Affichage des articles dont le libellé est volonté de créer le dommage. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est volonté de créer le dommage. Afficher tous les articles

vendredi 7 avril 2023

Assurance : non-garantie de la faute dolosive de l'architecte même n'impliquant pas la volonté de créer le dommage

 Voir rapport av. gén. Brun, RCA 2023-5, p. 14.

Note Bertolaso, RCA 2023-5, p. 24

Note L. Mayaux, RGDA 2023-5, p. 21

Note JP Karila, RGDA 2023-6, p. 11.

Note P. Dessuet, SJ G 2023, p. 1157.

Note A. Pélissier, D. 2023, p. 1293.

Note D. Noguéro, GP 2023-23, p.39.

Note B. Beignier, D. 2023, n°37, p. 1941



Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 mars 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 270 FS-B+R

Pourvoi n° B 21-21.084




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MARS 2023

1°/ la société Oak édition, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ la société Atelier archange, dont le siège est [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° B 21-21.084 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Expera assurances, venant aux droits et obligations de la société Di Giorgio & Gintrand assurances, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Di Giorgio & Gintrand assurances, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la société MMA IARD, société anonyme

4°/ à la société civile MMA IARD assurances mutuelles,


toutes deux ayant leur siège [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de Me Soltner, avocat de la société Oak édition et de la société Atelier archange, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Expera assurances, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Delbano, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), pour les besoins de son activité de design et d'architecture intérieure, la société Atelier archange a souscrit un contrat d'assurance auprès de la société Les Mutuelles du Mans assurances, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA). Le contrat a été souscrit par l'intermédiaire de l'agent de l'assureur, la société Di Giorgio & Gintrand assurances, aux droits de laquelle vient la société Expera assurances.

2. La société Atelier archange a été chargée par la société McDonald's Europe de travaux de décoration de restaurants.

3. A la suite d'une réclamation d'ayants droit d'un designer, la société Atelier archange a déclaré un sinistre à son assureur, qui a refusé sa garantie aux motifs que l'assurée avait commis une faute dolosive en raison du caractère flagrant et massif de la contrefaçon.

4. La société Atelier archange a assigné l'assureur et son agent. La société Oak édition est venue aux droits de la société Atelier archange.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Oak édition fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre les sociétés MMA et la société Di Giorgio & Gintrand assurances, alors « que la faute dolosive de l'article L. 113-1 du code des assurances, privant l'assuré du bénéfice de la garantie suppose qu'il ait agi non pas seulement avec la conscience du risque de provoquer le dommage, mais aussi avec la volonté de le provoquer et d'en vouloir les conséquences, telles qu'elles se sont produites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel relève que si le cabinet d'architecte Atelier Archange « fait valoir qu'un architecte-designer ne peut se prémunir du fait que la création n'emprunte à aucune oeuvre antérieure, que les analyses tenant à l'originalité des oeuvres prétendument contrefaites peuvent diverger notamment d'un pays à l'autre, que la question de la titularité des droits d'auteur portant sur une oeuvre est sujette à des interprétations, et ce particulièrement lorsque l'auteur est décédé », un simple examen visuel des oeuvres attribuées au designer M. [H] [C] et celles utilisées par la société Atelier Archange permet de constater de manière flagrante leur exacte similitude ; qu'elle ajoute « Que le simple ajout, pour certaines, ne permet pas, de considérer que la SARL Atelier Archange « s'est simplement inspirée d'éléments graphiques relativement usuels en y apportant un travail créatif supplémentaire ». (?). Que cette exacte similitude attribuée à M. [H] [C] ne peut résulter d'un hasard ou d'une méconnaissance de l'oeuvre de ce designer, considérant sa notoriété incontestable (?). Dès lors, en utilisant, sans autorisation, dans les restaurants de cette enseigne, la SARL Atelier Archange a pris un risque ayant pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque, excluant la garantie de l'assureur » ; qu'en se déterminant par des tels motifs, impropres à caractériser l'intention de l'architecte de provoquer le dommage et d'en rechercher les conséquences telles qu'elles se sont produites, mais, qui caractérisaient tout au plus le risque, selon les termes de l'arrêt, que ce dommage puisse se réaliser, à certaines conditions qu'il pouvait juger lui-même comme improbables eu égard à l'ancienneté des oeuvres et à leur large diffusion à l'étranger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. La faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables (2e Civ., 20 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.245, publié au bulletin).

7. La cour d'appel a retenu qu'en utilisant, sans autorisation, dans des restaurants au Royaume-Uni et en Europe et, dès lors, soumises à un large public, des reproductions dont la similitude avec des oeuvres d'un tiers est incontestable, malgré la clause contractuelle d'originalité la liant aux sociétés McDonald's, la société Atelier archange a pris un risque ayant pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque, excluant la garantie de l'assureur.

8. Ayant retenu que l'assurée avait commis une faute dolosive, laquelle n'impliquait pas la volonté de son auteur de créer le dommage, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que l'assureur n'avait pas à répondre des dommages.

9. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

10. La société Oak édition fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'assureur est tenu d'une obligation d'information sur le sens et la portée des clauses qu'il fait souscrire, notamment des clauses d'exclusions, dont la qualité de professionnelle de l'assuré ne le dispense pas ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que le contrat en vigueur avec les MMA, non réactualisé, portait sur une activité de Conception d'image : prescription d'apparence intérieure et extérieure, de Rédaction d'un cahier des normes, plan d'exécution de parements intérieurs et extérieurs, de Vente d'illustrations de Conception d'image et de plans de mobilier et qu'il constituait un contrat de type de maître d'oeuvre sans rapport avec son activité de « designer » qui était la sienne lors de la signature du dernier avenant, de sorte qu'une police PUC et décennale était parfaitement inadaptée ; qu'en abstenant de rechercher si la société MMA, qui avait la charge de la preuve de l'exécution de son obligation d'information, s'était enquis auprès de la société Archange Atelier de son activité réelle et l'avait mise en garde sur le risque qu'une contrefaçon puisse engager sa responsabilité et la priver de la garantie malgré la clause qui couvrait toutes les conséquences de la réalisation de mobilier esthétique et d'activité de désigner, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article 1382 du Code civil (devenu l'article 1240) et des articles L. 121-1 et L. 112-2 du code des assurances. » Réponse de la Cour

11. La cour d'appel a retenu que l'assuré avait commis une faute dolosive au sens des dispositions d'ordre public de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances et que cette faute n'était pas assurable.

12. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, l'absence de lien de causalité entre les manquements reprochés à l'assureur et à son agent et les préjudices dont l'indemnisation était réclamée.

13. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

14. La société Oak édition fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 3°/ que toute clause d'exclusion doit être formelle et limitée ; qu'en l'espèce, la société requérante faisant valoir que les « stipulations de l'article 2.9 a/ étaient équivoques et ne permettait pas de connaître leur étendue et de circonscrire parfaitement le risque garanti en ce qu'elles faisaient référence à des notions générales et imprécises sans hypothèses limitativement énumérées » ; que la clause d'exclusion de garantie 2.27 visait les cas « de contestations relatives aux contrefaçons et atteintes au droit de la propriété industrielle ou intellectuelle, et les actions pour diffamation » dont la rédaction était trop vague et imprécise pour permettre à l'assuré de connaître l'étendue exacte de la garantie, laissant ainsi place à une incertitude sur les cas dans lesquels la société Atelier Archange n'était pas garantie, puisque rien ne permettait de savoir s'il s'agissait du droit de la propriété littéraire et artistique, et dans ce cas lequel, s'il s'agissait seulement de celui de la propriété industrielle (marques, dessins et modèles, brevets) et si le droit d'auteur était compris dans cette exclusion ; que les exposant ajoutaient que dans la mesure où la clause d'exclusion invoquée par les MMA visait à exclure de toute protection les dommages immatériels liés à des droits de propriété intellectuelle, la police perdait alors une grande part de son intérêt ; qu'en se bornant à énoncer que la clause était formelle et limitée et en jugeant qu'en tout état de cause l'absence d'aléa rendait sans intérêt cette question, au lieu de rechercher si eu égard au contexte dans lequel la clause avait été limitée, ses termes et sa portée n'étaient pas de nature à laisser entendre à l'assuré, qu'il demeurait couvert en cas de risque de contrefaçon sans qu'il y ait lieu de distinguer selon la nature de la faute à l'origine du sinistre la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances.

4°/ qu'en tout état de cause, à supposer qu'une clause insuffisamment formelle et limité soit insusceptible de rendre la garantie applicable à un sinistre résultant d'un agissement par lequel l'assuré aurait eu la volonté de rechercher le dommage, l'ambiguïté de la clause est nécessairement de nature à l'induire en erreur sur la nature des agissements qu'il a pu commettre et la portée de ceux -ci ; de sorte qu'en jugeant inopérant le débat sur le caractère formel et limité de la clause aux motifs, que l'exclusion de garantie prévue à l'article L. 113-1 alinéa 2 du code des assurances, étant une exclusion légale, elle ne peut, dans tous les cas, faire l'objet d'une garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-I du code des assurances. »

Réponse de la Cour

15. La croyance que peut avoir l'assuré de ce que le contrat d'assurance couvre la faute qu'il commet n'est pas de nature à écarter l'exclusion légale et d'ordre public des fautes intentionnelles ou dolosives, quelle que soit la police d'assurance souscrite.

16. Ayant retenu que l'assuré avait commis une faute dolosive au sens des dispositions d'ordre public de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, de sorte qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une garantie, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que les demandes formées contre l'assureur devaient être rejetées.

17. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Oak édition aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

vendredi 28 janvier 2022

La faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables

 Note E. Coyault, RCA 2022-3, p. 24.

Note D. Noguéro, RDI 2022, p.  224.

 Note A. Pélissier, RGDA 2022-5, p. 21.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 janvier 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 104 FS-B

Pourvoi n° K 20-13.245




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 JANVIER 2022

La société SNCF voyageurs, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités, a formé le pourvoi n° K 20-13.245 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige l'opposant à la société Assurances du crédit mutuel IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Assurances du crédit mutuel du Nord IARD, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société SNCF voyageurs, de la SCP Gaschignard, avocat de la société Assurances crédit mutuel IARD, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, MM. Talabardon, Ittah, Pradel, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 7 novembre 2019), le 10 septembre 2009, [Z] [E], assurée auprès de la société Assurances du crédit mutuel du Nord IARD (l'assureur), a mis fin à ses jours en se positionnant sur une voie de chemin de fer à un passage à niveau.

2. Le 9 septembre 2014, l'établissement public industriel et commercial SNCF, devenu l'Epic SNCF mobilités (la SNCF), arguant d'un préjudice, a assigné l'assureur en indemnisation.

3. L'assureur s'est opposé à la demande en invoquant, d'une part, l'article L. 113-1 du code des assurances et la commission par l'assurée d'une faute dolosive, d'autre part, l'application d'une clause d'exclusion de garantie stipulée au contrat d'assurance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La SNCF fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors « que constitue une faute dolosive celle qui a eu pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque par l'assureur ; qu'en l'espèce, les Epic SNCF Réseau et SNCF Mobilités demandaient l'indemnisation des dommages matériels et immatériels consécutifs à l'accident survenu le 10 septembre 2009, causé par Mme [B] [E] qui avait mis fin à ses jours en se jetant sous un train à hauteur d'un passage à niveau ; que pour rejeter la demande de garantie dirigée contre la société ACM Iard, venant aux droits de la société ACMN Iard, assureur de Mme [E], la cour d'appel a retenu que le choix délibéré de Mme [E] d'attenter en ses jours en se faisant heurter par un train au passage à niveau avait eu pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage pour l'Epic SNCF Mobilités et l'Epic SNCF Réseau et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque par la police, cette faute dolosive de l'assurée constituant une cause d'exclusion légale de garantie ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à établir que Mme [E] aurait eu par son acte d'autre intention que celle de mettre fin à ses jours, et qu'elle aurait eu conscience des conséquences dommageables de celui-ci pour la SCNF, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances :

5. Selon ce texte, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

6. La faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.

7. Pour débouter la SNCF de ses demandes, l'arrêt énonce que les dommages dont celle-ci réclame réparation ont été provoqués par la décision de [Z] [E] de mettre fin à ses jours en se jetant sur les voies de chemin de fer et que ce choix délibéré a eu pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque assuré.

8. En se déterminant ainsi, sans caractériser la conscience que l'assurée avait du caractère inéluctable des conséquences dommageables de son geste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. La SNCF fait le même grief à l'arrêt, alors « que les clauses excluant la garantie de l'assureur doivent être formelles et limitées comme se référant à critères suffisamment précis permettant à l'assuré de connaître l'étendue exacte de la garantie ; qu'en l'espèce, pour opposer un refus de garantie aux Epic SNCF Mobilités et SNCF Réseau au titre du sinistre litigieux, la société ACM Iard se prévalait de la clause stipulée à l'article 3 du contrat souscrit par Mme [E], aux termes de laquelle étaient exclus de la garantie « sauf application de l'article L. 121-2 du code, les dommages intentionnellement causés ou provoqués directement, ou avec complicité, par [l'assuré (?)] » ; que pour faire application de cette clause et rejeter la demande de mise en jeu de la garantie de la société ACM Iard, la cour d'appel a retenu que l'absence de définition contractuelle de la cause ou de la provocation n'excluait pas la bonne compréhension de la volonté de l'assureur d'exclure les dommages résultant d'un fait volontaire de l'assuré, qu'ils aient été voulus par leur auteur qui les a causés intentionnellement, ou qu'ils en soient la conséquence involontaire pour leur auteur, qui les a provoqués directement ; qu'en statuant ainsi, quand la clause litigieuse ne définissait pas la notion de dommages « provoqués directement » par l'assuré, de sorte qu'elle était sujette à interprétation sur la caractérisation du lien de causalité entre le fait volontaire de l'assuré et le préjudice garanti, et n'était en conséquence pas formelle et limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances, ensemble l'article 1134 (devenu 1103) du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1, alinéa 1er, du code des assurances :

10. Aux termes de ce texte, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Au sens de ce texte, une telle clause d'exclusion ne peut être tenue pour formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée.

11. Pour débouter la SNCF de ses demandes, l'arrêt énonce qu'il résulte du texte susvisé que les parties au contrat d'assurance sont libres de convenir du champ d'application du contrat et de déterminer la nature et l'étendue de la garantie ainsi que, ne s'agissant pas d'une assurance obligatoire, d'exclure certains risques. Il ajoute que l'absence de définition contractuelle de la cause ou de la provocation n'exclut pas la bonne compréhension d'une volonté de l'assureur d'exclure les dommages résultant d'un fait volontaire de l'assuré, qu'ils aient été voulus par leur auteur qui les a ainsi causés intentionnellement ou qu'ils en soient la conséquence involontaire pour leur auteur, qui les a ainsi provoqués directement.

12. L'arrêt retient que c'est en conséquence dans des termes clairs, précis et non équivoques d'une clause formelle et limitée que sont exclus de la garantie de l'assureur, dont l'étendue a été librement arrêtée par les parties dans le respect des dispositions légales, le dommage causé intentionnellement par l'assuré impliquant sa volonté de le commettre tel qu'il est survenu et le dommage provoqué directement par l'assuré n'impliquant pas sa volonté de le créer tel qu'il est advenu.

13. L'arrêt en déduit que, même si [Z] [E] n'a pas voulu les conséquences dommageables de son acte à l'égard de la SNCF, les dommages allégués par cette dernière, ainsi provoqués directement par le fait volontaire de l'assurée, sont expressément exclus de la garantie de l'assureur.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a procédé à l'interprétation d'une clause d'exclusion ambigüe, ce dont il résulte qu'elle n'était ni formelle ni limitée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Condamne la société Assurances du crédit mutuel IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Assurances du crédit mutuel IARD et la condamne à payer à la SNCF voyageurs la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société SNCF voyageurs

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SNCF Voyageurs, venant aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités, de ses demandes,

Aux motifs propres que « à titre liminaire, la cour observe que l'intervention volontaire de l'EPIC SNCF Réseau à la procédure de première instance n'est pas critiquée. Les ACM, pour refuser de prendre en charge les conséquences du suicide de [Z] [lire : [B]] [E], opposent aux EPIC SNCF Mobilités et SNCF Réseau trois moyens : ° une absence de couverture par la garantie souscrite par [Z] [lire : [B]] [E], faute de démontrer l'existence d'un dommage matériel, ° une exclusion légale de garantie, à savoir la commission par [Z] [lire : [B]] [E] d'une faute dolosive au sens de l'article L. 113-2, alinéa 2 du code des assurances, ° une exclusion contractuelle de garantie. Il s'ensuit qu'il convient d'examiner en premier lieu le moyen de défense tiré de l'exclusion légale de garantie, puis, en second lieu, celui tiré de l'exclusion contractuelle de garantie, et enfin, en dernier lieu, le moyen de défense tiré de l'absence de couverture contractuelle, étant précisé que les ACM ne contestent pas que [Z] [lire : [B]] [E] était couverte par une police d'assurance "Essentiel Habitat" n° JM 6540877, laquelle inclut une garantie "Responsabilité civile chef de famille" comprenant la garantie "dommages matériels et immatériels consécutifs". Sur l'exclusion légale de garantie opposée par les ACM, à savoir la faute dolosive de [Z] [lire : [B]] [E], si l'EPIC SNCF Mobilités et l'EPIC SNCF Réseau relèvent qu'elle est invoquée pour la première fois en cause d'appel, la cour observe qu'ils se bornent à affirmer que ce nouveau moyen devra "être purement et simplement écarté". En application de l'article L. 113-1, alinéa 2 du code des assurances, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. Constitue une faute dolosive le comportement de l'assuré qui a pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque. En l'espèce, les dommages dont l'EPIC SNCF Mobilités et l'EPIC SNCF Réseau réclament réparation ont été provoqués par le suicide de [Z] [lire : [B]] [E] qui a pris la décision de mettre à fin à ses jours en se jetant sur les voies de chemin de fer au lieu du passage à niveau situé sur la commune de [Localité 3]. Il s'ensuit que le choix délibéré de [Z] [lire : [B]] [E] d'attenter [à] ses jours en se faisant heurter par un train au passage à niveau situé sur la commune de [Localité 3] a eu pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage pour l'EPIC SNCF Mobilités et l'EPIC SNCF Réseau et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque par la police n° JM 6540877 souscrite par [Z] [lire : [B]] [E] auprès des ACM. Si l'EPIC SNCF Mobilités et l'EPIC SNCF Réseau doivent être déboutés de leurs demandes à l'encontre des ACM en raison de la faute dolosive commise [Z] [lire : [B]] [E], cause d'exclusion légale de la garantie des ACM, il convient de préciser les points suivants. Sur l'exclusion contractuelle de garantie, en application de l'alinéa 1er de l'article L. 113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Il en résulte que les parties au contrat d'assurance sont libres de convenir du champ d'application du contrat et de déterminer la nature et l'étendue de la garantie, ainsi que, ne s'agissant pas d'une assurance obligatoire, d'exclure certains risques. Les ACM produisent au débat les conditions particulières de la police d'assurance « Essentiel Habitat » n° JM 6540877 souscrite par [Z] [lire : [B]] [E]. La page 8/8 de ces conditions particulières indique que le souscripteur reconnaît « avoir reçu le jour de la souscription un exemplaire des conditions générales modèle 41.07.20-04/2009 », étant précisé qu'en dessous de cette mention, apparaît la signature du souscripteur, [Z] [lire : [B]] [E], ce dont il résulte que cette dernière a accepté les conditions générales. Est versé devant la cour un modèle de ces conditions générales, lesquelles stipulent en page 11 un article 3 « Exclusions générales », précision faite que cette mention est écrite dans une police plus grande que celle utilisée sur le reste de la page et en gras, de sorte qu'elle est écrite en caractères très apparents. Est ensuite précisé de manière espacée et très apparente le contenu de cet article 3 : "Indépendamment des exclusions particulières prévues au titre de chaque garantie reprise aux articles 17 à 32 ci-après, nous ne prenons jamais en charge les dommages ci-dessous. (en caractère gras très apparent) * Sauf application de l'article L.121-2 du Code, les dommages intentionnellement causés ou provoqués directement, ou avec votre complicité, par (en caractère gras très apparent à compter de : "les dommages") : - vous, (...) (en caractère gras très apparent)." L'EPIC SNCF Mobilités et l'EPIC SNCF Réseau ne peuvent dès lors sérieusement soutenir que cette clause contractuelle d'exclusion de garantie est nulle pour violation des dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances. Ensuite, l'absence de définition contractuelle de la cause ou de la provocation n'exclut pas la bonne compréhension d'une volonté de l'assureur d'exclure les dommages résultant d'un fait volontaire de l'assuré, qu'ils aient été voulus par leur auteur qui les a ainsi causés intentionnellement, ou qu'ils en soient la conséquence involontaire pour leur auteur ; qui les a ainsi provoqués directement. C'est en conséquence dans des termes clairs, précis et non équivoques d'une clause formelle et limitée, que sont contractuellement exclus de la garantie de l'assureur, dont l'étendue a été librement arrêtée par les parties dans le respect des dispositions légales, le dommage causé intentionnellement par l'assuré impliquant sa volonté de le commettre tel qu'il est survenu et le dommage provoqué directement par l'assuré n'impliquant pas sa volonté de le créer tel qu'il est advenu. L'EPIC SNCF Mobilités et l'EPIC SNCF Réseau ne peuvent donc utilement soutenir que la clause d'exclusion contractuelle de garantie est nulle faute d'être formelle et limitée. Ils ne peuvent pas non plus soutenir que cette clause viderait le contrat d'assurance de toute substance, alors même que cette clause ne tend qu'à exclure les dommages résultant d'un fait volontaire de l'assuré, lequel supprime nécessairement l'aléa attaché à la couverture du risque par l'assureur, ce dont il résulte que n'excluant pas pratiquement toutes les garanties prévues au contrat, elle ne prive pas de sa substance l'obligation essentielle de l'assureur. En l'espèce, les dommages allégués par l'EPIC SNCF Mobilités et l'EPIC SNCF Réseau ont été provoqués directement par le suicide de [Z] [lire : [B]] [E] qui a mis fin à ses jours en se faisant volontairement heurter par un train au passage à niveau situé sur la commune de [Localité 3]. Mme si [Z] [lire : [B]] [E] n'a pas voulu les conséquences dommageables de son acte à l'égard de l'EPIC SNCF Mobilités et de l'EPIC SNCF Réseau, les dommages allégués par ces derniers, ainsi provoqués directement par le fait volontaire de [Z] [lire : [B]] [E], sont expressément exclus de la garantie de l'assureur, de sorte que l'EPIC SNCF Mobilités et l'EPIC Réseau doivent être déboutés de leurs demandes à l'encontre des ACM. En l'état de ces énonciations et constatations, et sans qu'il soit besoin d'étudier le moyen excipé par les ACM quant à l'absence de dommage matériel au sens de la police d'assurance, l'EPIC SNCF Mobilités et l'EPIC SNCF Réseau seront déboutés de leurs demandes. Le jugement dont appel sera confirmé de ce chef. Sur les dépens et les frais non répétibles de première instance, le sens du présent arrêt commande de confirmer le jugement dont appel de ces chefs. Sur les dépens et les frais non répétibles en cause d'appel, l'EPIC SNCF Mobilités et l'EPIC SNCF Réseau, qui succombent en leur appel, doivent être condamnés in solidum aux dépens de celui-ci, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître [Y], en ce inclus la contribution au fonds d'indemnisation de la profession d'avoués près les cours d'appel, et à payer, en considération de l'équité, la somme de 3 000 euros aux ACM au titre des frais non répétibles d'appel » ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, que « sur la demande d'indemnisation : Aux termes de l'article 31.2 page 30 des conditions générales du contrat souscrit par Mme [B] [E], l'assureur prend en charge les conséquences financières de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir au cours de la vie privée en raison de dommages corporels matériels et immatériels causé à autrui et résultant d'un accident. En page 4 du contrat, le dommage matériel est défini comme la destruction et la détérioration d'un bien et le dommage immatériel comme celui consistant en frais et pertes pécuniaires de toute nature et qui sont la conséquence directe des dommages corporels ou matériels garantis. Aux termes de l'article L. 113-1 du code des assurances, les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. L'article 3 page 11-12 du contrat stipule que ne sont jamais pris en charge, sauf application de l'article L. 121-2 du code des assurances, les dommages intentionnellement causés ou provoqués directement par l'assuré. En l'espèce, il ressort de la pièce 1, intitulée "décompte dommages causés aux biens ferroviaires" que ce dernier est composé de trois rubriques comme suit : - installations fixes intégrant le coût de la main d'oeuvre et de la logistique ; - réparation du matériel roulant intégrant le coût d'acheminement, la main d'oeuvre, les fournitures et l'immobilisation du matériel roulant ; - perturbation de trafic intégrant les retards de train et les détournements et substitutions routières. Sont joints à ce décompte, les factures, un extrait du grand livre analytique dommage, une synthèse des événements. (?) Par ailleurs, si le suicide a causé un dommage immatériel, ce dernier est exclu de la garantie car il est la conséquence involontaire d'un fait direct provoqué par l'assurée dont la responsabilité est engagée ; cette clause d'exclusion ne pouvant être annulée au motif qu'elle priverait l'assuré de toute garantie car demeurent pris en charge tous les dommages non directement provoqués par l'assuré. En conséquence, outre le fait qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation de la clause d'exclusion de garantie visée au contrat d'assurance qui peut trouver à s'appliquer, les EPIC SNCF qui ne rapportent pas la preuve que le suicide a causé un dommage matériel cause du dommage immatériel par ailleurs seront déboutés de leurs demandes d'indemnisation » ;

Alors 1°) que constitue une faute dolosive celle qui a eu pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque par l'assureur ; qu'en l'espèce, les EPIC SNCF Réseau et SNCF Mobilités demandaient l'indemnisation des dommages matériels et immatériels consécutifs à l'accident survenu le 10 septembre 2009, causé par Mme [B] [E] qui avait mis fin à ses jours en se jetant sous un train à hauteur d'un passage à niveau (arrêt, p. 2, 1er §) ; que pour rejeter la demande de garantie dirigée contre la société ACM Iard, venant aux droits de la société ACMN Iard, assureur de Mme [E], la cour d'appel a retenu que le choix délibéré de Mme [E] d'attenter en ses jours en se faisant heurter par un train au passage à niveau avait eu pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage pour l'EPIC SNCF Mobilités et l'EPIC SNCF Réseau et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque par la police, cette faute dolosive de l'assurée constituant une cause d'exclusion légale de garantie (p. 6, 5ème à 7ème §) ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à établir que Mme [E] aurait eu par son acte d'autre intention que celle de mettre fin à ses jours, et qu'elle aurait eu conscience des conséquences dommageables de celui-ci pour la SCNF, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

Alors 2°) que les clauses excluant la garantie de l'assureur doivent être formelles et limitées comme se référant à critères suffisamment précis permettant à l'assuré de connaître l'étendue exacte de la garantie ; qu'en l'espèce, pour opposer un refus de garantie aux EPIC SNCF Mobilités et SNCF Réseau au titre du sinistre litigieux, la société ACM Iard se prévalait de la clause stipulée à l'article 3 du contrat souscrit par Mme [E], aux termes de laquelle étaient exclus de la garantie « sauf application de l'article L. 121-2 du code, les dommages intentionnellement causés ou provoqués directement, ou avec complicité, par [l'assuré (?)] » ; que pour faire application de cette clause et rejeter la demande de mise en jeu de la garantie de la société ACM Iard, la cour d'appel a retenu que l'absence de définition contractuelle de la cause ou de la provocation n'excluait pas la bonne compréhension de la volonté de l'assureur d'exclure les dommages résultant d'un fait volontaire de l'assuré, qu'ils aient été voulus par leur auteur qui les a causés intentionnellement, ou qu'ils en soient la conséquence involontaire pour leur auteur, qui les a provoqués directement ; qu'en statuant ainsi, quand la clause litigieuse ne définissait pas la notion de dommages « provoqués directement » par l'assuré, de sorte qu'elle était sujette à interprétation sur la caractérisation du lien de causalité entre le fait volontaire de l'assuré et le préjudice garanti, et n'était en conséquence pas formelle et limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances, ensemble l'article 1134 (devenu 1103) du code civil ;

Alors 3°) et en tout état de cause que l'article 3 des conditions générales de la police souscrite par Mme [E] excluait de la garantie « sauf application de l'article L. 121-2 du code, les dommages intentionnellement causés ou provoqués directement, ou avec complicité, par [l'assuré (?)] » ; qu'en jugeant que les dommages dont les EPIC SNCF Mobilités et SNCF Réseau demandaient l'indemnisation avaient été provoqués directement par le fait volontaire de Mme [E], quand il ne résulte pas de ses constatations que Mme [E] aurait intentionnellement causé les dommages subis par la SNCF, ni qu'elle les aurait provoqués directement, son acte ayant eu pour seul but de mettre fin à ses jours, sans qu'il ne soit démontré que l'assurée avait eu la volonté ou même la conscience de causer un dommage aux tiers, la cour d'appel a violé l'article 1134 (désormais 1103) du code civil.ECLI:FR:CCASS:2022:C200104

En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a procédé à l'interprétation d'une clause d'exclusion ambigüe, ce dont il résulte qu'elle n'était ni formelle ni limitée, a violé l'article L. 113-1, alinéa 1er, du code des assurances

 Note A. Pélissier, RGDA 2022-5, p. 21.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 janvier 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 105 FS-B

Pourvoi n° G 20-10.529








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 JANVIER 2022


Mme [J] [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-10.529 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à M. [W] [B], domicilié [Adresse 3]),

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [E], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Gan assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, M. Talabardon, Mme Guého, M. Pradel, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 17 septembre 2019), M. [B] et son épouse, Mme [E], étaient propriétaires d'une maison à usage d'habitation assurée auprès de la société Gan assurances (l'assureur), selon un contrat multirisque habitation.

2. Tentant de mettre fin à ses jours en s'immolant par le feu, Mme [E] a incendié des couvertures et répandu de l'essence sur le sol, à l'intérieur de ce domicile.

3. L'assureur a décliné sa garantie pour les dommages occasionnés à l'habitation, compte tenu de l'origine volontaire de l'incendie.

4. M. [B] et Mme [E] ont assigné l'assureur devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir, notamment, le paiement d'une provision en application du contrat d'assurance. L'assureur a invoqué une clause d'exclusion de garantie stipulée au contrat, relative au caractère intentionnel du dommage, et l'exclusion légale de garantie prévue à l'article L. 113-1 du code des assurances.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. Mme [E] fait grief à l'arrêt de dire que la clause d'exclusion de garantie figurant à l'article 18 des conditions générales du contrat Multirisque habitation Gan habitat confort, police n° 991407814, est valable, de dire qu'elle a commis une faute intentionnelle de nature à exclure la garantie de l'assureur, de la débouter ainsi que M. [B], de leurs demandes de reprise des opérations amiables d'évaluation des dommages et de paiement d'une provision et de les condamner à verser à l'assureur une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que les exclusions conventionnelles de garantie doivent être formelles et limitées, ce qui implique qu'elles ne soient sujettes à aucune interprétation ; qu'en l'espèce, en retenant que la clause, stipulée à l'article 18 des conditions générales de la police d'assurance souscrite par les époux [B] auprès de la compagnie Gan assurances, selon laquelle ne sont pas garantis « les dommages intentionnellement causés ou provoqués par toute personne assurée ou avec sa complicité » était formelle et limitée et que ses termes étaient clairs et précis, quand bien même elle avait dû l'interpréter en précisant que les dommages étaient exclus de la garantie qu'ils aient été voulu ou qu'ils soient une conséquence involontaire de l'incendie déclenché par l'auteur, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1, alinéa 1er, du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1, alinéa 1er, du code des assurances :

7. Aux termes de ce texte, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Au sens de ce texte, une telle clause d'exclusion ne peut être tenue pour formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée.

8. L'arrêt constate que les conditions générales de la police souscrite auprès de l'assureur stipulent, en leur article 18, que sont exclus de la garantie « les dommages intentionnellement causés ou provoqués par toute personne assurée ou avec sa complicité » et retient qu'il s'en induit que les dommages résultant d'un incendie intentionnellement déclenché par l'assuré, comme c'est en l'espèce le cas de Mme [E], sont, dans les termes clairs et précis d'une clause formelle et limitée, exclus de la garantie de l'assureur, qu'ils aient été voulus, et donc causés par leur auteur, ou qu'ils soient une conséquence involontaire de l'incendie déclenché par l'auteur, qui les a ainsi provoqués.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a procédé à l'interprétation d'une clause d'exclusion ambigüe, ce dont il résulte qu'elle n'était ni formelle ni limitée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Gan assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gan assurances et la condamne à payer à Mme [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour Mme [E]

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que la clause d'exclusion de garantie figurant à l'article 18 des conditions générales du contrat Multirisque habitation GAN habitat confort, police n°991407814 est valable, d'AVOIR dit que Mme [B] a commis une faute intentionnelle de nature à exclure la garantie de la société GAN assurances, par conséquent d'AVOIR débouté M. et Mme [B] de leur demande de reprise des opérations amiables d'évaluation des dommages, d'AVOIR débouté M. et Mme [B] de leur demande de provision et d'AVOIR condamné M. et Mme [B] à verser à la société GAN assurances une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE « A titre liminaire, il sera constaté que si, dans les motifs de leurs dernières écritures, les appelants reprennent leur argumentation de première instance tendant à la nullité de la clause contractuelle d'exclusion de garantie en cas de dommage intentionnellement causé ou provoqué par une personne assurée, ils ne formulent aucune demande de nullité de cette clause dans le dispositif de ces conclusions. Dès lors, par application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, selon lesquelles la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières écritures des parties, force est de relever que la cour n'est pas saisie d'une demande de nullité de la clause concernée. L'article L. 113-1 du code des assurances dispose que les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police, et que, toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, énonce quant à lui que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise, et qu'elles doivent être exécutées de bonne foi. En l'espèce, les conditions générales de la police souscrite par les époux [B] auprès de la compagnie Gan Assurances stipulent en leur article 18 que sont exclus de la garantie 'les dommages intentionnellement causés ou provoqués par toute personne assurée ou avec sa complicité.' Il en résulte que les dommages résultant d'un incendie intentionnellement déclenché par une personne ayant la qualité d'assurée, comme c'est en l'espèce le cas de Mme [B], étaient, dans les termes clairs et précis d'une clause formelle et limitée, exclus de la garantie de l'assureur, qu'ils aient été voulus, et donc causés par leur auteur, ou qu'ils soient une conséquence involontaire de l'incendie déclenché par l'auteur, qui les a ainsi provoqués. C'est dès lors à bon droit que le premier juge a rejeté l'intégralité des demandes formées par les époux [B] contre la société Gan Assurances. Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions »,

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur la validité de la clause d'exclusion de garantie : Aux termes de l'article L113-1 du Code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Les clauses d'exclusion doivent être formelles et limitées de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie. L'exigence d'une exclusion limitée a pour objectif que la portée ou l'étendue de l'exclusion soit nette, précise et sans incertitude, pour que l'assuré sache exactement dans quels cas et dans quelles conditions il n'est pas garanti. Dès lors, une clause d'exclusion de garantie ne peut être considérée comme étant formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée. En l'espèce, l'article 18 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par les époux [B] dispose que ne sont pas garantis « les dommages intentionnellement causés ou provoqués par toute personne assurée ou avec sa complicité ». A la lecture de cette clause, les époux [B] ne pouvaient ignorer que les dommages qu'ils causeraient de manière intentionnelle ne seraient pas couverts par leur assurance. Au surplus, en ce que la clause susvisée n'a besoin d'aucune interprétation pour être intelligible, les demandeurs pouvaient précisément connaître l'étendue de la garantie offerte par leur contrat d'assurance. Ainsi, la clause d'exclusion doit être considérée comme étant formelle et limitée. En conséquence, la clause d'exclusion de garantie prévu à l'article 18 des conditions générales du contrat Multirisque habitation Gan habitat confort, police n°991407814. sera déclarée valable. Sur l'existence d'une faute de Madame [B] : Aux termes de l'alinéa 2 de l'article L113-1 du Code des assurances, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. La faute intentionnelle ou dolosive qui exclut la garantie de l'assureur implique que l'assuré a voulu non seulement l'action ou l'omission génératrice du dommage mais encore le dommage lui-même. Le geste fautif de l'assuré doit, dans les contrats d'assurance de dommages aux biens, s'apprécier par rapport à l'assureur et doit à cette occasion n'être retenu que dans les cas où le sinistre a été volontairement causé dans le but d'obliger l'assureur à exécuter sa propre prestation. Aux termes de l'article 1 des conditions générales du contrat d'assurance, il est précisé que : "pour l'application du présent contrat, il faut entendre par assuré, le souscripteur du contrat, son conjoint, concubin ou partenaire de solidarité ainsi que toute personne résidant habituellement à son foyer à titre gratuit". En l'espèce, le contrat d'assurance a été souscrit par Monsieur [W] [B] seul. Néanmoins, Madame [J] [B] était son épouse au moment de la conclusion du contrat. Elle doit donc être considérée comme assurée. Il ressort des éléments du dossier que le 18 février 2015, Madame [J] [B] a provoqué un incendie à son domicile, dans l'intention de mettre fin à ses jours. Il est donc manifeste que Madame [J] [B] a volontairement et intentionnellement provoqué le sinistre. Au surplus, concernant son intention de causer le dommage, il ressort de l'attestation en date du 1er avril 2015 que Madame [J] [B] était descendue au sous-sol de sa maison et qu'elle avait mis le feu à des couvertures posées sur des étagères à l'aide d'une allume-feu. Elle précise avoir répandu de l'essence sur le sol et s'être alors retrouvée au milieu des flammes. Au vu de la matérialité des faits, Madame [J] [B], ne pouvait ignorer les conséquences dommageables que son geste entraînerait sur sa maison. Dans l'attestation susvisée, elle explique avoir eu des remords en raison du fait que sa volonté de se suicider par le feu risquait d'entraîner la destruction de la maison. Dès lors, en ce qu'elle a eu l'intention de provoquer le sinistre mais également la volonté de provoquer le dommage tel qu'il est survenu, Madame [J] [B] a commis une faute intentionnelle de nature à exclure la garantie de la société GAN ASSURANCES. Sur la demande de reprise des opérations d'évaluation des dommages : Madame [J] [B] ayant commis une faute intentionnelle de nature à exclure la garantie de la société GAN ASSURANCES, il n'y a pas lieu à statuer sur la demande de reprise des opérations d'évaluation des dommages. Sur la demande de provision : Madame [J] [B] ayant commis une faute intentionnelle de nature à exclure la garantie de la société GAN ASSURANCES, elle sera déboutée de sa demande en paiement d'une provision »,

1) ALORS QUE la cour d'appel est saisie des moyens des parties formulés expressément dans leurs conclusions, sans qu'il soit nécessaire de les faire figurer dans le dispositif ; que la nullité d'une clause contractuelle d'exclusion de garantie est un moyen à l'appui de la prétention visant à obtenir le bénéfice de ladite garantie ; qu'en l'espèce, les époux [B] faisaient valoir dans la discussion de leurs conclusions d'appel (pages 3 et suivantes) le moyen pris de la nullité de la clause contractuelle d'exclusion de garantie stipulée à l'article 18 des conditions générales de l'assurance souscrite auprès de la société GAN assurances, à l'appui de leurs prétentions formulées au dispositif de leurs conclusions (page 13) visant à voir réformer le jugement entrepris et à voir juger que la société GAN assurances devait la garantie de l'incendie du 18 février 2015 ; qu'en retenant qu'aucune demande de nullité de la clause contractuelle d'exclusion de garantie n'était formulée au dispositif des conclusions des appelants, pour refuser de se prononcer sur cette nullité, quand il s'agissait seulement d'un moyen qui n'avait pas à figurer dans le dispositif, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile.

2) ALORS QUE les exclusions conventionnelles de garantie doivent être formelles et limitées, ce qui implique qu'elles ne soient sujettes à aucune interprétation ; qu'en l'espèce, en retenant que la clause, stipulée à l'article 18 des conditions générales de la police d'assurance souscrite par les époux [B] auprès de la compagnie GAN assurances, selon laquelle ne sont pas garantis « les dommages intentionnellement causés ou provoqués par toute personne assurée ou avec sa complicité » était formelle et limitée et que ses termes étaient clairs et précis, quand bien même elle avait dû l'interpréter en précisant que les dommages étaient exclus de la garantie qu'ils aient été voulu ou qu'ils soient une conséquence involontaire de l'incendie déclenché par l'auteur, la cour d'appel a violé l'article L.113-1, alinéa 1er, du code des assurances.

3) ALORS QUE la faute intentionnelle au sens de l'article L.113-1 du code des assurances est celle qui implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu ; que la conscience par l'assuré des conséquences potentiellement dommageables de ses actes ne s'assimile pas à une intention de créer le dommage tel qu'il est survenu ; qu'en l'espèce, pour décider, par motifs éventuellement adoptés, que Mme [B] avait eu la volonté de provoquer le dommage tel qu'il est survenu et qu'elle avait ainsi commis une faute intentionnelle, la cour d'appel a exclusivement constaté que Mme [B] avait provoqué un incendie à son domicile dans l'intention de mettre fin à ses jours, qu'elle ne pouvait ignorer les conséquences dommageables que son geste entraînerait sur sa maison et qu'elle avait eu des remords en raison du fait que sa volonté de se suicider par le feu risquait d'entraîner la destruction de la maison ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la volonté de l'assurée de provoquer le dommage tel qu'il était survenu, la cour d'appel a violé l'article L.113-1, alinéa 2, du code des assurances.ECLI:FR:CCASS:2022:C200105

mardi 17 décembre 2019

Le non-respect d'une norme de construction ne suffit pas à caractériser la faute dolosive qui suppose une volonté délibérée et consciente de méconnaître la norme par dissimulation ou fraude

Note Pagès-de-Varenne, Constr-urb. 2020-1, p. 36.


Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 5 décembre 2019
N° de pourvoi: 18-19.476
Non publié au bulletin Cassation partielle sans renvoi
M. Chauvin (président), président
SCP Colin-Stoclet, SCP Ortscheidt, SCP de Nervo et Poupet, avocat(s)


Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à M. et Mme J... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme I... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 14 mai 2018), que M. E... et Mme U... ont acquis de Mme I... une maison d'habitation que celle-ci avait achetée à M. et Mme J... et qui avait été construite par l'entreprise dont M. J... était le dirigeant ; que, se plaignant d'infiltrations d'eau dans une pièce située sous la terrasse, M. E... et Mme U... ont, après expertise, assigné Mme I... et M. et Mme J... en indemnisation de leurs préjudices ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour condamner M. J... à payer à M. E... et Mme U... certaines sommes en réparation de leurs préjudices, l'arrêt retient que le non-respect des règles du DTU suffit à caractériser la faute dolosive de M. J... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le non-respect d'une norme de construction ne suffit pas à caractériser la faute dolosive qui suppose une volonté délibérée et consciente de méconnaître la norme par dissimulation ou fraude, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. J... à payer à M. E... et Mme U... certaines sommes au titre du préjudice matériel et du préjudice de jouissance durant la réalisation des travaux de reprise des désordres, l'arrêt rendu le 14 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette les demandes de M. E... et Mme U... au titre du préjudice matériel et du préjudice de jouissance durant la réalisation des travaux de reprise des désordres ;

Condamne M. E... et Mme U... aux dépens de première instance et d'appel ;

Rejette les demandes réciproques formées en première instance et en appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, par M. E... et Mme U..., d'une part, et M. J..., d'autre part ;

Condamne M. E... et Mme U... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

En l'absence de déclaration de la mission et de paiement des primes afférentes, l'indemnité due par l'assureur doit être réduite à zéro

Note JP Karila, RGDA 2020, p. 49.
Note Kullmann, RGDA 2020, p. 62
Note Zalewski-Sicard, GP 2020, n°7, p. 81.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 5 décembre 2019
N° de pourvoi: 18-21.679 18-22.915
Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Chauvin (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Boulloche, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Yves et Blaise Capron, avocat(s)




Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Joint les pourvois n° M 18-21.679 et E 18-22.915 ;

Donne acte à la société Mutuelle des architectes français (la MAF) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés KG... NC... MJ..., CIC Est, Crédit agricole de Franche-Comté et la Banque populaire Bourgogne Franche-Comté ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 26 juin 2018), que la société Le Clos de la Citadelle a acquis les bâtiments d'une ancienne école pour la transformer en trois immeubles d'habitation ; que plusieurs lots ont été vendus en l'état futur d'achèvement, sous condition suspensive de fourniture d'une garantie d'achèvement par le vendeur ; que celui-ci a opté pour une garantie d'achèvement intrinsèque ; que M. S..., notaire, a établi les statuts de la société Le Clos de la Citadelle, l'acte de vente des immeubles existants à transformer et les actes de vente en l'état futur d'achèvement, avec mission de centraliser les paiements effectués par les acquéreurs ; que sont intervenus la société KG...-NC..., architecte, assurée auprès de la société la CAMBTP, et la société Image et calcul, maître d'oeuvre, assurée auprès de la MAF ; qu'une attestation d'achèvement des fondations a été délivrée par l'architecte ; que la réalisation de la condition suspensive d'obtention de la garantie d'achèvement a été constatée par le notaire au vu de cette attestation et de ventes souscrites pour plus de 75 % du prix de vente total ; que le notaire a libéré le premier appel de fonds de 35 %, exigible à l'achèvement des fondations ; que le second appel de fonds, exigible à la mise hors d'eau, a été émis par le vendeur au vu de deux attestations établies par le maître d'oeuvre ; que d'autres appels de fonds ont été émis au vu d'attestations établies par le maître d'oeuvre ; que le chantier a été abandonné par le promoteur ; que la société Le Clos de Citadelle a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire ; que les appartements inachevés ont été livrés, après reprise du chantier ; que des acquéreurs ont assigné les intervenants en indemnisation de leurs préjudices ; que des appels en garantie ont été formés ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° E 18-22.915, ci-après annexé :

Attendu que la MAF fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir la société Image et calcul de l'ensemble des condamnations mises à sa charge ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés,
que, s'il était établi que, pour les deux bâtiments, l'établissement des deux attestations hors d'eau était faux et prématuré, la société Image et calcul avait, nonobstant ces fautes, agi, pour le bâtiment Ecole, afin de s'assurer de la pérennité de la bâche posée sur la zone de la verrière et dans la mise en place d'une structure charpente provisoire pour garantir le hors d'eau du bâtiment par tout temps et que cet élément démentait sa volonté de causer le dommage tel qu'il était survenu, la cour d'appel a pu refuser de qualifier l'émission des attestations de travaux litigieuses de fautes intentionnelles ou dolosives exclusives de garantie au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° E 18-22.915, ci-après annexé :

Attendu que la MAF fait grief à l'arrêt de la condamner, dans la limite du plafond de garantie de 500 000 euros, outre indexation, appliqué aux préjudices résultant de chacune des deux attestations de mise hors d'eau, délivrées le 15 février 2011 pour le bâtiment Ecole et le 15 avril 2011 pour le bâtiment Abbés, à payer aux acquéreurs, in solidum avec la société Image et calcul et avec M. S..., diverses sommes en réparation de leurs
préjudices et à garantir la société Image et calcul des condamnations mises à sa charge ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que, dès lors que le sinistre imputé à l'assuré était constitué de la perte des fonds appelés sur la base de plusieurs attestations inexactes distinctes par leur objet et par leurs conséquences, il ne s'agissait pas d'un sinistre global unique, mais d'autant de sinistres que d'attestations inexactes ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les premier, troisième et quatrième moyens du pourvoi n° M 18-21.679, réunis :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° M 18-21.679, le moyen unique du pourvoi incident des acquéreurs, le premier moyen du pourvoi incident de la société Image et calcul, le moyen unique du pourvoi incident de M. et Mme W... et le troisième moyen du pourvoi n° E 18-22.915, réunis :

Vu l'article L. 113-9 du code des assurances ;

Attendu que, pour rejeter les demandes formées contre la CAMBTP au titre de la garantie de la société KG...-NC..., l'arrêt retient que le contrat d'assurance impose à l'assuré de déclarer à l'assureur les activités qu'il a exercées, sous la sanction d'une réduction proportionnelle des primes dues au titre du risque minoré, que la lettre de commande du 16 avril 2009 a confié à la société KG...-NC... l'établissement du permis de construire, que cette activité a été déclarée par l'architecte à son assureur au titre de l'exercice 2009, qu'il résulte de ces éléments que l'émission d'une attestation d'achèvement de travaux est extérieure à la mission de délivrance du permis de construire et que l'architecte ne l'a pas délivrée en exécution de la mission déclarée à son assureur, que l'établissement d'une telle attestation constitue en réalité un nouveau chantier, qui n'a pas été déclaré à l'assureur, et que, en application de l'article L. 113-9 du code des assurances, l'absence totale de déclaration de l'activité ayant engendré le sinistre entraîne proportionnellement la réduction totale de la prime due par l'assureur ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de déclaration de la mission et de paiement des primes afférentes, l'indemnité due par l'assureur doit être réduite en proportion du taux de la prime annuelle payée par rapport à celui de la prime qui aurait été due si la mission avait été déclarée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident de la société Image et calcul et le quatrième moyen du pourvoi n° E 18-22.915, réunis :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt rejette les appels en garantie formés par la CAMBTP et la MAF à l'encontre de M. S... au titre des condamnations prononcés à leur encontre en réparation des préjudices subis par M. et Mme W... ;

Qu'en statuant ainsi, sans motiver sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

MET hors de cause la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Franche-Comté ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées contre la CAMBTP au titre de la garantie de la société KG...-NC... et les appels en garantie formés par la CAMBTP et la MAF à l'encontre de M. S... au titre des condamnations prononcés à leur encontre en réparation des préjudices subis par M. et Mme W..., l'arrêt rendu le 26 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;