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mercredi 22 mai 2024

Cause étrangère, responsabilité in solidum, sécurité des personnes : fondements des responsabilités des constructeurs

 La Cour de cassation, par trois arrêts relativement récents et datés du même jour, rappelle quelques principes essentiels des responsabilités des constructeurs : l’exonération par la cause étrangère ; la responsabilité in solidum des coauteurs du dommage ; et l’atteinte à la sécurité des personnes, toujours justiciable de la responsabilité décennale si le désordre est constaté pendant le délai de dix ans.

Cass. 3e civ., 15 févr. 2024, no 22-23.179, F–D (cassation partielle CA Paris, 21 sept. 2022) 

Cass. 3e civ., 15 févr. 2024, no 22-23.682, F–D (cassation partielle CA Montpellier, 29 sept. 2022)

Cass. 3e civ., 15 févr. 2024, no 22-18.672, F–D (cassation partielle CA Rennes, 5 mai 2022)

mercredi 15 décembre 2021

Le maître d'oeuvre est débiteur, à l'égard du maître de l'ouvrage, d'une obligation de conseil dont la nature dépend de l'étendue de la mission qui lui est confiée

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 décembre 2021




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 869 FS-D

Pourvoi n° Z 20-16.961




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2021

1°/ la société Medica foncière Garches 92, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ la société LNA retraite, exerçant sous l'enseigne Villa d'Epidaure [Localité 8], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° Z 20-16.961 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2020 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Bétom ingénierie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société AJRS, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], prise en la personne de M. [R] [P] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Bétom ingénierie,

3°/ à la société SMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [W] [B] en qualité de mandataire judiciaire au plan de sauvegarde de la société Bétom ingénierie,

4°/ à la société Agence Duris Delfosse architecture -ADDA-, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ à la société Brézillon, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

6°/ à la société Bureau Veritas construction, venant aux droits de la société anonyme Bureau Veritas (société par actions simplifiée), dont le siège est [Adresse 7],

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat des sociétés Medica foncière Garches 92 et LNA retraite, de la SCP Boulloche, avocat de la société ADDA, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Bétom ingénierie, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Brézillon, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Farrenq-Nési, M. Jacques, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte aux sociétés Medica foncière Garches 92 (la société Medica) et LNA retraite, exerçant sous l'enseigne Villa d'Epidaure (la société Villa d'Epidaure), du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés AJRS et SMJ.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30 avril 2020), la société Medica a confié à un groupement formé par la société Agence Duris Delfosse architecture (la société ADDA) et la société Bétom ingénierie (la société Bétom), la maîtrise d'oeuvre d'une opération de rénovation et d'extension d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, classé établissement recevant du public, exploité par la société Villa d'Epidaure.

3. La réalisation des travaux a été confiée à une entreprise générale, la société Brézillon.

4. Au mois de février 2012, l'exécution du chantier a été interrompue par décision administrative, la commission de sécurité émettant un avis défavorable au maintien de l'occupation des lieux et à la poursuite des travaux qui se déroulaient sur site occupé, ce qui n'avait pas été indiqué dans la demande de permis de construire.

5. Le 3 avril 2012, la reprise des travaux, sous réserve du respect de certaines prescriptions, a été autorisée.

6. Les sociétés Medica et Villa d'Epidaure ont assigné les sociétés ADDA et Bétom en responsabilité. Elles ont réclamé l'indemnisation du coût de travaux supplémentaires, du recrutement d'un agent de sécurité et de la perte d'exploitation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il est fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes contre les sociétés ADDA et Bétom

Enoncé du moyen

7. La société Medica fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre les sociétés ADDA et Bétom, alors « qu'en jugeant que les règles de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ne relevaient pas de la mission des sociétés ADDA et Bétom ingénierie sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas des stipulations du contrat du 15 octobre 2010 que ces sociétés s'étaient vues confier une mission complète de maîtrise d'oeuvre incluant les différentes exigences administratives de l'opération immobilière, dont celles liées à la sécurité contre le risque d'incendie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

8. Il se déduit de ces textes que le maître d'oeuvre est débiteur, à l'égard du maître de l'ouvrage, d'une obligation de conseil dont la nature dépend de l'étendue de la mission qui lui est confiée.

9. Pour rejeter les demandes de la société Medica contre les sociétés ADDA et Bétom, l'arrêt retient que les règles de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ne font pas partie du domaine de compétence de l'architecte et relèvent de la responsabilité propre du chef d'établissement, que la demande de permis de construire modificatif pour satisfaire aux prescriptions de l'arrêté de 1980 incombait à la société Medica parce que, comme le rappelle l'expert, toutes les démarches et relations avec les administrations sont de la compétence du maître de l'ouvrage.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, au regard des missions confiées par le contrat de maîtrise d'oeuvre du 15 octobre 2010 et des caractéristiques de l'ouvrage, les sociétés ADDA et Bétom n'étaient pas tenues d'un devoir de conseil portant sur le respect des règles de sécurité applicables aux établissements recevant du public, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. La société Villa d'Epidaure fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre les sociétés ADDA et Bétom, alors « que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision censurée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que, pour débouter Villa d'Epidaure de ses demandes contre les sociétés ADDA et Bétom ingénierie, la cour d'appel a dit que les appelantes, respectivement maître de l'ouvrage et exploitante, étaient les seules responsables de l'absence de saisine de l'autorité administrative et que les règles de sécurité contre les risques d'incendie et de panique ne relevaient pas du devoir de conseil du maître d'oeuvre ; que dans la mesure où le premier moyen de cassation démontre le contraire, la censure à intervenir atteindra également l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes de Villa d'Epidaure, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

13. La cassation sur le premier moyen entraîne l'annulation, par voie de conséquence, des dispositions qui sont critiquées par le second moyen.

Portée et conséquences de la cassation

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt qui rejettent les demandes des sociétés Medica et Villa d'Epidaure contre la société ADDA et la société Bétom entraîne la cassation des chefs du dispositif condamnant la société Medica à payer une certaine somme à la société Brézillon et rejetant la demande de la société Brézillon au titre des travaux supplémentaires contre la société ADDA et la société Bétom qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

- déboute la société Medica Foncière Garches 92 et la société Villa d'Epidaure [Localité 8] de toutes leurs demandes contre la société ADDA et la société Bétom ingénierie,

- condamne la SNC Medica Foncière à payer à la SAS Brezillon la somme de 154 234,79 euros TTC, sur présentation d'une facture conforme, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 17 août 2012 et 40 euros d'indemnité légale de recouvrement ;

- déboute la société Brézillon de ses demandes au titre des travaux supplémentaires contre la société ADDA et la société Bétom ingénierie,

l'arrêt rendu le 30 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne les sociétés Agence Duris Delfosse architecture et Bétom ingénierie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Brézillon et des sociétés Agence Duris Delfosse architecture et Bétom ingénierie ; condamne les société Agence Duris Delfosse architecture et Bétom ingénierie à payer la somme globale de 3 000 euros aux sociétés Medica foncière Garches 92 et LNA Retraite, exerçant sous l'enseigne Villa d'Epidaure.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.







MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour les sociétés Medica foncière Garches 92 et LNA retraite

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir débouté la société Medica Foncière Garches 92 de ses demandes contre les sociétés ADDA et Bétom Ingénierie, de l'avoir condamnée à payer à la société Brézillon la somme de 154 234,79 euros TTC outre intérêts au taux légal et une indemnité de recouvrement d'un montant de 40 euros et d'avoir ordonné la capitalisation des intérêts sur la somme de 154 234,79 euros dans les conditions de l'ancien article 1154 du code civil ;

aux motifs propres que « Les sociétés Medica Foncière et Villa d'Epidaure et les sociétés ADDA et Bétom Ingénierie sollicitent l'infirmation du jugement qui a opéré un partage de responsabilité par moitié entre elles, les premières, au motif que, filiales du Groupe Le Noble Age, compétentes et expérimentées en matière de construction et de gestion de maisons de retraite, elle connaissaient parfaitement les règles applicables, les secondes, qu'elles ne pouvaient ignorer les contraintes de sécurité dans la conduite de ce chantier et, en vertu de leur devoir de conseil, auraient dû attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur le problème de sécurité. Il a dit que les quatre sociétés étaient responsables de l'absence de déclaration des travaux en site occupé dans le dossier de permis de construire. Il ressort du rapport d'expertise que : - l'EHPAD L Villa d'Epidaure est un établissement recevant du public (ERP) de type J de 4eme catégorie ; en application de l'article GN13 de l'arrêté du 25 juin 1980 portant. approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les ERP, l'accord préalable de la commission de sécurité était requis; si les travaux doivent durer plus de 24 heures ou risquent de perturber l'évacuation des personnes, une demande doit être présentée à l'autorité administrative au moins 15 jours avant le début des travaux en précisant les précautions prises tant pour leur réalisation que par rapport au reste de l'établissement ; par conséquent, quelle que soit la solution envisagée, il convient d'obtenir l'autorisation préalable de l'administration ; il n'existe pas de réglementation au sens strict du terme définissant des modalités de réalisation des travaux ; la commission de sécurité a un pouvoir souverain d'appréciation en fonction des risques encourus; -il est impossible de dire si les deux solutions alternatives présentées par le maître de l'ouvrage au cours des opérations d'expertise conservant les demi niveaux auraient pu être agréées ; l'avis du sapiteur est joint qui énumère les prescriptions qui posaient difficulté au regard de certaines dispositions et qui auraient nécessité des discussions avec la commission de sécurité, laquelle peut accepter des adaptations ; - M. [L] conclut que le maître de l'ouvrage, dont il souligne qu'il était assisté d'un maître de l'ouvrage délégué compétent et expérimenté, le Groupe Le Noble Age, en raison de la complexité de l'opération selon les termes du préambule de leur accord d'octobre 2010, a commis des manquements graves qui sont à l'origine des difficultés rencontrées qu'il explicite ainsi : * le programme annexé au contrat de maîtrise d'oeuvre ne faisait pas état de la volonté du maître de l'ouvrage de maintenir l'exploitation pendant les travaux ; il a pris cette décision ultérieurement, après le dépôt du dossier de permis de construire en novembre 2010 ; il résulte d'un compte-rendu de réunion du 17 mars 2011 qu'il avait identifié la nécessité de produire la notice GN13 mais cette démarche n'a pas été suivie d'effet car il n'a pas mis en oeuvre les moyens pour l'obtenir; *le maître de l'ouvrage a signé l'ordre de service de démarrage des travaux le 24 novembre 2011 sans avoir levé cette contrainte qui s'opposait pourtant à l'intervention des entreprises sur le site, en méconnaissance des stipulations contractuelles qui le liaient avec les maîtres d'oeuvre, ni celle induite par la prescription n°8 du PV n°1000/10 du 20 décembre 2010 alors que cette démarche aurait permis de constater que les dispositions réglementaires applicables aux travaux en ERP avaient été omises ; * les démarches de saisine de l'autorité administrative sont une prérogative du maître de l'ouvrage, a fortiori lorsqu' il est expérimenté, et non du maître d'oeuvre ; la connaissance par ce dernier de la réalisation de travaux en site occupé ne lui transfère pas la responsabilité d'entamer ces démarches ; demander au contrôleur technique un chiffrage de la rédaction de la notice GN13 n'entrait pas dans le cadre du contrat de maîtrise d'oeuvre et ne dispensait pas le maître de l'ouvrage du respect de ses obligations ; le dépôt du permis de construire modificatif pour informer la Ville de la réalisation des travaux en site occupé incombait au maître de l'ouvrage, c'était à lui de demander au maître d'oeuvre de préparer un dossier à cet effet ; -les sociétés ADDA, Bétom Ingénierie et Bureau Véritas n'ont commis aucune faute dans l'accomplissement des missions qui leur avaient été confiées par le maître de l'ouvrage. Les appelantes contestent ces conclusions. Elles soutiennent que la décision de faire réaliser les travaux en site occupé était prise dès le début du projet. Cependant, elles n'en rapportent pas la preuve, le courriel de la société Bétom du 19 octobre 2010 n'en faisant pas état et le CCAP qui le mentionne étant d'octobre 2011. Il ressort des pièces versées aux débats que la première mention de travaux en site occupé avec libération d'un demi-étage figure dans un compte-rendu de réunion du maître de l'ouvrage du 14 janvier 2011 à laquelle les deux maîtres d'oeuvre assistaient (pièce 1 de la société Bétom) puis dans le compte-rendu d'une seconde réunion tenue le 17 mars 2011 dans la même configuration. Et maître de l'ouvrage avait justifié cette décision par le souci de limiter les pertes d'exploitation dans un courrier adressé à la société ADDA le 29 mai 2012. En second lieu, elles font grief à l'expert de ne pas avoir répondu aux observations de leur conseil technique selon lesquelles c'est la réglementation de type U qui était applicable compte tenu de la date de construction de l'établissement, avant 1991, et non celle de type J. Elles ne produisent ni ces notes ni la réglementation invoquée et ne démontrent pas en quoi cette question modifierait les termes du litige. En effet, l'article GN13 dispose : "L'exploitant ne peut effectuer ou effectuer en présence du public des travaux qui feraient courir un danger quelconque à ce dernier ou qui apporteraient une gêne à son évacuation". La consultation de Légifrance révèle que sa rédaction résulte d'un arrêté du 7 juillet 1983, ce que précise au demeurant l'expert en pages 15 et 37 du rapport. Enfin, il n'existe ni contradictions ni incohérences dans le rapport d'expertise, les appelantes dénaturant ou sortant de leur contexte les propos de l'expert. La demande de permis de construire modificatif pour satisfaire aux prescriptions de l'arrêté de 1980 incombait à la société Medica Foncière parce que, comme le rappelle M. [L], toutes les démarches et relations avec les administrations sont de la compétence du maître de l'ouvrage. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, le respect de la réglementation auquel est tenu l'architecte s'entend des règles qui sont indispensables à l'élaboration de son projet, en matière de mitoyenneté, de construction, d'assainissement ou d'urbanisme. De même, le devoir de conseil ne s'applique qu'aux domaines de sa compétence. Les règles de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les ERP n'en font pas partie et relèvent de la responsabilité propre du chef d'établissement. Dans le cas d'espèce, les appelantes connaissaient les démarches à accomplir puisque, dans le compte-rendu du 17 mars 2011, il est écrit qu'il avait été demandé à la société ADDA de réclamer à la société Bureau Véritas un chiffrage ''pour rédiger une notice GNJ 3. Suite à la visite du site, il apparaît que cette prestation est réellement nécessaire. A poursuivre". Or, il est constant qu'aucune démarche n'a été faite. Les appelantes qui sont respectivement maître de l'ouvrage et exploitante et filiales du même groupe sont bien les seules responsables de l'absence de saisine de l'autorité administrative. Les maîtres d'oeuvre ont réalisé un phasage par demi-niveau à la demande expresse de la société Medica Foncière (cf. les comptes-rendus précités), laquelle est donc malvenue de leur faire grief de ne pas lui avoir proposé d'emblée un phasage "conforme à la réglementation". Les appelantes reprochent également aux maîtres d'oeuvre de n'avoir pas proposé à la commission de sécurité un phasage des travaux compatible avec le maintien des résidents sur un demi niveau. Elles affirment que cela était possible, leurs conseils techniques ayant soumis à l'expert judiciaire des solutions alternatives. Il a été vu plus haut que le sapiteur a indiqué que certaines de leurs dispositions étaient incompatibles notamment avec la norme J31 relative à l'évacuation des personnes tout en relevant qu'une adaptation est toujours possible après une négociation avec la commission de sécurité. Toutefois, il n'y a pas lieu d'entrer dans ce débat. En effet, il est écrit dans le procès-verbal de la commission du 13 février 2012 "Le 3ème étage devra être totalement inoccupé." Il ne fait donc aucun doute que la commission de sécurité aurait refusé des solutions alternatives fondées sur une occupation des demi niveaux. Ensuite, c'est parce que la société Medica Foncière n'avait pas mis la commission de sécurité en position de donner un avis sur l'organisation projetée avant le démarrage des travaux qu'elle a perdu la chance de la convaincre d'accepter des adaptations lui permettant de limiter ses pertes d'exploitation. Ce deuxième grief n'est donc pas davantage fondé. Enfin, les appelantes reprochent aux maîtres d'oeuvre leur amateurisme et leur incapacité à établir un dossier correctif complet permettant de poursuivre les travaux en toute sécurité." Le fait pour ces derniers de ne pas avoir anticipé les mesures qui ont demandées par la commission ne constitue pas une faute et les préjudices allégués par les appelantes sont la conséquence de l'arrêt de chantier et non de cette prétendue faute. Les appelantes sont déboutées de toutes leurs demandes contre la société ADDA et la société Bétom Ingénierie et le jugement infirmé. Les demandes de garantie deviennent sans objet » ;

et aux motifs adoptés que « Sur la demande reconventionnelle de la SAS BREZILLON : L'entreprise générale a présenté le 26/03/2012 un devis de 154 234 € TTC à la Maîtrise d'oeuvre et à la Maîtrise d'ouvrage, de travaux supplémentaires liés à l'arrêt du chantier ; Cette demande n'a pas été contestée par ces derniers, mais non suivie d'effet ; elle correspondait à des coûts supplémentaires par rapport au devis initial dû au changement de phasage et de méthodologie d'exécution du chantier, décidés par la Maîtrise d'oeuvre ; Ces coûts sont directement la conséquence de la décision de l'arrêt du chantier par les services de sécurité et des exigences pour la reprise des travaux ; Il a été arrêté supra que la responsabilité incombe à la fois à la Maîtrise d'ouvrage et la Maîtrise d'oeuvre qui doivent donc supporter les conséquences de leurs défaillance ; En conséquence la SNC MEDICA FONCIERE 92 sera condamnée à payer à la SAS BREZILLON la somme TTC de 154 234,79 € majorée des intérêts de tard au taux légal à compter du 17/8/2012, sur présentation d'une facture régulière à son nom, mentionnant le détail et la TVA ; S'y ajoutera la somme de 40 € pour frais de recouvrement conformément aux dispositions de l'article L 441-6 du code de commerce ; Le Cabinet ADDA et la SAS BETOM solidairement seront condamné à payer à MEDICA FONCIERE 92 la moitié de la somme HT de 128 958,85 € et des frais, soit 64 500 € » ;

alors 1/ que chargé de la direction et du contrôle des travaux, le maître d'oeuvre doit s'assurer que le chantier répond aux prescriptions réglementaires en matière de sécurité, notamment à celles liées au risque d'incendie ; que son devoir de conseil l'oblige ainsi, le cas échéant, à alerter le maître d'ouvrage sur la nécessité de déposer toute demande d'autorisation administrative afin de satisfaire aux prescriptions de l'arrêté du 25 juin 1980 relatives à la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ; qu'en jugeant que l'architecte, maître d'oeuvre, n'était tenu que du respect de la réglementation indispensable à l'élaboration de son projet en matière de mitoyenneté, construction, assainissement et urbanisme, et que son devoir de conseil ne s'appliquait qu'aux domaines de sa compétence, dont ne feraient pas partie les règles de sécurité contre les incendies, lesquelles relèveraient de la responsabilité propre du chef d'établissement, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 2/ qu'en jugeant que les règles de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ne relevaient pas de la mission des sociétés ADDA et Bétom Ingénierie sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas des stipulations du contrat du 15 octobre 2010 que ces sociétés s'étaient vues confier une mission complète de maîtrise d'oeuvre incluant les différentes exigences administratives de l'opération immobilière, dont celles liées à la sécurité contre le risque d'incendie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 3/ que chargé de la direction et du contrôle des travaux, le maître d'oeuvre doit s'assurer que le chantier répond aux prescriptions réglementaires en matière de sécurité, notamment à celles liées au risque d'incendie ; qu'il doit donc s'assurer de l'accomplissement des démarches administratives nécessaires au respect de ces prescriptions et vérifier le cas échéant que l'autorisation administrative de réaliser les travaux en site occupé par le public a été sollicitée et obtenue ; que pour dire que l'arrêt du chantier était exclusivement imputable au maître d'ouvrage ainsi qu'à l'exploitant, la cour d'appel a retenu que les sociétés appelantes connaissaient les démarches à accomplir pour la mise en conformité du chantier puisque, dans le compte-rendu du 17 mars 2011, il était écrit qu'il avait été demandé à la société ADDA de réclamer à la société Bureau Véritas un chiffrage pour rédiger la notice GN 13 nécessaire à l'obtention de l'autorisation administrative de réaliser les travaux en site occupé en vertu de l'arrêté du 25 juin 1980 ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure la responsabilité des maîtres d'oeuvre, lesquels devaient vérifier que les démarches nécessaires avaient été réellement accomplies et avaient été fructueuses, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 4/ que tenu d'un devoir de conseil, le maître d'oeuvre doit refuser la direction de travaux non-conformes à la réglementation ou aux règles de l'art ; que pour dire que l'arrêt du chantier était exclusivement imputable au maître d'ouvrage ainsi qu'à l'exploitant, la cour d'appel a retenu que la société Medica Foncière Garches 92 était malvenue de reprocher aux maîtres d'oeuvre d'avoir réalisé un phasage des travaux par demi-niveau et de ne pas lui avoir proposé d'emblée un phasage conforme à la réglementation, dans la mesure où le phasage par demi-niveau a été réalisé à sa demande ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 5/ que le maître d'oeuvre demeure tenu de son devoir de conseil, même si le maître de l'ouvrage est compétent en matière de construction ou au regard de la nature de l'opération immobilière à réaliser ; que pour dire que l'arrêt du chantier était exclusivement imputable au maître d'ouvrage et à l'exploitant, la cour d'appel a retenu qu'assistée d'un maître de l'ouvrage délégué expérimenté et compétent, et elle-même expérimentée dans le domaine de la construction d'EHPAD, la société Medica Foncière Garches 92 s'était abstenue de solliciter l'autorisation administrative nécessaire à ce que les travaux se déroulent en site occupé en vertu de l'arrêté du 25 juin 1980 ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure la responsabilité des maîtres d'oeuvre, tenus d'un devoir de conseil, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir débouté Villa d'Epidaure de ses demandes contre les sociétés ADDA et Bétom Ingénierie ;

aux motifs que « Les sociétés Medica Foncière et Villa d'Epidaure et les sociétés ADDA et Bétom Ingénierie sollicitent l'infirmation du jugement qui a opéré un partage de responsabilité par moitié entre elles, les premières, au motif que, filiales du Groupe Le Noble Age, compétentes et expérimentées en matière de construction et de gestion de maisons de retraite, elle connaissaient parfaitement les règles applicables, les secondes, qu'elles ne pouvaient ignorer les contraintes de sécurité dans la conduite de ce chantier et, en vertu de leur devoir de conseil, auraient dû attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur le problème de sécurité. Il a dit que les quatre sociétés étaient responsables de l'absence de déclaration des travaux en site occupé dans le dossier de permis de construire. Il ressort du rapport d'expertise que : - l'EHPAD L Villa d'Epidaure est un établissement recevant du public (ERP) de type J de 4eme catégorie ; en application de l'article GN13 de l'arrêté du 25 juin 1980 portant. approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les ERP, l'accord préalable de la commission de sécurité était requis; si les travaux doivent durer plus de 24 heures ou risquent de perturber l'évacuation des personnes, une demande doit être présentée à l'autorité administrative au moins 15 jours avant le début des travaux en précisant les précautions prises tant pour leur réalisation que par rapport au reste de l'établissement ; par conséquent, quelle que soit la solution envisagée, il convient d'obtenir l'autorisation préalable de l'administration ; il n'existe pas de réglementation au sens strict du terme définissant des modalités de réalisation des travaux ; la commission de sécurité a un pouvoir souverain d'appréciation en fonction des risques encourus; -il est impossible de dire si les deux solutions alternatives présentées par le maître de l'ouvrage au cours des opérations d'expertise conservant les demi niveaux auraient pu être agréées ; l'avis du sapiteur est joint qui énumère les prescriptions qui posaient difficulté au regard de certaines dispositions et qui auraient nécessité des discussions avec la commission de sécurité, laquelle peut accepter des adaptations ; - M. [L] conclut que le maître de l'ouvrage, dont il souligne qu'il était assisté d'un maître de l'ouvrage délégué compétent et expérimenté, le Groupe Le Noble Age, en raison de la complexité de l'opération selon les termes du préambule de leur accord d'octobre 2010, a commis des manquements graves qui sont à l'origine des difficultés rencontrées qu'il explicite ainsi : * le programme annexé au contrat de maîtrise d'oeuvre ne faisait pas état de la volonté du maître de l'ouvrage de maintenir l'exploitation pendant les travaux ; il a pris cette décision ultérieurement, après le dépôt du dossier de permis de construire en novembre 2010 ; il résulte d'un compte-rendu de réunion du 17 mars 2011 qu'il avait identifié la nécessité de produire la notice GN13 mais cette démarche n'a pas été suivie d'effet car il n'a pas mis en oeuvre les moyens pour l'obtenir; *le maître de l'ouvrage a signé l'ordre de service de démarrage des travaux le 24 novembre 2011 sans avoir levé cette contrainte qui s'opposait pourtant à l'intervention des entreprises sur le site, en méconnaissance des stipulations contractuelles qui le liaient avec les maîtres d'oeuvre, ni celle induite par la prescription n° 8 du PV n°1000/10 du 20 décembre 2010 alors que cette démarche aurait permis de constater que les dispositions réglementaires applicables aux travaux en ERP avaient été omises ; * les démarches de saisine de l'autorité administrative sont une prérogative du maître de l'ouvrage, a fortiori lorsqu' il est expérimenté, et non du maître d'oeuvre ; la connaissance par ce dernier de la réalisation de travaux en site occupé ne lui transfère pas la responsabilité d'entamer ces démarches ; demander au contrôleur technique un chiffrage de la rédaction de la notice GN13 n'entrait pas dans le cadre du contrat de maîtrise d'oeuvre et ne dispensait pas le maître de l'ouvrage du respect de ses obligations ; le dépôt du permis de construire modificatif pour informer la Ville de la réalisation des travaux en site occupé incombait au maître de l'ouvrage, c'était à lui de demander au maître d'oeuvre de préparer un dossier à cet effet ; -les sociétés ADDA, Bétom Ingénierie et Bureau Véritas n'ont commis aucune faute dans l'accomplissement des missions qui leur avaient été confiées par le maître de l'ouvrage. Les appelantes contestent ces conclusions. Elles soutiennent que la décision de faire réaliser les travaux en site occupé était prise dès le début du projet. Cependant, elles n'en rapportent pas la preuve, le courriel de la société Bétom du 19 octobre 2010 n'en faisant pas état et le CCAP qui le mentionne étant d'octobre 2011. Il ressort des pièces versées aux débats que la première mention de travaux en site occupé avec libération d'un demi-étage figure dans un compte-rendu de réunion du maître de l'ouvrage du 14 janvier 2011 à laquelle les deux maîtres d'oeuvre assistaient (pièce 1 de la société Bétom) puis dans le compte-rendu d'une seconde réunion tenue le 17 mars 2011 dans la même configuration. Et maître de l'ouvrage avait justifié cette décision par le souci de limiter les pertes d'exploitation dans un courrier adressé à la société ADDA le 29 mai 2012. En second lieu, elles font grief à l'expert de ne pas avoir répondu aux observations de leur conseil technique selon lesquelles c'est la réglementation de type U qui était applicable compte tenu de la date de construction de l'établissement, avant 1991, et non celle de type J. Elles ne produisent ni ces notes ni la réglementation invoquée et ne démontrent pas en quoi cette question modifierait les termes du litige. En effet, l'article GN13 dispose : "L'exploitant ne peut effectuer ou effectuer en présence du public des travaux qui feraient courir un danger quelconque à ce dernier ou qui apporteraient une gêne à son évacuation". La consultation de Légifrance révèle que sa rédaction résulte d'un arrêté du 7 juillet 1983, ce que précise au demeurant l'expert en pages 15 et 37 du rapport. Enfin, il n'existe ni contradictions ni incohérences dans le rapport d'expertise, les appelantes dénaturant ou sortant de leur contexte les propos de l'expert. La demande de permis de construire modificatif pour satisfaire aux prescriptions de l'arrêté de 1980 incombait à la société Medica Foncière parce que, comme le rappelle M. [L], toutes les démarches et relations avec les administrations sont de la compétence du maître de l'ouvrage. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, le respect de la réglementation auquel est tenu l'architecte s'entend des règles qui sont indispensables à l'élaboration de son projet, en matière de mitoyenneté, de construction, d'assainissement ou d'urbanisme. De même, le devoir de conseil ne s'applique qu'aux domaines de sa compétence. Les règles de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les ERP n'en font pas partie et relèvent de la responsabilité propre du chef d'établissement. Dans le cas d'espèce, les appelantes connaissaient les démarches à accomplir puisque, dans le compte-rendu du 17 mars 2011, il est écrit qu'il avait été demandé à la société ADDA de réclamer à la société Bureau Véritas un chiffrage ''pour rédiger une notice GNJ 3. Suite à la visite du site, il apparaît que cette prestation est réellement nécessaire. A poursuivre". Or, il est constant qu'aucune démarche n'a été faite. Les appelantes qui sont respectivement maître de l'ouvrage et exploitante et filiales du même groupe sont bien les seules responsables de l'absence de saisine de l'autorité administrative. Les maîtres d'oeuvre ont réalisé un phasage par demi-niveau à la demande expresse de la société Medica Foncière (cf. les comptes-rendus précités), laquelle est donc malvenue de leur faire grief de ne pas lui avoir proposé d'emblée un phasage "conforme à la réglementation". Les appelantes reprochent également aux maîtres d'oeuvre de n'avoir pas proposé à la commission de sécurité un phasage des travaux compatible avec le maintien des résidents sur un demi niveau. Elles affirment que cela était possible, leurs conseils techniques ayant soumis à l'expert judiciaire des solutions alternatives. Il a été vu plus haut que le sapiteur a indiqué que certaines de leurs dispositions étaient incompatibles notamment avec la norme J31 relative à l'évacuation des personnes tout en relevant qu'une adaptation est toujours possible après une négociation avec la commission de sécurité. Toutefois, il n'y a pas lieu d'entrer dans ce débat. En effet, il est écrit dans le procès-verbal de la commission du 13 février 2012 "Le 3ème étage devra être totalement inoccupé." Il ne fait donc aucun doute que la commission de sécurité aurait refusé des solutions alternatives fondées sur une occupation des demi niveaux. Ensuite, c'est parce que la société Medica Foncière n'avait pas mis la commission de sécurité en position de donner un avis sur l'organisation projetée avant le démarrage des travaux qu'elle a perdu la chance de la convaincre d'accepter des adaptations lui permettant de limiter ses pertes d'exploitation. Ce deuxième grief n'est donc pas davantage fondé. Enfin, les appelantes reprochent aux maîtres d'oeuvre leur amateurisme et leur incapacité à établir un dossier correctif complet permettant de poursuivre les travaux en toute sécurité." Le fait pour ces derniers de ne pas avoir anticipé les mesures qui ont demandées par la commission ne constitue pas une faute et les préjudices allégués par les appelantes sont la conséquence de l'arrêt de chantier et non de cette prétendue faute. Les appelantes sont déboutées de toutes leurs demandes contre la société ADDA et la société Bétom Ingénierie et le jugement infirmé. Les demandes de garantie deviennent sans objet » ;

alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision censurée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que pour débouter Villa d'Epidaure de ses demandes contre les sociétés ADDA et Bétom Ingénierie, la cour d'appel a dit que les appelantes, respectivement maître de l'ouvrage et exploitante, étaient les seules responsables de l'absence de saisine de l'autorité administrative et que les règles de sécurité contre les risques d'incendie et de panique ne relevaient pas du devoir de conseil du maître d'oeuvre ; que dans la mesure où le premier moyen de cassation démontre le contraire, la censure à intervenir atteindra également l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes de Villa d'Epidaure, en application de l'article 624 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2021:C300869

vendredi 2 avril 2021

Le coordonnateur exerce sa mission sous la responsabilité du maître d'ouvrage, mais sans obligation particulière de sécurité ou de prudence à la charge de ce dernier

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° A 20-81.316 FS-P+I

N° 00234


ECF
16 MARS 2021


CASSATION SANS RENVOI


M. SOULARD président,









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 MARS 2021



La société Espace expansion a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 17 décembre 2019, qui, pour blessures involontaires, l'a condamnée à 20 000 euros d'amende.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Espace expansion, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, MM. Bonnal, Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de Lamarzelle, M. Violeau, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 19 janvier 2007, la société Espace expansion, désignée comme maître d'ouvrage délégué, a conclu une mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé avec le Bureau Veritas pour un chantier de restructuration d'un centre commercial.

3. Le 13 février 2007, alors que deux salariés de la société Metal design procédaient sur un échafaudage à la démolition d'un mur, M. R..., salarié de la société chargée des travaux d'électricité, a été victime d'un accident du travail dû à l'effondrement de ce mur, qui lui a occasionné une incapacité totale de travail de six semaines.

4. L'enquête diligentée a mis en évidence que ni l'entrepreneur principal ni les deux sociétés précitées sous-traitantes n'avaient reçu communication du plan général de coordination établi par le Bureau Veritas et n'avaient rédigé de plan particulier de sécurité et de protection de la santé.

5. La société Espace expansion a été citée devant le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires ayant causé une incapacité de travail inférieure à trois mois par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce notamment « en ne s'assurant pas de la mise en place des mesures de prévention définies par le plan général de coordination pour la sécurité des travailleurs, ainsi que [de] leur application par les entreprises intervenantes sur le chantier ».

6. Les juges du premier degré ont déclaré la société Espace expansion coupable dans les termes de la prévention.

7. La société a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société Espace expansion coupable des faits de blessures involontaires par personne morale suivies d'incapacité n'excédant pas trois mois dans le cadre du travail, causées par une violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence, commis le 13 février 2007 à Lille, et a condamné la société Espace expansion au paiement d'une amende de 20 000 euros, alors :

« 1°/ que le délit de blessures involontaires n'est constitué qu'en cas de violation manifestement délibérée par le prévenu d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ; que la seule obligation légale et réglementaire pesant sur le maître d'ouvrage consiste à organiser une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs sur le chantier, par la désignation d'un coordonnateur et elle n'impose pas au maître d'ouvrage la vérification de la transmission par le coordonnateur du plan général de coordination aux entreprises intervenant sur le chantier ; que la cour d'appel a constaté que la société Espace expansion, maître d'ouvrage délégué, avait désigné un tel coordonnateur, savoir le Bureau Veritas, avec mission de veiller à la sécurité et la santé des travailleurs sur le chantier, d'où il suivait que la société Espace expansion avait rempli son obligation légale ; qu'en retenant au contraire que la société Espace expansion avait manqué à une obligation légale et réglementaire lui incombant, par la considération erronée qu'il lui aurait incombé de contrôler la transmission, par le coordonnateur, du plan général de coordination aux entreprises intervenant sur le chantier, la cour d'appel a violé les articles 222-20 du code pénal, L. 235-3 et suivants et R. 238-18 du code du travail, ces derniers dans leur rédaction applicable au moment des faits ;

2°/ qu'en retenant que la société Espace expansion, maître d'ouvrage, avait manqué à son obligation de surveiller la bonne exécution du contrat par lequel le Bureau Veritas s'était vu confier la mission de coordonner le chantier, motif pris de ce que la mission légale et réglementaire de mise en place et de respect des mesures de sécurité des travailleurs, pesant sur le coordonnateur, se faisait sous la responsabilité du maître d'ouvrage, cependant qu'une telle obligation de surveillance de l'exécution par le coordonnateur de sa mission ne constitue pas une obligation particulière de prudence ou de sécurité, mais une obligation générale, la cour d'appel a violé les articles 222-20 du code pénal, R. 238-18 du code du travail, dans sa rédaction applicable au moment des faits ;

3°/ qu'en retenant une violation manifestement délibérée, par la société Espace expansion, des dispositions de l'article R. 238-18 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, par la considération que celle-ci s'était désintéressée de la bonne exécution par le Bureau Veritas du contrat lui confiant une mission de coordination, quand un tel désintérêt n'était pas de nature à caractériser que la société Espace expansion aurait sciemment manqué à une telle obligation, la cour d'appel a violé l'article 222-20 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 222-20 du code pénal :

9. Il résulte de ce texte que le délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois ne peut être caractérisé qu'en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement.

10. Pour déclarer la société Espace expansion coupable de ce délit, l'arrêt relève qu'il résulte des auditions des responsables des sociétés présentes sur le chantier que le plan général de coordination ne leur a pas été communiqué.

11. Les juges énoncent qu'en ne vérifiant pas la transmission des règles de sécurité définies dans le plan général de coordination à l'ensemble des entreprises intervenantes, la société prévenue a violé une obligation légale particulière en matière de sécurité qui lui était imposée par les dispositions de l'article R. 238-18, 3°, b, du code du travail, applicable à la date des faits, repris sous les articles R. 4532-11 et R. 4532-13 dudit code.

12. Ils ajoutent que la signature du contrat de coordination conclu avec le Bureau Veritas ne décharge pas la société maître d'ouvrage de sa responsabilité de s'assurer de la mise en place et du respect des mesures de sécurité des travailleurs.

13. Ils énoncent encore que la société Espace expansion s'est désintéressée de la bonne exécution du contrat de coordination et qu'un de ses représentants, présent sur le chantier, a confié la vérification du respect des normes de sécurité aux agents de sécurité du centre commercial non rémunérés pour cette mission et non concernés par ce chantier.

14. Ils en déduisent qu'en ne s'assurant pas de la transmission du plan général de coordination qui fixait des obligations en matière de démolition, qui n'ont pas été mises en oeuvre et qui auraient permis d'éviter l'accident, la société prévenue a violé, de manière manifestement délibérée, l'obligation particulière de sécurité définie à l'article R.238-18 du code du travail.

15. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé.

16. En effet, si l'article R. 238-18, 3°, b), devenu l'article R. 4532-11, alinéa 2, du code du travail, dispose que le coordonnateur exerce sa mission sous la responsabilité du maître d'ouvrage, il n'édicte pas d'obligation particulière de sécurité ou de prudence à la charge de ce dernier, au sens de l'article 222-20 du code pénal.

17. Il s'ensuit que la cassation est encourue.

Portée et conséquences de la cassation

18. N'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 17 décembre 2019 ;

RAPPELLE que du fait de la présente décision, le jugement de première instance perd toute force exécutoire ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

vendredi 6 novembre 2020

Celui qui est chargé de la maintenance d’une porte automatique d’accès à un parking est tenu d’une obligation de résultat

 

Note O. Penin, D 2021, p. 68.

Note V. Mazeaud, GP 2021-2, p. 30.
Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb. 2021-1, p.  29.

Arrêt n°773 du 5 novembre 2020 (19-10.857) - Cour de cassation - Troisième chambre civile
-ECLI:FR:CCAS:2020:C300773

CONTRAT D’ENTRETIEN

Cassation partielle

Demandeur(s) : M. A... X..., agissant tant à titre personnel qu’ès qualité de représentant légal de sa fille mineure B... X...
Défendeur(s) : Mme B... Y..., épouse X... et autre(s)


Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 15 mars 2018), M. X..., locataire de la société SCIC résidences, a été blessé par la porte automatique d’accès au parking de son immeuble, qui ne s’est pas refermée et qu’il a voulu fermer manuellement.

2. M. X..., agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentant légal de sa fille mineure B... X..., et Mme Y..., son épouse, ont assigné la société UEA, auprès de laquelle la propriétaire de l’immeuble était assurée, en réparation de leurs préjudices et la caisse primaire d’assurance maladie de Haute-Savoie, en déclaration de jugement commun. La société GCE assurances, venant aux droits de la société UEA, a appelé en garantie la société Thyssenkrupp ascenseurs, chargée de la maintenance de la porte.

Examen des moyens

Sur les deux moyens du pourvoi principal, ci-après annexés

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société BPCE assurances, venant aux droits de la société GCE assurances, fait grief à l’arrêt de mettre hors de cause la société Thyssenkrupp ascenseurs et de rejeter sa demande en garantie dirigée contre celle-ci, alors « que celui qui est chargé de la maintenance et de l’entretien complet d’une porte automatique de garage est tenu d’une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité ; qu’en ayant retenu que la société ThyssenKrupp ascenseurs n’était tenue qu’à une obligation de moyens, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.  »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 :

5. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

6. Pour mettre hors de cause la société Thyssenkrupp ascenseurs et rejeter la demande en garantie formée contre elle par la société BPCE assurances, l’arrêt retient que, dans la mesure où, en conformité avec la réglementation, il peut s’écouler six mois entre deux visites d’entretien et où, durant ces périodes, l’intervention de la société Thyssenkrupp ascenseurs en raison d’un dysfonctionnement de tout ordre de la porte de garage est conditionnée par le signalement du gardien de l’immeuble, l’obligation de sécurité pesant sur la société chargée de l’entretien ne peut qu’être de moyen s’agissant des avaries survenant entre deux visites et sans lien avec l’une de ces visites.

7. En statuant ainsi, alors que celui qui est chargé de la maintenance d’une porte automatique d’accès à un parking est tenu d’une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de l’appareil, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de garantie formée par la société BPCE assurances contre la société Thyssenkrupp ascenseurs et qu’il met celle-ci hors de cause, l’arrêt rendu le 15 mars 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;


Président : M. Chauvin
Rapporteur : M. Bech
Avocat général : M. Burgaud, avocat général référendaire
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh - SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP L. Poulet-Odent

mercredi 2 octobre 2019

Préjudice d'anxiété des salariés

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 11 septembre 2019
N° de pourvoi: 18-50.030
Publié au bulletin Cassation

M. Cathala (président), président
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. N... et trente-cinq autres salariés ont été engagés par la société Progil, aux droits de laquelle vient la société Rhodia opérations (la société) ; que par un arrêté ministériel du 30 septembre 2005, l'établissement de Pont-de-Claix, au sein duquel ils ont travaillé, a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période 1916-2001 ; que par un arrêté ministériel du 23 août 2013, cette période a été étendue jusqu'en 2005 ; qu'entre les 31 décembre 2014 et 26 mai 2015, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir réparation notamment d'un préjudice d'anxiété ; que le syndicat CGT des personnels du site chimique de Pont-de-Claix (le syndicat) est intervenu à l'instance ; Sur le premier moyen du pourvoi principal : Vu l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'article 26, II, de cette même loi et l'article 2224 du code civil ; Attendu que pour déclarer recevable l'action des salariés, l'arrêt retient que par un arrêté ministériel du 30 septembre 2005, l'employeur a été classé sur la liste des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante pour les périodes allant de 1916 à 1996 et de 1997 à 2001, qu'un second arrêté ministériel du 23 août 2013 est venu étendre la période d'exposition de 2002 à 2005 ; que c'est donc seulement à cette date que les salariés ont eu pleinement connaissance de la période pendant laquelle ils ont été exposés, qu'ils ont alors eu un délai de cinq ans, en application de l'article 2224 du code civil, pour engager une action en vue de voir réparer leur préjudice d'anxiété, que dès lors qu'ils ont agi entre le 31 décembre 2014 et le 26 mai 2015, leur action n'est pas prescrite ; Attendu cependant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que les salariés avaient eu connaissance du risque à l'origine de l'anxiété dès l'arrêté ministériel du 30 septembre 2005 ayant inscrit l'établissement sur la liste permettant la mise en œuvre du régime légal de l'ACAATA, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif relatif à la recevabilité de l'action entraîne, par voie de conséquence, la cassation d'une part des dispositions condamnant la société à payer des dommages-intérêts aux salariés et au syndicat, d'autre part des dispositions rejetant les demandes des salariés en réparation au titre de l'obligation de sécurité et de loyauté ; 


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille dix-neuf. 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt. Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Rhodia opérations. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable, comme non prescrite, l'action des défendeurs au pourvoi, d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a reconnu le préjudice d'anxiété des salariés demandeurs et de leurs ayants-droits, d'avoir condamné la société Rhodia Chimie à verser aux défendeurs au pourvoi une somme de 15.000 € chacun en réparation du préjudice d'anxiété, et d'avoir condamné la société Rhodia Opérations à verser au syndicat CGT du site de Pont-de-Claix une somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QUE « Sur la recevabilité des demandes des salariés et de leurs ayant-droits : Le salarié bénéficiaire de l'ACAATA n'a connaissance du risque à l'origine de son anxiété qu'à compter de l'arrêté ministériel ayant inscrit l'activité de son employeur sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre du dispositif de la loi du 23 décembre 1998. En l'espèce, les demandeurs ont tous travaillé sur le site de la plate-forme chimique du Pont de Claix entre 2002 et 2005. Or, par arrêté ministériel du 30 septembre 2005, les sociétés CHLORE LIQUIDE, PROGIL, RHONE POULENC puis CHLORALP ont été classées sur la liste des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante pour les périodes allant de 1916 à 1996 et de 1997 à 2001. Un second arrêté ministériel en date du 23 août 2013, publié au journal officiel du 4 septembre suivant, est venu étendre la période d'exposition de 2002 à 2005. C'est donc seulement à cette date que les salariés ont eu pleinement connaissance de la période pendant laquelle ils ont été exposés, soit jusqu'à la fin de l'année 2005. Les salariés avaient alors un délai de cinq ans, en application de l'article 2224 du Code civil, pour engager une action en vue de voir réparer leur préjudice d'anxiété. Or, ils ont agi entre le 31 décembre 2014 et le 26 juin 2015. Leur action n'est donc pas prescrite et le jugement sera confirmé sur ce point » ; ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « Sur la recevabilité de l'action des demandeurs : que par arrêté du 30 septembre 2005, la SAS RHODIA OPERATIONS était inscrite sur la liste des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante pour la période de 1916 à 1996 et de 1997 à 2001 ; que par arrêté du 23 août 2013, la SAS RHODIA OPERATIONS était confirmée sur la liste des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante avec modification de la période de référence, la portant de 1916 à 1996, de 1997 à 2001 et de 2002 à 2005 ; que les salariés demandeurs ont travaillé durant la nouvelle période incluse dans l'extension prise par l'arrêté du 23 août 2013, soit après 2001 ; que ce n'est qu'à compter de la publication de cet arrêté, soit le 4 septembre 2013, qu'ils ont été informés de ce qu'ils avaient été exposés à l'amiante au-delà de 2002 ; qu'en conséquence, leur action n'est pas prescrite et qu'il convient de déclarer leurs demandes recevables » ; 1. ALORS QUE selon l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par l'amiante, mais est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés, naît à la date à laquelle ces derniers ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur les listes des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée (ACAATA) ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, d'une part, les salariés défendeurs ont été engagés par la société Progil et ont travaillé successivement pour celle-ci et les différentes sociétés ayant exploité le site chimique de Pont-de-Claix, aux droits desquelles vient désormais la société Rhodia Opérations, et que, d'autre part, l'établissement de Pont-de-Claix a été classé sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA par arrêté ministériel du 30 septembre 2005 pour les périodes allant « de 1916 à 1998 » et « de 1997 à 2001 » ; que, dès lors qu'ils avaient travaillé au sein de l'établissement au cours de ces périodes, le préjudice d'anxiété est né et s'est réalisé à la date de publication de l'arrêté du 30 septembre 2005 au Journal officiel du 14 octobre 2005, de sorte que leurs actions introduites entre le 31 décembre 2014 et le 26 juin 2015, soit plus de neuf ans après la publication de l'arrêté de classement de l'établissement et plus de cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 soumettant les actions personnelles à la prescription quinquennale, étaient irrecevables comme prescrites ; qu'en déclarant néanmoins ces actions recevables, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, ensemble les articles 26 de la loi du 17 juin 2008 et 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ; 2. ALORS QU'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, d'une part, les salariés défendeurs ont été engagés par la société Progil et ont travaillé successivement pour celle-ci et les différentes sociétés ayant exploité le site chimique de Pont-de-Claix, aux droits desquelles vient désormais la société Rhodia Opérations, et que, d'autre part, l'établissement de Pont-de-Claix a été classé sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA par arrêté ministériel du 30 septembre 2005 pour les périodes allant « de 1916 à 1998 » et « de 1997 à 2001 » ; que, dès lors qu'ils avaient travaillé au sein de l'établissement au cours de ces périodes, le préjudice d'anxiété est né et s'est réalisé à la date de publication de l'arrêté du 30 septembre 2005 au Journal officiel du 14 octobre 2005 ; que la publication d'un arrêté ministériel modificatif du 23 août 2013 étendant la période de travail susceptible de donner droit à l'ACAATA de 2002 à 2005 était sans aucun effet sur l'existence et la substance du préjudice d'anxiété des salariés ayant travaillé au sein de l'établissement antérieurement à cette période et ne pouvait donc, pour ces salariés, avoir pour effet de faire renaître le droit d'agir en réparation de ce préjudice ; qu'en jugeant que la prescription quinquennale avait commencé à courir, pour les salariés ayant travaillé au sein de l'établissement au cours de la période couverte par l'arrêté du 30 septembre 2005 à compter de l'arrêté du 23 août 2013, la cour d'appel a violé l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, ensemble les articles 26 de la loi du 17 juin 2008, 2224 du code civil, 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et 41 de la loi du 23 décembre 1998. SECOND MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a reconnu le préjudice d'anxiété des salariés demandeurs et de leurs ayants droits, d'avoir condamné la société Rhodia Chimie à verser aux défendeurs au pourvoi une somme de 15.000 € chacun en réparation du préjudice d'anxiété, et d'avoir condamné la société Rhodia Opérations à verser au syndicat CGT du site de Pont-de-Claix une somme de 2.000 € de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QUE « Sur le préjudice d'anxiété' : Le salarié qui a travaillé dans un établissement figurant sur la liste des établissements répertoriés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 pendant une période où y étaient fabriqués ou traités des produits contenant de l'amiante, peut demander réparation du préjudice d'anxiété résultant de la situation d'inquiétude permanente dans laquelle il se trouve, du fait de son employeur, face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante. L'indemnisation n'est pas subordonnée à la preuve que le salarié se soumette à des contrôles et des examens médicaux réguliers et elle répare l'ensemble des troubles psychologiques y compris ceux liés aux bouleversements dans les conditions d'existence. Par ailleurs, l'arrêté de classement de l'établissement de Pont de Claix n'a pas limité le bénéfice du dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à quelques catégories de travailleurs. Il en résulte que tous les salariés qui ont été affectés dans cet établissement entre 1916 et 2005 ont été exposés à l'amiante et sont susceptibles de développer une des maladies liées à l'amiante. Il est constant que les salariés ont travaillé sur le site de Pont de Claix pendant la période fixée par l'arrêté de classement de l'établissement sur la liste des établissements ouvrant droit aux dispositions de l'article 41 sus visé pour la période allant de 1916 à 2005 et ont par conséquent été exposés à l'amiante par la faute de leur employeur. Ils sont donc fondés à demander réparation de leur préjudice d'anxiété. Il sera en conséquence alloué à chacun d'eux la somme de 15.000 € en réparation de ce préjudice important » ; ALORS QUE le salarié qui recherche la responsabilité de son employeur doit justifier des préjudices qu'il invoque en faisant état d'éléments personnels et circonstanciés pertinents ; que la circonstance qu'il ait travaillé dans un établissement susceptible d'ouvrir droit à l'ACAATA ne dispense pas l'intéressé, qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, de justifier de tels éléments personnels et circonstanciés ; qu'en dispensant les défendeurs au pourvoi de justifier de leur situation par des éléments personnels et circonstanciés pour leur allouer à chacun une somme forfaitaire de 15.000 € en réparation du préjudice d'anxiété pour avoir travaillé au sein de l'établissement de Pont-de-Claix, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et du principe de la réparation intégrale du préjudice. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. N... et quarante-huit autres. Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les salariés de leur demande de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de loyauté ; AUX MOTIFS QUE les salariés ne démontrent pas que l'employeur ait refusé de leur délivrer une attestation d'exposition à l'amiante ni qu'ils n'aient pu bénéficier du suivi médical post-professionnel de ce fait ; Que par ailleurs, le décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante, pris en application du code du travail et du code de la consommation édicte, au titre de la protection des travailleurs, que sont interdites, en application de l'article L. 231-7 du code du travail (devenu les articles L. 4411-1 et suivants du code du travail), la fabrication, la transformation, la vente, l'importation, la mise sur le marché national et la cession à quelque titre que ce soit de toutes variétés de fibres d'amiante, que ces substances soient ou non incorporées dans des matériaux, produits ou dispositifs et ce à compter du 1er janvier 1997 ; Que la société Chloralp a bénéficié d'une dérogation jusqu'au 31 décembre 2001 pour continuer à utiliser de l'amiante ; Qu'en l'espèce, il ressort du rapport d'enquête de l'inspection du travail du 23 novembre 2012 suite à la demande formée par syndicat CGT du site chimique du Pont de Claix en modification de l'arrêté du 30 septembre 2005 portant inscription dans la liste des établissements ouvrant droit à la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante de l'établissement Chloralp que cette société a continué à utiliser de l'amiante entre les années 2002 et 2005 alors qu'elle n'était plus titulaire d'aucune autorisation ; Que par ailleurs, les rapports techniques des médecins du travail de cette société pour les armées 2003 à 2005 mentionnent l'exposition à l'amiante de plus d'une quarantaine de salariés de la société ; Qu'il en résulte ainsi clairement que la société Rhodia opérations, malgré la cessation de la dérogation qui lui avait été accordée, a poursuivi en toute illégalité, à utiliser de l'amiante pendant une période de quatre années et exposé un nombre significatif de salariés à ce produit, manquant ainsi à l'égard de ses salariés à son obligation d'exécution de bonne foi de son contrat de travail ainsi qu'à son obligation de sécurité ; Que cependant, les salariés ne justifient pas d'un préjudice distinct du préjudice d'anxiété subi en raison de leur exposition à l'amiante. Le jugement déféré, en ce qu'il a fait droit à leur demande en dommages et intérêts de ce chef sera en conséquence infirmé ; 1) ALORS QUE l'indemnisation du préjudice d'anxiété propre aux salariés bénéficiaires de l'ACAATA n'exclut pas l'indemnisation d'un préjudice autre qui trouve sa source dans un manquement spécifique de l'employeur aux obligations résultant de l'exécution du contrat de travail ; que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; que caractérise un tel manquement le fait, par l'employeur, de laisser perdurer, en toute illégalité, un risque d'exposition à une substance nocive, et en affirmant, y compris aux institutions représentatives du personnel, que le risque n'existe plus ; que la cour d'appel a constaté que la société Rhodia opérations, malgré la cessation de la dérogation qui lui avait été accordée, a poursuivi en toute illégalité, à utiliser de l'amiante pendant une période de quatre années et exposé un nombre significatif de salariés à ce produit, manquant ainsi à l'égard de ses salariés à son obligation d'exécution de bonne foi de son contrat de travail ; qu'en refusant de faire droit à la demande indemnitaire des salariés, au motif que les salariés ne justifieraient pas d'un préjudice distinct du préjudice d'anxiété qu'elle avait accepté d'indemniser, quand le manquement de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail causait aux salariés un préjudice distinct, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 ancien du code civil, devenu l'article 1231-1 de ce code ; 2) ALORS QUE les salariés avaient fait valoir qu'il résultait d'un procès-verbal de réunion du CHSCT en date du 27 octobre 2006 que onze ans après la première alerte des salariés en 1995, aucun suivi médical des personnes exposées et/ou contaminées n'avait été mis en oeuvre par l'employeur, ce dernier les informant qu'aucune attestation d'exposition à l'amiante ne leur seraient remises, les salariés ayant été faussement informé de la situation (conclusions, p. 27, 30 et 33), qu'en déboutant les salariés de leur demande indemnitaire sans s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.