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vendredi 4 juin 2021

Construction de "haut standing" et gravité décennale

 Note S. Bertolaso, RCA 2021-9, p. 24

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 mai 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 420 F-D

Pourvoi n° J 19-24.786




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021

La société Generali IARD, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 19-24.786 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), société d'assurance à la forme mutuelle, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société Sacieg construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à M. [R] [A], domicilié [Adresse 5],

5°/ à la société MMA IARD,

6°/ à la société MMA IARD, société anonyme,


7°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme,

toutes trois ayant leur siège [Adresse 6], et venant aux droits de Covea Risks,

8°/ à la société C3D, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7],

9°/ à la société Pinto Rodrigues et Fils, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],

10°/ à la société [Personne physico-morale 1], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 5],

11°/ à la société Mutuelle des architectes français, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 9],,

12°/ à la société Insead résidences, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10],

13°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 11], en qualité d'assureur de la société Pinto Rodrigues,

défendeurs à la cassation.

La SMABTP et la société Sacieg construction ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

La SMABTP et la société Sacieg construction, demanderesses au pourvoi provoqué invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation également annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Generali IARD, de la SCP Boulloche, avocat de M. [Personne physico-morale 1], de la société [Personne physico-morale 1] et de la société Mutuelle des architectes français, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Insead résidences, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société SMABTP et de la société Sacieg construction, de Me Le Prado, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société C3D, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 2019), la société Insead résidences (la société Insead) a confié à la société [Personne physico-morale 1] (la société [Personne physico-morale 1]), assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de la construction d'une résidence hôtelière.

2. L'exécution des travaux a été confiée à la société Sacieg construction (la société Sacieg), assurée auprès de la SMABTP.

3. La société Sacieg a sous-traité, notamment, le lot carrelages à la société Pinto Rodrigues fils, assurée auprès de la société MAAF assurances, puis de la société Axa France IARD, et le lot plâtrerie à la société C3D, assurée auprès de la société Le Continent, aux droits de laquelle vient la société Generali IARD.

4. Le maître d'ouvrage a souscrit un contrat multirisques de chantier, comprenant notamment une assurance dommages-ouvrage, auprès de la société Les Mutuelles du Mans assurance, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA).

5. Se plaignant de désordres, la société Insead a obtenu la désignation d'un expert en référé, puis a assigné les constructeurs et assureurs aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche, le moyen unique du pourvoi provoqué des sociétés Sacieg et SMABTP et le moyen unique du pourvoi incident des MMA, pris en sa seconde branche, réunis

Enoncé des moyens

6. Les sociétés Generali, Sacieg et SMABTP font grief à l'arrêt, sur les désordres affectant les murs des chambres, salles de bains et WC, de dire que la société Generali garantit la société C3D sans limite de garantie, de condamner in solidum la société MMA IARD, assureur dommages-ouvrage, la société Sacieg et son assureur, la SMABTP, et la société C3D et son assureur Generali, à payer à la société Insead diverses sommes pour les travaux de démontage d'une salle de bains, pour les travaux de réfection des chambres affectées de désordres, pour les honoraires de maîtrise d'oeuvre complète, de coordination SPS, de bureau de contrôle et pour la souscription d'une assurance dommages-ouvrage, de dire que la société Sacieg et la SMABTP sont garanties par la société C3D et son assureur Generali, de dire, sur la réparation des désordres « non individualisée » par l'expert, que la société Generali garantit la société C3D sans limite de garantie, de condamner in solidum la société MMA IARD, assureur dommages-ouvrage, la société Sacieg et son assureur SMABTP, la société C3D et son assureur Generali, et la société Pinto et son assureur MAAF, à payer à la société Insead diverses sommes pour les essais et les sondages, pour les « travaux déjà réalisés », pour la perte d'exploitation de quatre chambres en raison des sondages, pour l'indemnisation des chambres immobilisées pendant les travaux réparatoires, pour les honoraires d'assistance technique, de dire que la société Sacieg et la SMABTP sont garanties par la société C3D et la société Generali, et la société Pinto et son assureur MAAF, tenues in solidum, de dire que le partage de responsabilités entre les deux entreprises sous-traitantes, Pinto et C3D, s'opérera de la manière suivante : pour la société Pinto sous la garantie de la MAAF : 30 %, pour la société C3D sous la garantie de la compagnie Generali : 70 % et de dire que dans leurs recours entre elles, les sociétés responsables et leurs assureurs respectifs, seront garantis des condamnations prononcées à leur encontre à proportion du partage de responsabilités ainsi fixé, alors « qu'en jugeant, à propos des désordres affectant les murs des chambres, des salles de bain et des WC, tenant à des décollements en cueillies des plafonds dans les chambres, des décollements du doublage au pourtour des murs porteurs dans les chambres, des fissurations des carreaux de faïence sur les murs des salles de bains au droit et au-dessus des baignoires et des fissurations verticales au droit des plaques murales dans les WC, pour retenir la nature décennale de l'ensemble desdits désordres et dire la garantie de la société Generali engagée, que "Monsieur [E] déclare qu'en ce qui concerne les décollements de doublage, certes, il n'y a aucune atteinte à la solidité, ni de risque pour les personnes", mais "qu'il ne s'agit pas uniquement de problème inesthétique... car si vous n'avez pas de doublage ou des doublages dégradés, vous n'avez plus les isolations nécessaires et l'habitabilité de ces chambres est réduite, voire même anéantie. Or, ces cadres de haut niveau [qui louent ces chambres] travaillent très tard dans leur chambre pour préparer leurs dossiers, ils vivent carrément dans leur chambre et ils ne font pas qu'y dormir. D'où l'obligation d'avoir une habitabilité correcte...", "qu'il n'est contesté par aucune partie que ces désordres n'étaient pas apparents à la réception des travaux, et qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune réserve. La première déclaration de sinistre les concernant faite à l'assureur DO date du 4 mai 2003" et qu'il "ressort ainsi de ces éléments que si les désordres précités ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage (ce que reconnaît l'Insead), ils le rendent toutefois impropre à sa destination, qui est d'accueillir des stagiaires-étudiants, qu'ils soient ou non des cadres de haut niveau habitués à un certain confort, en ce qu'ils l'affectent dans son habitabilité, en présence de désordres généralisés, tels que décrits précédemment, non seulement dans la quasi-totalité des chambres, mais également dans une grande partie des salles de bain et des WC", et en ne vérifiant pas en quoi les décollements en cueillies des plafonds dans les chambres, les fissurations des carreaux de faïence sur les murs des salles de bains au droit et au-dessus des baignoires et les fissurations verticales au droit des plaques murales dans les WC rendraient également l'immeuble impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. »

7. Les sociétés MMA font grief à l'arrêt de condamner la société MMA IARD, assureur dommages-ouvrage, ce, sous la garantie de la société Sacieg et de son assureur la SMABTP, in solidum avec la société Sacieg et son assureur la SMABTP, et la société C3D et son assureur la compagnie Generali, à payer à la société Insead diverses sommes pour les travaux de démontage d'une salle de bains, pour les travaux de réfection des chambres affectées de désordres, pour les honoraires de la maîtrise d'oeuvre complète, de la coordination SPS, du bureau de contrôle et pour la souscription d'une assurance dommages-ouvrage et, sur la réparation des désordres « non individualisés » par l'expert, de condamner la société MMA IARD, assureur dommages-ouvrage, ce, sous la garantie de la société Sacieg et de son assureur la SMABTP, in solidum la société Sacieg et son assureur la SMABTP, la société C3D et son assureur la compagnie Generali, et la société Pinto et son assureur la MAAF, à payer à la société Insead diverses sommes pour les essais et les sondages, pour les « travaux déjà réalisés », pour la perte d'exploitation de quatre chambres en raison des sondages, pour l'indemnisation des chambres immobilisées pendant les travaux réparatoires et pour les honoraires d'assistance technique, alors « que les constructeurs sont responsables de plein droit des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; que la cour d'appel a relevé, à propos des désordres affectant les murs des chambres, des salles de bain et des WC, tenant à des décollements en cueillies des plafonds dans les chambres, des décollements du doublage au pourtour des murs porteurs dans les chambres, des fissurations des carreaux de faïence sur les murs des salles de bains au droit et au-dessus des baignoires et des fissurations verticales au droit des plaques murales dans les WC), que l'ensemble de ces désordres revêtaient une nature décennale, du fait que s'agissant des décollements de doublage, même en l'absence d'atteinte à la solidité et de risque pour les personnes, le désordre n'était pas seulement esthétique, en ce qu'en affectant l'habitabilité de l'immeuble, il le rendait impropre à sa destination, en présence de désordres généralisés, non seulement dans la quasi-totalité des chambres, mais également dans une grande partie des salles de bain et des WC ; qu'en statuant ainsi, sans expliquer en quoi les décollements en cueillies des plafonds dans les chambres, les fissurations des carreaux de faïence sur les murs des salles de bains au droit et au-dessus des baignoires et les fissurations verticales au droit des plaques murales dans les WC rendraient également l'immeuble impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et suivants du code civil. »

Réponse de la Cour

8. Par motifs adoptés, la cour d'appel a retenu que les fêlures ou casses des carreaux sur les murs des salles de bains, le décollement en cueillies de plafonds et la fissuration verticale au droit des plaques murales compromettaient l'esthétique et l'habitabilité de l'immeuble, qu'ils le rendaient impropre à sa destination dès lors qu'ils affectaient des éléments essentiels des salles de bains et des WC, à savoir les carrelages, ainsi que les murs porteurs, rendant inhabitables des chambres d'une résidence hôtelière de haut standing, et qu'ils étaient donc de nature décennale au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil.

9. La cour d'appel, qui s'est expliquée sur la gravité de l'ensemble des désordres, a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le moyen unique du pourvoi incident des MMA, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. Les sociétés MMA font le même grief à l'arrêt, alors « que dans leurs conclusions d'appel, les MMA demandaient, "sur le décollement des doublages sur le pourtour du mur des chambres, les fêlures ou casse de carreaux sur les murs de salle de bains, les décollements en cueillies de plafond, les fissures verticales au droit des plaques murales", à voir, "compte tenu du caractère esthétique de ces désordres", réformer le jugement entrepris en ce qu'il les avait condamnées en leur qualité d'assureur dommages-ouvrage, à payer à la société Insead résidences, diverses sommes au titre des essais, du démontage de la salle de bain, des travaux déjà réalisés, des travaux de réfection à réaliser, et des honoraires des locateurs d'ouvrage ; qu'en déclarant que la société MMA IARD succédant à la société Covea Risks, assureur dommages-ouvrage, ne contestait pas le caractère décennal des désordres, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel, qui a constaté que les désordres, apparus après la réception, étaient de la gravité de ceux visés à l'article 1792 du code civil, en a exactement déduit, abstraction faite de motifs surabondants, que l'assureur dommages-ouvrage devait sa garantie.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

13. La société Generali fait grief à l'arrêt, sur les désordres affectant les murs des chambres, salles de bains et WC, de dire que la société Generali garantit la société C3D sans limite de garantie, de condamner in solidum la société MMA IARD, assureur dommages-ouvrage, la société Sacieg et son assureur la SMABTP, et la société C3D et son assureur Generali, à payer à la société Insead diverses sommes pour les travaux de démontage d'une salle de bains, pour les travaux de réfection des chambres affectées de désordres, pour les honoraires de maîtrise d'oeuvre complète, de coordination SPS, de bureau de contrôle et pour la suscription d'une assurance dommages-ouvrage, de dire que la société Sacieg et la SMABTP sont garanties par la société C3D et son assureur Generali, de dire, sur la réparation des désordres « non individualisée » par l'expert, que la société Generali garantit la société C3D sans limite de garantie, de condamner in solidum la société MMA IARD, assureur dommages-ouvrage, la société Sacieg et son assureur SMABTP, la société C3D et son assureur Generali, et la société Pinto et son assureur MAAF, à payer à la société Insead diverses sommes pour les essais et les sondages, pour les « travaux déjà réalisés », pour la perte d'exploitation de quatre chambres en raison des sondages, pour l'indemnisation des chambres immobilisées pendant les travaux réparatoires, pour les honoraires d'assistance technique, de dire que la société Sacieg et la SMABTP sont garanties par la société C3D et la société Generali, et la société Pinto et son assureur MAAF, tenues in solidum, de dire que le partage de responsabilités entre les deux entreprises sous-traitantes, Pinto et C3D, s'opérera de la manière suivante : pour la société Pinto sous la garantie de la MAAF : 30 %, pour la société C3D sous la garantie de la compagnie Generali : 70 % et de dire que dans leurs recours entre elles, les sociétés responsables et leurs assureurs respectifs, seront garantis des condamnations prononcées à leur encontre à proportion du partage de responsabilités ainsi fixé, alors :

« 2°/ qu'en production n° 2, la société Generali produisait le "contrat d'assurance" qui la liait à la société C3D, composé de ses conditions générales et de ses conditions particulières, ainsi qu'il était confirmé par l'accusé de réception des pièces communiquées par RPVA ; qu'en jugeant que « Generali dénie inutilement sa garantie contractuelle à C3D dès lors qu'elle ne produit que "les dispositions générales" intitulées "Multibat assurance responsabilité civile des entreprises du bâtiment" provenant des "Continent Assurances" portant la référence « 122-2171 - de janvier 1996", à l'exclusion de tout autre document dont notamment les conditions particulières du contrat signé par C3D et Generali. Ce contrat n'est pas produit aux débats après plus de 10 années de procédure. Ainsi en l'absence d'une telle de production, la cour retient la garantie de Generali à l'égard de son assurée C3D, sans limite de garantie du chef de la réparation des dommages matériels s'agissant de la mise en oeuvre d'une garantie obligatoire, il en sera de même du chef de l'indemnisation du préjudice immatériel qui sera examinée ci-dessous. De la même façon, en l'absence de justification de limites contractuelles de garantie (plafonds et franchises), aucune ne sera appliquée", la cour d'appel a méconnu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause, et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ subsidiairement à la deuxième branche, qu'en relevant d'office que "Generali dénie inutilement sa garantie contractuelle à C3D dès lors qu'elle ne produit que "les dispositions générales" intitulées "Multibat assurance responsabilité civile des entreprises du bâtiment" provenant des "Continent Assurances" portant la référence "122-2171 - de janvier 1996", à l'exclusion de tout autre document dont notamment les conditions particulières du contrat signé par C3D et Generali. Ce contrat n'est pas produit aux débats après plus de 10 années de procédure", bien que la société Generali se soit prévalue de ces conditions particulières dans ses conclusions d'appel et que ces conditions particulières aient été formellement visées par l'accusé de réception des pièces communiquées généré par le RPVA, sans provoquer les observations des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

14. D'une part, la société Generali n'indiquait pas, dans ses conclusions d'appel, que la demande de prise en compte d'un plafond de garantie et d'une franchise se fondait sur les conditions particulières du contrat d'assurance.

15. D'autre part, le bordereau des pièces annexé aux conclusions visait, en pièce n° 2, un « contrat d'assurance », sans préciser que la pièce se composait de plusieurs documents.

16. La cour d'appel n'a pas dénaturé, par omission, un écrit dont il n'est pas établi qu'il lui ait été remis et n'était pas tenue d'inviter les parties à s'expliquer sur l'absence de production d'un document qui n'était visé ni dans leurs conclusions ni dans leurs bordereaux de pièces.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

mardi 17 mai 2016

Décennale, notion contractuelle d'atteinte à la destination et performance énergétique

Voir note Ajaccio, Bull. EL assurances, juin 2016, p. 4, insistant sur l'atteinte à la destination résultant d'un défaut de "performance énergétique".

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 4 mai 2016
N° de pourvoi: 15-14.671 15-18.717
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
Me Bouthors, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Jean-Philippe Caston, SCP Odent et Poulet, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :




Joint les pourvois N° H 15-14. 671 et N° E 15-18. 717 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 octobre 2014), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 30 novembre 2011, pourvoi n° 10-18. 648) qu'en 2001, la société Air France a fait rénover les installations de climatisation de son centre informatique ; que sont intervenues à l'opération de construction la société Smart Building Engeneering (SBE), chargée de la maîtrise d'oeuvre et assurée auprès de la société MMA, la société Axima, titulaire du lot réseaux d'eau glacée et assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), la société Serc, sous-traitant de la société Axima pour les travaux de calorifugeage des canalisations d'eau glacée et la pose du pare-vapeur enrobant le calorifuge, assurée auprès de la SMABTP, et la société Socotec, contrôleur technique, assurée auprès de la société Axa France ; que la réception des travaux a été prononcée avec réserves le 25 juillet 2002 ; qu'en juillet 2003, des traces d'eau ont été constatées sur le pare-vapeur bitumeux enrobant le calorifuge ; qu'après expertise, la société Air France a assigné les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la SMABTP et le moyen unique du pourvoi provoqué de la société Axima, réunis :

Attendu que la SMABTP et la société Axima font grief à l'arrêt de dire que les désordres avaient une nature décennale et de les condamner in solidum à indemniser le maître d'ouvrage, alors, selon le moyen :

1°/ que des dommages ne relèvent de la garantie décennale que s'il est certain que, dans le délai de forclusion de dix ans, ils revêtiront le caractère de gravité requis ; qu'en ayant caractérisé un simple « danger » de percement des tuyaux par corrosion qui « de manière évidente n'est pas immédiat », mais pourrait survenir « à moyen ou long terme », sans constater que ce dommage futur se réaliserait dans le délai d'épreuve de dix ans depuis la réception des travaux, alors même que la réception des travaux avait été prononcée en 2002, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

2°/ qu'un désordre de construction ne peut être qualifié de décennal que s'il est suffisamment grave ; qu'ayant constaté que la diminution du coefficient d'isolation de l'immeuble était marginale, sans en déduire que le dommage de construction en résultant ne présentait pas le degré de gravité suffisant pour revêtir une qualification décennale, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;


3°/ que l'impropriété à sa destination d'un immeuble ne s'apprécie pas en fonction de l'investissement qui avait été fait pour le réaliser ; qu'en ayant apprécié l'impropriété de l'ouvrage à sa destination en fonction de « l'investissement » qui avait été fait et de la durée de vie consécutive qui était attendue de l'ouvrage, l'abrégement de la durée de vie de l'ouvrage caractérisant ainsi, selon la cour, une impropriété de celui-ci à sa destination, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;

4°/ que l'impropriété à sa destination d'un immeuble s'entend de son impropriété technique et non de son impropriété contractuelle ; qu'en ayant apprécié l'impropriété à sa destination de l'ouvrage litigieux en fonction de sa destination contractuelle, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la rénovation des installations de conditionnement d'air était destinée à augmenter la fiabilité du site gérant l'ensemble de la billetterie et des réservations de la compagnie Air France, à optimiser les coûts d'exploitation et à améliorer le confort thermique des occupants et que la présence d'eau dans l'isolant diminuait le coefficient prévu d'isolation du calorifugeage de l'ensemble de l'installation, la cour d'appel a pu déduire de ce seul motif que le désordre constaté par l'expert traduisait une impropriété à destination de l'ouvrage et présentait un caractère décennal ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal, réunis :

Attendu que la SMABTP fait grief à l'arrêt de dire que le maître d'oeuvre et le contrôleur technique n'avaient pas manqué à leurs obligations, de la condamner, in solidum avec ses assurées, à indemniser la société Air France et de dire que les responsabilités seront réparties à 80 % à la charge de la société Serc et à 20 % à la charge de la société Axima, alors, selon le moyen :

1°/ que le maître d'oeuvre, investi d'une mission complète, doit s'assurer de la bonne exécution des travaux en cours de chantier ; qu'en jugeant que la société SBE n'avait en rien manqué à sa mission, aux motifs inopérants que les vices n'étaient pas apparents en cours de chantier et à la réception et qu'un mode opératoire avait été défini, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;



2°/ que le maître d'oeuvre, investi d'une mission complète de surveillance des travaux, doit s'assurer de leur bonne exécution en cours de chantier ; qu'en déchargeant la société SBE de toute faute dans l'accomplissement de sa mission, notamment dans le défaut d'écartement des tuyaux, au motif inopérant que la société Serc aurait dû refuser le support si elle ne pouvait appliquer l'enduit de protection dans les règles de l'art, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

3°/ que le contrôleur technique engage sa responsabilité si, étant au fait d'un défaut d'exécution du chantier, même ne relevant pas de sa mission, il omet d'en avertir le maître d'ouvrage ; qu'ayant relevé que la société Socotec avait évoqué les calorifuges dans son rapport de certification technique du 12 mai 2003, pour ensuite écarter tout manquement du contrôleur technique à ce titre, au prétexte que les calorifuges ne relevaient pas de sa mission, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que le maître d'oeuvre avait fait suspendre le chantier en début d'exécution du calorifugeage après avoir constaté que les conditions de sa pose n'étaient pas respectées au regard des normes applicables, que le reste du chantier avait été poursuivi selon une méthode différente sans aucun désordre apparent et qu'il n'était pas en mesure de déceler le défaut d'exécution à l'origine du désordre, d'autre part, que la mission de la Socotec, portant exclusivement sur la solidité de l'ouvrage, des éléments d'équipement et des existants, ainsi que sur la sécurité des personnes, il était indifférent qu'elle ait évoqué dans son rapport des considérations sur les calorifuges qui ne relevaient pas de sa mission, la cour d'appel en a exactement déduit que le maître d'oeuvre avait satisfait à son obligation de surveillance de l'exécution des travaux qui n'impliquait pas une présence ou un contrôle permanent sur le chantier et que l'obligation de conseil du contrôleur technique ne pouvait être recherchée en dehors du champ de sa mission ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la SMABTP aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;