme [U] a demandé à l'assureur de Mme [G] de l'indemniser de l'ensemble des dommages matériels subis et des frais de l'expertise.

3. S'étant heurtée au silence de cet assureur, Mme [U] l'a assigné en paiement de ses préjudices consécutifs à l'accident, et en dommages-intérêts pour résistance abusive.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme [U] fait grief au jugement de la débouter de ses demandes dirigées contre l'assureur, alors « que le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ; que, pour débouter Mme [V] [U] de ses demandes indemnitaires dirigées directement contre l'assureur de Mme [G], dont la responsabilité n'est pas contestée, le tribunal a considéré que la victime aurait dû préalablement saisir son propre assureur en application de l'article L. 113-2, 5°, du code des assurances ; qu'en statuant ainsi, alors que Mme [U] exerçait une action directe contre l'assureur de l'auteur du dommage, le tribunal a violé les articles L. 124-3 du code des assurances, par refus d'application, et L. 113-2 du même code, par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 124-3 du code des assurances :

5. Il résulte de ce texte, selon lequel le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, que la recevabilité de l'action directe contre cet assureur n'est pas subordonnée à la déclaration préalable du sinistre par la victime auprès de son propre assureur.

6. Le jugement, tout en constatant la responsabilité de Mme [G], retient pour débouter Mme [U] de ses demandes contre l'assureur de celle-ci, que l'article L. 113-2 du code des assurances fait obligation à l'assuré de déclarer « tout sinistre de nature à entraîner la garantie de l'assureur » et que la déclaration porte sur la réalisation d'un risque garanti par le contrat d'assurance comme, en l'espèce, un accident matériel de la circulation ayant donné lieu à un constat amiable mentionnant les assurances respectives des véhicules impliqués.

7. Il retient encore que, dans le cadre d'un processus entre assureurs, une expertise du véhicule aurait été diligentée sans frais pour Mme [U] et sans nécessité de mise en demeure pour être indemnisée.

8. En statuant ainsi, en exigeant de la victime une déclaration préalable du sinistre auprès de son propre assureur, le tribunal d'instance, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 juin 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance d'Haguenau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Strasbourg ;

Condamne la société ACM Iard aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société ACM Iard à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me [P], avocat aux Conseils, pour Mme [U]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Madame [V] [U] tendant au paiement par la société ACM Iard, assureur de Madame [G], de diverses sommes en réparation de ses préjudices consécutifs à l'accident de la circulation dont cette dernière était responsable,

AUX MOTIFS QU'"Il est constant que le véhicule de Madame [V] [U] qui était en stationnement a été heurté par celui de Madame [G] le 19 mai 2018 à [Localité 3] sur le parking AUCHAN. Un constat amiable a été rédigé par les parties qui ont indiqué leur compagnie d'assurance respective, AVANSSUR pour la demanderesse. Madame [V] [U] a mandaté un expert privé pour procéder à l'évaluation des réparations nécessaires, chiffrées à 2 044 euros et sollicitait le paiement des travaux et autres frais à la SA ACM IARD selon mise en demeure du 3 septembre 2018. Or, l'article L 113-2 du Code des Assurances fait obligation à l'assuré de déclarer tout sinistre de nature à entraîner la garantie de l'assureur ». L'obligation suppose donc, d'une part, qu'un événement se soit réalisé, et, d'autre part, que cet événement soit susceptible de mettre en jeu la garantie d'assurance. En d'autres termes, la déclaration porte sur la réalisation d'un risque garanti par le contrat d'assurance. Dès lors, seul un événement exclu de la garantie n'a pas à être déclaré au sens du texte précité. Ce n'est pas le cas en l'espèce s'agissant d'un accident matériel de la circulation, ayant donné lieu à un constat amiable mentionnant les assurances respectives des véhicules impliqués. Dans le cadre d'un processus entre assureurs, une expertise du véhicule aurait été diligentée sans frais pour Madame [U] et sans nécessité de mise en demeure pour être indemnisée. Dès lors, elle devra être déboutée de ses demandes à l'encontre de la SA ACM IARD. Elle ne peut davantage faire état de désagréments qu'elle a subi du fait de l'absence de déclaration de sinistre, alors que celle-ci aurait mis en jeu la garantie qui aurait donné lieu à une expertise contradictoire des dommages sans frais pour l'assurée, une réparation non contestée sans frais pour l'assurée, le garage agréé étant généralement réglé directement par la compagnie d'assurances" (jugement, p. 2 et 3),

1°) ALORS QUE le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ;

Que, pour débouter Mme [V] [U] de ses demandes indemnitaires dirigées directement contre l'assureur de Mme [G], dont la responsabilité n'est pas contestée, le tribunal a considéré que la victime aurait dû préalablement saisir son propre assureur en application de l'article L. 113-2, 5°, du code des assurances ;

Qu'en statuant ainsi, alors que Mme [U] exerçait une action directe contre l'assureur de l'auteur du dommage, le tribunal a violé les articles L. 124-3 du code des assurances, par refus d'application, et L. 113-2 du même code, par fausse application ;

2°) ALORS QUE tout jugement fondé sur des motifs hypothétiques est nul ;

Que, pour débouter Mme [V] [U] de ses demandes indemnitaires dirigées directement contre l'assureur de Mme [G], dont la responsabilité n'est pas contestée, le tribunal a estimé que "Dans le cadre d'un processus entre assureurs, une expertise du véhicule aurait été diligentée sans frais pour Madame [U] et sans nécessité de mise en demeure pour être indemnisée. Dès lors, elle devra être déboutée de ses demandes à l'encontre de la SA ACM IARD. Elle ne peut davantage faire état de désagréments qu'elle a subi du fait de l'absence de déclaration de sinistre, alors que celle-ci aurait mis en jeu la garantie qui aurait donné lieu à une expertise contradictoire des dommages sans frais pour l'assurée, une réparation non contestée sans frais pour l'assurée, le garage agréé étant généralement réglé directement par la compagnie d'assurances" ;

Qu'en se bornant à décrire, par des motifs purement hypothétiques, combien la situation de la victime aurait été meilleure si elle avait fait une déclaration à son assureur, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2021:C201257

mercredi 14 avril 2021

La clause de déchéance invoquée par l'assureur prévoyait un délai de déclaration de sinistre inférieur au délai minimal légal de cinq jours

 Note F. Leduc, RCA 2021-4, p. 6.

Note B. Beignier et S. Ben Hadj Yahia, D. 2021, p. 892.

Note D. Noguélou, RDI 2021, p. 364

Note D. Noguéro, D. 2021, p. 1207

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 janvier 2021




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 73 FS-P+I

Pourvoi n° A 19-13.347




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 JANVIER 2021

La société EARL [...], exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est Les Courtioux, 36350 La Pérouille, a formé le pourvoi n° A 19-13.347 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société L'Étoile, société d'assurance mutuelle, dont le siège est 16 avenue Hoche, 75008 Paris, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de L'EARL [...], de Me Bouthors, avocat de la société L'Étoile, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 décembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen rapporteur, M. Besson, Mme Bouvier, M. Martin, conseillers, Mme Guého, M. Ittah, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 10 janvier 2019), l'EARL [...] (l'EARL) a souscrit auprès de la société L'Étoile (l'assureur) un contrat d'assurance « multi-périls sur récoltes ».

2. Le 6 novembre 2013, à la suite du refus d'un client d'accepter sa récolte d'oignons, elle a adressé une déclaration de sinistre à l'assureur, qui a dénié sa garantie en invoquant, notamment, le caractère tardif de cette déclaration.

3. Après dépôt du rapport de l'expert dont elle avait obtenu la désignation en référé, l'EARL a assigné l'assureur en paiement de certaines sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'EARL fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes tendant à la condamnation de l'assureur au paiement d'une somme principale de 33 750 euros, alors « qu'une déclaration tardive de sinistre ne peut être sanctionnée par la déchéance que si cette sanction est régulièrement stipulée dans le contrat d'assurance, de sorte que celle-ci est nécessairement exclue si la clause fixant le délai de déclaration devant être respecté à peine de déchéance est nulle comme contraire à la règle interdisant à l'assureur de stipuler un délai de déclaration inférieur à cinq jours ouvrés ; qu'en déboutant l'EARL [...] de sa demande en paiement d'indemnité d'assurance, motif pris de la déchéance pour déclaration tardive de son droit à garantie et à indemnité, sans s'être préalablement interrogée, comme elle y était pourtant invitée (...), sur la validité de la clause fixant à quatre jours seulement, à peine de déchéance, le délai de déclaration de sinistre, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 111-2 et L. 113-2 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 113-2, 4°, et L. 111-2 du code des assurances :

5. Le premier de ces textes, déclaré d'ordre public par le second, dispose, d'une part, que l'assuré est obligé de donner avis à l'assureur, de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de celui-ci, dès qu'il en a eu connaissance et au plus tard dans le délai fixé par le contrat, qui ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés mais peut être prolongé d'un commun accord entre les parties et, d'autre part, que lorsqu'elle est prévue par une clause du contrat, la déchéance pour déclaration tardive ne peut être opposée à l'assuré que si l'assureur établit que le retard dans la déclaration lui a occasionné un préjudice. Il s'en déduit que l'assureur ne peut opposer à l'assuré une déchéance pour déclaration tardive lorsque le contrat applicable ne comporte pas de clause l'édictant ou lorsque la clause la prévoyant n'est pas conforme à ces dispositions, qui n'autorisent pas d'autres modifications conventionnelles que la prorogation du délai de déclaration de sinistre.

6. Pour débouter l'EARL de ses demandes, l'arrêt retient que le rapport de l'expert judiciaire mentionne que le sinistre climatique ayant affecté la culture d'oignons pouvait être détecté dès le mois de mai 2013 et que les conséquences en étaient visibles à la mi-août. Il en déduit que l'EARL aurait dû déclarer le sinistre au plus tard à ce moment de sorte que sa déclaration, intervenue le 6 novembre 2013, a été tardive et qu'un tel retard a été préjudiciable à l'assureur.

7. En statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que la clause de déchéance invoquée par l'assureur prévoyait un délai de déclaration de sinistre inférieur au délai minimal légal de cinq jours ouvrés, ce dont il résulte qu'elle n'était pas opposable à l'assuré, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne la société L'Étoile aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société L'Étoile et la condamne à payer à l'EARL [...] la somme de 3 000 euros ;

lundi 21 octobre 2019

Déclaration du sinistre dû à la sécheresse dans un délai de dix jours à compter de la publication de l'arrêté de catastrophe naturelle, et déchéance de garantie

Note Pimbert, RGDA 2019-10, p. 13.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 19 septembre 2019
N° de pourvoi: 16-22.797
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
Me Le Prado, SCP Delvolvé et Trichet, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2016), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ.,11 juin 2014, pourvoi n° 13-10.222), que, par acte du 22 juillet 2005, N... et D... V... ont vendu à M. M... et Mme S... une maison d'habitation ; qu'ayant découvert, à l'occasion de travaux, d'importantes fissures dans la maison, les consorts C...-S... ont, après expertise, assigné N... et D... V..., sur le fondement de la garantie des vices cachés, en remboursement du montant des travaux de reprise et en paiement de dommages-intérêts ; que les vendeurs ont appelé en garantie leur assureur en responsabilité civile, la société MAIF ; que, N... et D... V... étant décédés, MM. et Mmes I..., N..., B..., F... et J... V... (les consorts V...) sont intervenus volontairement à l'instance ;

Sur le premier et le second moyen, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que les consorts V... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande contre la société MAIF ;

Mais attendu que la société MAIF ayant, dans ses conclusions régulièrement signifiées devant la cour d'appel, opposé à toutes les parties au litige un refus de garantie fondé sur l'absence de déclaration, par N... et D... V..., du sinistre dû à la sécheresse de l'été 2003 dans un délai de dix jours à compter de la publication de l'arrêté de catastrophe naturelle, et la déchéance de garantie encourue à ce titre, ainsi que ses conditions d'application, ayant été débattues contradictoirement, la cour d'appel n'a pas modifié l'objet du litige en déclarant les souscripteurs déchus du droit à garantie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts V... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts V... à payer la somme globale de 3 000 euros à M. M... et Mme S... ; rejette les autres demandes ;