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jeudi 12 décembre 2024

Conditions de la responsabilité, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par un incendie d'immeuble

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 novembre 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1141 F-D

Pourvoi n° N 23-15.674





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 NOVEMBRE 2024


La société Enedis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 23-15.674 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2023 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société SMACL assurances, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la commune de [Localité 4], prise en la personne de son maire en exercice, domicilié en cette qualité mairie, [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Riuné, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Enedis, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société SMACL assurances et de la commune de Vassieux-en-Vercors, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Riuné, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 14 mars 2023), le 1er février 2007, un incendie s'est déclaré dans un immeuble à usage de chaufferie appartenant à la commune de Vassieux-en-Vercors (la commune), assurée auprès de la société SMACL assurances (l'assureur).

2. À la suite d'une expertise, la commune et l'assureur ont assigné la société Enedis, gestionnaire du réseau public national de distribution d'électricité, devant un tribunal de grande instance à fin d'indemnisation de leur préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Enedis fait grief à l'arrêt de la condamner à indemniser la commune et l'assureur, alors « que celui qui détient à un titre quelconque tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance n'est responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable ; que, pour admettre la responsabilité du gestionnaire du réseau, l'arrêt attaqué a énoncé que la cause de l'incendie était due à la dégradation, par usure des isolants, d'un câble électrique de branchement particulier lui appartenant et alimentant la chaufferie de la commune, de sorte que se trouvait engagée sa responsabilité sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ; qu'en statuant de la sorte sans attribuer à une faute de l'exposante l'incendie de l'élément litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1384, 2e alinéa, ancien du code civil (devenu 1242, 2e alinéa). »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1384, alinéa 2, devenu 1242, alinéa 2, du code civil :

4. Aux termes de ce texte, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.

5. Pour condamner la société Enedis à verser certaines sommes à la commune et à l'assureur, l'arrêt relève que l'expert a constaté, d'une part, que les câbles d'alimentation en électricité appartenant à cette société étaient en contact direct avec une pièce métallique et, d'autre part, que l'usure des isolants, la mise à nu des conducteurs et leur mise en contact avec cette pièce métallique avaient provoqué un court-circuit à l'origine de l'inflammation des isolants, qui s'était propagée au bardage de la chaufferie de la commune, le câble y étant fixé.

6. L'arrêt retient que la cause de l'incendie est l'inflammation anormale de ce câble, pour en déduire que la responsabilité de la société Enedis est engagée, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle retenait que le dommage causé à la commune était dû à l'incendie ayant pris naissance dans le câble électrique détenu par la société Enedis, qui s'était ensuite propagé à l'immeuble, la cour d'appel, qui ne pouvait retenir la responsabilité de cette dernière sans caractériser sa faute, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Enedis à verser des sommes à la commune et à l'assureur à titre de dommages et intérêts entraîne la cassation des chefs de dispositif déclarant la commune et l'assureur recevables et bien fondés en leurs demandes et rejetant toute prétention plus ample ou contraire des parties, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la société Enedis irrecevable en sa demande de nullité de l'assignation et en ce qu'il la déboute de ses fins de non-recevoir, l'arrêt rendu le 14 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la commune de [Localité 4] et la société SMACL assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Cathala, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.ECLI:FR:CCASS:2024:C201141 

mercredi 10 avril 2024

La rallonge avait joué un rôle causal dans l'incendie, car elle était la seule source d'énergie à proximité du point de départ de l'incendie

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 mars 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 238 F-D

Pourvoi n° D 22-20.584





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MARS 2024

M. [R] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-20.584 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2022 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Sutter, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Swisslife assurances de biens, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la société Areas dommages, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [T], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Sutter et de la société Swisslife assurances de biens, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 17 mai 2022), M. [T] a confié à la société Sutter (la société), assurée auprès de la société Swisslife assurances de biens (l'assureur), la réalisation de travaux sur l'installation électrique de ses deux immeubles.

2. Estimant que la société, qui avait raccordé entre elles les installations électriques des immeubles au moyen d'une rallonge électrique qu'elle avait fournie, était responsable de l'incendie ayant détruit les deux immeubles, M. [T] a saisi le juge des référés d'un tribunal de grande instance aux fins d'expertise, puis, après dépôt du rapport d'expertise le 2 octobre 2014, a assigné la société et l'assureur devant un tribunal de grande instance aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [T] fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts, alors « que pour la responsabilité civile du fait d'une chose inanimée soit retenue, il suffit qu'il soit établi que la chose a été, ne fût-ce que pour partie, l'instrument du dommage ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que « le point de départ de l'incendie était le lieu de stockage des cartons à pizzas ; le feu n'est pas d'origine volontaire ; l'incendie est concomitant à la remise en service de l'alimentation électrique ; la seule source d'énergie à proximité de ces cartons était la rallonge électrique utilisée par la société ; les brins de cette rallonge étaient à hauteur de la réserve de cartons détériorés » ; qu'en déboutant néanmoins M. [T] de ses demandes au motif pris d'une incertitude du rôle causal de la rallonge à défaut pour l'expertise d'avoir pu établir qu'une déviation de courant entre deux brins à potentiel différent avait eu lieu et que la détérioration de la rallonge était antérieure à l'incendie, quand il résultait de ses propres constatations que la rallonge avait nécessairement participé à la réalisation de celui-ci puisqu'elle était l'unique source d'énergie à proximité du foyer primaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de celles-ci et a violé l'article 1242 alinéa 1er du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, alors applicable :

4. Selon ce texte, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

5. Pour débouter M. [T] de ses demandes, l'arrêt relève que l'incendie, qui n'était pas d'origine volontaire, était parti du lieu de stockage de cartons à pizzas, concomitamment à la remise en service de l'alimentation électrique et que la seule source d'énergie à proximité de ces cartons était la rallonge électrique utilisée par la société, dont les brins étaient à hauteur de la réserve de cartons.

6. L'arrêt ajoute que l'expertise réalisée ne permet pas de déterminer si la détérioration de la rallonge, qui pourrait être à l'origine de l'incendie, était antérieure ou postérieure à celui-ci, et que la déviation de courant apparue entre deux brins à potentiel différent qui pourrait également être à l'origine de l'incendie n'est pas établie.

7. Il en déduit qu'il existe une incertitude sur le rôle causal de la rallonge ne permettant pas de retenir la responsabilité de la société dans la survenance du sinistre.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la rallonge avait joué un rôle causal dans l'incendie, dès lors qu'elle était la seule source d'énergie à proximité du point de départ de l'incendie, et qu'en raison de son caractère défectueux, elle avait été l'instrument du dommage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement du 5 octobre 2020 du tribunal judiciaire de Poitiers et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Sutter et la société Swisslife assurances de biens aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sutter et la société Swisslife assurances de biens et les condamne à payer à M. [T] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C200238

mercredi 9 novembre 2022

Incendie - responsabilité du fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2


LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 octobre 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1106 F-D

Pourvoi n° J 21-14.559








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022


1°/ la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société MMA Iard, société anonyme,

3°/ la société MMA Iard assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° J 21-14.559 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Douai (troisième chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [D] [L], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Nord-Est (Groupama Nord-Est), dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction, la société MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [L] et de la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Nord-Est (Groupama Nord-Est), et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 janvier 2021), le 4 octobre 2008, un incendie est survenu dans un immeuble situé à Berck-sur-Mer, dont la gestion était confiée à la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction (la société Sergic). L'immeuble n'était pas assuré au titre de la responsabilité incendie.

2. Une mesure d'expertise judiciaire sollicitée par le syndicat des copropriétaires et un certain nombre de copropriétaires a mis en évidence le rôle joué par le tube inox de l'insert installé par l'un des copropriétaires, M. [L].

3. M. [N] et Mme [C], copropriétaires et leur assureur, la société BPCE, ont assigné la société Sergic et ses assureurs, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles (les sociétés MMA), ainsi que M. [L] et son assureur, la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Nord-Est Groupama Nord-Est (la société Crama du Nord-Est), devant un tribunal de grande instance aux fins d'indemnisation de leur préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Sergic et les sociétés MMA font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à voir condamner M. [L] et la société Crama du Nord-Est à les garantir des condamnations mises à leur charge et à leur payer la somme de 29 322,46 euros et de les condamner solidairement à payer à cette société la somme de 199 652 euros de dommages-intérêts et à M. [L] la somme de 6 081 euros de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, alors « que seul s'applique l'article 1242, alinéa 1er, du code civil, lorsqu'une chose provoque directement un incendie dans l'immeuble d'un tiers, l'article 1242, alinéa 2, ne s'appliquant que lorsque l'incendie est né dans un immeuble ou une chose avant de se communiquer à l'immeuble d'un tiers ; qu'en jugeant, après avoir exclu l'application de l'article 1384, devenu 1242, alinéa 2, du code civil, en retenant que l'incendie ne s'était pas propagé depuis l'appartement de M. [D] [L] mais avait pris naissance directement dans la muralière bois reposant sur les lambourdes constituant le plancher du grenier de l'immeuble, partie commune, que l'article 1384, devenu 1242, alinéa 1er, n'était pas non plus applicable, motif pris qu'il ne « régi[rait] pas les dommages nés d'un incendie », la cour d'appel a violé ce texte, par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil :

5. Aux termes de ce texte, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

6. L'arrêt constate qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que l'incendie n'a pas pris naissance dans l'appartement de M. [L], donné en location à Mme [M], qui avait allumé un feu dans l'insert installé par M. [L] en 1990, mais à hauteur de la muralière bois sur laquelle reposaient les lambourdes constituant la structure du plancher des combles, ceci par insuffisance de la garde au feu de 12 cm du fait de la disposition particulière intéressant les parties communes de l'immeuble à savoir la configuration de la cheminée maçonnée et de la charpente bois constituant le plancher des combles, et par dégradation de l'appareil maçonné de la cheminée qui, bien que tubée, a permis la transmission de la chaleur à plus de 200° C du tubinox, température suffisante pour favoriser la combustion du bois sec, que le feu a couvé pendant plusieurs heures et qu'il s'est généralisé à la totalité de la toiture à partir de l'inflammation des gaz chauds de pyrolyse dégagés dans les combles.

7. L'arrêt retient, qu'au vu de l'état descriptif de division, la muralière n'apparaît pas constituer une partie privative de l'appartement de M. [L] réservé à son usage exclusif et que l'article 1384, alinéa 2, ancien du code civil ne peut trouver application, non plus que l'article 1384, alinéa 1, du même code, qui avait été retenu à tort par le premier juge, alors qu'il ne régit pas les dommages nés d'un incendie.

8. En statuant ainsi, alors que l'article 1384, alinéa 2, devenu 1242, alinéa 2, du code civil n'exclut pas l'application de l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er , du même code, en cas d'incendie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne M. [L] et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Nord-Est aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Nord-Est et M. [L] et les condamne à payer à la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction, la société MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles, la somme globale de 3 000 euros ;

mardi 19 juillet 2022

L'entreprise était tenue, avant réception à l'égard du maître de l'ouvrage, à une obligation de résultat la rendant responsable de tous désordres du fait de ses travaux

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juillet 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 589 F-D

Pourvoi n° D 21-19.062




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2022

La société Yves Le Pape et fils travaux publics, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-19.062 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Guepa, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (CRAMA), Groupama Loire Bretagne, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Yves Le Pape et fils travaux publics, de Me Balat, avocat de la société Guepa, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société CRAMA - Groupama Loire Bretagne, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er avril 2021), bénéficiaire d'un bail à construction conclu le 4 juillet 2012, la société Guepa a, le même jour, sous-loué une partie des locaux à construire à la société Des Couleurs dans la demeure (le sous-locataire), assurée auprès de la société CRAMA Groupama Loire Bretagne (l'assureur).

2. Le lot terrassement, VRD et bordures a été confié à la société Yves Le Pape et fils travaux publics (la société Yves Le Pape).

3. Le sous-locataire a ouvert son magasin au public le 1er décembre 2012.

4. Il a subi un dégât des eaux dans la nuit du 19 au 20 décembre 2012.

5. L'assureur du sous-locataire a, après expertise, assigné la société Guepa et la société Yves Le Pape en remboursement des sommes versées à son assuré.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

7. La société Yves Le Pape fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'assureur du sous-locataire une certaine somme, alors :

« 3°/ que la faute du maître de l'ouvrage et le fait d'un tiers sont de nature à exonérer l'entrepreneur de sa responsabilité ; qu'il est constant que la société Guepa, maître de l'ouvrage, a décidé de mettre le local commercial de l'immeuble en cours de construction à disposition d'un sous-locataire, la société Des Couleurs dans la Demeure, dès le 15 octobre 2012 avant la livraison et réception de l'ouvrage et les essais d'étanchéité ; que la cour d'appel a elle-même relevé que le sous-locataire a aménagé son local commercial puis ouvert au public le 1er décembre 2012 tandis que l'immeuble était en cours de construction, les travaux d'enrobé du parking par la société Yves Le Pape étant planifiés le 19 décembre 2012 et la réception de l'immeuble le 23 avril 2013, de sorte qu'il s'agissait d'une sous-location prématurée d'un local commercial non conforme à sa destination empêchant en outre le déroulement du chantier jusqu'à son terme dans des conditions normales ; qu'en jugeant cependant que « la location du local commercial n'était pas fautive », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

4°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la faute du maître de l'ouvrage et le fait d'un tiers sont de nature à exonérer l'entrepreneur de sa responsabilité ; que la cour d'appel a refusé à la société Yves Le Pape toute exonération de responsabilité, au seul motif que « la location du local commercial [?] n'est pas à l'origine du dommage » ; qu'en statuant de la sorte, sans mieux s'expliquer sur l'absence de lien de causalité entre la faute du bailleur et les préjudices dont le sous-locataire, par l'intermédiaire de son assureur, sollicitait l'indemnisation, la cour d'appel qui s'est déterminée par un motif d'ordre général, sans justifier son appréciation au regard des éléments de fait de l'espèce, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a rappelé que la société Yves Le Pape était tenue, avant réception à l'égard du maître de l'ouvrage, à une obligation de résultat la rendant responsable de tous désordres du fait de ses travaux et qu'il lui appartenait ainsi, si nécessaire, de réaliser des essais pour éviter tout sinistre, que les locaux commerciaux soient vides ou loués.

9. Elle a, ensuite, relevé que les travaux d'empierrement et d'enrobés, qui avaient bouché la descente d'eaux puviales, avaient été réalisés par la société Yves Le Pape, alors qu'elle savait n'avoir pas raccordé une descente d'eaux mais avait oublié cette absence de raccordement lors de la réalisation du parking, et en a déduit que des essais sur les réseaux avant l'ouverture du local commercial par le sous-locataire n'auraient pas empêché la survenue du sinistre.

10. En l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir, répondant aux conclusions prétendument délaissées, que les préjudices subis par le sous-locataire avait pour cause exclusive, non la location prématurée des locaux commerciaux, mais la faute de la société Yves Le Pape.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Yves Le Pape et fils travaux publics aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Yves Le Pape et fils travaux publics à payer à la société CRAMA - Groupama Loire Bretagne la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

vendredi 1 juillet 2022

On est responsable du dommage causé par les choses que l'on a sous sa garde, si cette dernière qualité est établie

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 juin 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 669 F-D

Pourvoi n° J 21-11.960

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [X].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 30 avril 2021.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2022

1°/ la société Avanssur, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ Mme [K] [E], domiciliée [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° J 21-11.960 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [B] [X], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Avanssur et Mme [E], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [X], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 décembre 2020), alors qu'elle se trouvait au domicile de Mme [E], Mme [X], dont les vêtements ont pris feu au contact d'une bougie, a été gravement blessée.

2. Mme [X] a assigné Mme [E] et son assureur, la société Avanssur (l'assureur), qui refusait de prendre en charge l'indemnisation de l'intégralité de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le moyen pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

4. Mme [E] et l'assureur font grief à l'arrêt de dire que la responsabilité du fait des choses de Mme [E] était engagé, de les condamner in solidum à payer à Mme [X] la somme de 15 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices subis et de surseoir à statuer sur les demandes relatives à la responsabilité de l'assureur, à l'indemnisation de Mme [X], et à la demande de remboursement de l'assureur, alors « que l'on est responsable du dommage causé par des choses que l'on a sous sa garde ; qu'en jugeant que la responsabilité de Mme [E] était engagée cependant qu'elle constatait par ailleurs qu'il n'était pas démontré que les bougies appartenaient à Mme [E] ni qu'elle les avait disposées au sol ou allumées, autrement dit qu'elle constatait que la preuve de la garde par Mme [E] n'était pas rapportée, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1, devenu l'article 1242, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1384 alinéa 1, devenu l'article 1242, du code civil :

5. Il résulte de ce texte qu'on est responsable du dommage causé par les choses que l'on a sous sa garde.

6. La cour d'appel, pour condamner Mme [E] et l'assureur à payer à Mme [X] une certaine somme, a énoncé que la responsabilité de plein droit du gardien d'une chose est engagée dès lors qu'il est établi que cette chose a été l'instrument du dommage, que la bougie qui a mis le feu aux vêtements de Mme [X] ne saurait être considérée comme une chose inerte puisqu'il s'en dégage une flamme qui peut vaciller, qu'elle n'était pas protégée par un photophore, en sorte qu'il s'agissait d'un objet dangereux qui engage la responsablilité de plein droit de Mme [E].

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher si Mme [E] était la gardienne des bougies à l'origine du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne Mme [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;