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mardi 16 janvier 2024

En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [J], qui soutenait que l'assureur avait pris la direction du procès

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 décembre 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 836 F-D

Pourvoi n° Y 22-18.141




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023

Mme [C] [J], domiciliée [Adresse 4],[Localité 3]u, a formé le pourvoi n° Y 22-18.141 contre l'arrêt rendu le 28 avril 2022 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Mutuelle des architectes français, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 5],

2°/ à la société EB archi, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],[Localité 1]e,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Gury & Maitre, avocat de Mme [J], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 avril 2022) et les productions, Mme [J] a confié à la société Eb archi, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), une mission de maîtrise d'oeuvre portant sur le dépôt du permis de construire et l'établissement des plans d'exécution relatifs à la reconstruction d'un chalet.

2. Alors que le dossier de permis de construire prévoyait, conformément aux prescriptions du plan local d'urbanisme, une hauteur maximum de la construction à l'égout du toit de six mètres, les plans d'exécution destinés aux entreprises intervenantes fixaient la hauteur de la construction à 7,94 mètres.

3. A la suite d'un arrêté d'interruption des travaux, Mme [J] a, après expertise, assigné la société Eb archi et la MAF en réparation.

Sur le second moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [J] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la MAF, alors « qu'en ne répondant pas au moyen qui faisait valoir que l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès, de sorte que la MAF qui avait pris la direction du procès avait renoncé aux exceptions qu'elle soulevait, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ».



Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

7. Pour rejeter les demandes de Mme [J] contre la MAF, l'arrêt retient que le comportement de la société Eb archi a supprimé l'aléa du contrat d'assurance.

8. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [J], qui soutenait que l'assureur avait pris la direction du procès en faisant défendre son assuré, en toute connaissance de la faute de celui-ci, par un de ses avocats, de sorte qu'il était censé avoir renoncé à l'exception prise du défaut d'aléa, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de Mme [J] contre la Mutuelle des architectes français, l'arrêt rendu le 28 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;

Condamne la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300836

mardi 26 avril 2022

Prescription de l'action de l'assureur et direction de la procédure

  Note L. Mayaux, RGDA 2022-6, p. 37.

 Note A. Pimbert, SJ G 2022, p. 1131.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 avril 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 459 F-B

Pourvoi n° P 20-20.976







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 AVRIL 2022

La société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-20.976 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2020 par la cour d'appel de Paris ([Adresse 3]), dans le litige l'opposant à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Generali IARD, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2020), à la suite d'un accident du travail subi par un salarié intérimaire qui avait été embauché par la société Adecco, assurée au titre de sa responsabilité civile par la société Allianz IARD (la société Allianz), et mis à la disposition de la société Manathan, assurée pour sa responsabilité civile auprès de la société Generali IARD (la société Generali), un tribunal des affaires de sécurité sociale a reconnu la faute inexcusable de la société Manathan et mis à la charge de la société Adecco le coût de l'accident du travail.

2. La société Allianz, ayant réglé la somme de 756 144,43 euros à une caisse primaire d'assurance maladie (la caisse), a demandé à la société Generali, condamnée par un arrêt de cour d'appel à garantir la société Adecco des condamnations mises à la charge de cette dernière, de la lui rembourser.

3. Elle a assigné cette dernière, qui lui opposait l'acquisition de la prescription édictée par l'article L. 114-1 du code des assurances, en paiement de la somme versée à la caisse.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Allianz fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la renonciation de la société Generali aux exceptions de garantie, en particulier de la renonciation à l'exception de prescription et, en conséquence, de déclarer prescrite son action à l'encontre de la société Generali, alors « que rien n'interdit à un tiers au contrat d'assurance de se prévaloir de la renonciation de l'assureur ayant pris la direction du procès, aux exceptions à l'égard de son assuré dans la mise en oeuvre de la garantie ; qu'en retenant néanmoins que la société Generali n'avait pas renoncé à l'exception de prescription en prenant la direction du procès, motif pris que « ces dispositions sont applicables uniquement dans les rapports entre assureur et assuré. Allianz IARD, tiers au contrat, n'est en conséquence pas fondée à s'en prévaloir », la cour d'appel a violé l'article L. 113-17 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-17 du code des assurances :

6. Aux termes de ce texte, l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès.

7. L'arrêt, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la renonciation de la société Generali aux exceptions de garantie, énonce que les dispositions du texte susvisé sont applicables uniquement dans les rapports entre assureur et assuré, et que la société Allianz, étant tiers au contrat, n'est en conséquence pas fondée à s'en prévaloir.

8. En statuant ainsi, alors que l'action directe dont dispose l'assureur de l'entreprise intérimaire contre l'assureur de l'entreprise utilisatrice déclarée responsable d'un accident du travail, aux fins d'obtenir le remboursement des sommes qu'il a payées à un organisme social, peut être exercée tant que le second assureur se trouve exposé au recours de son assuré, et que l'assureur de l'entreprise intérimaire peut se prévaloir à l'encontre de cet assureur, au soutien de la recevabilité de cette action, de la présomption selon laquelle celui-ci, ayant pris la direction du procès fait à son assuré, a renoncé aux exceptions qu'il pouvait opposer à ce dernier, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. La société Allianz fait le même grief à l'arrêt, alors « en outre, qu'en retenant que la société Generali n'avait pas renoncé à l'exception de prescription au motif inopérant que « le TASS ne statue pas sur la garantie, de sorte que Generali ne peut soutenir avoir pris la direction du procès intentée à son assurée dès le début de la procédure en 2012 », la société Generali pouvant au contraire prendre la direction du procès intenté à son assurée, la société Manathan, entreprise utilisatrice, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale statuant sur la faute inexcusable de la société sans que la garantie de la société Generali ne soit mise en jeu, la cour d'appel a violé l'article L. 113-17 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-17 du code des assurances :

10. Aux termes de ce texte, l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès.

11. L'arrêt, pour statuer comme il le fait, énonce que le tribunal des affaires de sécurité sociale ne statue pas sur la garantie, de sorte qu'il ne peut être soutenu que la société Generali aurait pris la direction du procès intentée à son assurée dès le début de la procédure.

12. En statuant ainsi, alors que l'assureur qui défend son assuré à l'occasion d'un litige dont l'objet est de nature à déclencher la mise en oeuvre de sa garantie prend la direction d'un procès intenté à cet assuré, au sens de l'article L. 113-17 susvisé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. La société Allianz fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action à l'encontre de la société Generali, alors « qu'en application des articles L. 452-3 et L. 412-6 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice de main d'oeuvre est en droit d'obtenir des indemnités complémentaires dont le paiement incombe aux organismes de sécurité sociale qui disposent d'un recours subrogatoire contre l'entreprise de travail temporaire, employeur, ou son assureur, qui a elle-même une action en remboursement de même nature contre l'entreprise utilisatrice sur laquelle pèse la charge définitive du paiement des indemnités dont la victime est créancière ; que par ailleurs, l'action de la caisse tendant à récupérer contre un employeur ou l'assureur de celui-ci, en cas d'accident de travail dû à une faute inexcusable, le capital correspondant aux arrérages à échoir de la rente, demeure soumise, à défaut de texte particulier, à la prescription de droit commun ; que par conséquent, l'action de l'entreprise de travail temporaire à l'encontre de l'entreprise utilisatrice étant de même nature que celle dont dispose la caisse contre elle ou son assureur, le même délai de prescription de droit commun s'applique dans les rapports de l'entreprise de travail temporaire et de l'assureur de l'entreprise utilisatrice ; qu'en déclarant prescrite l'action de la société Allianz, assureur de l'entreprise de travail temporaire (société Adecco), contre la société Generali, assureur de la société Manathan, entreprise utilisatrice déclarée responsable, motif pris qu'il s'agit d'une action dérivant du contrat d'assurance soumise à la prescription de deux ans de l'article L. 114-1 du code des assurances, cependant que, subrogée dans les droits de la CPAM, la société Allianz disposait d'une action à l'encontre de l'entreprise utilisatrice déclarée responsable, ou de son assureur, de même nature que celle dont bénéficie la caisse à l'encontre de l'employeur, ou de son assureur, à savoir une action qui ne dérive pas du contrat d'assurance et qui est soumise au délai de prescription de droit commun, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 241-5-1, L. 412-6 et R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil, L. 452-2, L. 452-3, L. 452-4, alinéa 3, et L. 412-6 du code de la sécurité sociale, et L. 124-3 du code des assurances :

14. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

15. Selon les deuxième et troisième, en cas de faute inexcusable de l'employeur, la caisse primaire d'assurance maladie récupère auprès de celui-ci les compléments de rente et indemnités versés par elle à la victime.

16. Aux termes du quatrième, l'employeur peut s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu'il s'est substitué dans la direction de l'entreprise ou de l'établissement.

17. Il résulte du cinquième que l'entreprise de travail temporaire peut exercer une action en remboursement contre l'auteur de la faute inexcusable.

18. Aux termes du dernier, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

19. Il en découle, en premier lieu, qu'en l'absence de texte spécifique, l'action récursoire de la caisse à l'encontre de l'employeur, auteur d'une faute inexcusable, se prescrit par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil et que son action directe à l'encontre de l'assureur de l'employeur se prescrit par le même délai (2e Civ., 10 novembre 2021, pourvoi n° 20-15.732).

20. Il en résulte, en second lieu, que l'action en remboursement des compléments de rente et indemnités versés à la caisse que l'assureur de l'entreprise de travail temporaire peut exercer contre l'entreprise utilisatrice, auteur de la faute inexcusable, se prescrit également par cinq ans en application du même texte. Son action directe à l'encontre de l'assureur de cette entreprise se prescrit par le même délai et ne peut être exercée contre cet assureur, au-delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré.

21. Pour déclarer prescrite l'action de la société Allianz contre la société Generali, l'arrêt retient d'abord que l'action de l'entreprise de travail temporaire contre l'assureur des conséquences financières de la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice est soumise à la prescription applicable à l'action directe de la victime dans les droits de laquelle l'entreprise de travail temporaire et l'organisme de sécurité sociale sont subrogés.

22. Il relève ensuite qu'en l'espèce, l'action de la société Allianz, tiers lésé, est une action directe à l'encontre de la société Generali, assureur garantissant la responsabilité civile de la société utilisatrice dont la responsabilité a été reconnue dans l'accident du travail et que cette action est soumise à la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances.

23. En statuant ainsi, alors que la prescription de l'action de la société Allianz était soumise au délai de cinq ans prévu à l'article 2224 du code civil et que l'action pouvait être exercée contre la société Generali au-delà de ce délai tant que celle-ci restait exposée au recours de son assuré, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un texte inapplicable au litige, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Generali IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Generali IARD et la condamne à payer à la société Allianz IARD la somme de 3 000 euros ;

mercredi 9 mars 2022

L'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 janvier 2022




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 96 F-D

Pourvoi n° X 20-17.649




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 JANVIER 2022

La société Aig Europe, société anonyme, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 3], ayant un établissement secondaire [Adresse 5], venant aux droits de Aig Europe Limited, elle-même venant aux droits de la société Chartis Europe, a formé le pourvoi n° X 20-17.649 contre le jugement rendu le 5 mars 2020 par le tribunal judiciaire d'Orléans, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Hu, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société La Capitainerie, société civile de construction vente, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Aig Europe, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort ([Localité 4], 5 mars 2020) et les productions, la société La Capitainerie, assurée auprès de la société Aig Europe (l'assureur), venant aux droits de la société Aig Europe Limited, elle-même venant aux droits de la société Chartis Europe, a fait entreprendre des travaux en vue de la construction d'un immeuble de plusieurs étages. La société Hu, propriétaire et occupante du fonds voisin, invoquant l'apparition de fissurations sur son immeuble, a saisi une juridiction des référés aux fins d'expertise.

2. Se fondant sur le rapport expertal et en l'absence de règlement amiable des désordres consécutifs aux travaux, dont la réparation était évaluée par l'expert au montant de 3 360 euros toutes taxes comprises (TTC), la société Hu a assigné, au fond, par acte du 23 juillet 2019, la société La Capitainerie, maître de l'ouvrage, et l'assureur devant un tribunal d'instance en réparation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. L'assureur fait grief au jugement de le condamner, solidairement avec la société La Capitainerie, au paiement de la somme de 3 360 euros TTC à titre d'indemnisation du préjudice matériel subi par la société Hu, alors « que les exceptions rendues inopposables à l'assuré par l'assureur ayant pris la direction du procès ne concernent ni la nature du risque, ni le montant de la garantie ; qu'en particulier, les franchises prévues dans la police d'assurance ne figurent pas au titre de telles exceptions ; qu'en l'espèce, pour condamner la société Aig Europe, solidairement avec la SCCV La Capitainerie, à verser à la SCI Hu la somme de 3 360 euros, le tribunal a jugé que la société Aig, représentée par le même avocat que la SCCV La Capitainerie, avait pris la direction du procès et en conséquence était réputée avoir renoncé à se prévaloir d'une exclusion contractuelle tirée de l'existence d'une franchise ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé l'article L. 113-17 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-17, alinéa 1er, du code des assurances :

5. Selon ce texte, l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès.

6. Pour condamner solidairement l'assureur avec la société La Capitainerie au paiement de l'indemnisation du préjudice subi par la société Hu, après avoir relevé que le conseil des deux défenderesses avait indiqué, par courrier du 3 septembre 2019, qu'il n'intervenait plus qu'au soutien des intérêts de l'assureur au motif que la franchise de 5 000 euros était applicable en raison des conséquences dommageables évaluées par l'expert à un montant de 2 800 euros et qu'il sollicitait, en conséquence, le rejet des demandes formées contre lui, le jugement relève, sur l'exception ainsi soulevée, que, dans ses conclusions en réponse, la société Hu soutient que l'assureur s'est présenté pour le compte du maître d'ouvrage et que cette intervention, à la fois notée par le juge des référés et par l'expert judiciaire, caractérise l'organisation d'une défense commune et prive l'assureur de la possibilité d'opposer une quelconque exception.

7. Le jugement énonce qu'en l'espèce, il y a lieu de caractériser une prise de direction commune par l'assureur du procès intenté à son client, en relevant qu'ils étaient représentés par le même avocat et qu'il en résulte, ainsi qu'en dispose l'article L. 113-17 du code des assurances, qu'ayant assuré une défense commune, l'assureur est censé avoir renoncé à toutes les exceptions et ne peut dénier sa garantie aux motifs que le montant du dommage est inférieur à sa franchise.

8. En statuant ainsi, alors que les exceptions dont l'assureur, qui prend la direction du procès, renonce à se prévaloir, ne concernent pas la franchise conventionnellement prévue, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare l'action de la société Hu recevable et condamne la SSCV La Capitainerie à lui verser la somme de 3 360 euros TTC à titre d'indemnisation du préjudice subi, rejette la demande de la SCI Hu formée au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance et condamne la SSCV La Capitainerie au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les frais du constat d'huissier de 291,35 euros et ceux exposés dans le cadre de la procédure de référé expertise de 2 491,07 euros, le jugement rendu le 5 mars 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Orléans ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Tours ;

Condamne la société Hu aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

mardi 25 janvier 2022

Conséquences de la direction de la procédure par l'assureur

 Note A. Pimbert, RGDA 2022-4, p. 20.

Note E. Coyault, RCA 2022-4, p. 58.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 55 F-D

Pourvoi n° E 20-21.865




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022

La société Art du Toit Charpente, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° E 20-21.865 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à M. [F] [M],

3°/ à Mme [B] [V],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

4°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 3],

5°/ à la société Breizh. Ar. Tec., société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de son liquidateur amiable, Mme [Z] [T]-[R], domiciliée [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Art du Toit Charpente, de la SCP Boulloche, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [M] et de Mme [V], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la SMABTP, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Art du toit charpente du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Breiz.ar.tec, prise en la personne de son liquidateur amiable, Mme [R].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 septembre 2020), M. [M] et Mme [V] ont confié à la société d'architecture Breiz.ar.tec, dont la gérante, architecte, est assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de la construction d'une maison à ossature en bois.

3. La société Art du toit charpente, assurée auprès de la SMABTP, a été chargée des lots charpente, murs, bardage et isolation.

4. Le couvreur ayant refusé d'intervenir en raison des malfaçons affectant la charpente, le chantier a été interrompu.

5. Invoquant la dégradation des travaux réalisés du fait des intempéries et la nécessité d'une démolition-reconstruction, M. [M] et Mme [V] ont, après expertise, assigné en réparation les sociétés Breiz.ar.tec et Art du toit charpente, la MAF et la SMABTP.

6. La MAF a dénié sa garantie, au motif qu'elle n'était pas l'assureur de la société Breiz.ar.tec mais de sa gérante, architecte, prise à titre personnel.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

8. La société Art du toit charpente fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en garantie formée à l'encontre de la MAF, alors « que l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé renoncer à toutes les exceptions dont il avait alors connaissance ; qu'en jugeant, pour exclure la garantie de la MAF, qu'elle n'assurait pas la société Breiz.ar.tec mais sa gérante, Mme [R], et que, bien qu'elle ait tardé à dénier sa garantie, après être intervenue en phase amiable auprès du maître d'oeuvre, il n'était « pas possible de faire application de l'article L. 113-17 du code des assurances car la société Breiz. Ar Tec n'a[vait] jamais eu la qualité d'assuré » alors qu'un assureur qui prend la direction du procès renonce à invoquer toute cause d'exclusion de garantie, notamment celle tirée de l'absence de qualité d'assurée de la personne mise en cause, la cour d'appel a méconnu l'article L. 113-17 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

9. La MAF conteste la recevabilité du moyen, aux motifs que la société Art du toit charpente ne s'est pas prévalue devant le juge du fond de la renonciation de l'assureur aux exceptions prise de la direction du procès, laquelle n'était invoquée que par les maîtres de l'ouvrage, et qu'une partie n'est pas recevable à critiquer le rejet des demandes d'une autre partie.

8. Toutefois, la société Art du toit charpente ayant soutenu, dans ses conclusions d'appel, que la MAF avait assuré la défense effective de la société Breiz.ar.tec lors du procès, de sorte qu'elle devait sa garantie et le moyen ne critiquant que le chef de dispositif qui la concerne, celui-ci est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 113-17 du code des assurances :

9. Selon ce texte, l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé ainsi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès.

10. Si les exceptions visées par ce texte, en ce qu'elles se rapportent aux garanties souscrites, ne concernent ni la nature des risques souscrits ni le montant de la garantie (1re Civ., 8 juillet 1997, pourvoi n° 95-12.817, Bull. 1997, I, n° 233 ; 3e Civ., 29 janvier 2014, pourvoi n° 12-27.919, Bull. 2014, III, n° 12), il est cependant jugé que l'absence de qualité d'assuré constitue une exception de non-garantie au sens de celui-ci (2e Civ., 22 février 2007, pourvois n° 05-18.162 et n° 05-21.455).

11. Pour rejeter la demande en garantie formée par la société Art du toit charpente à l'encontre de la MAF, l'arrêt retient que la MAF assurait Mme [R], en sa qualité d'architecte exerçant à titre personnel, et non la société Breiz.ar.tec dont celle-ci était la gérante, et qu'il n'est pas possible de faire application des dispositions de l'article L. 113-7 du code des assurances, dès lors que la société Breiz.ar.tec n'a jamais eu la qualité d'assuré.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en garantie formée par la société Art du toit charpente à l'encontre de la Mutuelle des architectes français, l'arrêt rendu le 17 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;



Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Art du Toit Charpente

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Art du Toit Charpente fait grief à l'arrêt de l'AVOIR déclarée responsable des préjudices subis par les maîtres de l'ouvrage et de l'AVOIR condamnée en conséquence à verser aux consorts [M]-[V] les sommes de 96 868,23 euros au titre des travaux de démolition et de reconstruction de l'ouvrage, 11 960,30 euros au titre des frais de maîtrise d'oeuvre, 7 500 euros au titre des frais d'études, 7 000 euros au titre des frais d'assurance dommages ouvrage, 29 460,30 euros TTC au titre des frais annexes, les sommes de 2 967,93 euros, 3 967,33 euros et 999,40 euros, en remboursement de divers frais exposés, de 20 000 € en réparation de leur préjudice de jouissance, de 6 000 € en réparation de leur préjudice moral et la somme de 9 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

1°) ALORS QUE les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation ; qu'en retenant, pour condamner la société Art du Toit Charpente à indemniser les maîtres de l'ouvrage de l'intégralité des frais de démolition et de reconstruction de l'ouvrage, qu'en raison des malfaçons affectant la charpente qu'elle avait réalisée, dont les mesures correctives étaient « simples à mettre en oeuvre », le couvreur n'avait pas pu intervenir et que l'ouvrage, qui n'avait jamais été protégé, s'était irréversiblement détérioré (arrêt page 6, antépénultième, pénultième et dernier al.), sans répondre aux conclusions de l'exposante (conclusions page 12, al. 6 à 8), selon lesquelles il n'avait jamais été mis en demeure de reprendre son ouvrage, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation ; qu'en se bornant à se référer à l'existence d'une demande de reprise adressée à l'exposante (arrêt page 7, al. 1er), sans rechercher si la société Art du Toit Charpente n'était pas intervenue à la suite de cette demande de rectification, adressée par lettre le 5 septembre 2011, cette intervention donnant lieu, le 13 septembre suivant, à l'apposition d'une mention selon laquelle les points à corriger l'avaient été ce jour, de sorte qu'en l'absence, après cette date, d'une véritable mise en demeure de reprise de son ouvrage, l'exposante ne pouvait engager sa responsabilité contractuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1146 et 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°) ALORS QUE le débiteur n'est tenu que de réparer les dommages qui constituent la suite prévisible de son inexécution ; qu'en condamnant l'exposante à supporter l'ensemble des dépenses nécessaires à la démolition et à la reconstruction intégrale de la maison des consorts [M]-[V] sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ces dommages constituaient les suites prévisibles des quelques désordres mineurs qui affectaient son ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1150 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°) ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction de sorte qu'il ne peut soulever d'office un moyen de droit sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en jugeant, pour retenir la responsabilité de la société Art du Toit, qu'elle aurait été tenue d'une obligation d'assurer la protection de son ouvrage contre les intempéries, sans appeler les observations des parties sur ce moyen, non invoqué par les consorts [M]-[V], dont elle faisait d'office application, la cour d'appel a méconnu l'article 16 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'exposante soulignait qu'elle était intervenue pour réaliser le lot charpente, avant l'intervention du couvreur, sous la supervision de la société Breiz. Ar. Tec. qui avait reçu une mission complète de maîtrise d'ouvrage ; qu'en jugeant, que l'exposante était tenue d'une obligation d'assurer la protection de son ouvrage contre les intempéries, sans indiquer sur quel élément contractuel elle se fondait pour retenir l'existence d'une obligation de la société Art du Toit de protéger l'ouvrage contre les intempéries postérieurement à son intervention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

La société Art du Toit Charpente fait grief à l'arrêt d'AVOIR rejeté sa demande de garantie formée à l'encontre de la SMABTP ;

1°) ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction de sorte qu'il ne peut soulever d'office un moyen de droit sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en se fondant, pour exclure la garantie de la SMABTP, sur une définition de l'accident expressément donnée par une clause se trouvant en « page 36 des conditions générales » du contrat, qui n'avait pas été invoquée par l'assureur, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la clause litigieuse, qui définissait la notion d'accident, s'appliquait exclusivement à « la garantie de responsabilité en cas d'atteintes à l'environnement » ; qu'en appliquant, pour exclure la condamnation de la SMABTP, une clause sans rapport avec l'objet de la garantie dont l'application était discutée, la cour d'appel a méconnu l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

La société Art du Toit Charpente fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR débouté la société Art du Toit Charpente de sa demande de garantie formée à l'encontre de la MAF ;

ALORS QUE l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé renoncer à toutes les exceptions dont il avait alors connaissance ; qu'en jugeant, pour exclure la garantie de la MAF, qu'elle n'assurait pas la société Breiz. Ar. Tec mais sa gérante, Mme [R], et que, bien qu'elle ait tardé à dénier sa garantie, après être intervenue en phase amiable auprès du maître d'oeuvre, il n'était « pas possible de faire application de l'article L. 113-17 du code des assurances car la société Breiz. Ar Tec n'a[vait] jamais eu la qualité d'assuré » (arrêt page 11, al. 4) alors qu'un assureur qui prend la direction du procès renonce à invoquer toute cause d'exclusion de garantie, notamment celle tirée de l'absence de qualité d'assurée de la personne mise en cause, la cour d'appel a méconnu l'article L. 113-17 du code des assurances.ECLI:FR:CCASS:2022:C300055

lundi 22 octobre 2018

Un an de contentieux des assurances (juil. 2017 - juil. 2018)

Chronique par C. Bléry et V. Mazeaud, Procédures, 2018-10, p. 9, sur cass. n°17-17.536, 16-24.099, 16-26.865, 17-11.659, 16-24.305, 16-19.821, 16-82.904, 16-80.250, 16-83.232, 17-82.335, 06-80.185.

jeudi 3 août 2017

Assurance construction - référé - direction de la procédure - portée

Note Pagès de Varenne, Constr.-urb. 2017-10, p. 24.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 13 juillet 2017
N° de pourvoi: 16-19.821
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Chauvin (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ohl et Vexliard, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 113-17 du code des assurances, ensemble l'article 1792-7 du code civil et les articles 808 et 809 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 23 février 2016), rendu en référé, que le GAEC des Vallées (le GAEC) a confié à la société Piot services la réalisation d'une plate-forme de traite ; qu'invoquant des dysfonctionnements de l'installation et sa dangerosité, le GAEC a, après expertise, assigné en référé la société Piot services en paiement d'une provision de 326 000 euros hors taxes aux fins d'installation de trois robots de traite ; qu'elle a assigné le Groupama Grand Est (le Groupama) en garantie et que le GAEC est intervenu volontairement pour demander la condamnation complémentaire de la société Piot services au paiement d'une somme de 62 500 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée non prise en compte lors de la première instance ;

Attendu que, pour condamner le Groupama à payer au GAEC la somme de 391 200 euros, in solidum avec la société Piot services, et à garantir cette société de la condamnation, l'arrêt retient que les contestations de l'assureur ne sont pas sérieuses alors qu'il a, jusqu'au stade du référé, pris la direction du procès et que les travaux concernent la construction d'une stalle et donc d'un bâtiment ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, les exceptions visées par l'article L. 113-17 du code des assurances, en ce qu'elles se rapportent aux garanties souscrites, ne concernant ni la nature des risques souscrits, ni le montant de la garantie, l'assureur ne se voyait pas priver de la possibilité de contester le caractère décennal des désordres et qu'elle avait constaté que les désordres affectaient les installations d'une salle de traite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne le Groupama à payer au GAEC la somme de 391 200 euros, in solidum avec la société Piot services, et à garantir cette société de la condamnation, l'arrêt rendu le 23 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne le GAEC des Vallées aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

mercredi 28 décembre 2016

Direction du procès et connaissance des exceptions au sens de l'art. L 113-17 c. ass.

Note JP Karila, RGDA 2016, p. 615, sur cass. n° 15-25.143.
- Groutel, RCA 2017-1, p. 29. 

La péremption de l'instance ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du vendredi 16 décembre 2016
N° de pourvoi: 15-27.917
Publié au bulletin Rejet

Mme Flise (président), président
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er octobre 2015), que la société P21 - Maisons Guillaume (la société Guillaume) a interjeté appel d'un jugement rendu dans une instance l'opposant à M. X... et Mme Y... ; que les parties ont conclu respectivement les 28 août 2012 et 24 octobre 2012 ;

Attendu que la société Guillaume fait grief à l'arrêt de constater la péremption de l'instance à la date du 25 octobre 2014 et de prononcer l'extinction de l'instance, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en application de l'article 912 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces, et fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries, sauf fixation d'un calendrier après avis des avocats lorsque l'affaire nécessite de nouveaux échanges ; qu'il résulte de ce texte qu'après le dépôt et la communication des conclusions de l'appelant et de l'intimé, il appartient au conseiller de la mise en état de prendre l'initiative de la progression de l'instance, soit en fixant la date de la clôture et celle des plaidoiries, soit en sollicitant un nouvel échange d'écritures ; qu'en jugeant qu'il appartenait aux parties d'accomplir des diligences utiles à la progression de l'instance en sollicitant la fixation, pour en déduire la péremption de l'instance en application de l'article 386 du code de procédure civile, après avoir pourtant constaté que les conclusions d'appelant et d'intimé avaient été déposées et communiquées dans les délais des articles 908 et 909 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que dès lors que le greffe de la cour d'appel a indiqué, par une mention communiquée par le RPVA et portée à la connaissance des parties, que le dossier était « à fixer », ce dont il résulte qu'il appartient au conseiller de la mise en état de faire application des pouvoirs qu'il tient de l'article 912 du code de procédure civile, la procédure échappe à la maîtrise des parties, si bien que l'absence de diligence de leur part ne peut être sanctionnée par la péremption de l'instance ; qu'en jugeant que cette mention ne dispensait pas les parties d'accomplir des diligences en vue de faire progresser l'instance, après avoir pourtant constaté que la mention « à fixer », émanant du greffe, avait été apposée le 21 novembre 2012, sur la fiche du greffe relevée sur le RPVA, la cour d'appel a violé les articles 386 et 912 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la péremption de l'instance, qui tire les conséquences de l'absence de diligences des parties en vue de voir aboutir le jugement de l'affaire et poursuit un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique afin que l'instance s'achève dans un délai raisonnable, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable ;

Et attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu à juste titre que la mention « à fixer », portée par le greffe dans le dossier électronique de l'affaire, attestait seulement du dépôt des écritures des parties dans les délais d'échanges initiaux prévus par les articles 908 et 909 du code de procédure civile ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que le conseiller de la mise en état n'avait pas fixé l'affaire et que les parties n'avaient pas pris d'initiative pour faire avancer l'instance ou obtenir une fixation, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître les exigences de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'instance était périmée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société P21 - Maisons Guillaume aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... et à Mme Y... la somme globale de 3 000 euros ;

mercredi 2 novembre 2016

Assurance de la responsabilité décennale - Non garantie de la responsabilité contractuelle

Note Landel, DP EL assurances, 2016, bull. n° 264, p. 12. 
Pagès-de-Varenne, construct. urb. 2016-12, p. 24.  
- Groutel, RCA 2017-1, p. 29. 

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 27 octobre 2016
N° de pourvoi: 15-25.143
Publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
Me Haas, SCP Boulloche, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Gaschignard, avocat(s)



Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 septembre 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ. 23 octobre 2012, pourvoi n° 11-20. 555), que la société civile immobilière Simha Le Cap (la SCI) a, pour la rénovation d'un immeuble, confié le lot étanchéité à la société Etanchéité Y... (Y...), assurée en responsabilité civile décennale auprès de la société Axa Corporate Solutions (Axa), le lot peinture à M. Z...et le lot plomberie-climatisation à M. A...; que, se plaignant de divers désordres, la SCI a, après expertises, poursuivi l'indemnisation de ses préjudices ; qu'elle a vendu l'immeuble le 10 septembre 2004, se réservant le droit de poursuivre l'instance en cours et de percevoir les sommes éventuellement allouées en dédommagement ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en garantie à l'égard de la société Axa, mise hors de cause, alors, selon le moyen :

1°/ que l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès ; qu'en l'espèce, la société Y... invoquait deux dires adressés les 18 septembre et 17 octobre 2000 par l'avocat de l'assureur à l'expert judiciaire, démontrant que l'assureur avait pris la direction du procès ; que la cour d'appel a elle-même constaté qu'à la date de ces dires, l'assureur avait déjà été avisé de l'absence de procès-verbal de réception ; qu'il résultait de ces constatations qu'à la date des interventions de son mandataire, la société Axa avait connaissance de ce que la responsabilité de son assurée pourrait être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; que dès lors, en déboutant la société Y... de sa demande de garantie, aux motifs que jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 9 décembre 2004, l'assureur n'avait pas connaissance de ce qu'il pouvait opposer à son assurée une absence de garantie résultant de ce que le contrat souscrit ne couvrait que sa responsabilité décennale, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que l'assureur avait connaissance dès avant cet arrêt, en cours de première instance, d'une exception de non-garantie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-17 du code des assurances ;

2°/ que la cour d'appel a elle-même constaté que l'assureur avait pris, au plus tard en l'an 2000, la direction du procès ; que la cour d'appel a encore constaté qu'il n'était pas établi qu'à la suite de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 9 décembre 2004, l'assureur ait notifié à son assurée un refus de garantie ; qu'en outre l'arrêt attaqué ne fait état d'aucun élément dont il résulterait que l'assureur aurait informé son assurée, après ledit arrêt, qu'il n'assurerait plus la direction du procès ; qu'il résulte ainsi de l'arrêt attaqué que, faute d'avoir notifié un refus de garantie ou d'avoir suffisamment informé son assurée, la société Axa a continué d'assurer la direction du procès après l'arrêt du 9 décembre 2004 ; que dès lors, en jugeant que la société Y... ne justifiait pas que l'assureur ait pris la direction du procès pour le compte de son assurée dans le cadre de l'instance devant le tribunal de grande instance de Grasse après la décision du 9 décembre 2004, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 113-17 du code des assurances ;


3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le fait que l'assureur, qui avait pris la direction du procès dès avant l'arrêt d'appel du 9 décembre 2004, n'ait pas notifié de refus de garantie après cet arrêt, ne devait pas conduire à considérer qu'il avait poursuivi la direction du procès dans le cadre de l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Grasse après l'arrêt du 9 décembre 2004, renonçant ainsi aux exceptions de garantie dont il avait connaissance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-17 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'assureur, avant l'arrêt du 9 décembre 2004 décidant que la responsabilité de la société Y... ne pouvait être engagée que sur un fondement contractuel, ne pouvait opposer à son assurée une absence de garantie résultant de ce que le contrat souscrit ne couvrait que sa responsabilité décennale et que, durant l'instance postérieure à cet arrêt, la société Y... ne justifiait pas que son assureur, qui avait constitué avocat en son seul nom, avait pris la direction du procès pour son compte, la cour d'appel, qui a exactement décidé que les exceptions visées par l'article L. 113-17 du code des assurances, en ce qu'elles se rapportent aux garanties souscrites, ne concernent ni la nature des risques souscrits, ni le montant de la garantie, en a déduit à bon droit que le contrat souscrit ne couvrait pas la responsabilité contractuelle de la société Y... et que la demande de garantie de celle-ci devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de condamner in solidum la société Y... et M. Z...à lui payer la somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice matériel et de rejeter le surplus de sa demande et sa demande en réparation dirigée à l'encontre de M. A...;

Mais attendu qu'ayant relevé que le prix de vente de la villa avait été déterminé en tenant compte de l'état du bien et des désordres qui l'affectaient, imputables à la société Y... et à M. Z..., et que d'autres travaux que ceux réalisés auraient été nécessaires pour rendre le bien attractif auprès d'une clientèle internationale, la cour d'appel a pu en déduire, sans violer le principe de la contradiction, que le préjudice, lié à la diminution du prix de vente imputable aux constructeurs, consistait en une perte de chance de vendre le bien à un prix supérieur dont elle a souverainement évalué le montant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

vendredi 7 novembre 2014

Péremption, prescription et direction de procédure par l'assureur

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 21 octobre 2014
N° de pourvoi: 13-21.651
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Terrier (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Axa France IARD du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société MMA IARD ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mai 2013), que la société SCS gestion, déclarée responsable de désordres affectant un lycée et condamnée, par la juridiction administrative, solidairement avec la société Bureau Veritas, assurée auprès de la société MMA, à payer une certaine somme à la société GAN, subrogée dans les droits du conseil régional d'Ile-de-France, maître d'ouvrage, a assigné en garantie son assureur de responsabilité décennale, la société Axa France, venant aux droits de la société Union des assurances de Paris (la société UAP) ; qu'après admission de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SCS gestion, la société MMA a perçu une somme inférieure au montant de sa créance sur l'entreprise ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Axa France fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de péremption d'instance, de dire qu'elle doit garantir la société SCS gestion dans le cadre de la responsabilité décennale, de dire qu'elle ne peut opposer à son assurée aucune limitation de garantie, et de la condamner à garantir la société SCS gestion, représentée par son mandataire ad hoc Mme Perdereau, des condamnations prononcées à son encontre par la cour administrative d'appel de Versailles dans son arrêt du 27 juin 2006, et à lui payer la somme de 2 457 666, 56 euros, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un acte accompli dans une instance ne peut avoir d'effet interruptif du délai de péremption d'une instance différente qu'à la condition que les deux procédures se rattachent entre elles par un lien de dépendance directe et nécessaire, ce qui implique que l'issue de l'instance dans laquelle l'acte en cause est intervenu ait une influence sur le sort de l'instance arguée de péremption ; qu'en l'espèce, après avoir été assignée par le GAN, assureur du conseil régional d'Ile-de-France, en référé-expertise puis au fond devant le tribunal administratif de Versailles en indemnisation des désordres de construction affectant le lycée Jules Verne à Cergy-Le-Haut, la société SCS gestion a par acte du 11 août 2000 engagé une action contre son assureur Axa devant le tribunal de commerce de Paris afin d'être garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au profit du GAN ; que pour rejeter l'incident de péremption soulevé par Axa France, fondé sur l'absence de toute diligence dans cette instance en garantie pendant deux ans à compter de l'assignation, la cour d'appel a relevé que par acte du 16 novembre 2001, la société SCS gestion avait assigné la société Axa France en référé devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de rendre opposable à son assureur une autre expertise ordonnée à la demande de la région Ile-de-France par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; qu'elle a considéré que l'expertise ordonnée par la juridiction administrative était « purement formelle », l'expert M. X...ayant reçu la même mission et rendu le même rapport au juge administratif et au juge judiciaire, ce dont elle a déduit qu'il existait « un lien de dépendance directe et nécessaire entre la procédure de référé-expertise engagée par la région d'Ile-de-France et l'appel en garantie introduit devant le tribunal de commerce par la société SCS gestion contre son assureur le 11 août 2000, puisque cet appel en garantie était justifié par la procédure dont faisait l'objet la société SCS gestion et qui risquait de déboucher sur sa condamnation » de sorte que l'assignation du 16 novembre 2001 avait interrompu le délai de péremption de l'instance en garantie engagée contre la société Axa France devant le tribunal de commerce de Paris ; qu'en statuant de la sorte, quand l'instance en référé-expertise introduite par la région Ile-de-France était non susceptible d'influer sur le sort de l'action en garantie de la société SCS gestion contre son assureur, laquelle portait exclusivement sur les éventuelles condamnations susceptibles d'être prononcées contre cette société au profit du GAN, la cour d'appel a méconnu l'article 386 du code de procédure civile ;

2°/ que, dans son assignation du 11 août 2000, la société SCS gestion, qui rappelait avoir été assignée par le GAN devant le tribunal administratif en réparation des désordres affectant le Lycée Jules Verne à Cergy-Le-Haut, demandait la condamnation de son assureur AXA France à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au profit du GAN, et non au profit de la région Ile-de-France qui n'était pas partie à la procédure et n'a obtenu la mise en oeuvre d'une expertise que par ordonnance du tribunal administratif du 14 juin 2001 ; qu'en retenant néanmoins, pour déduire l'existence d'un lien de dépendance directe et nécessaire entre la procédure de référé-expertise engagée par la région d'Ile-de-France et l'appel en garantie introduit devant le tribunal de commerce par la société SCS gestion contre son assureur le 11 août 2000, que cet appel en garantie était justifié par la procédure dont faisait l'objet la société SCS gestion et qui risquait de déboucher sur sa condamnation, les opérations d'expertise devant permettre « à la juridiction administrative, saisie au fond, de déterminer notamment si la société SCS gestion était, au moins partiellement responsable des désordres subis par le lycée construit à la demande de la région Ile-de-France », la cour d'appel a méconnu les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble l'article 386 du même code ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'assignation en référé-expertise délivrée par le conseil régional tendait à rendre opposable au maître d'ouvrage la mesure d'instruction en cours dans l'instance au fond exercée par le GAN qui risquait de déboucher sur la condamnation de la société SCS gestion, la cour d'appel, qui en a souverainement retenu qu'il existait entre les instances un lien de dépendance nécessaire, a pu en déduire que l'assignation délivrée le 16 novembre 2001 par la société SCS gestion à la société Axa France à la suite de cette nouvelle expertise avait eu un effet interruptif de préemption dans l'instance en garantie de la société SCS gestion contre son assureur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Axa France fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par elle, de dire qu'elle doit garantir la société SCS gestion sur le fondement de la responsabilité décennale, de dire que la société Axa France ne peut opposer à son assurée aucune limitation de garantie, et de la condamner à garantir la société SCS gestion, représentée par son mandataire ad hoc Mme Perdereau, des condamnations prononcées à son encontre par la cour administrative d'appel de Versailles dans son arrêt du 27 juin 2006, et à lui payer la somme de 2 457 666, 56 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que la prise de direction du procès par l'assureur ne saurait se déduire de la seule participation de ce dernier aux opérations d'expertise auxquelles il a été attrait par un tiers, ni de la contestation, à cette occasion, de la responsabilité de son assuré ; qu'en l'espèce, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société Axa France à l'action en garantie de son assurée, la société SCS gestion, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a retenu que la société UAP puis Axa France IARD, en déposant par l'intermédiaire de son avocat M. Royet « de nombreux dires, accompagnés de notes techniques, destinés à opposer des arguments aux réclamations formulées par le GAN à l'encontre de la la société SCS gestion », dans le cadre de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal de grande instance de Nanterre, avait défendu son assurée et « qu'en participant ainsi activement aux opérations d'expertise sans émettre la moindre réserve, la société Axa a renoncé à se prévaloir de la prescription de l'appel en garantie dirigé contre elle » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir la prise de direction du procès par l'assureur, dès lors que celui-ci, assigné en référé-expertise par le GAN conjointement avec la société SCS gestion, était tenu de participer aux opérations d'expertise et avait intérêt à contester la responsabilité de son assuré, sans que l'on puisse déduire de cette seule circonstance une volonté de représenter ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 114-1 et L. 113-17 du code des assurances ;

2°/ qu'il ne ressort d'aucune des mentions du rapport partiel déposé par M. X...le 14 septembre 2001 que M. Royet serait intervenu en qualité de conseil, non seulement de la société UAP, mais également de son assurée la société SCS gestion ; qu'en énonçant néanmoins qu'« il ressort du rapport partiel déposé par M. X...le 14 septembre 2001 devant le tribunal de grande instance de Nanterre que la société SCS gestion était initialement représentée par le même avocat que son assureur, M. Royet, au cours des opérations d'expertise », pour en déduire que la société Axa France avait pris la direction du procès et ainsi renoncé à se prévaloir de la prescription, la cour d'appel a dénaturé le rapport partiel du 14 septembre 2001, violant ainsi l'article 1134 du code civil, ensemble le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que la participation de l'assureur aux opérations d'expertise n'est susceptible de caractériser une prise de direction du procès qu'à la condition d'être sans réserve ; qu'ainsi qu'elle le faisait valoir dans ses écritures d'appel, la société UAP avait dès le début des opérations d'expertise, par un courrier du 15 janvier 1996, émis des réserves sur la mise en jeu de sa garantie puisqu'elle indiquait qu'en l'absence de déclaration préalable du chantier dont le montant excédait le maximum garanti, elle aurait pu dénier totalement sa garantie mais avait décidé « de n'opposer qu'une règle proportionnelle de capitaux », en indiquant à la société SCS Gestion que « la proportion prise en charge par l'UAP s'élèverait donc à 20 MF divisés par 115 MF, soit 17 % du montant du sinistre qui sera éventuellement mis à votre charge » ; qu'en retenant, par motifs supposément adoptés des premiers juges, que « l'UAP, dans un courrier LRAR, en date du 15 janvier 1996 adressé assemblée générale et produit aux débats, reconnaissait être saisie du litige, impliquant son assuré, en évoquant une garantie partielle à l'éventuelle responsabilité de son client, et, déclarait qu'elle était très attentive au suivi technique de cette affaire », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société UAP n'avait pas émis dans ce courrier des réserves sur la mise en oeuvre et l'étendue de sa garantie, ce qui excluait que sa participation aux opérations d'expertise puisse s'interpréter comme une prise de direction du procès, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 114-1 et L. 113-17 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'avocat de la société Axa France avait déposé de nombreux dires et notes techniques destinées à opposer des arguments aux réclamations formulées à l'encontre de la société SCS gestion ; que, durant plusieurs années, il avait défendu les intérêts de l'assurée dans la procédure, avait participé aux opérations d'expertise, sans émettre la moindre réserve, et n'avait été remplacé, dans la défense des intérêts de la société SCS gestion, qu'en décembre 1999 à la suite d'un différend sur l'étendue de la garantie survenu entre l'assuré et son assureur qui était revenu sur les réserves émises dans sa lettre du 15 janvier 1996, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé le rapport d'expertise, a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le troisième moyen qui est recevable :

Vu l'article L. 124-3, alinéa 2, du code des assurances ;

Attendu que pour condamner la société Axa France à payer une certaine somme à la société SCS gestion, la cour d'appel retient que le recours en garantie porte non sur les sommes effectivement versées aux MMA mais sur la créance du GAN à l'égard de la société SCS gestion ;

Qu'en statuant ainsi après avoir constaté que la créance du GAN avait été intégralement payée par la société MMA et que celle-ci n'avait pu exercer son recours subrogatoire que pour un dividende limité dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société SCS gestion, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Axa France à payer à la société SCS gestion la somme de 2 457 666, 56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 1996 et capitalisation des intérêts, l'arrêt rendu le 28 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme Perdereau, ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;