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lundi 18 décembre 2023

La gravité du comportement d'une partie à un contrat non soumis à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 peut justifier que l'autre partie y mette fin

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 novembre 2023




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 747 F-B

Pourvoi n° E 22-16.514




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023

La société D-Vine, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée 10-Vins, a formé le pourvoi n° E 22-16.514 contre l'arrêt rendu le 7 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Valexcel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société D-Vine, anciennement dénommée 10-Vins, de la SCP Duhamel, avocat de la société Valexcel, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mars 2022), la société 10-Vins, devenue D-Vine (la société D-Vine), a confié à la société Valexcel la recherche d'investisseurs.

2. La société D-Vine ayant mis fin au contrat de façon anticipée, la société Valexcel l'a assignée en paiement de commissions et en réparation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches, les deuxième, troisième et quatrième moyens

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

4. La société D-Vine fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que le jugement soit infirmé en ce qu'il a jugé fautive la rupture du contrat initiée par courrier du 27 avril 2018, de rejeter ses demandes de résolution judiciaire du contrat aux torts de la société Valexcel et de réduction du prix du contrat et d'indemnisation, alors « qu'en matière de résiliation et de résolution judiciaire d'un contrat, c'est au débiteur qu'il revient de rapporter la preuve qu'il a rempli ses obligations ; qu'en considérant par motifs propres et adoptés, pour dire fautive la rupture du contrat et débouter la société D-Vine de sa demande de résolution judiciaire, qu'elle n'a étayé aucune de ses critiques et que s'agissant d'obligations de moyens, il lui appartenait de rapporter la preuve d'une faute de la société Valexcel, la cour d'appel, qui a ainsi fait peser sur la société D-Vine la charge de la preuve de l'existence d'une faute contractuelle, quand il revenait à la société Valexcel d'établir qu'elle avait exécuté ses obligations, a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

5. La gravité du comportement d'une partie à un contrat non soumis aux dispositions issues de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls. En cas de contestation, c'est à la partie qui a mis fin au contrat de rapporter la preuve d'un tel comportement.

6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

7. La société D-Vine fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a débouté la société D-Vine de ses demandes relatives à la rupture du contrat emportera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a débouté la société D-Vine de ses demandes de réduction de prix du contrat et d'indemnisation. »

Réponse de la Cour

8. Le moyen étant rejeté, le grief tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société D-Vine, anciennement dénommée 10-Vins, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:CO00747

mercredi 5 mai 2021

Conditions d'opposabilité au titulaire du marché des reprises effectuées par l'entreprise de substitution (CE)

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Constructions Bâtiments Immobiliers (CBI) a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, de la décharger de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par les décomptes généraux qui lui ont été notifiés par l'office public de l'habitat (OPH) Habitat 44 au titre des soldes des marchés conclus le 8 octobre 2009 du lot " gros oeuvre " de construction d'une " maison de l'emploi " et de logements sociaux, et de reconversion en locaux associatifs de l'ancien centre de tri postal de la commune de Nort-sur-Erdre, d'autre part, de condamner la communauté de communes d'Erdre et Gesvres ainsi que l'OPH Habitat 44 à lui verser, respectivement, les sommes de 14 606,72 et 12 639,53 euros au titre des soldes de ces marchés. Par un jugement n° 1608727 du 26 septembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande et a condamné la société CBI à verser à l'OPH Habitat 44 et à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres les sommes respectives de 82 390,71 euros et de 78 268,88 euros au titre des soldes des marchés conclus le 8 octobre 2009, assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Par un arrêt n° 18NT04112 du 25 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société CBI contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 26 décembre 2019 et les 3 et 20 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société CBI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'OPH Habitat 44 et de la communauté de communes d'Erdre et de Gesvres la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Haas, avocat de la société Constructions Bâtiments Immobiliers et à la SCP Gaschignard, avocat de l'office public de l'habitat Habitat 44 et de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté de communes d'Erdre et Gesvres a entrepris en 2006, d'une part, de réhabiliter l'ancien centre de tri postal de la commune de Nort-sur-Erdre et de le reconvertir en locaux associatifs, d'autre part, de détruire le centre de secours attenant à ce bâtiment et d'y construire une " maison de l'emploi " ainsi que des logements sociaux. Par convention de mandat du 1er juin 2006, la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, maître d'ouvrage de l'opération de reconversion de l'ancien centre de tri postal et de construction de la maison de l'emploi, a confié à l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) 44, devenu l'office public de l'habitat (OPH) " Habitat 44 ", maître d'ouvrage de l'opération de construction des logements sociaux, la mission de conduire en son nom et pour son compte l'opération dont elle était le maître d'ouvrage. Dans chacune de ces deux opérations, le lot " gros oeuvre " a été attribué à la société CBI, par actes d'engagement du 8 octobre 2009, pour un montant total de 460 460 euros TTC. Estimant que la société CBI n'avait pas déféré à la mise en demeure qu'il lui avait faite d'achever les travaux et de reprendre toutes les malfaçons les affectant, Habitat 44 a résilié les marchés à ses frais et risques, le 23 septembre 2011. Il a ensuite conclu, d'une part, un marché portant sur le lot " gros oeuvre " avec la société Eiffage, d'autre part, des avenants aux lots " terrassement, VRD, espaces verts ", " sols coulés ", " étanchéité multicouches ", " couverture et bardage zinc ", " revêtements de sols " et " plomberie sanitaire " afin de tenir compte des malfaçons relevées sur le lot " gros oeuvre ". Le 21 avril 2016, Habitat 44 a notifié à la société CBI les décomptes généraux des deux marchés, faisant état, en ce qui concerne l'opération de construction réalisée sous la maîtrise d'ouvrage d'Habitat 44, d'un solde débiteur à la charge de la société CBI de 82 390,71 euros, après l'application de 16 719,60 euros de pénalités et la retenue d'une somme de 68 888,66 euros HT au titre de l'ensemble des travaux de reprise, et, en ce qui concerne l'opération de réhabilitation du centre de tri postal réalisée sous la maîtrise d'ouvrage de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, d'un solde débiteur de 78 268,88 euros, après application de 20 049,64 euros de pénalités et de deux retenues de 65 442,21 euros HT et 183,75 euros HT au titre de travaux de reprise.

2. Après avoir vainement contesté ces sommes par un mémoire en réclamation, la société CBI a saisi le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 26 septembre 2018, a rejeté sa demande et, faisant droit aux conclusions reconventionnelles présentées devant lui, a condamné la société CBI à verser, d'une part, à l'OPH Habitat 44, d'autre part, à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, les sommes respectives de 82 390,71 euros et de 78 268,88 euros. Par un arrêt du 25 octobre 2019, contre lequel la société CBI se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête d'appel de la société.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

3. D'une part, il ressort de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Nantes a répondu au moyen tiré de ce que les manquements imputables au maître d'oeuvre dans la direction du chantier suffisaient à dédouaner la société CBI de ses propres manquements. D'autre part, la cour n'était pas tenue de répondre au moyen inopérant tiré de ce que la société aurait perdu une chance d'appeler son assureur en garantie et d'engager un recours contre le maître d'oeuvre. Le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué serait insuffisamment motivé ne peut, par suite, qu'être écarté.

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

4. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, par adoption des motifs du jugement de première instance, que l'éventuelle méconnaissance des modalités prévues par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG-Travaux) pour la notification des décomptes généraux était sans incidence sur le bien-fondé des créances figurant dans ces décomptes qui n'étaient pas devenus définitifs.

En ce qui concerne les travaux de reprise :

5. Aux termes de l'article 49 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par le décret du 21 janvier 1976, applicable au marché litigieux : " (...) lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. (...) / 49.2. Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée, ou la résiliation du marché peut être décidée. (...) / 49.4. La résiliation du marché décidée en application du 2 ou du 3 du présent article peut être, soit simple, soit aux frais et risques de l'entrepreneur. / Dans les deux cas, les mesures prises en application du 3 de l'article 46 sont à sa charge. / En cas de résiliation aux frais et risques de l'entrepreneur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur pour l'achèvement des travaux. Ce marché est conclu après appel d'offres avec publicité préalable ; toutefois, pour les marchés intéressant la défense ou en cas d'urgence, il peut être passé un marché négocié. Par exception aux dispositions du 42 de l'article 13, le décompte général du marché résilié ne sera notifié à l'entrepreneur qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. / 49.5. L'entrepreneur dont les travaux sont mis en régie est autorisé à en suivre l'exécution sans pouvoir entraver les ordres du maître d'oeuvre et de ses représentants. / Il en est de même en cas de nouveau marché passé à ses frais et risques. / 49.6. Les excédents de dépenses qui résultent de la régie ou du nouveau marché sont à la charge de l'entrepreneur. Ils sont prélevés sur les sommes qui peuvent lui être dues ou, à défaut, sur ses sûretés éventuelles, sans préjudice des droits à exercer contre lui en cas d'insuffisance. (...) ".

6. Il résulte de ces stipulations et des règles générales applicables aux contrats administratifs que le maître d'ouvrage d'un marché de travaux publics peut, après avoir vainement mis en demeure son cocontractant de poursuivre l'exécution des prestations qu'il s'est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat, décider de confier l'achèvement des travaux à un autre entrepreneur aux frais et risques de son cocontractant. La mise en oeuvre de cette mesure coercitive n'a pas pour effet de rompre le lien contractuel entre le pouvoir adjudicateur et son cocontractant et ne saurait être subordonnée à une résiliation préalable du contrat. Le cocontractant défaillant doit être mis à même de suivre l'exécution du marché de substitution ainsi conclu afin de lui permettre de veiller à la sauvegarde de ses intérêts, les montants découlant des surcoûts supportés par le maître d'ouvrage en raison de l'achèvement des travaux par un nouvel entrepreneur étant à sa charge.

7. Si les contrats passés par le maître d'ouvrage avec d'autres entrepreneurs pour la seule reprise de malfaçons auxquelles le titulaire du marché n'a pas remédié ne constituent pas, en principe, des marchés de substitution soumis aux règles énoncées au point précédent et, en particulier, au droit de suivi de leur exécution, il est loisible au maître d'ouvrage qui, après avoir mis en régie le marché, confie la poursuite de l'exécution du contrat à un autre entrepreneur, d'inclure dans ce marché de substitution des prestations tendant à la reprise de malfaçons sur des parties du marché déjà exécutées. Dans ce cas, le droit de suivi du titulaire initial du marché s'exerce sur l'ensemble des prestations du marché de substitution, sans qu'il y ait lieu de distinguer celles de ces prestations qui auraient pu faire l'objet de contrats conclus sans mise en régie préalable.

8. Il suit de là qu'en jugeant qu'il ne résulte d'aucune stipulation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ni d'aucune règle générale applicable aux contrats administratifs que, lorsque l'entrepreneur dont le marché est résilié n'a pas exécuté les travaux de reprise des malfaçons prescrits par le pouvoir adjudicateur, il disposerait du droit de suivre l'exécution de ces mesures, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'il bénéficie de ce droit lorsque ces travaux de reprise sont inclus dans un marché de substitution destiné à la poursuite de l'exécution du contrat, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour administrative d'appel de Nantes aurait dénaturé les faits en retenant, pour justifier les pénalités de retard mises à la charge de la société requérante, que le retard dans l'exécution des travaux était exclusivement imputable à celle-ci.

10. Il résulte de tout de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi relatifs aux travaux de reprise, que l'arrêt doit être annulé en tant seulement qu'il statue sur les conclusions de la société CBI relatives aux sommes mises à sa charge au titre des travaux de reprise des malfaçons.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OPH Habitat 44, d'une part, de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, d'autre part, le versement d'une somme de 1 500 euros à la société CBI au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société CBI, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.




D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'arrêt du 25 octobre 2019 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la société CBI relatives aux sommes mises à sa charge au titre des travaux de reprise des malfaçons.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'office public de l'habitat Habitat 44 et la communauté de communes d'Erdre et Gesvres verseront chacun à la société CBI une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société CBI et les conclusions de l'office public de l'habitat Habitat 44 et de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Constructions Bâtiments Immobiliers, à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres et à l'office public de l'habitat Habitat 44.

ECLI:FR:CECHR:2021:437148.20210427

vendredi 23 février 2018

Marché de travaux - résiliation pour faute

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 8 février 2018
N° de pourvoi: 17-10.054
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Chauvin (président), président
Me Le Prado, SCP Jean-Philippe Caston, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur les deux moyens, réunis :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 septembre 2016), que, par acte du 22 septembre 2009, M. et Mme Y... ont confié la construction d'une piscine à la société Diffazur ; qu'il était stipulé que les travaux de terrassement seraient à la charge de M. et Mme Y... ; que, lors de la réalisation de ces travaux par une société tierce, il est apparu que le terrain d'implantation de la piscine n'était pas suffisamment dur et stable pour recevoir l'infrastructure de l'ouvrage ; que M. et Mme Y... ont assigné la société Diffazur en restitution de l'acompte versé et en indemnisation de leurs préjudice ;

Attendu que, pour prononcer la résolution du contrat à leurs torts et rejeter leur demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la prestation de terrassement était exécutée par une entreprise tierce directement rémunérée par le maître de l'ouvrage et que, en l'absence d'attestations démontrant que les instructions techniques ont été données par la société Diffazur, il n'est pas établi que cette société a, de fait, en contravention avec les termes de son contrat, pris en charge et encadré cette prestation et qu'elle doit, en conséquence, supporter les obligations relatives à l'exécution de ce lot ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que la société Diffazur, chargée de la construction de la piscine, avait établi les directives et les plans en vue de la réalisation du terrassement et fixé les dimensions du décaissement et les caractéristiques techniques du support à réaliser, et, d'autre part, que la difficulté rencontrée tenait à l'absence d'un sol dur et stable à la profondeur définie par la société Diffazur, ce dont il résultait que cette société n'avait pas conçu un projet réalisable, tenant compte des contraintes du sol, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté la société Diffazur de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 8 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la société Diffazur aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Diffazur et la condamne à payer à M. et Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

lundi 3 juillet 2017

Marché public - Résiliation aux frais et risques - droit de contrôle du résilié (CE)

Conseil d'État

N° 399382   
ECLI:FR:CECHR:2017:399382.20170609
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Grégory Rzepski, rapporteur
M. Olivier Henrard, rapporteur public
SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats


lecture du vendredi 9 juin 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La société Entreprise Morillon Corvol Courbot (EMCC) a demandé, le 21 octobre 2010, au tribunal administratif de Nice d'annuler le marché n° 09-54 du 7 septembre 2009 conclu avec la commune de Cannes et portant sur la mise en place d'une digue sous-marine dans le cadre du programme de protection des plages de la Croisette ensemble l'avenant n° 1 à ce marché signé le 9 décembre 2009. Le 16 décembre 2010, la même société a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 22 octobre 2010 de la commune de Cannes résiliant à ses torts exclusifs le marché n° 09-54. Le 4 février 2013, enfin, la société EMCC a demandé au tribunal administratif de Nice :
- à titre principal, de condamner la commune de Cannes à lui verser la somme de 2 788 831,22 euros TTC ;
- à titre subsidiaire, de condamner la commune de Cannes à lui verser la somme de 2 632 516,70 euros TTC au titre du solde du marché n° 09-54 et en réparation des préjudices résultant de la décision de résiliation du 22 octobre 2010 ;
- de condamner la commune de Cannes aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise ordonnée par ledit tribunal.

Par un jugement n°s 1004248, 1005134, 1300377 du 7 février 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de la société EMCC, l'a condamnée à verser la somme de 1 922 413,66 euros à la commune de Cannes et a mis à sa charge les frais d'expertise d'un montant de 114 484,34 euros.

Par un arrêt n° 14MA01635 du 21 mars 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société EMCC contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 2 mai et 29 juin 2016 et le 1er mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société EMCC demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a statué sur ses conclusions indemnitaires et sur celles, incidentes, de la commune de Cannes ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Grégory Rzepski, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société Entreprise Morillon Corvol Courbot, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Cannes et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Artelia Eau Environnement.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 mai 2017, présentée pour la société Entreprise Morillon Corbol Courbot.



1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la commune de Cannes a décidé de réaliser une digue sous-marine constituée de tubes en géotextiles pour assurer la protection des plages de la Croisette ; qu'un marché de travaux d'un montant de 1 485 088,39 euros TTC a été conclu à cette fin le 7 septembre 2009 avec la société Entreprise Morillon Corvol Courbot (EMCC) ; que, toutefois, une inspection du chantier en avril 2010 a révélé des malfaçons et des retards d'exécution ; qu'une tempête survenue le 4 mai 2010 a par ailleurs causé la destruction presque intégrale des éléments déjà posés ; qu'après avoir vainement cherché à obtenir de la société la dépose du tronçon de la digue détruit par la tempête et la reprise de l'exécution du marché, la commune de Cannes a prononcé, par décision du 22 octobre 2010, la résiliation du marché aux torts exclusifs de la société EMCC ; qu'elle a ensuite conclu avec la société Trasomar, d'une part, un marché de dépose du tronçon n° 1 de la digue, d'autre part, un marché de substitution ; que, le 27 août 2012, la commune de Cannes a notifié à la société EMCC le décompte général du marché, qui comprenait un solde de 1 922 413,66 euros TTC à son crédit ; que, par un jugement du 7 février 2014, le tribunal administratif de Nice, d'une part, a rejeté les demandes de la société EMCC tendant à l'annulation du marché conclu le 7 septembre 2009, à l'annulation de la décision de résiliation du même marché du 22 octobre 2010 et à la condamnation de la commune de Cannes à lui verser une somme de 2 788 831,22 euros et, d'autre part, a fait droit aux conclusions incidentes de la commune de Cannes en condamnant la société EMCC à lui verser la somme de 1 922 413,66 euros ; que la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société EMCC contre ce jugement ; que la société EMCC se pourvoit contre cet arrêt en tant qu'il a statué sur les demandes indemnitaires ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'en relevant, pour juger que la commune de Cannes était fondée à prononcer la résiliation du marché aux torts de la société EMCC, que les tempêtes survenues en février et en mai 2010 ne présentaient pas un caractère exceptionnel, la cour, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments de la société requérante, n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que le motif par lequel la cour a estimé que les dommages subis par les géotubes étaient antérieurs aux tempêtes survenues en février et en mai 2010 présente un caractère surabondant ; que, dès lors, le moyen du pourvoi dirigé contre ce motif est inopérant ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la société EMCC reproche à la cour d'avoir confirmé sa condamnation à payer à la commune de Cannes la somme de 1 922 413,66 euros au titre du décompte général du marché sans répondre aux moyens qu'elle avait soulevés pour contester le montant de ce décompte, tirés de ce que la commune avait méconnu, d'une part, les stipulations de l'article 49.5 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux, en l'empêchant de suivre l'exécution des marchés de dépose et de substitution passés avec la société Trasomar, et, d'autre part, les stipulations de l'article 10 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) définissant les modalités d'indemnisation du maître d'ouvrage en cas d'incapacité de l'entreprise à remplir ses obligations contractuelles ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 46 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux approuvé par le décret du 21 janvier 1976, alors en vigueur et applicable au marché litigieux : " (...) - 2. En cas de résiliation, il est procédé, l'entrepreneur ou ses ayants droit, tuteur, curateur ou syndic, dûment convoqués, aux constatations relatives aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, à l'inventaire des matériaux approvisionnés, ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel et des installations de chantier. Il est dressé procès-verbal de ces opérations ; (...) - 3. Dans les dix jours suivant la date de ce procès-verbal, la personne responsable du marché fixe les mesures qui doivent être prises avant la fermeture du chantier pour assurer la conservation et la sécurité des ouvrages ou parties d'ouvrages exécutés. Ces mesures peuvent comporter la démolition de certaines parties d'ouvrages./ A défaut d'exécution de ces mesures par l'entrepreneur dans le délai imparti par la personne responsable du marché, le maître d'oeuvre les faits exécuter d'office./Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 47 et 49, ces mesures ne sont pas à la charge de l'entrepreneur " ; qu'aux termes par ailleurs de l'article 49 du même CCAG : " - 1 (...) lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit (...) ; - 2. Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée ou la résiliation du marché peut être décidée ; (...) - 4. La résiliation du marché décidée en application du 2 ou du 3 du présent article peut être, soit simple, soit aux frais et risques de l'entrepreneur./ Dans les deux cas, les mesures prises en application du 3 de l'article 46 sont à sa charge. / En cas de résiliation aux frais et risques de l'entrepreneur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur pour l'achèvement des travaux. Ce marché est conclu après appel d'offres avec publicité préalable ; toutefois, pour les marchés intéressant la défense ou en cas d'urgence, il peut être passé un marché négocié. - 5. L'entrepreneur dont les travaux sont mis en régie est autorisé à en suivre l'exécution sans pouvoir entraver les ordres du maître d'oeuvre et de ses représentants./ Il en est de même en cas de nouveau marché passé à ses frais et risques " ;

6. Considérant qu'il résulte des stipulations de l'article 49.5 du CCAG Travaux citées ci-dessus que l'entrepreneur dont le marché est résilié à ses frais et risques doit être mis à même d'user du droit de suivre les opérations exécutées par un nouvel entrepreneur dans le cadre d'un marché de substitution ; que ce droit de suivi est destiné à lui permettre de veiller à la sauvegarde de ses intérêts, les montants découlant des surcoûts supportés par le maître d'ouvrage en raison de l'achèvement des travaux par un nouvel entrepreneur étant à sa charge ; qu'en revanche il ne résulte d'aucune stipulation du CCAG Travaux que, lorsque l'entrepreneur dont le marché est résilié n'a pas exécuté les mesures de conservation et de sécurité prescrites par le pouvoir adjudicateur dans les conditions fixées par les stipulations de l'article 46 du CCAG Travaux, mesures qui peuvent comprendre la démolition des ouvrages réalisés et qui sont elles aussi à la charge de l'entrepreneur, ce dernier disposerait du droit de suivre l'exécution d'office de ces mesures ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le décompte général n'incluait aucune somme correspondant au marché de substitution conclu avec la société Trasomar pour réaliser la mise en place de la digue sous-marine ; que, dans ces conditions, le moyen soulevé par la société EMCC devant la cour administrative d'appel de Marseille, tiré de ce que la commune de Cannes aurait méconnu son droit de suivre l'exécution du marché de substitution et du marché de dépose du tronçon n° 1 de la digue conclus avec la société Trasomar, était inopérant ; que la cour n'était donc pas tenue d'y répondre ;

7. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 10 du CCAP était également inopérant dès lors que la décision de résiliation du marché aux torts et risques de l'entreprise a été prononcée non en raison de l'incapacité de l'entreprise à exécuter ses obligations contractuelles, mais à la suite de son refus d'exécuter un ordre de service puis une mise en demeure visant à la reprise des travaux ; qu'ainsi, la cour n'était pas non plus tenue d'y répondre ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société EMCC n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société EMCC la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Cannes et la même somme à verser à la société Artelia Eau et Environnement, au titre des mêmes dispositions ;






D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Entreprise Morillon Corvol Courbot est rejeté.
Article 2 : La société Entreprise Morillon Corvol Courbot versera la somme de 3 000 euros à la commune de Cannes et la même somme à la société Artelia Eau et Environnement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Entreprise Morillon Corvol Courbot, à la commune de Cannes et à la société Artelia Eau et Environnement.




Analyse

Abstrats : 39-04-02-02 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. FIN DES CONTRATS. RÉSILIATION. EFFETS. - MARCHÉ DE TRAVAUX - 1) DROIT DU TITULAIRE DU MARCHÉ RÉSILIÉ DE SUIVRE LES OPÉRATIONS EXÉCUTÉES PAR UN NOUVEL ENTREPRENEUR DANS LE CADRE D'UN MARCHÉ DE SUBSTITUTION - EXISTENCE - PORTÉE - 2) DROIT DU TITULAIRE DU MARCHÉ RÉSILIÉ DE SUIVRE L'EXÉCUTION D'OFFICE DES MESURES DE SAUVEGARDE PRESCRITES PAR LE POUVOIR ADJUDICATEUR - ABSENCE.

Résumé : 39-04-02-02 1) Il résulte des stipulations de l'article 49.5 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG travaux) que l'entrepreneur dont le marché est résilié à ses frais et risques doit être mis à même d'user du droit de suivre les opérations exécutées par un nouvel entrepreneur dans le cadre d'un marché de substitution. Ce droit de suivi est destiné à lui permettre de veiller à la sauvegarde de ses intérêts, les montants découlant des surcoûts supportés par le maître d'ouvrage en raison de l'achèvement des travaux par un nouvel entrepreneur étant à sa charge.... ,,2) En revanche, il ne résulte d'aucune stipulation du CCAG travaux que lorsque l'entrepreneur dont le marché est résilié n'a pas exécuté les mesures de conservation et de sécurité prescrites par le pouvoir adjudicateur dans les conditions fixées par les stipulations de l'article 46 du CCAG travaux, mesures qui peuvent comprendre la démolition des ouvrages réalisés et qui sont elles aussi à la charge de l'entrepreneur, ce dernier disposerait du droit de suivre l'exécution d'office de ces mesures.