Affichage des articles dont le libellé est usufruit. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est usufruit. Afficher tous les articles

vendredi 14 avril 2023

La SCI n'étant pas propriétaire de l'ouvrage affecté des désordres ne pouvait exercer l'action en garantie décennale

 COUR DE CASSATION

Note P. Dessuet, RGDA 2023-5, p. 35___________________
Note H. Périnet-Marquet, SJ 2023, p.984

Note M. Jaoul, GP 2023, p.61.


Audience publique du 13 avril 2023




Rejet


Mme TEILLER, président




Arrêt n° 271 FS-B

Pourvoi n° D 22-10.487




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023

1°/ Mme [Z] [S], épouse [C],

2°/ M. [T] [C],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

3°/ la société Lily, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° D 22-10.487 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige les opposant :

1°/ à la société MJS Partners, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Roger Postel - Confort service,

2°/ à la société Roger Postel - Confort service, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], en liquidation judiciaire et représentée par la société MJS Partners, liquidateur judiciaire,

3°/ à la société Frédéric Quetelard, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],

4°/ à la Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ à la société MMA IARD assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. et Mme [C] et de la société civile immobilière Lily, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Frédéric Quetelard et de la mutuelle des architectes français, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MMA IARD assurance mutuelle, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Delbano, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 2 décembre 2021), M. [C] a confié à la société Frédéric Quetelard, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de la construction d'une piscine couverte sur un terrain appartenant à la société civile immobilière Lily (la SCI) et dont il a l'usufruit.

2. M. [C] a confié les lots charpente, menuiseries intérieures et extérieures dont parquet à la société Roger Postel - confort service, assurée auprès de la société MMA IARD assurance mutuelle.

3. La réception est intervenue le 5 mars 2008.

4. Se plaignant de désordres, la SCI a, après expertise, assigné les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation. M. et Mme [C] sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La SCI et M. et Mme [C] font grief à l'arrêt de dire la SCI irrecevable en son action formée sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil, faute de justifier de sa qualité à agir, alors :

« 1°/ que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ; qu'en retenant que la construction portait sur un bâtiment indépendant, et non sur une extension du bâtiment dont la SCI Lily était propriétaire, la cour d'appel a ignoré le mécanisme du droit d'accession immobilière a et a violé l'article 552 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, dans le cas d'un partage de propriété entre nu-propriétaire et usufruitier, c'est le nu-propriétaire qui dispose de la qualité de maître de l'ouvrage, quand bien même ce serait l'usufruitier qui aurait ordonné la construction dudit ouvrage ; qu'en se fondant sur les circonstances, inopérantes, selon lesquelles la SCI Lily, nu-propriétaire du bien immobilier sur lequel avait été édifié l'ouvrage, n'en avait pas encore recouvré la pleine propriété et n'avait pas, elle-même, directement contracté avec les entreprises qui l'avaient réalisé, pour en conclure qu'elle n'avait pas la qualité de maître de l'ouvrage et, partant, ne pouvait agir en garantie décennale, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil, ensemble ses articles 578 et 605. »

Réponse de la Cour

6. Si, en vertu de l'article 552 du code civil, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous, le droit d'accession du nu-propriétaire du fonds sur lequel l'usufruitier édifie une construction nouvelle est régi, en l'absence de convention réglant le sort de cette construction, par l'article 555 du même code et n'opère, ainsi, qu'à la fin de l'usufruit (3e Civ., 19 septembre 2012, pourvoi n° 11-15.460, Bull. 2012, III, n° 128).

7. En l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que M. [C] avait commandé et payé les travaux de construction de la piscine couverte et que cet ouvrage constituait une construction nouvelle et devant laquelle il n'était pas prétendu qu'une convention réglait le sort de la construction, en a exactement déduit que la SCI n'en était pas devenue propriétaire, l'usufruit de M. [C] n'ayant pas pris fin.

8. La SCI n'étant pas propriétaire de l'ouvrage affecté des désordres, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que cette société ne pouvait exercer l'action en garantie décennale, que la loi attache à la propriété de l'ouvrage.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société civile immobilière Lily et M. et Mme [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

mardi 22 novembre 2022

Usufruitier et droit d'agir en décennale ou en responsabilité contractuelle

 Note S. Le Normand-Caillère, SJ 2023, p. 142.

Note S. Bertolaso, RCA 2023-1, p. 22.

Note P. Grulier, GP 2023 n° 3, p. 24

Note J. Laurent, D. 2023, p. 387.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 novembre 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 797 FS-B

Pourvoi n° G 21-23.505




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2022

La société Giovellina, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], chez Madame [U] [P], [Localité 4], a formé le pourvoi n° G 21-23.505 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2021 par la cour d'appel de Bastia (Chambre civile - Section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Bastia charpentes armatures, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Giovellina, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Jacques, Boyer, Mme Grandjean, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 15 septembre 2021), la société Giovellina a confié la réalisation de la charpente métallique et du revêtement d'un bâtiment à usage commercial à la société Bastia charpentes armatures (la société BCA), assurée auprès de la SMABTP.

2. La société Giovellina a formé opposition à une ordonnance portant injonction de payer le solde du prix du marché à la société BCA et elle a formé des demandes reconventionnelles aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

3. La société BCA a appelé la SMABTP en intervention forcée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. La société Giovellina fait grief à l'arrêt de refuser d'homologuer le rapport de l'expert sur les préjudices subis, de la renvoyer à assigner si elle l'estime nécessaire, concernant le montant de ces préjudices, de la condamner à payer à la société BCA une certaine somme au titre du solde du marché et de rejeter l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société BCA et la SMABTP, alors « que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en énonçant que la société Giovellina, usufruitière, serait sans qualité pour agir en garantie décennale, tout en constatant qu'elle était liée à la société BCA par un contrat de louage d'ouvrage et qu'elle avait fait construire l'immeuble litigieux en qualité de maitresse d'ouvrage, la Cour d'appel a violé les articles 578 et 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. L'usufruitier, quoique titulaire du droit de jouir de la chose comme le propriétaire, n'en est pas le propriétaire et ne peut donc exercer, en sa seule qualité d'usufruitier, l'action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l'ouvrage et non à sa jouissance.

7. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, qui a relevé que la société Giovellina reconnaissait être usufruitière de l'ouvrage et devant laquelle elle ne prétendait pas avoir été mandatée par le nu-propriétaire, a retenu que cette société ne pouvait agir contre le constructeur et son assureur sur le fondement de la garantie décennale.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. La société Giovellina fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'à le supposer sans qualité pour agir en garantie décennale, l'usufruitier lié par un contrat de louage d'ouvrage au constructeur, a en tout état de cause qualité pour agir en réparation de l'ensemble des désordres y compris de nature décennale, affectant l'ouvrage, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, comme le constate l'arrêt attaqué, la société Giovellina fondait expressément ses demandes sur la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1147 ancien du code civil ; qu'en la déclarant sans qualité pour agir contre sa cocontractante, la Cour d'appel a violé les articles 578 du code civil, 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

10. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

11. Aux termes du second, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

12. Il en résulte que l'usufruitier, qui n'a pas qualité pour agir sur le fondement de la garantie décennale, peut néanmoins agir, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, en réparation des dommages que lui cause la mauvaise exécution des contrats qu'il a conclus pour la construction de l'ouvrage, y compris les dommages affectant l'ouvrage.

13. Pour rejeter les demandes de la société Giovellina, l'arrêt retient que les demandes reconventionnelles présentées par cette société, sous couvert d'être fondées sur la responsabilité contractuelle de la société BCA, s'avèrent être la conséquence des désordres allégués pour lesquels, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, est recherchée la garantie décennale du constructeur.

14. Il retient que l'usufruitière n'a pas qualité pour agir en garantie décennale contre le constructeur, pas plus que pour les dommages immatériels en découlant, à charge pour elle d'assumer son intervention en qualité de maître de l'ouvrage dans une construction sans préexistant pour laquelle elle s'est substituée à la nue-propriétaire.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les travaux avaient été exécutés pour le compte de la société Giovellina, qui avait conclu le contrat d'entreprise et qui demandait la réparation des dommages résultant de la mauvaise exécution de ce contrat sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation prononcée porte sur le rejet des demandes formées tant contre la société BCA que contre la SMABTP, dont la responsabilité était recherchée, notamment, sur le fondement d'une assurance de responsabilité civile.

17. Il n'est pas nécessaire, dès lors, de statuer sur le troisième moyen.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Giovellina à payer à la société Bastia charpentes armatures la somme de 30 113,81 euros au titre du solde du marché avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en ce qu'il renvoie la société Giovellina à assigner si elle l'estime nécessaire concernant les préjudices subis et en ce qu'il rejette l'ensemble des demandes de la société Giovellina, l'arrêt rendu le 15 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

Condamne la société Bastia charpentes armatures et la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics laux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la société Bastia charpentes armatures et la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics à payer à la société Giovellina la somme de 3 000 euros et rejette la demande formée par la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics ;