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mardi 14 juin 2022

Les fautes de l'architecte concernant l'évaluation du coût des travaux nécessaires avaient directement contribué au préjudice de l'ASL

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 435 F-D

Pourvoi n° Z 19-22.178




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022

1°/ la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° Z 19-22.178 contre l'arrêt rendu le 15 juillet 2019 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [S] [W], domicilié [Adresse 12],

2°/ à Mme [I] [M], épouse [H], domiciliée [Adresse 4],

3°/ à M. [C] [E], domicilié [Adresse 13],

4°/ à M. [N] [F], domicilié [Adresse 2],

5°/ à M. [D] [L], domicilié [Adresse 1],

6°/ à Mme [T] [G]-[P], domiciliée [Adresse 8],

7°/ à la société MG2P, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 9],

8°/ à l'Association syndicale libre Maison de la grande teinturerie, dont le siège est [Adresse 6],

9°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 10],

10°/ à la Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 5],

11°/ à la société Léon Noël, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],

12°/ à M. [Y] [A], domicilié [Adresse 11],

défendeurs à la cassation.

M. [W] et la Mutuelle des architectes français ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Mme [M] épouse [H], M. [E], M. [F], M. [L], Mme [G]-[P], la société MG2P et l'association syndicale libre Maison de la Grande Teinturerie ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La société Axa France IARD a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

M. [W] et la Mutuelle des architectes français, demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Mme [M], épouse [H], MM. [E], [F], [L], Mme [G]-[P], la société MG2P et l'association syndicale libre Maison de la Grande Teinturerie, demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La société Axa France IARD, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [W] et de la Mutuelle des architectes français, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [M], épouse [H], MM. [E], [F], [L], Mme [G]- [P], la société MG2P et l'Association syndicale libre Maison de la grande teinturerie, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Léon Noël.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 juillet 2019), la société La Chesnaie, propriétaire de la Maison de la grande teinturerie, classée monument historique, l'a vendue par lots à Mme [M], épouse [H], M. [E], M. [F], M. [L], Mme [G]-[P] et la société MG2P (les acquéreurs).

3. L'association syndicale libre (l'ASL), constituée entre les acquéreurs, a confié les travaux de rénovation de l'immeuble et de division en appartements à l'entreprise générale Renovim, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), sous la maîtrise d'oeuvre de M. [W] (l'architecte), assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF). La société Renovim a sous-traité les travaux du lot "pierres de taille" à la société Léon Noël.

4. Le montage juridique de cette opération, éligible à un dispositif de défiscalisation, a été confié à M. [A], (l'avocat), assuré auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.

5. Se plaignant notamment d'un abandon de chantier, l'ASL et les acquéreurs ont, après expertise, assigné en réparation l'architecte et son assureur, la société Renovim et son assureur, et l'avocat, lequel a appelé ses assureurs en garantie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

6. La première chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, après débats à l'audience publique du 21 septembre 2021, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

7. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles font grief à l'arrêt de condamner la seconde au paiement de diverses sommes, alors :

« 1°/ que la responsabilité de l'avocat suppose que soit établie l'existence d'un lien de causalité entre la faute qui lui imputée et le préjudice dont il est demandé réparation ; qu'en condamnant M. [A] à indemniser l'ASL du montant des travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble au motif qu'il ne l'avait pas alertée du risque de payer au constructeur le montant des travaux qui n'avaient pas été réalisés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si même en l'absence de faute de l'avocat, l'ASL n'aurait pas agi de la même manière et procédé aux mêmes règlements, dès lors que l'échéancier accepté présentait un intérêt fiscal déterminant pour ses membres et que l'ASL avait déjà accepté de régler des travaux qui n'étaient pas visés par l'échéancier, tout en sachant que les travaux visés par de précédents appels de fonds n'avaient pas été exécutés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°/ que la responsabilité de l'avocat suppose que soit établie l'existence d'un lien de causalité entre la faute qui lui imputée et le préjudice dont il est demandé réparation ; qu'en condamnant M. [A] à indemniser l'ASL du montant des travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble au motif qu'il ne l'avait pas alertée du risque de payer au constructeur le montant des travaux qui n'avaient pas été réalisés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si même en l'absence de faute de l'avocat, l'ASL aurait obtenu
au même prix l'achèvement de l'immeuble et aurait évité de procéder à des dépenses supplémentaires nécessaires à l'achèvement des travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

3°/ que la responsabilité de l'avocat suppose l'existence d'un lien de causalité entre la faute imputée à ce dernier et le préjudice dont il est demandé réparation ; qu'en condamnant M. [A] à verser à l'ASL le montant des travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble au motif qu'il aurait commis une faute en n'alertant pas l'ASL du caractère incomplet des marchés de travaux signés, sans constater que, mise en garde contre ce risque, l'ASL aurait obtenu au même prix l'achèvement de l'immeuble dans les délais initiaux et que ses membres n'auraient ainsi pas subi de perte locatives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

4°/ que la responsabilité de l'avocat suppose que soit établie l'existence d'un lien de causalité entre la faute qui lui imputée et le préjudice dont il est demandé réparation ; qu'en condamnant M. [A] à indemniser les membres de l'ASL d'une perte de chance d'obtenir des revenus locatifs durant les travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble au motif qu'il n'avait pas alerté l'ASL du risque de payer à la société Renovim des travaux qui n'avaient pas été réalisés, sans préciser, ainsi qu'elle y était invitée, grâce à quels moyens et selon quel procédé, même aléatoire, en l'absence de faute de l'avocat, les membres de l'ASL auraient pu mettre en location leur bien dans les délais initialement prévus et n'auraient pas subi de pertes locatives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

8. Après avoir examiné la mission confiée à l'avocat et relevé que, s'il s'était engagé à assister l'ASL dans la tenue des comptes et l'envoi des appels de fonds et à valider les libellés des factures, néanmoins, il n'avait pas émis d'objection sur la viabilité du projet au regard de l'enveloppe budgétaire qui lui avait été affectée, que l'architecte avait été réglé de l'intégralité de ses honoraires et l'entreprise quasi entièrement réglée du prix du marché alors que les travaux de réhabilitation et de création de six appartements objets de l'opération n'avaient pas été exécutés et que la somme versée à l'entreprise générale Renovim était disproportionnée au regard des travaux réalisés, la cour d'appel a retenu que l'ASL et ses membres avaient, en conséquence, déboursé la totalité du budget de l'opération alors que celle-ci était très loin d'être achevée et a pu en déduire, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, qu'un lien causal direct était établi entre les manquements de l'avocat dans sa mission d'assistance et de conseil et le préjudice des membres de l'ASL.

9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef.

Sur le second moyen du pourvoi principal

10. La première chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, après débats à l'audience publique du 21 septembre 2021, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

11. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles font grief à l'arrêt de limiter l'appel en garantie formé contre la MAF et la société Axa aux limites contractuelles opposables aux tiers prévues dans leur police, alors « que dans leurs conclusions, les exposantes sollicitaient la garantie intégrale des assureurs de l'architecte et de l'entreprise générale de travaux pour les indemnités allouées aux demandeurs au-delà de leur plafond de garantie en soutenant que ces assureurs auraient dû conseiller à leurs clients des garanties complémentaires au regard de l'ampleur de l'opération de rénovation litigieuse et du découvert d'assurance susceptible d'en résulter ; qu'en s'abstenant pourtant de répondre à ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des allégations dépourvues d'offre de preuve.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi incident de l'architecte et de la MAF

Enoncé du moyen

14. L'architecte et la MAF font grief à l'arrêt de condamner cette dernière, in solidum avec l'avocat, et les sociétés MMA IARD et Axa, à payer une certaine somme à l'ASL au titre des travaux nécessaires à l'achèvement du chantier, alors « que le préjudice indemnisable du maître d'ouvrage doit être en lien de causalité avec la faute commise par l'architecte ; que tel n'est pas le cas du coût des travaux qui étaient, en toute hypothèse, nécessaires à la réalisation de l'ouvrage convenu et auraient dû être payés même en l'absence de toute faute ; qu'en condamnant la Mutuelle des architectes français à indemniser l'ASL du montant total des travaux nécessaires pour achever le projet initialement confié à l'architecte, sans rechercher, comme l'y invitait la MAF, si, dès lors qu'il était nécessaire de renforcer les fondations et les planchers, le maître d'ouvrage devait garder
à sa charge cette dépense qui devait, de toute façon, être engagée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

15. La cour d'appel, qui a constaté que la mission du maître d'oeuvre comprenait notamment l'estimation du coût prévisionnel des travaux et la mise au point des marchés, a retenu, d'une part, que l'estimation initiale du budget de l'opération, inférieure de moitié au montant total des travaux à réaliser, était manifestement sous-évaluée, et, d'autre part, que l'architecte, qui n'avait pas établi, au mépris de ses engagements, de dossier consultatif des entreprises ni de cahier des clauses techniques particulières mais s'était fait remettre des devis au fur et à mesure de l'avancée du chantier, n'avait pas tenu compte des particularités du site à proximité d'une rivière et de la vétusté du bâtiment, propres à faire craindre, selon l'expert, une grave altération des fondations tout à fait prévisible et qui n'avait pas été anticipée.

16. Elle a, par ailleurs, relevé que le marché de travaux conclu avec la société Renovim était un marché à forfait, lequel inclut le coût des travaux supplémentaires nécessaires à la réalisation de l'ouvrage (3e Civ., 18 avril 2019, pourvoi n° 18-18.801, publié), et que celle-ci était en liquidation judiciaire.

17. Elle a pu déduire de ses constatations que les fautes de l'architecte, tant en ce qui concerne l'évaluation du coût des travaux nécessaires à la réhabilitation complète du bâtiment que lors de la mise au point du marché de travaux confié à la société Renovim, avaient directement contribué, avec celles retenues à la charge de l'entreprise générale et de M. [A], au préjudice de l'ASL résultant du coût, restant à la charge de celle-ci, des travaux supplémentaires liés au renforcement des fondations et des planchers.

18. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le moyen du pourvoi incident des acquéreurs

Enoncé du moyen

19. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes au titre du préjudice fiscal, alors :

« 1°/ que le juge ne peut soulever un moyen d'office sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé qu'aucune des pièces produites aux débats, à savoir les arrêts de non-admission rendus par le Conseil d'Etat, les redressements fiscaux et les avis d'imposition, ne permettait de rattacher les informations qui y étaient contenues à l'opération immobilière « La Grande Teinturerie» ; qu'elle en a déduit que le préjudice fiscal invoqué par les membres de l'ASL n'était pas établi ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'aucune des parties ne soutenait que les pièces produites aux débats ne permettaient pas de rattacher le préjudice fiscal allégué à l'opération immobilière, la cour d'appel a soulevé un moyen d'office sans inviter les parties à présenter leurs observations et a ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile et le principe de la contradiction ;

2°/ que la cour d'appel a jugé qu'aucune des pièces produites aux débats, à savoir les arrêts de non-admission rendus par le Conseil d'Etat, les redressements fiscaux et les avis d'imposition, ne permettait de rattacher les informations qui y étaient contenues à l'opération immobilière « La Grande Teinturerie » ; qu'elle en a déduit que le préjudice fiscal invoqué par les membres de l'ASL n'était pas établi ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant adopté les motifs du jugement selon lesquels il ressortait des pièces versées aux débats « que tous les membres de l'ASL, qui ont acquis les lots postérieurement à la lettre de mission confiée à la SCP [A] & Maubaret, ont fait l'objet d'un redressement fiscal aux motifs qu'un appartement ne figurait pas dans le bâtiment classé monument historique ou que les travaux engagés ne concernaient pas une simple rénovation mais une véritable reconstruction ni un bâtiment déjà affecté à l'habitation», la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que le redressement fiscal dont les membres de l'ASL avaient fait l'objet concernait l'avantage fiscal inhérent à l'opération immobilière « La Grande Teinturerie », a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

3°/ que le fait, pour un investisseur immobilier de perdre le bénéfice de l'avantage fiscal qui lui avait été promis constitue un préjudice réparable dès lors qu'il a consenti à l'opération d'investissement immobilier en considération de l'obtention de cet avantage fiscal ; qu'en l'espèce, les membres de l'ASL faisaient valoir qu'ils avaient subi un préjudice fiscal lié à la perte de l'avantage fiscal promis, en raison de l'abandon du chantier et des redressements dont ils avaient fait l'objet ; qu'ils produisaient aux débats les décisions par lesquelles M. [F], M. [L], Mme [G] et Mme [H] avaient épuisé les voies de recours contestant les redressements fiscaux dont ils avaient fait l'objet ; qu'à supposer adoptés les motifs du jugement par lesquels « aucune des pièces versées aux débats ne permet de caractériser avec certitude l'existence et l'étendue du préjudice fiscal invoqué » , la cour d'appel, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si les décisions de la juridiction administrative rejetant les recours de plusieurs des membres de l'ASL contestant les redressements fiscaux dont ils avaient fait l'objet établissaient que le bénéfice de l'avantage fiscal, dans les termes des dispositions applicables lors du début des travaux, avait été définitivement perdu, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code. »

Réponse de la Cour

20. En premier lieu, le juge qui se borne à examiner, sans introduire de nouveaux éléments de fait dans le débat, si les allégations d'une partie, même non expressément contestées par son adversaire, sont établies par les éléments de preuve produits, ne relève d'office aucun moyen nouveau (2e Civ., 9 janvier 2020, pourvoi n°18-24.344).

21. En second lieu, la cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, a retenu, par motifs propres, procédant à la recherche prétendument omise, que, si les acquéreurs se prévalaient d'un préjudice résultant des redressements fiscaux qui leur avaient été notifiés, les pièces produites au soutien de leurs demandes, et en particulier les décisions du Conseil d'Etat rejetant leurs pourvois, ne permettaient pas de les rattacher à l'opération immobilière en cause, faisant ainsi ressortir que le caractère définitif des redressements fiscaux invoqués n'était pas établi, et a pu, en conséquence, rejeter leurs demandes de ce chef.

22. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le pourvoi incident de la société Axa

Enoncé du moyen

23. La société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la MAF, l'avocat et la société MMA IARD, au paiement de diverses sommes, alors :

« 1°/ que l'assurance de responsabilité professionnelle ne couvre que les dommages survenus dans l'exercice de l'activité déclarée par l'assuré ; que la cour d'appel constate, par motifs adoptés qu'aux termes de l'attestation d'assurance délivrée le 2 juin 2005 à la société Renovim, étaient couvertes par la garantie « les conséquences pécuniaires de la responsabilité y compris celle résultant de la Loi Spinetta (du 04/01/78) découlait de ou des missions dont l'objet principal est l'architecture intérieure, l'aménagement, la décoration, les travaux correspondants pouvant ou non comporter la modification des éléments de structure ou de couverture de l'ouvrage à concurrence des montants ci-après » ; qu'en déclarant cette garantie acquise, ce qui était contesté, après avoir pourtant constaté que la société Renovim avait réalisé des travaux de remplacement partiel de la charpente, de pose d'une gouttière, d'établissement d'un chaînage en béton armé et incrustation d'une corniche au pourtour de la tourelle ancienne d'escalier, et que le contrat conclu par la société Renovim incluait notamment les frais de raccordement aux réseaux et les taxes de voirie, ainsi que les frais de maîtrise d'oeuvre, les bureaux d'étude technique et de contrôle, ce qui ne correspondait pas à la réalisation d'une mission dont l'objet principal était l'architecture intérieure, l'aménagement et la décoration, seule garantie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, et violé ainsi l'article 1134 (devenu 1103) du code civil ;

2°/ qu'en retenant que les travaux confiés à la société Renovim entraient dans le champ de la garantie couvrant l'activité d' « aménagement », « les travaux correspondants pouvant ou non comporter la modification des éléments de structure ou de couverture de l'ouvrage (?) », quand elle constatait que l'expert judiciaire n'avait pu avoir accès à l'ensemble des documents contractuels (descriptif sommaire, cahier des clauses techniques particulières devant être élaboré par le maître d'oeuvre) définissant contractuellement les travaux confiés à la société Renovim, ce dont il résultait qu'elle n'avait pu s'assurer que les travaux confiés à cette société se limitaient effectivement à des travaux dont l'objet principal était l'architecture intérieure, l'aménagement, la décoration couverts par la garantie de la société Axa France IARD, la cour d'appel a derechef violé l'article 1134 (devenu 1103) du code civil. »

Réponse de la Cour

24. La cour d'appel, qui a constaté que le marché de travaux et le descriptif sommaire avaient été remis à l'expert, a relevé que l'attestation délivrée par l'assureur visait, au titre des activités garanties, les travaux d'aménagement « pouvant ou non comporter la modification des éléments de structure ou de couverture de l'ouvrage ».

25. Elle a pu en déduire que la société Axa devait sa garantie à son assurée au titre des activités déclarées se trouvant à l'origine du préjudice de l'ASL et des acquéreurs.

26. Le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

En application de l'article 700, du code de procédure civile, rejette les demandes ;

mardi 26 avril 2022

1) Assurance : exclusion ou objet de la garantie ? 2) Architecte - responsabilité contractuelle et devoir de conseil

 Note P. Dessuet, RGDA 2022-5, p. 35.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 avril 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 382 FS-B

Pourvoi n° Y 21-16.297




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2022

M. [X] [P], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 21-16.297 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 1], société d'assurance mutuelle,

2°/ à M. [U] [I], domicilié [Adresse 4],

3°/ à la société Daci-Bat, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

4°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [P], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Gan assurances, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [I], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 10 mars 2021), M. [P] a confié à M. [I], architecte, assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre des travaux de restauration d'un château endommagé par un incendie.

2. L'exécution d'une première phase de travaux a été confiée à la société Daci-bat, assurée auprès de la société GAN assurances IARD (la société GAN).

3. Les travaux ont débuté avant l'obtention du permis de construire. A la suite du rejet de la demande de permis de construire, le chantier a été arrêté.

4. M. [I] a notifié à M. [P] la résiliation du contrat de maîtrise d'oeuvre, pour perte de confiance.

5. Après expertise, M. [P] a assigné les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, sur le troisième moyen, pris en sa cinquième branche, et sur les quatrième et sixième moyens, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

7. M. [P] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation présentée au titre du passage en croix du refend et des têtes de murs, du trouble de jouissance et du surplus de loyers payés, consécutifs au retard du chantier et au titre d'un préjudice moral, alors :

« 1°/ qu'un architecte à qui est confiée une mission de maîtrise d'oeuvre complète est tenu d'assurer notamment le suivi du chantier et de surveiller le respect, par les entreprises intervenantes, des instructions et des délais qui leur ont été indiqués ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'aucun retard ne pouvait être imputé à faute à M. [I] dès lors que ce dernier n'avait pris aucun engagement en termes de délai et qu'aucun planning n'avait été mis en place avec les entreprises ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le retard puis l'arrêt du chantier résultaient notamment de l'engagement hasardeux par l'architecte de travaux avant l'obtention du permis de construire, d'un défaut de suivi du chantier qui avait notamment conduit aux désordres affectant les acrotères qu'il fallait refaire, et d'un manque de précision des travaux projetés, ce qui avait causé des blocages au printemps 2011 après le rejet de la première demande de permis de construire déposée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code ;

3°/ que l'architecte tenu d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète est tenu de conseiller le maître de l'ouvrage sur la pertinence de l'enveloppe budgétaire consacrée aux travaux et, le cas échéant, de le mettre en garde sur l'impossibilité de parvenir à l'achèvement de la construction avec le budget envisagé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'architecte avait été mis en difficulté par le choix de M. [P] de ne consacrer qu'un budget de 400 000 euros à l'opération de rénovation, dont M. [I] avait fini par constater qu'il était insuffisant pour y procéder ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'architecte avait manqué à son devoir d'informer le maître de l'ouvrage sur le réalisme de l'enveloppe budgétaire qu'il entendait consacrer au chantier, compte tenu du projet envisagé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

8. Selon ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

9. Il est jugé que l'entrepreneur est soumis à l'obligation de livrer les travaux dans un délai raisonnable, même lorsque les devis ne mentionnent aucun délai d'exécution et qu'aucun planning n'a été fixé (3e Civ., 16 mars 2011, pourvoi n° 10-14.051, Bull. 2011, III, n° 35).

10. Pour rejeter les demandes d'indemnités formées par M. [P] pour les préjudices causés par l'arrêt du chantier, l'arrêt retient qu'il appartenait au maître de l'ouvrage de contracter avec un nouveau maître d'oeuvre après la rupture du contrat par M. [I], ce qu'il n'avait pas fait, générant par cette carence l'arrêt du chantier.

11. Il retient, ensuite, que M. [I] n'était pas chargé d'une mission d'ordonnancement, pilotage et coordination du chantier, qu'il n'avait pris aucun engagement en termes de délais, qu'aucun planning particulier n'avait été mis en place avec les entreprises, qu'il ne résultait d'aucune pièce ou d'aucun échange que M. [P] entendait disposer de l'immeuble reconstruit à une date particulière et que l'expertise avait mis en évidence que l'architecte avait été mis en difficulté par le choix du maître de l'ouvrage de ne consacrer qu'un budget de 400 000 euros à l'opération de rénovation, dont M. [I] avait fini par constater qu'il était insuffisant pour y procéder, alors que le maître de l'ouvrage avait reçu une indemnité d'assurance de 555 467 euros après l'incendie.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'arrêt du chantier n'avait pas pour cause le commencement des travaux par l'architecte avant l'obtention d'un permis de construire, un manque de précision des travaux à réaliser et un manquement de l'architecte à son obligation d'informer le maître de l'ouvrage, avant le début des travaux, de l'inadéquation entre le budget alloué et le projet retenu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

13. M. [P] fait grief à l'arrêt de dire que la garantie de la MAF n'était pas acquise et de rejeter les demandes présentées à son encontre, alors « que constitue une exclusion indirecte de garantie la clause par laquelle le champ de la garantie est limité aux conséquences pécuniaires des responsabilités spécifiques de la profession d'architecte, encourues dans l'exercice de celle-ci, telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation en vigueur à la date de l'exécution de ses prestations, ce qui exclut la prise en charge des dommages résultant d'une méconnaissance par l'architecte des règles d'urbanisme ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté la garantie de la MAF en retenant que M. [I] n'avait pas exercé la profession d'architecte dans des conditions normales, puisqu'il avait débuté le chantier sans avoir obtenu le permis de construire, et qu'en travaillant dans de telles conditions, il avait exercé son activité dans le cadre, non pas d'une exclusion de garantie, mais d'un risque non couvert par l'assureur, le contrat garantissant M. [I] uniquement « contre les conséquences pécuniaires des responsabilités spécifiques de sa profession d'architecte, qu'il encourt dans l'exercice de celle-ci, telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation en vigueur à la date de l'exécution de ses prestations ; qu'en écartant la qualification d'exclusion indirecte de garantie s'agissant de cette clause, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

14. Il résulte de ce texte que la clause, qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, constitue une clause d'exclusion de garantie.

15. Pour rejeter les demandes formées contre la MAF, l'arrêt relève que le contrat d'assurance contient une clause selon laquelle il a pour objet de garantir l'adhérent contre les conséquences pécuniaires des responsabilités spécifiques de sa profession d'architecte, qu'il encourt dans l'exercice de celle-ci, telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation en vigueur à la date de l'exécution de ses prestations.

16. Il retient qu'en commençant les travaux avant l'obtention d'un permis de construire, M. [I] s'est rendu complice d'une infraction pénale, en contravention avec l'article 12 du décret n° 80-217 du 20 mars 1980 devenu le code de déontologie des architectes, de sorte qu'il a exercé son activité dans le cadre, non pas d'une exclusion de garantie, mais d'un risque non couvert par l'assureur.

17. En statuant ainsi, alors que l'exécution des travaux en violation des règles d'urbanisme imposant l'obtention d'une autorisation de construire
constituait une circonstance particulière de la réalisation du risque, de sorte que l'assureur invoquait une exclusion de garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes d'indemnisation de M. [P] au titre du passage en croix du refend et des crêtes de murs, du trouble de jouissance, du surplus de loyers payés et du préjudice moral et en ce qu'il dit que la garantie de la Mutuelle des architectes français n'est pas acquise et rejette les demandes présentées contre elle, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. [I] et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [I] et la Mutuelle des architectes français à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

mercredi 26 janvier 2022

Contrat d'architecte - exclusion de la solidarité inapplicable, car la faute de l'architecte était à l'origine de l'entier dommage

 Note G. Virassamy, SJ G 2022, p. 408.

Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb., 2022-3, p. 30.

Note . Charbonneau, RDI 2022, p. 175.

Note N. Bonnardel, D. 2022, p. 686.

Note P. Dessuet, RGDA 2022-4, p. 8

Note S. Bertolaso, RCA 2022-4, p. 52.

Note A. Caston, GP 2022-17, p. 51.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 50 FS-B+R

Pourvoi n° B 20-15.376




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022

1°/ M. [L] [B],

2°/ Mme [D] [Z], épouse [B],

tous deux domiciliés [Adresse 10],

ont formé le pourvoi n° B 20-15.376 contre l'arrêt rendu le 6 février 2020 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Mutuelles des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à Mme [J] [X], veuve [O], domiciliée [Adresse 10],

3°/ à M. [Y] [U], domicilié [Adresse 8], pris en qualité de mandataire liquidateur de M. [F] [E], demeurant [Adresse 7],

4°/ à M. [K] [I], domicilié [Adresse 1],

5°/ à M. [S] [A], domicilié [Adresse 5],

6°/ à M. [T] [W], domicilié [Adresse 3],

7°/ à M. [G] [R], domicilié [Adresse 14], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Maison du Gard,

8°/ à M. [C] [P], domicilié [Adresse 11],

9°/ à la société Caro Pro, dont le siège est [Adresse 4],

10°/ à la société Axa France IARD, dont le siège est [Adresse 9],

11°/ à la société SMA, dont le siège est [Adresse 12],

12°/ à la société BRMJ, dont le siège est [Adresse 13], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société ARA services et aménagements,

13°/ à la société MAZA Menuiseries, dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de Me Soltner, avocat de M. et Mme [B], de la SCP Boulloche, avocat de la MAF, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [O], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, Mme Brun, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,


la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. et Mme [B] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. [I], [A], [W], [R], en sa qualité de liquidateur de la société Maison du Gard, et [P], et les sociétés Caro Pro, Axa France IARD, SMA, BRMJ, en sa qualité de liquidateur de la société ARA services et aménagements, et Maza menuiseries.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 février 2020), par acte du 18 mars 2009, Mme [O] a vendu un appartement à M. et Mme [B].

3. Ceux-ci ont confié à M. [E] (l'architecte), assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de la rénovation de ce bien.

4. Se plaignant de malfaçons et d'imprévisions ayant, notamment, entraîné un dépassement du budget, M. et Mme [B] ont assigné l'architecte et la MAF en indemnisation de leurs préjudices.

5. Mme [O], se plaignant, quant à elle, de dommages provenant de l'appartement vendu et causés aux biens dont elle était restée propriétaire, a assigné M. et Mme [B], qui ont appelé l'architecte en garantie. Les instances ont été jointes.

6. L'architecte a été placé en liquidation judiciaire.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, et sur le troisième moyen, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. M. et Mme [B] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement formée au titre de leur préjudice lié au dépassement du budget global du chantier, alors « que, selon l'article 1231-2 du code civil, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé ; qu'en l'espèce, sans la faute de M. [E], les époux [B] n'auraient pas été confrontés à la nécessité de souscrire un emprunt pour faire face à des travaux imprévus ; qu'ils auraient pu, dès l'origine, décider en connaissance de cause d'entreprendre ce chantier, de recourir ou non aux entreprises et intervenants qui leur étaient proposés, et pour un coût qu'ils auraient pu accepter ou refuser en connaissance de cause, autant de données dont ils ont été frustrés en raison de la faute de l'architecte ; qu'en exonérant celui-ci de toute responsabilité aux motifs que le surcoût qu'il lui était demandé de prendre en charge aurait dû « nécessairement être payé » par les exposants, affirmation portant sur un fait par hypothèse incertain et donc insusceptible d'affecter le lien de causalité direct qui existait entre le dommage résultant du dépassement de budget et la faute de l'architecte, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a retenu que, si le projet de l'architecte avait été correctement réalisé, M. et Mme [B] auraient dû nécessairement payer le surcoût correspondant aux prestations complémentaires omises de son évaluation.

10. Elle a pu en déduire qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre le préjudice lié à ce surcoût et les fautes de l'architecte, en dehors des déconvenues éprouvées par les maîtres d'ouvrage du fait des plus-values en cours de chantier, dont elle a souverainement fixé la réparation.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. M. et Mme [B] font grief à l'arrêt de fixer leur créance au passif de l'architecte à la somme de 67 777,06 euros seulement avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2013 et de condamner la MAF à payer cette somme, alors « que l'architecte qui manque à son devoir de conseil en omettant d'exiger les plans d'exécution de leur lot par les entreprises et de définir l'objet du marché revenant à chacune d'elles, ne peut se décharger des conséquences de sa carence en invoquant des fautes d'exécution de ces mêmes entreprises, fautes dont l'exécution de sa mission avait précisément pour objet d'empêcher la survenance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour chacun des lots affectés de malfaçons, a retenu que « les désordres sont imputables pour moitié à une faute de l'entreprise qui n'a pas exécuté un ouvrage conforme aux règles de l'art (et) à l'architecte qui en s'abstenant dans le cadre de sa mission AMT de préparer un projet complet définissant précisément les prestations de l'entreprise, et en n'exigeant pas de l'entreprise un plan d'exécution, n'a pas mis en place un cadre permettant le bon accomplissement de l'ouvrage » ; qu'en jugeant que l'architecte ayant commis un tel manquement était fondé, dans ses relations avec les maîtres d'ouvrage, à se prévaloir de la faute d'exécution commise par les entreprises, et en décidant en conséquence que les fautes respectives des parties ayant contribué aux désordres seront fixées dans la proportion de 70 % pour l'entreprise en raison du défaut d'exécution, et de 30 % pour l'architecte en raison de l'impréparation du projet, la cour d'appel a violé les articles 1231-1 et 1793 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

13. Selon ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

14. Chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l'étendue de leur obligation à l'égard de la victime du dommage.

15. L'arrêt relève que le contrat de maîtrise d'oeuvre contient une clause prévoyant que l'architecte ne pourra être tenu responsable ni solidairement ni in solidum des fautes commises par d'autres intervenants à l'opération.

16. Une telle clause ne limite pas la responsabilité de l'architecte, tenu de réparer les conséquences de sa propre faute, le cas échéant in solidum avec d'autres constructeurs. Elle ne saurait avoir pour effet de réduire le droit à réparation du maître d'ouvrage contre l'architecte, quand sa faute a concouru à la réalisation de l'entier dommage.

17. Pour limiter l'obligation à réparation de l'architecte et de son assureur à une fraction des dommages, l'arrêt retient que la clause d'exclusion de solidarité n'est privée d'effet qu'en cas de faute lourde et que l'architecte n'est tenu qu'à hauteur de la part contributive de sa faute dans la survenance des dommages.

18. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que les dommages avaient été causés par la faute de l'architecte, qui s'était abstenu de préparer un projet complet définissant précisément les prestations des locateurs d'ouvrage et d'exiger d'eux des plans d'exécution, ce dont il résultait que la faute de l'architecte était à l'origine de l'entier dommage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

19. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause Mme [O], dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la fixation de créance au passif de M. [E] et la condamnation de la Mutuelle des architectes français prononcées au titre de la reprise des malfaçons du gros oeuvre imputables à M. [H], des malfaçons du placoplâtre, des malfaçons des évacuations des eaux usées, des malfaçons des gouttières, des malfaçons des enduits, des malfaçons de l'électricité, de la mise en conformité du chauffage, du lot terrasse de 18 m² et de la visite du consuel demandée par l'expert, l'arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Met hors de cause Mme [O] ;

Condamne M. [U], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [E], et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Mutuelle des architectes français à payer à M. et Mme [B] la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Soltner, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [B]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR Fixé la créance de M. [L] [B] et Mme [D] [Z] épouse [B] à l'égard de M. [E] à la somme de 67.777,06 € seulement avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2013 ; Dit que la somme de 67.777,06 € sera inscrite au passif de la procédure collective de M. [E] ; Condamné la Mutuelle des Architectes Français en qualité d'assureur de M. [E], à payer à M. [L] [B] et Mme [D] [Z] épouse [B] la somme de 67.777,06 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2013 en réparation de leurs préjudices ;

AUX MOTIFS QU'Attendu qu'il y a donc lieu de déterminer la réalité des préjudices invoqués et leur lien de causalité avec une faute de l'architecte ou des entreprises ayant procédé à l'exécution de l'ouvrage ; Attendu que les époux [B] sont liés à M. [E] par un contrat d'architecte signé le 3 février 200 limitant la mission du maître d'oeuvre à :

-l'assistance à la passation des marchés AMT
-la direction et comptabilité des travaux DE
-le visa des plans VISA
-l'assistance aux opérations de réception AOR

Attendu certes que les obligations du maître d'oeuvre sont limitées par sa mission ; Que toutefois en l'espèce, selon l'expert, la complexité du chantier des époux [B] impliquant une réhabilitation complète, commandait une mission complète ; Attendu qu'en effet, il existe des tâches nécessaires sans lesquelles l'architecte n'est pas en mesure d'assurer l'accomplissement de l'oeuvre et sa bonne exécution ; Qu'ainsi, M. [E] ne pouvait assister efficacement les époux [B] lors des passations des marchés ni assurer une direction des travaux conforme aux règles de l'art, sans qu'au préalable aient été établis un diagnostic de l'existant et une définition précise des prestations des différents lots ; qu'en n'informant pas le maître de l'ouvrage de la nécessité, soit de lui confier ces missions complémentaires, soit de les déléguer à un tiers, l'architecte a failli à son obligation de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage ; Que M. [E] aurait dû notamment établir des écrits et documents graphiques permettant aux entreprises d'avoir une parfaite connaissance du projet pour apprécier l'étendue et la pertinence des prestations à réaliser ; Qu'il ne pouvait accepter une mission "AMT" sans exiger du maître de l'ouvrage que les autres missions constituant un préalable nécessaire soient réalisés par lui-même ou par un tiers ; Que le déroulement chaotique du chantier souligné par l'expert, caractérisé par la succession des entreprises pour un même lot et l'inexécution partielle par les entreprises de leur contrat mal défini est la conséquence d'un manque de préparation du projet, caractérisant une faute de l'architecte dans son obligation de conseil ; Attendu que la qualité d'agent immobilier de M. [B], maître de l'ouvrage qui lui confère une compétence en matière immobilière mais non dans le domaine de la construction ne pouvait en aucun cas dispenser l'architecte de son obligation de conseil ; (?) Sur les plus-values de chantier : Attendu qu'en l'absence d écrits et documents graphiques permettant aux entreprises d'avoir une parfaite connaissance du projet pour apprécier l'étendue et la pertinence des prestations à réaliser, les prestations prévues au devis des entreprises se sont révélées insuffisantes pour répondre aux contraintes du chantier de sorte que sont nés de nombreux litiges et divergences sur le chantier ; que les époux [B] ont été confrontés à plusieurs reprises à des surcoûts qui n'étaient pas envisagés initialement ; que l'impréparation du projet par l'architecte caractérisant une faute dans sa mission AMT est à l'origine exclusive des déconvenues multiples des époux [B] ; Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement de première instance qui leur a accordé à ce titre la somme de 3.000€

9. Sur les désordres apparus après abandons et défaillances ayant conduit à des travaux de reprise par de nouveau titulaire ;

Attendu que ce poste de préjudice concerne le coût des réparations des désordres apparus en cours de chantier consécutivement à la défection ou l'abandon de certaines entreprises ;

- le lot gros oeuvre :

Attendu que M. [H] qui était titulaire du lot gros oeuvre a abandonné le chantier ; que les malfaçons constatées après son départ ont fait l'objet d'un nouveau contrat de marché confié à Ara Service pour un coût de 7.380 € HT (rapport d'expertise page 131) ; Que les désordres sont imputables essentiellement à un défaut d'exécution de l'entreprise qui n'a pas exécuté un ouvrage conforme aux règles de l'art et également à l'architecte qui en s'abstenant dans le cadre de sa mission AMT de préparer un projet complet définissant précisément les prestations de l'entreprise [H], et en n'exigeant pas de l'entreprise un plan d'exécution, n'a pas mis en place un cadre permettant le bon accomplissement de l'ouvrage ; Que les fautes respectives des parties ayant contribué aux désordres seront fixées dans la proportion de 70 % pour l'entreprise (défaut d'exécution) et 30 % pour l'architecte (préparation insuffisante du projet), étant relevé qu'aucune demande n'est formée par les époux [B] à l'encontre de l'entreprise [H], de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une éventuelle condamnation de cette dernière conformément à l'article 5 du code de procédure civile, le jugé lié par les conclusions des parties, devant se prononcer seulement sur la demande ; Attendu qu'en l'absence de réception de l'ouvrage les désordres liées à la construction sont réparables dans les conditions de la responsabilité civile de droit commun ; Que les rapports entre les différents intervenants sont régis par les règles de la responsabilité civile contractuelle ou délictuelle selon qu'il existe ou non un contrat entre eux ; Attendu que pour échapper à une condamnation in solidum de l'architecte, la Maf qui assure ce dernier, invoque la clause du contrat excluant la solidarité ; Attendu que le § 5 du contrat d'architecte prévoit une clause limitative de solidarité ainsi libellée : il ne pourra être tenu responsable ni solidairement ni in solidum des fautes commises par d'autres intervenants à l'opération visée ci-dessus ; Attendu que les époux [B] estiment que cette clause écartant la responsabilité in solidum de l'architecte n'est pas valable ; Attendu toutefois que le juge est tenu de respecter les stipulations contractuelles excluant les conséquences de la responsabilité solidaire ou in solidum d'un constructeur à raison des dommages imputables à un autre intervenant lorsque la responsabilité recherchée n'est pas la responsabilité légale des articles 1792 et suivants du code civil ;Qu'une telle clause limitative de responsabilité est privée d'effet seulement dans le cas d'une faute lourde ;

Lot gros oeuvre :

Attendu que selon l'expert, le gros oeuvre est affecté de désordres nécessitant des reprises fixées pour un coût de 2.980 € HT ; Attendu que le gros oeuvre a été traité successivement par M. [H] et l'entreprise ARA Service ; Que l'absence d'état des lieux dressé par l'architecte lors de l'abandon du chantier par le titulaire initial constitue une faute de l'architecte dans l'exécution de sa mission de direction des travaux (DET) et ne permet pas d'imputer un défaut d'exécution à l'une ou l'autre des entreprises de sorte que l'architecte supportera seul le montant de la reprise des désordres ;

Gouttières :

Attendu que le défaut de pente affectant les gouttières mises en place par l'entreprise Chapon Dumas nécessite des travaux de reprise, estimés par l'expert à 1.500€ hT ; Que ces désordres sont imputables essentiellement à un défaut d'exécution de l'entreprise Chapon Dumas qui n'a pas exécuté un ouvrage conforme aux règles de l'art mais également à l'architecte qui en s'abstenant dans le cadre de ses missions AMT et DET de préparer un projet complet définissant précisément les prestations de l'entreprise Chapon Dumas, et en n'exigeant pas de l'entreprise un plan d'exécution, n'a pas mis en place un cadre permettant le bon accomplissement de l'ouvrage ; Que les fautes respectives des parties ayant contribué aux désordres seront fixées dans la proportion de 70 % pour l'entreprise (défaut d'exécution) et 30 % pour l'architecte (préparation insuffisante du projet), étant relevé qu'aucune demande n'est formée par les époux [B] à l'encontre de l'entreprise Chapon Dumas, laquelle n'est pas attraite en la cause ;Que l'architecte doit être tenu responsable du préjudice pour sa seule faute, soit pour la somme de 450 € HT (1.500 X30 %) somme qui sera inscrite au passif de sa liquidation judiciaire ; Qu'il sera fait application de la clause exclusive de solidarité dès lors qu'il n'est pas démontré de faute lourde commise par l'architecte ;

Lot enduit de façade :

Attendu que l'entreprise [P] titulaire du lot n'a pas traité intégralement la façade, l'expert ayant noté la nécessité de procéder à des compléments d'enduit et une reprise en rive par couvre-joint afin d'assurer l'étanchéité pour un coût de 3.000 € ; Que ces désordres sont imputables essentiellement à un défaut d'exécution de l'entreprise Pro Etanchéité (M. [P]) qui n'a pas exécuté un ouvrage conforme aux règles de l'art mais également à l'architecte qui en s'abstenant dans le cadre de sa mission de préparer un projet complet définissant précisément les prestations de l'entreprise [P] Pro Etanchéité, et en n'exigeant pas de l'entreprise un plan d'exécution, n'a pas mis en place un cadre permettant le bon accomplissement de l'ouvrage ; Que les fautes respectives des parties ayant contribué aux désordres seront fixées dans la proportion de 70 % pour l'entreprise (défaut d'exécution) et 30 % pour l'architecte (préparation insuffisante du projet) ; Que l'architecte doit être tenu responsable du préjudice pour sa seule faute, soit pour la somme de 900€ HT (3.000X30 %) somme qui sera inscrite au passif de sa liquidation judiciaire ; Qu'il sera fait application de la clause exclusive de solidarité dès lors qu'il n'est pas démontré de faute lourde commise par l'architecte ; Attendu que la somme mise à la charge de l'entreprise Pro Etanchéité sera limitée à la somme réclamée par les époux [B] dans leurs dernières conclusions fixée à la somme de 330 €, dès lors que le juge, conformément à l'article 5 du code de procédure civile est lié par les conclusions des parties et doit se prononcer seulement sur la demande ; Lot électricité /VMC : Attendu que selon l'expert, la société Rapid Elec qui est intervenue à la suite de M. [A] pour ce lot, a livré un ouvrage comportant de défauts et non-conformités à la sécurité ; Que les travaux de reprise qui ont été effectués s'élèvent à la somme de 2.322€ ht ; Que ces désordres sont imputables essentiellement à un défaut d'exécution de l'entreprise Rapid Elec (M. [W]) qui n'a pas exécuté un ouvrage conforme aux règles de l'art mais également à l'architecte qui en s'abstenant dans le cadre de sa mission AMT de préparer un projet complet définissant précisément les prestations de l'entreprise Rapid Elec, et en n'exigeant pas de l'entreprise un plan d'exécution, n'a pas mis en place un cadre permettant le bon accomplissement de l'ouvrage ; que les fautes respectives des parties ayant contribué aux désordres seront fixées dans la proportion de 70 % pour l'entreprise (défaut d'exécution) et 30 % pour l'architecte (préparation insuffisante du projet) ; Que l'architecte doit être tenu responsable du préjudice pour sa seule faute, soit pour la somme de 696,6€ HT (2.322 X30 %) somme qui sera inscrite au passif de sa liquidation judiciaire ; Qu'il sera fait application de la clause exclusive de solidarité dès lors qu'il n'est pas démontré de faute lourde commise par l'architecte ; Attendu que la somme mise à la charge de l'entreprise Rapid Elec sera limitée à la somme réclamée par les époux [B] dans leurs dernières conclusions fixée à la somme de254 €, dès lors que le juge, conformément à l'article 5 du code de procédure civile est lié par les conclusions des parties et doit se prononcer seulement sur la demande ;

Lot chauffage ECS :

Attendu que selon l'expert, le matériel mis en place par l'entreprise [A] n'est pas adapté à la configuration des lieux , aucune étude thermique prenant en compte toutes les contraintes des existants et les coefficients thermiques des nouveaux matériaux n'ayant été réalisée au préalable ; Attendu que les travaux de reprise supposant une étude thermique, la dépose de l'installation existante ainsi que la fourniture et la pose d'un chauffage air/air dimensionné outre les mesures correctives de la VMC et du cumulus représentent un coût HT de 18.300 € ; Que ces désordres sont imputables pour moitié à une faute de l'entreprise [A]) qui n'a pas exécuté un ouvrage conforme aux règles de l'art et qui n'a pas conseillé aux époux [B] de faire réaliser une étude thermique mais également à l'architecte qui en s'abstenant dans le cadre de sa mission AMT de préparer un projet complet définissant précisément les prestations de l'entreprise [A], et en n'exigeant pas de l'entreprise un plan d'exécution, n'a pas mis en place un cadre permettant le bon accomplissement de l'ouvrage ; qu'en outre, M. [E] qui a reconnu n'avoir aucune compétence en matière thermique, aurait dû conseiller à ses clients, de faire réaliser préalablement une étude thermique afin d'éviter une inadaptation des installations ; Que les fautes respectives des parties ayant contribué aux désordres seront fixées dans la proportion de 50 % pour l'entreprise (défaut d'exécution et manquement à son obligation de conseil) et 50 % pour l'architecte (préparation insuffisante du projet et manquement à son obligation de conseil) ; Attendu que la somme mise à la charge de l'entreprise [A] sera limitée à la somme réclamée par les époux [B] dans leurs dernières conclusions fixée à la somme de 2.794,46 € HT, soit 3.073,90 TTC dès lors que le juge, conformément à l'article 5 du code de procédure civile est lié par les conclusions des parties et doit se prononcer seulement sur la demande ; Que l'architecte doit être tenu responsable du préjudice pour sa seule faute, soit pour la somme de 9.150 €(18.300 X 50%) somme qui sera inscrite au passif de sa liquidation judiciaire ; Qu'il sera fait application de la clause exclusive de solidarité dès lors qu'il n'est pas démontré de faute lourde commise par l'architecte ;

Lot plomberie

Attendu que l'architecte qui s'est trompé dans la commande d'un élément sanitaire, devra régler la somme de 150 € représentant le montant de la pose du WC suspendu ;

Lot terrasse de 18 m2 :

Attendu que selon l'expert, cette terrasse n'est pas conforme, en raison de l'impossibilité d'évacuation des eaux pluviales sous la chape, aucun principe de drainage et d'évacuation par récolte n'ayant été réalisé ; Que l'entreprise [H] a commis des non-conformités, les lots étanchéité ([P]) et carrelage, plomberie et menuiseries ayant accepté de travailler sur ces supports non conformes ; Que les travaux de reprise consistent à démolir la chape et le carrelage, à assurer l'évacuation et à réaliser une nouvelle étanchéité avec habillage des seuils reconstitués pour un coût de 5.320 € ht ; Attendu que l'absence d'établissement par l'architecte d'un document définissant précisément le contenu de la prestation de M. [H] en ce qui concerne sa prestation sur la terrasse d'une part et l'absence d'état des lieux dressé par l'architecte lors de l'abandon du chantier par M. [H] constitue une faute de l'architecte tant au stade de l'assistance à la passation des marchés (AMT) que dans l'exécution de sa mission de direction des travaux (DET) et n'a pas permis de déceler la non-conformité du support sur lequel les entreprises ont réalisé ultérieurement leurs prestations ; Qu'il importe de relever que l'entreprise [H] qui a failli dans l'exécution d'un ouvrage conforme aux règles de l'art supportera le coût de la réfection de l'évacuation représentant une somme de 900 € et, l'architecte le surplus de la reprise, soit la somme de 4.420 € ; Que l'architecte doit être tenu responsable du préjudice pour sa seule faute, soit pour la somme de 4.420 € qui sera inscrite au passif de sa liquidation judiciaire ; Qu'il sera fait application de la clause exclusive de solidarité dès lors qu'il n'est pas démontré de faute lourde commise par l'architecte ;
Lot menuiseries extérieures et intérieures :

Attendu que selon l'expert, les menuiseries ne sont pas conformes aux règles de sécurité pour assurer l'isolement au feu selon le degré requis , la mise aux normes représentant un coût de 2.450 € ht ; Que ces désordres sont imputables à un défaut de conseil de l'architecte qui aurait dû prévoir les normes qui s'imposaient en l'espèce ; Qu'en revanche, faute de constat d'un quelconque désordre par l'expert, la pose d'une porte à galandage ou d'une trappe qui révèlent des non finitions ne peut être imputée à l'architecte ou à un autre locateur d'ouvrage ; L'isolement aux tiers dans la cage d'escalier et garde-corps sécurité :

Attendu qu'il importe de relever que la rénovation concernait un appartement situé dans une copropriété et à un étage élevé ; que l'expert a indiqué qu'il était nécessaire de réaliser des cloisons séparatives entre le logement des époux [B] et les parties communes ainsi que des garde-corps, l'ensemble représentant un coût de 3.250 € Ht ; Que l'architecte aurait dû prévoir, au titre de son obligation de conseil d'équiper les ouvrages des équipements de sécurité qui s'imposaient ; Qu'il doit donc supporter entièrement le coût de la mise aux normes ;
Sur la garantie due par la Maf, assureur de M. [E] : Attendu que la Maf garantissant M. [E] au titre de sa responsabilité civile professionnelle et qui peut opposer la clause exclusive de solidarité insérée au contrat de son assurée dans le cadre de l'action directe de la victime à son encontre ,sera condamnée à payer aux époux [B] la somme de 67.777,06 €, avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2013, date de l'assignation ; Sur la garantie due par la société assurances Axa , assureur de M. [A] : Attendu que la garantie responsabilité civile professionnelle de la société Axa ne peut être mobilisée au titre des travaux de reprise de l'ouvrage fait par l'assuré ;

1°) ALORS QUE l'architecte qui manque à son devoir de conseil en omettant d'exiger les plans d'exécution de leur lot par les entreprises et de définir l'objet du marché revenant à chacune d'elles, ne peut se décharger des conséquences de sa carence en invoquant des fautes d'exécution de ces mêmes entreprises, fautes dont l'exécution de sa mission avait précisément pour objet d'empêcher la survenance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour chacun des lots affectés de malfaçons, a retenu que « les désordres sont imputables pour moitié à une faute de l'entreprise qui n'a pas exécuté un ouvrage conforme aux règles de l'art (et) à l'architecte qui en s'abstenant dans le cadre de sa mission AMT de préparer un projet complet définissant précisément les prestations de l'entreprise, et en n'exigeant pas de l'entreprise un plan d'exécution, n'a pas mis en place un cadre permettant le bon accomplissement de l'ouvrage » ; qu'en jugeant que l'architecte ayant commis un tel manquement était fondé, dans ses relations avec les maîtres d'ouvrage, à se prévaloir de la faute d'exécution commise par les entreprises, et en décidant en conséquence que les fautes respectives des parties ayant contribué aux désordres seront fixées dans la proportion de 70 % pour l'entreprise en raison du défaut d'exécution, et de 30 % pour l'architecte en raison de l'impréparation du projet, la cour d'appel a violé les articles 1231-1 et 1793 du code civil ;

2°) ALORS QUE la faute lourde de l'architecte se déduit de la gravité des manquements aux obligations contractuelles et réglementaires que lui imposait sa mission, peu important son absence d'intention de nuire ; qu'il appartient au juge devant lequel le maître d'ouvrage invoque l'existence d'une faute lourde de l'architecte de nature à priver d'effet une clause écartant la solidarité, de se prononcer sur les moyens et arguments soulevés à l'appui de cette qualification; qu'en se contentant d'énoncer que la faute lourde invoquée contre M. [E] « n'est pas démontrée », sans procéder à aucune analyse des conclusions des époux [B] qui soutenaient que l'expert avait constaté les très nombreuses fautes de M. [E] (Pages 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123 et 124 / Rapport d'expertise Pièce n°11), d'où il se déduisait que l'intéressé avait preuve de négligences d'une extrême gravité dénotant son inaptitude à accomplir sa mission contractuelle, ce qui justifiait la mise à l'écart, en raison de l'existence d'une faute lourde, de la clause écartant le jeu de la solidarité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard articles 1231-1 et 1793 du code civil ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les époux [B] de leur demande en paiement de la somme de 58 621,45 euros au titre de leur préjudice lié au dépassement du budget global du chantier ;

AUX MOTIFS QUE les déconvenues éprouvées par les époux [B] pour les plus-values en cours de chantier ont fait l'objet d'une indemnisation ; Que s'agissant du préjudice allégué de dépassement global du chantier, il est incontestable que le budget initialement prévu dans le projet de l'architecte a été largement dépassé ; qu'il importe néanmoins de relever que si le projet de l'architecte avait été correctement réalisé, les époux [B] auraient dû nécessairement payer ce surcoût correspondant à des prestations complémentaires ; Qu'il n'existe donc pas de lien de causalité entre la faute commise par l'architecte dans la préparation du projet et le préjudice allégué par les époux [B] ; Que par suite, le premier jugement sera infirmé en ce qu'il a accordé aux époux [B] la somme de 58.621,45 € à ce titre ;

1°) ALORS QUE selon l'article 1793 du Code civil « lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire » ; que l'architecte qui manque à son obligation de conseil en omettant d'informer le maître d'ouvrage de la nécessité de prévoir des postes de travaux et des missions supplémentaires imposées par l'importance du chantier et le volume des travaux que celui-ci réclame, est tenu de réparer les conséquences des dépassements de coût résultant de cette impréparation dont il porte seul la responsabilité ; que la cour d'appel, qui retient que Monsieur [E], en n'informant pas le maître de l'ouvrage de la nécessité, soit de lui confier des missions complémentaires, soit de les déléguer à un tiers, avait failli à son obligation de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage, tout en jugeant que ce même architecte n'était pas tenu de prendre à sa charge le montant du dépassement de budget en résultant, aux motifs que les époux [B] aurait dû nécessairement payer ce surcoût si l'architecte avant correctement réalisé sa mission, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 et 1793 du code civil ;

2°) ALORS QUE selon l'article 1231-2 du code civil, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé ; qu'en l'espèce, sans la faute de M. [E], les époux [B] n'auraient pas été confrontés à la nécessité de souscrire un emprunt pour faire face à des travaux imprévus ; qu'ils auraient pu, dès l'origine, décider en connaissance de cause d'entreprendre ce chantier, de recourir ou non aux entreprises et intervenants qui leur étaient proposés, et pour un coût qu'ils auraient pu accepter ou refuser en connaissance de cause, autant de données dont ils ont été frustrés en raison de la faute de l'architecte ; qu'en exonérant celui-ci de toute responsabilité aux motifs que le surcoût qu'il lui était demandé de prendre en charge aurait dû « nécessairement être payé » par les exposants, affirmation portant sur un fait par hypothèse incertain et donc insusceptible d'affecter le lien de causalité direct qui existait entre le dommage résultant du dépassement de budget et la faute de l'architecte, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement de première instance en ce qu'il a condamné Mme [O] à payer aux époux [B] la somme de 23.000 € au titre des travaux de toiture qu'elle a commandés avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2015 ;

AUX MOTIFS QUE, Sur la demande en paiement des époux [B] à l'encontre de Mme [O] Attendu que les époux [B] prétendent que pour éviter le blocage de leur chantier, ils ont réglé à M. [H] en charge de la surélévation du toit sur la partie avant de l'immeuble (partie privative), la somme de 23.000 € correspondant à la prestation réalisée par cet entrepreneur sur la toiture arrière, (partie commune de la copropriété), à la demande de Mme [O] ; Attendu que ce paiement allégué s'analyse en un paiement de la dette d'autrui ; Que selon l'article 1236 du code civil, une obligation peut être acquittée par toute personne qui y est intéressée ou par un tiers qui n'y est point intéressé pourvu que ce tiers agisse au nom et en l'acquit du débiteur ; Que le tiers qui sans y être tenu, a payé la dette d'autrui de ses propres deniers, est tenu de prouver que la cause dont procède ce paiement implique pour le débiteur l'obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées ; Qu'en l'espèce, le paiement allégué de la somme de 23.000€ ne résulte d'aucune pièce du dossier des époux [B] ; qu'en effet, ils ne justifient pas d'un débit de leur compte bancaire correspondant au montant ; que pas davantage, ils ne produisent un reçu de l'entreprise [H] ; Qu'ils ne versent pas non plus la facture de M. [H] adressée à Mme [O] concernant la réfection de la toiture arrière, partie commune ; Que même les investigations expertales n'ont pas permis de connaître la nature des travaux et le montant correspondant à la partie commune de la toiture, l'expert constatant qu'il n'était pas en mesure d'apprécier la teneur de l'accord verbal entre M. [H] et Mme [O] ; Qu'en page 140 de son rapport, l'expert note que la facture de l'entreprise [H] est toujours absente de notre dossier ; Attendu qu'il s'en déduit que les époux [B] ne rapportent pas la preuve de leur qualité de solvens et ne sont pas bien fondés dans leur demande de remboursement à l'encontre de Mme [O] de la somme de 23.000€ ; Que par suite, il y a lieu d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné Mme [O] à payer aux époux [B] la somme de 23.000€ au titre des travaux de toiture qu'elle a commandés avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2015

1°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, il résulte du rapport d'expertise, expressément reproduit par les époux [B] dans leur conclusions, les énonciations suivantes de l'expert : « ...il est confirmé que Mme [O] est toujours débitrice vis-à-vis de [H] (?) et que l'abandon véritable ne pourrait être conséquent du non-paiement des époux [B] concernant leur part. » (Pages 66, 67, 138, 139 / Rapport d'expertise pièce n°11) ; « Le compte entre les parties confirme que [H] a facturé ses prestations pour la couverture / Charpente aux époux [B] selon facture du 12.05.2009 pour 23.442,10 € T.T.C. Règlement des époux [B] à hauteur de 23.000 € T.T.C. Les époux [B] seront en droit d'exiger le coût ainsi annoncé au profit de Mme [O]. » (p. 139) ; qu'en énonçant que « le paiement allégué de la somme de 23.000€ ne résulte d'aucune pièce du dossier des époux [B] » la Cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise, en violation des articles 1103, 1193 et 1104 du Code civil (nouveau).

2°) ALORS QUE la preuve du paiement s'établit par tous moyens ; qu'en s'abstenant de rechercher si la preuve du paiement de la somme de 23 000 euros au nom et pour le compte de Mme [O] ne résultait pas de l'examen des comptes entre les parties fait par l'expert, et notamment de la constatation par ce dernier de la réalité du paiement de la somme de 23 000 euros à la société [H] pour des travaux de toiture ne pouvant pas leur incomber, et des autres pièces produites par les époux [B] pour attester de ce paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article 1315 et 1236 du code civil ;ECLI:FR:CCASS:2022:C300050