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mardi 1 mars 2022

Enduit de façade, responsabilité décennale et police "dommages-ouvrage"...

 Note C. Charbonneau, RDI 2022, p. 231.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 février 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 162 F-D

Pourvoi n° B 20-20.988




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022

La société Aréas Dommages, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° B 20-20.988 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [H] [U], domiciliée [Adresse 1],

2°/ au syndicat des copropriétaires Le Central, dont le siège est [Adresse 1], représenté par son syndic la société Christian Perroteau immobilier, dont le siège est [Adresse 5], puis par la société Confluence gestion immobilière Sud, ayant son siège [Adresse 3],

3°/ à la société Nice Côte Peinture, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Aréas Dommages, de la SCP Spinosi, avocat de Mme [U], du syndicat des copropriétaires Le Central, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à la société Confluence gestion immobilière Sud de la reprise de l'instance en sa qualité de syndic du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 6] (le syndicat des copropriétaires).

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 juillet 2020), le syndicat des copropriétaires a confié des travaux de ravalement à la société Nice Côte peinture (l'entreprise), assurée auprès de la société Aréas dommages (la société Aréas), réceptionnés le 11 avril 2007.

3. Se plaignant d'infiltrations apparues dans l'appartement de Mme [U], le syndicat des copropriétaires a, après expertise, assigné l'entreprise et son assureur en indemnisation. Mme [U] est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Aréas fait grief à l'arrêt de la condamner, solidairement avec l'entreprise, à payer diverses sommes au syndicat des copropriétaires au titre des travaux de reprise et à garantir l'entreprise de cette condamnation, alors :

« 1°/ qu'un enduit de façade ne constitue un ouvrage que lorsqu'il a une fonction d'étanchéité ; qu'il ne constitue donc pas un ouvrage lorsqu'il a seulement une fonction d'imperméabilisation ; que la société Aréas Dommages a fait valoir que la garantie décennale de la société NCP n'était pas acquise car les travaux de ravalement réalisés par son assuré n'étaient pas constitutifs d'un ouvrage, à défaut pour l'enduit posé d'avoir une fonction d'étanchéité ; qu'en jugeant de manière générale que « les travaux de réfection totale d'un enduit de façade qui n'ont pas qu'une fonction esthétique mais qui ont également une fonction d'étanchéité, constitue un ouvrage soumis à la garantie décennale », sans rechercher si l'enduit litigieux avait une fonction d'étanchéité, et non pas une simple fonction d'imperméabilisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

2°/ subsidiairement que la garantie de l'assureur de responsabilité décennale ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur ; qu'à supposer que les travaux réalisés par la société NCP puissent être qualifiés d'ouvrage, la société Aréas Dommages a soutenu que la responsabilité décennale de la société NCP n'était pas assurée concernant les travaux « d'étanchéité et/ou imperméabilisation des façades » (activité n° 5.17), qui constitue une activité propre et particulière proposée lors de la souscription de la police d'assurance et qui n'a jamais été déclarée par la société NCP ; qu'en jugeant toutefois que les travaux d'enduits de façade étanches étaient garantis par la société Aréas Dommages, aux motifs inopérants que la société NCP avait déclaré d'autres activités (n° 1.10, 3.40 et 4.12), et notamment celle de « fondations, structure et travaux courants et maçonnerie ou béton armé, enduits (hormis film plastique étanche et de cuvelage) », sans répondre aux conclusions de la société Aréas Dommages faisant valoir que l'activité n° 5.17 « étanchéité et/ou imperméabilisation des façades » n'avait pas été déclarée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. D'une part, la cour d'appel a constaté que le syndicat des copropriétaires avait fait réaliser des travaux de ravalement de façade, consistant en l'élimination des enduits existants et la réfection des enduits au mortier de chaux et que les désordres étaient dus à des fissures infiltrantes causées par le manque de grillage ou d'armature du support et le non-respect des prescriptions imposées pour la pose de l'enduit.

6. Elle a pu en déduire, procédant à la recherche prétendument omise, que ces travaux, qui avaient une fonction d'étanchéité, participaient de la réalisation d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil.

7. D'autre part, elle a relevé, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que, l'attestation d'assurance mentionnant les activités 1.10, 3.40 et 4.12, l'entreprise était assurée pour les travaux courants de maçonnerie ou béton armé et d'enduits (hormis film plastique étanche et de cuvelage), de sorte que l'enduit réalisé entrait dans le champ des activités déclarées à l'assureur, qui devait sa garantie pour le coût des travaux de réfection des enduits de façade.

8. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société Aréas fait grief à l'arrêt de la condamner solidairement avec l'entreprise, à payer à Mme [U] la somme de 15 587 euros au titre des travaux de réfection de son appartement et à garantir l'entreprise de cette condamnation, alors « que l'assurance de responsabilité décennale n'est pas applicable aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles ; que pour juger que la société Aréas Dommages devait sa garantie pour les dommages causés à l'ouvrage existant, la cour d'appel a estimé que l'enduit de façade posé par la société NCP était devenu indissociable de la face périphérique intérieure de l'immeuble d'habitation ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'un enduit de façade n'est pas techniquement indivisible de l'ouvrage existant sur lequel il est posé, ce qu'a constaté la cour d'appel en relevant que la société NCP était chargée de procéder, avant de réaliser sa prestation, à l'élimination des précédents enduits et à la réfection des enduits au mortier de chaux, la cour d'appel a violé l'article L. 243-1-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 243-1-1 du code des assurances :

10. Selon le II de ce texte, les obligations d'assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 du code des assurances ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles.

11. Pour condamner la société Aréas, solidairement avec l'entreprise, à payer une somme à Mme [U] au titre de la réfection de son appartement et à garantir l'entreprise de cette condamnation, l'arrêt retient que la garantie de l'assureur en responsabilité décennale est étendue aux existants qui ne constituent pas les ouvrages à la réalisation desquels l'entrepreneur a contribué et qui en sont indissociables, comme en l'espèce la face intérieure des murs périphériques d'un immeuble.

12. En statuant ainsi, alors qu'un enduit de façade n'est pas techniquement indivisible de l'ouvrage existant sur lequel il est posé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Aréas dommages, solidairement avec la société Nice Côte peinture, à payer à Mme [U] la somme de 15 587 euros au titre des travaux de réfection de son appartement et la condamne à garantir la société Nice Côte peinture de cette condamnation, l'arrêt l'arrêt rendu le 2 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne Mme [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

vendredi 14 février 2020

Enduit de façade pour imperméabilisation = élément d’équipement non destiné à fonctionner -> pas décennal

Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb., 2020-4, p. 31.

Note Rias, GP 2020, n° 17, p. 20.
Note Faure-Abbad, RDI 2020-5, p. 253.

Note Caston et Ajaccio, GP 2020, n° 19, p. 77.

Note Cerveau-Colliard, GP 2020, n° 22, p. 78
Note Noguéro, RDI 2020-6, p. 326

Commentaire au rapport 2020 de la Cour de cassation :

Architecte entrepreneur – Responsabilité – Responsabilité à l’égard du maître de l’ouvrage – Garantie décennale – Domaine d’application – Élément d’équipement ou construction d’un ouvrage – Caractérisation – Exclusion – Cas – Enduit de façade non destiné à fonctionner 

3e Civ., 13 février 2020, pourvoi nº 19-10.249, publié au Bulletin, rapport de M. Pronier et avis de M. Burgaud 

Un enduit de façade, qui constitue un ouvrage lorsqu’il a une fonction d’étanchéité, ne constitue pas un élément d’équipement, même s’il a une fonction d’imperméabilisation, dès lors qu’il n’est pas destiné à fonctionner. 

Procédant à un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a retenu, par trois arrêts successifs, publiés au Rapport annuel, que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (3e Civ., 15 juin 2017, pourvoi no 16-19.640, Bull. 2017, III, no 71; 3e Civ., 14 septembre 2017, pourvoi no 16-17.323, Bull. 2017, III, no 100; 3e  Civ., 26 octobre 2017, pourvoi no 16-18.120, Bull. 2017, III, no 119). 

Restait à définir la notion d’élément d’équipement. 

C’est à cette question que le présent arrêt répond, à propos d’un enduit de façade, par un double apport doctrinal : 

En premier lieu, la Cour de cassation rappelle, en le confirmant, qu’en application de l’article 1792 du code civil, un enduit de façade constitue un ouvrage lorsqu’il a une fonction d’étanchéité (3e Civ., 4 avril 2013, pourvoi no 11-25.198, Bull. 2013, III, no 45).

 En second lieu, la Cour de cassation énonce qu’un enduit de façade ne constitue pas un élément d’équipement, même s’il a une fonction d’imperméabilisation, dès lors qu’il n’est pas destiné à fonctionner. 

Il s’ensuit que des travaux, autres que la construction de l’ouvrage et les éléments d’équipement qui en sont indissociables, ne constituent un élément d’équipement dissociable, au sens de l’article 1792-3 du code civil, que s’ils fonctionnent, ce qui n’est pas le 158 LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour cas des moquettes et tissus (3e  Civ., 30 novembre 2011, pourvoi no 09-70.345, Bull. 2011, III, no 202), de dallages (3e Civ., 13 février 2013, pourvoi no 12-12.016, Bull. 2013, III, no 20) ou d’un carrelage (3e Civ., 11 septembre 2013, pourvoi no 12-19.483, Bull. 2013, III, no 103). 

Cette solution s’explique par la garantie de bon fonctionnement applicable aux éléments d’équipement dissociables instituée par l’article 1792-3 du code civil. 

La Cour de cassation en déduit que la solution, née du revirement de jurisprudence, n’est pas applicable à un enduit de façade, dès lors qu’il n’est pas destiné à fonctionner. Sur ce point, la Cour reprend la distinction déjà faite entre la fonction d’étanchéité et la fonction d’imperméabilisation (3e Civ., 9 février 2000, pourvoi no 98-13.931, Bull. 2000, III, no 27).

 Cette solution sera étendue à tous les éléments d’équipement dissociables qui ne fonctionnent pas. 

Enfin, il est permis de souligner que la nouvelle rédaction des arrêts en style direct permet d’en mieux présenter l’apport doctrinal.

Arrêt n°117 du 13 février 2020 (19-10.249) - Cour de cassation - Troisième chambre civile
- ECLI:FR:CCASS:2020:C300117


Cassation


Demandeur(s) : société Areas dommages, société d’assurance mutuelle

Défendeur(s) : M. A... X... ; et autres



Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 5 novembre 2018), M. X... a confié à M. Y..., assuré en responsabilité décennale auprès de la société Areas dommages, la réalisation de travaux d’enduit de façades.

2. Des fissures étant apparues, M. X... a, après expertise, assigné M. Y... et la société Areas dommages en indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Areas dommages fait grief à l’arrêt de la condamner, in solidum avec M. Y..., à payer à M. X..., au titre des désordres affectant les façades, la somme de 52 792,76 euros et de la condamner à garantir M. Y... des condamnations prononcées à son encontre, alors :

« 1°/ que le juge doit, en toute circonstance, faire observer et observer lui-même le principe de contradiction ; qu’il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour d’appel, pour retenir la présence de désordres décennaux au sens des articles 1792 et 1792-2 du code civil, a écarté la qualification d’ouvrage propre mais s’est fondée sur la jurisprudence de la Cour de cassation issue de l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 15 juin 2017 en qualifiant l’enduit litigieux d’élément d’équipement notamment compte tenu de sa fonction d’imperméabilisation ; qu’en relevant d’office ce moyen, sans inviter les parties à s’en expliquer, la cour d’appel n’a pas respecté le principe du contradictoire et, partant, a violé l’article 16 du code de procédure civile ;





2°/ que seuls les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ; que la pose d’un enduit, qui constitue un ouvrage lorsqu’il a une fonction d’étanchéité, ne constitue pas un élément d’équipement, même s’il a une fonction d’imperméabilisation ; que la cour d’appel a constaté que les désordres ont affecté un enduit monocouche d’imperméabilisation et de décoration des parois verticales n’assurant aucune fonction d’étanchéité particulière ; que la cour d’appel, pour juger que les désordres affectant l’enduit et rendant l’ouvrage existant impropre à sa destination engageaient la responsabilité décennale de M. Y..., a jugé que l’enduit constituait un élément d’équipement dès lors que sa composition lui conférait un rôle d’imperméabilisation et non pas purement esthétique ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1792 du code civil :

4. Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

5. En application de ce texte, un enduit de façade, qui constitue un ouvrage lorsqu’il a une fonction d’étanchéité (3e Civ., 4 avril 2013, pourvoi n° 11-25.198, Bull. 2013, III, n° 45), ne constitue pas un élément d’équipement, même s’il a une fonction d’imperméabilisation, dès lors qu’il n’est pas destiné à fonctionner.

6. Pour accueillir les demandes, l’arrêt retient que l’enduit litigieux, auquel sa composition confère un rôle d’imperméabilisation, constitue un élément d’équipement et est susceptible d’ouvrir droit à garantie décennale si le désordre trouvant son siège dans cet élément d’équipement a pour effet de rendre l’ouvrage, en son entier, impropre à sa destination, le caractère dissociable ou indissociable de l’élément d’équipement important peu à cet égard.

7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 novembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;



Président : M. Chauvin
Rapporteur : M. Pronier
Avocat général : M. Burgaud, avocat général référendaire
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix - Me Isabelle Galy

jeudi 8 octobre 2015

Enduit mince et notion d'ouvrage décennal

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 29 septembre 2015
N° de pourvoi: 14-16.600 14-18.269
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Terrier (président), président
Me Le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boulloche, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Piwnica et Molinié, SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° G 14-16. 600 et X 14-18. 269 ;

Donne acte à la société Antunes du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Socotec, la société Rivepar, la société Settef, la société CEDF et la société SMABTP ;

Donne acte à la société Sicra et à la société Vinci construction du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Socotec France, Settef, CEDF et la SMABTP ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 mars 2014), que la société Rivepar, qui a fait construire un immeuble de bureaux, d'activités et de parkings, a conclu, pour la réalisation de cette opération, un contrat de promotion immobilière avec la société Stim Bâtir devenue la société Bouygues Immobilier ; qu'une mission de maîtrise d'oeuvre complète a été confiée à un groupement d'architectes composé de la société d'architectes Jean H... et François I..., de MM. Y... et Z..., M. Y... étant désigné en qualité de mandataire commun du groupement, tous assurés auprès de la MAF ; que, par avenant, M. A... a remplacé M. Z... ; que la réalisation des travaux tous corps d'état, à l'exclusion des lots menuiseries extérieures et chauffage-climatisation-ventilation, a été confiée à la société Sogea, aux droits de laquelle vient la société Vinci Construction France et sa filiale la société Sicra, assurée auprès la société UAP aux droits de laquelle vient la société Axa Corporate Solutions ; que par l'intermédiaire de sa filiale, la société Sogea a sous-traité les travaux de ravalement à la société Antunes, assurée auprès de la société Winterthur, devenue les MMA Assurances Iard ; que la société Socotec, assurée auprès de la SMABTP, est intervenue en qualité de contrôleur technique ; que la société Rivepar a souscrit une Police Unique de Chantier (PUC), incluant un volet dommages-ouvrage et responsabilité civile décennale, auprès de la société AGF, devenue la société Allianz ; que le revêtement de façade a été mis en oeuvre à partir de fin septembre, début octobre 2000 et qu'un phénomène de cloquage de l'enduit s'est produit dans les semaines qui ont suivi ; que la réception des travaux de ravalement a été prononcée avec réserves le 19 juin 2001 et que, le même jour, un procès-verbal de livraison avec les même réserves et de remise des clés a été dressé ; que les désordres affectant le ravalement s'étant aggravés après la réception, une expertise a été ordonnée ; que la société AGF a assigné les divers intervenants à l'acte de construire ; que la société Rivepar a assigné la société Bouygues Immobilier et la société AGF ; que la société Bouygues Immobilier a assigné la société Sogea, M. A..., la société H... et I..., les consorts Y..., les sociétés CEDF et Socotec ; que ces instances ont été jointes ;

Sur le premier et le deuxième moyens du pourvoi n° G 14-16. 600 et sur le premier moyen du pourvoi n° X 14-18. 269, réunis, ci-après annexés :

Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, d'une part, que l'application de l'enduit de ravalement avait été effectuée en période pluvieuse et sur des supports insuffisamment secs, que les consommations et épaisseurs des matériaux mis en oeuvre avaient été sous-estimées, que les périodes intermédiaires entre les phases d'exécution avaient été trop limitées, que l'inadaptation du produit à un usage extérieur n'était pas démontrée, que la société Antunes, professionnelle du ravalement, n'avait averti ni l'entreprise principale ni le maître d'oeuvre des contraintes temporelles de pose de l'enduit et de la nécessité d'allonger les délais initialement prévus, que l'enduit avait été posé en faible épaisseur en contradiction avec les préconisations du fabricant et que tous ces éléments établissaient les fautes d'exécution et les manquements au devoir d'information et de conseil de la société Antunes, d'autre part, que l'architecte maître d'oeuvre n'avait pas mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour parvenir à une résolution de ces difficultés, la cour d'appel qui a souverainement retenu, qu'eu égard à l'importance de leurs fautes respectives il convenait de partager la responsabilté dans la proportion de 75 % pour la société Antunes et de 25 % pour la maîtrise d'oeuvre, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué et le deuxième moyen du pourvoi n° X 14-18. 269, réunis, ci-après annexés :

Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le produit appliqué n'était pas un enduit de protection, d'étanchéité, que la fiche technique n° 09-2004 établie par la société Settef et l'entreprise Lafarge peinture le décrivait comme un revêtement mural décoratif et qu'il avait été remplacé en fin de travaux pas une peinture pliolithe, la cour d'appel a pu en déduire, répondant aux conclusions, que ce revêtement de façades constitué d'un enduit mince, dont la fonction d'étanchéité n'était pas démontrée par les éléments produits, n'était pas constitutif d'un ouvrage en lui-même et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° X 14-18. 269, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que la société Vinci construction faisait état d'un solde du marché de 1 385 838, 69 euros, la cour d'appel a retenu, sans inverser la charge de la preuve et sans se fonder sur une renonciation à un droit, que cette société ne démontrait pas la réalité et le quantum de cette créance ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi n° G 14-16. 600, réunis :

Vu l'article 2244 du code civil, ensemble l'article L. 114-2 du code des assurances ;

Attendu que pour mettre hors de cause la société Allianz et les MMA, l'arrêt retient qu'à partir du moment où ils ont eu connaissance du sinistre, en 2002 et 2003, les assurés restaient devoir agir contre l'assureur, action qu'ils n'ont pas engagée dans les deux ans ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'assignation du 17 janvier 2003 de la société Bouygues immobilier contre la société Allianz et l'assignation du 8 avril 2003 de la société Vinci construction contre les MMA, n'avaient pas interrompu la prescription à l'égard de la société Antunes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les cinquième et sixième moyens du pourvoi n° G 14-16. 600 :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il met hors de cause la société Allianz au titre de la Police Unique de Chantier et la société MMA, assureur de la société Antunes, l'arrêt rendu le 10 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;