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mardi 7 mai 2024

Le litige était né de l'exécution d'un marché de travaux publics et ne concernait pas l'exécution d'un contrat de droit privé unissant les parties,

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 avril 2024




Cassation sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 217 FS-B

Pourvoi n° J 22-22.912




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 AVRIL 2024

La société Nexity Property Management, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 22-22.912 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société Concept TP, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Nexity Property Management, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Concept TP, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 septembre 2022) et les productions, la société SNCF réseau a délégué à la société Nexity Property Management (la société Nexity) la maîtrise d'ouvrage d'un marché de travaux publics ayant pour objet la réalisation d'un péage rail-route.

2. La société Mannucci, titulaire du lot « 01 VRD ¿ gros oeuvre ¿ charpente métallique », a sous-traité à la société Concept TP la réalisation de ces travaux. Son intervention, en cette qualité, a été agréée par la société Nexity.

3. Après la liquidation judiciaire de la société Mannucci, la société Concept TP a assigné la société Nexity en paiement des travaux exécutés.

4. Cette dernière a soulevé l'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. La société Nexity fait grief à l'arrêt de déclarer le juge judiciaire compétent, alors « que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics qui oppose des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé, sans qu'il y ait lieu de rechercher si les parties sont liées au maître de l'ouvrage par un contrat de droit public ; qu'en l'espèce, pour retenir la compétence du juge judiciaire, la cour a retenu que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales et que si le maître d'ouvrage est la société SNCF Réseau, il n'existe pas de lien entre elle et la société Concept TP, et que le fait que la société Nexity soit le maître d'ouvrage délégué de cette entité publique ne peut conditionner la compétence des juridictions administratives pour connaître de l'action directe du sous-traitant (la société Concept) du titulaire du marché (la société Mannucci) contre le maître d'ouvrage délégué qui est une personne privée (la société Nexity) ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que le litige résultait de l'exécution d'un marché public, de sorte qu'en l'absence de contrat de droit privé unissant la société Concept TP et la société Nexity, le litige relevait de la compétence du juge administratif, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790. »

Réponse de la Cour

Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et les articles L. 2193-3, L. 2193-11, alinéa 1er, et L. 2422-6 du code de la commande publique :

6. Selon le troisième de ces textes, le titulaire d'un marché peut, sous sa responsabilité, sous-traiter l'exécution d'une partie des prestations de son marché.

7. Aux termes du quatrième, le sous-traitant direct du titulaire du marché, qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par l'acheteur, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution.

8. Selon le cinquième, le maître d'ouvrage peut confier par contrat de mandat de maîtrise d'ouvrage à un mandataire l'exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions mentionnées à l'article L. 2422-6, notamment celle tenant au paiement des marchés publics de travaux.

9. Faisant application des deux premiers, le tribunal des conflits a jugé, par une décision du 10 janvier 2022 (TC, 10 janvier 2022, n° C4231) que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit son fondement juridique, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé et que le litige concerne l'exécution de ce contrat.

10. Il en résulte que les litiges relatifs au paiement direct au sous-traitant, par le maître d'ouvrage délégué, du prix des travaux exécutés dans le cadre d'un marché de travaux publics, qui, ne concernant pas l'exécution d'une convention de droit privé unissant les parties, impliquent que soient appréciées les conditions dans lesquelles un contrat portant sur la réalisation de travaux publics a été exécuté, relèvent de la compétence du juge administratif, peu important que tant le sous-traitant que le maître d'ouvrage délégué soient deux sociétés de droit privé.

11. Pour rejeter l'exception d'incompétence, l'arrêt énonce, d'abord, que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales.

12. Après avoir relevé, ensuite, que les travaux avaient été exécutés dans le cadre d'un marché public de travaux, et qu'aucune référence n'était faite dans le contrat de sous-traitance à un marché conclu avec une personne publique, il retient que la convention de sous-traitance conclue entre la société Concept TP et la société Mannucci, toutes deux sociétés de droit privé, est un contrat de droit privé, sur lequel le juge judiciaire est seul compétent pour statuer.

13. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le litige était né de l'exécution d'un marché de travaux publics et ne concernait pas l'exécution d'un contrat de droit privé unissant les parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

16. L'action en paiement direct formée par la société Concept TP, qui concerne l'exécution d'un marché public de travaux, relevant de la compétence de la juridiction administrative, il y a lieu de déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour en connaître.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de la demande en paiement formée par la société Concept TP à l'encontre de la société Nexity Property Management ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir de ce chef ;

Dit n'y avoir lieu de modifier les indemnités de procédure allouées par les juges du fond et les condamnations aux dépens prononcées par eux ;

Condamne la société Concept TP aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Concept TP et la condamne à payer à la société Nexity Property Management une somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille vingt-quatre. ECLI:FR:CCASS:2024:C300217

mardi 3 octobre 2023

Empiètement et compétence judiciaire

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 septembre 2023




Cassation sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 638 F-D

Pourvoi n° T 22-14.732




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2023

Mme [Y] [J], épouse [P], domiciliée lieudit [Adresse 5], a formé le pourvoi n° T 22-14.732 contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1- 5), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Moulin du Tarn, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7],

2°/ à l'Agent judiciaire de l'Etat, direction des affaires juridiques, domicilié [Adresse 2],

3°/ à la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) [Localité 6], direction des risques naturels, domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme [P], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement [Localité 6], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Moulin du Tarn, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [P] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'Agent judiciaire de l'Etat.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 janvier 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 19 décembre 2019, pourvoi n° 17-26.293), la société Moulin du Tarn (la société) exploite une micro-centrale hydroélectrique dans le lit du Tarn, qui alimente les communes voisines en énergie électrique.

3. Mme [P] est propriétaire d'une parcelle cadastrée section [Cadastre 3] bordant ce cours d'eau, située sur la rive opposée à ces installations.

4. Dénonçant un empiétement sur sa propriété résultant de travaux réalisés par la société, Mme [P] l'a assignée en démolition et enlèvement de ces ouvrages.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 76, alinéa 2, du code de procédure civile, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :

6. Selon le premier de ces textes, le moyen pris de l'incompétence du juge judiciaire peut être relevé d'office par la Cour de cassation.
7. Il résulte des deux autres, que l'autorité judiciaire ne saurait, sans s'immiscer dans les opérations administratives et empiéter ainsi sur la compétence du juge administratif, prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public.

8. Pour rejeter la demande de démolition, l'arrêt relève que les ouvrages en litige ont été construits en exécution d'un arrêté préfectoral du 13 décembre 2004, qui avait subordonné le renouvellement de l'autorisation d'exploitation accordée à la société à la création de ces ouvrages destinés à assurer la circulation des poissons et des canoës sur la rivière.

9. En statuant ainsi, alors que ces dispositifs présentaient le caractère d'ouvrages publics pour avoir été édifiés dans un but d'intérêt général, et que, en l'absence de toute extinction du droit de propriété résultant de leur empiétement sur le terrain d'autrui, la demande ne relevait pas de sa compétence, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DECLARE la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de la demande formée par Mme [P] tendant à la démolition et à l'enlèvement des ouvrages situés sur la parcelle [Cadastre 3], commune de [Localité 4], en bordure de la rivière et dans le lit de la rivière, au droit de cette parcelle jusqu'à la ligne tracée au milieu du cours d'eau Tarn ;

RENVOIE les parties à mieux se pourvoir ;

Dit n'y avoir lieu de modifier les indemnités de procédure allouées par les juges du fond et les condamnations aux dépens prononcées par eux ;

Condamne Mme [P] aux dépens exposés devant la Cour de cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

mardi 9 août 2022

Implantation d'un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée et libre exercice de son droit de propriété - Compétence administrative

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2022




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 584 F-B

Pourvoi n° N 21-13.550




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022

Mme [X] [M], domiciliée [Adresse 2]), a formé le pourvoi n° N 21-13.550 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2021 par la cour d'appel de [Localité 4] (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Enedis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [M], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Enedis, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 4], 18 janvier 2021), suivant acte authentique du 26 octobre 2006, Mme [M] a acquis un bien immobilier à [Localité 3].

2. Soutenant qu'un transformateur électrique avait été installé sans autorisation sur sa propriété, Mme [M] a assigné la société Enedis devant la juridiction judiciaire en paiement de dommages-intérêts et d'une indemnité d'occupation jusqu'à son déplacement ou sa suppression. En appel, la société Enedis a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [M] fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire incompétente et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors :

« 1°/ que le paiement d'une indemnité d'occupation ne constitue pas une mesure de nature à porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public, de sorte que la juridiction judiciaire est compétente pour connaître d'une telle demande, dirigée contre une personne privée ; qu'en subordonnant la compétence du juge judiciaire pour connaître d'une demande en paiement d'indemnité d'occupation dirigée contre la société Enedis, personne morale de droit privé, à l'existence d'une voie de fait, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 7 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;

2°/ que Mme [M] faisait valoir que le déplacement du poste électrique s'avérait impossible dès lors qu'il servait à alimenter en électricité toute la commune d'[Localité 3] de sorte que l'implantation irrégulière du transformateur électrique comportait extinction de son droit de propriété ; qu'en retenant que la demande de Mme [M] portait sur l'indemnisation de la privation de jouissance de 11 m2 de sa propriété résultant de l'existence d'un relais électrique, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en se bornant à retenir que l'implantation sans titre de l'ouvrage litigieux ne constituait pas une voie de fait sans rechercher si, comme le soutenait l'exposante, elle ne constituait pas une emprise irrégulière qui, entraînant une dépossession définitive, avait pour effet l'extinction de son droit de propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790. »

Réponse de la Cour

4. Si la décision d'une personne publique d'implanter un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété, elle n'a pas pour effet l'extinction de ce droit, de sorte que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur le recours en annulation de cette décision ainsi que sur la réparation de ses conséquences dommageables.

5. La cour d'appel a relevé que Mme [M] invoquait l'irrégularité de l'installation du transformateur électrique et demandait l'indemnisation des préjudices qui en résultait.

6. Il en résulte que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les conclusions de Mme [M] tendant à la réparation des conséquences de l'atteinte portée à sa propriété, laquelle n'a pas pour effet l'extinction de son droit de propriété.

7. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

mardi 23 octobre 2018

Voie de fait et compétence administrative

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 11 octobre 2018
N° de pourvoi: 17-17.806
Publié au bulletin Cassation sans renvoi

M. Chauvin (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ohl et Vexliard, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 92, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Attendu que l'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration et ne saurait, dès lors, constituer une voie de fait ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 16 février 2017), qu'invoquant l'existence d'une voie de fait, M. et Mme X..., propriétaires d'une maison avec un terrain attenant, ont assigné le syndicat Intercommunal d'alimentation en eau potable des Amognes et la commune de Saint-Bénin-des-Bois en retrait d'une canalisation d'eau potable traversant leur terrain ;

Attendu que l'arrêt a rejeté la demande ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande en retrait de la canalisation relevait de la seule compétence de la juridiction administrative, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître du litige ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens exposés tant devant les juges du fond que devant la Cour de cassation ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... et les condamne à payer à la commune de Saint-Benin-des-Bois et au syndicat Intercommunal d'alimentation en eau potable des Amognes la somme globale de 3 000 euros ;

vendredi 10 mars 2017

EPIC et compétence juridictionnelle pour dommages aux tiers

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 1 mars 2017
N° de pourvoi: 15-28.664
Publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Balat, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP de Nervo et Poupet, avocat(s)



Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 23 septembre 2015), que M. X... est propriétaire d'un terrain bâti, lequel est surplombé par un massif forestier montagneux dépendant du domaine privé de l'Etat et géré par l'Office national des forêts (l'ONF) ; qu'un glissement de terrain accompagné de coulées de boues ayant provoqué le déversement de 4 500 m³ de matériaux pierreux sur sa parcelle, il a saisi le juge des référés aux fins d'obtenir la désignation d'un expert et le paiement d'une provision à valoir sur la réparation de son préjudice ; que l'ONF et l'Agent judiciaire de l'Etat ont soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;

Attendu que l'ONF, d'une part, et l'Agent judiciaire de l'Etat, d'autre part, font grief à l'arrêt de rejeter cette exception et d'ordonner une mesure d'expertise, alors, selon le moyen :

1°/ que la réparation de dommages de travaux publics relève de la compétence des juridictions administratives ; que la responsabilité de l'État, susceptible d'être engagée à raison de l'absence de travaux de stabilisation des terrains de montagne (dans le cadre des dispositions du code forestier relatives à la restauration des terrains en montagne) devant être effectués, non pas à des fins de gestion domaniale mais dans un but d'intérêt général de prévention des risques naturels, relève de la responsabilité pour dommages de travaux publics ; que, dès lors, les demandes aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et de condamnation solidaire de l'ONF et de l'État à payer une provision de 50 000 euros à raison d'un glissement de terrain de montagne relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre administratif ; qu'en retenant, cependant, sa compétence, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives ;

2°/ que c'est à l'ensemble du litige et à toutes les parties concernées que s'appliquent les règles de la responsabilité en matière de travaux publics, en sorte que ne peut être admise une responsabilité alternative qui permettrait de rechercher la responsabilité de l'ONF devant le juge judiciaire à raison de la prétendue existence de troubles de voisinage ; qu'en écartant la responsabilité pour dommages de travaux public pour retenir la responsabilité de l'ONF pour troubles de voisinage à raison de ses activités d'établissement public et commercial sans mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives ;

3°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droits qui lui sont applicables ; qu'il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'en refusant de rechercher si la responsabilité de l'Etat et de l'ONF pouvait être engagée sur le fondement de l'existence de dommages de travaux public au motif que le demandeur avait fondé son action sur le régime de la responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage, la cour d'appel, qui s'est arrêtée à la dénomination des faits et actes litigieux proposée par le demandeur à l'action, a méconnu son office et violé les dispositions de l'article 12 du code de procédure civile ;

4°/ que l'ONF faisait valoir que l'absence de travaux ou d'ouvrages destinés, dans le cadre des dispositions du code forestier relatives à la restauration des terrains en montagne, à prévenir les glissements de terrain, relevait de la responsabilité pour dommages de travaux publics ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que la réparation des dommages de travaux publics relève de la compétence du juge administratif ; qu'en l'espèce, des travaux de stabilisation des terrains de montagne dont la réalisation permettaient d'éviter les éboulements provenant d'une forêt domaniale ne revêtaient pas la qualification de travaux de gestion patrimoniale de la forêt mais de travaux à visée d'utilité générale en ce qu'ils poursuivaient un objectif de sécurité publique, à savoir la prévention des risques naturels, de sorte qu'ils relevaient de la responsabilité pour dommages de travaux publics et donc du juge administratif ; qu'en retenant, néanmoins, sa compétence, la cour d'appel a violé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires et excédé ses pouvoirs ;

6°/ que les règles de la responsabilité du fait des dommages de travaux publics ont vocation à s'appliquer à l'ensemble du litige à l'exclusion de tout autre régime de responsabilité ; qu'en retenant que l'Agent judiciaire de l'Etat et l'ONF étaient susceptibles d'engager leur responsabilité sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage pour retenir la compétence du juge judiciaire, la cour d'appel a une nouvelle fois violé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires et a excédé ses pouvoirs ;

7°/ que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans être lié par la dénomination ou la qualification des demandes données par les parties ; qu'en s'estimant lié par la demande de M. X... fondée sur la théorie des troubles anormaux du voisinage, sans rechercher si la responsabilité de l'Etat et de l'ONF pouvait être engagée sur le fondement de l'existence de dommages de travaux public, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, lorsqu'un établissement public tient de la loi la qualité d'établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l'exception des litiges relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent, par leur nature, de prérogatives de puissance publique ; que, par des motifs non critiqués, l'arrêt retient que les missions confiées par l'Etat à l'ONF, en vue de la restauration des terrains de montagne, n'impliquent pas la mise en oeuvre, par ce dernier, de prérogatives de puissance publique ; que, l'attribution à cet établissement public industriel et commercial de telles prérogatives étant seule de nature à justifier la compétence de la juridiction administrative, c'est sans excéder ses pouvoirs ni méconnaître son office que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à un moyen inopérant, en a déduit que la juridiction judiciaire était compétente pour connaître du litige ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne l'Office national des forêts et l'Agent judiciaire de l'Etat aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de l'Office national des forêts et de l'Agent judiciaire de l'Etat et condamne l'Office national des forêts à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;