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mardi 18 mars 2025

La propriété ne s'éteint pas par le non-usage

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 mars 2025




Rejet


M. SOULARD, premier président



Arrêt n° 134 FS-B

Pourvoi n° G 24-12.891




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 MARS 2025

M. [K] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 24-12.891 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2024 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5, procédure gracieuse), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en cette qualité en son parquet général [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de M. [R], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Teiller, président, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des présidents et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 janvier 2024), par requête reçue le 26 septembre 2022, M. [R] a demandé au président d'un tribunal judiciaire de constater qu'il avait acquis, par usucapion, la propriété de diverses parcelles qu'il occupe et dont les propriétaires ne sont, selon lui, pas identifiables en l'absence d'information actualisée détenue par les services chargés de la publicité foncière.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. M. [R] fait grief à l'arrêt de rejeter sa requête alors :

« 1°/ que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; que s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ; qu'il en résulte que le juge qui fait droit à la requête en usucapion du requérant ne prive pas l'hypothétique propriétaire de la parcelle immobilière, non identifié, d'agir en référé-rétractation afin de provoquer une discussion contradictoire et défendre son droit de propriété ; qu'en estimant que la décision sollicitée, en ce qu'elle aurait pour effet de reconnaître un droit réel de propriété immobilière, ne peut par son essence même être rendue de manière provisoire, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 493 du code de procédure civile ;

2°/ que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; que l'inexistence ou l'impossibilité d'identifier un défendeur constitue un motif légitime à agir par voie de requête ; qu'après avoir constaté que les fiches d'immeubles délivrées par le service de la publicité foncière ne contenaient aucune mention permettant d'identifier un propriétaire pour les parcelles revendiquées, la cour d'appel devait en déduire qu'il n'y avait aucun propriétaire identifiable pour ces parcelles et qu'il était nécessairement fondé à ne pas appeler une hypothétique partie, sauf à méconnaître le sens et la portée de l'article 493 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

5. Selon l'article 2227 du code civil, le droit de propriété est imprescriptible.

6. Il est jugé que la propriété ne s'éteint pas par le non-usage (3e Civ., 5 juin 2002, pourvoi n° 00-16.077, Bull. 2002, III, n° 129 et 3e Civ., 9 juillet 2003, pourvoi n° 02-11.612, Bull. 2003, III, n° 156).

7. Les articles 539 et 713 du code civil ainsi que les articles L. 1122-1 et L. 1123-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques organisent la dévolution des biens immobiliers dont les propriétaires sont décédés sans héritiers, ou dont les successions sont abandonnées, ainsi que celle des biens sans maître ou présumés sans maître.

8. Il a été jugé que l'acquisition par l'Etat des biens visés aux articles 539 et 713 du code civil, dans sa version antérieure, pour ce dernier texte, à la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, se produisait de plein droit même en l'absence de toute formalité d'envoi en possession ou de déclaration de vacance (1re Civ., 14 novembre 2006, pourvoi n° 03-13.473, Bull. 2006, I, n° 491).

9. Il en résulte que celui qui se prévaut d'une usucapion oppose toujours son droit à un autre propriétaire.

10. Par ailleurs, les articles 809 et suivants du code civil permettent à tout intéressé de faire nommer un curateur à succession vacante lorsqu'il ne se présente personne pour réclamer une succession.

11. Dès lors, le défaut de mention du nom d'un propriétaire sur les fiches d'immeubles délivrées par le service de la publicité foncière ne constitue pas, pour celui qui soutient avoir acquis la propriété d'un bien par usucapion, un motif légitime à ne pas appeler d'adversaire et ne l'autorise donc pas à former une demande en constatation d'une usucapion par voie de requête.

12. Le moyen, qui postule le contraire en sa deuxième branche et qui critique des motifs surabondants en sa première branche, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [R] aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le premier président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300134

mercredi 19 février 2025

La possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 janvier 2025




Rejet


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 27 F-D

Pourvoi n° R 22-21.515




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JANVIER 2025

Mme [V] [I] [F], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 22-21.515 contre l'arrêt rendu le 26 juillet 2022 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [O] [M], veuve [E], domiciliée [Adresse 4],

2°/ à Mme [R] [X], domiciliée [Adresse 1],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Toulouse, domicilié en son parquet général [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de Mme [I] [F], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [M], veuve [E] et de Mme [X], et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [I] [F] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Toulouse.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 26 juillet 2022), le 11 février 2020, Mme [I] [F] a saisi un tribunal judiciaire aux fins de voir établir, par la possession d'état, sa filiation paternelle à l'égard de [C] [E], en assignant le fils du défunt, M. [G] [E].

3. Ce dernier ayant renoncé à la succession de son père, Mme [I] [F] a appelé dans la cause, Mme [M], veuve du défunt, et Mme [X], fille de M. [G] [E] et petite-fille du défunt.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. Mme [I] [F] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors :

« 1°/ que le versement, par un parent prétendu, de subsides destinés à entretenir l'enfant constitue un indice de possession d'état de filiation, même si le père a été condamné en justice à les verser, dès lors qu'il n'a pas contesté la décision, non plus que le principe de sa paternité dans des instances ultérieures ; qu'en ayant jugé que les subsides versés par [C] [E] n'étaient pas de nature à établir la possession d'état de sa fille [V] [I] [F], quand le père prétendu n'avait pas fait appel de la décision de condamnation, et n'avait ensuite agi en justice que concernant le montant de la pension alimentaire due, sans dénégation de paternité, la cour d'appel a violé l'article 311-1 du code civil ;

2°/ que le caractère paisible d'une possession d'état d'enfant naturel n'est pas contrariée par la demande ou la défense du père prétendu à de simples actions visant à réduire la pension alimentaire due ; qu'en ayant jugé que les actions en justice auxquelles [C] [E] avait participé était de nature à vicier la possession d'état de sa fille, quand le père prétendu n'avait agi que pour faire réduire ou supprimer la pension alimentaire versée à l'exposante, sans dénier sa paternité, la cour d'appel a violé l'article 311-2 du code civil ;

3°/ que des demandes de réduction ou de suppression d'une pension alimentaire ne sont d'aucune incidence sur la possession d'état ; qu'en ayant jugé que les actions intentées par [C] [E], en vue de réduire ou faire supprimer la pension alimentaire qu'il devait verser à sa fille [V], excluaient toute paternité d'apparence et le caractère paisible de la possession d'état, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation des articles 311-1 et 311-2 du code civil ;

4°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes des attestations de témoins dont ils sont saisis ; qu'en ayant énoncé que l'attestation de Mme [J] se bornait à reproduire les propos de sa mère, quand le témoin faisait état de son vécu personnel et du fait qu'elle avait toujours considéré que sa cousine [V] [I] [F] était la fille de [C] [E], la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

5°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant jugé que la possession d'état de l'exposante de fille de [C] [E] n'était pas établie, sans répondre aux conclusions de Mme [I] [F] ayant fait état de la stratégie procédurale de son père qui avait consisté à ne pas nier sa paternité et à ne même pas réclamer d'expertise biologique pour s'en défaire, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des articles 311-1 et 311-2 du code civil, d'une part, que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir, et, d'autre part, que celle-ci doit être continue, paisible, publique et non équivoque.

7. Après avoir énoncé que la condamnation de [C] [E] à verser des subsides à Mme [I] [F] à la suite d'une action intentée par la mère de celle-ci au début des années 1970, n'établissait pas l'existence d'une filiation paternelle, la cour d'appel a estimé que la contribution à l'entretien de Mme [I] [F] par [C] [E] pendant près de vingt ans, au cours desquelles ce dernier avait toujours dénié, avec fermeté, sa paternité à son égard, ne résultait que du respect de cette condamnation et ne révélait aucun attachement paternel.

8. Elle a constaté, hors toute dénaturation, que les pièces produites aux débats dont elle a souverainement apprécié la valeur et la portée, ne permettaient pas de démontrer l'existence d'un comportement paternel de [C] [E] envers Mme [I] [F].

9. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à un moyen inopérant, a pu en déduire que celle-ci ne bénéficiait pas d'une possession d'état à l'égard de [C] [E].

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [I] [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [I] [F] et la condamne à payer à Mmes [M] et [X] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C100027

Tout jugement doit être motivé

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 janvier 2025




Cassation


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 30 F-D

Pourvoi n° C 22-20.261




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JANVIER 2025

1°/ M. [Y] [C], domicilié [Adresse 1],

2°/ Mme [E] [C], épouse [B], domiciliée [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° C 22-20.261 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2022 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre), dans le litige les opposant à M. [D] [C], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [Y] [C] et de Mme [E] [C], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [D] [C], après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 12 mai 2022), [G] [C] et son épouse, [W] [C], sont respectivement décédés les 26 février 1996 et 5 février 2011, en laissant pour leur succéder leurs trois enfants, MM. [D] et [Y] [C] et Mme [E] [C].

2. Le 19 novembre 1999, M. [D] [C] a conclu avec M. [Y] [C] et Mme [E] [C] un acte de cession transactionnelle de droits successifs par lequel il leur a cédé tous les droits mobiliers et immobiliers lui revenant dans la succession de leur père, composée de la moitié en pleine propriété de deux biens immobiliers situés à [Localité 5] et à [Localité 4], lesquels ont ensuite été vendus par lots à des tiers.

3. Le 20 mai 2015, M. [D] [C] a assigné M. [Y] [C] et Mme [E] [C] aux fins d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [W] [C], demandant la réintégration à l'actif successoral de la plus-value réalisée à la suite des ventes par lots des biens immobiliers, ainsi que de diverses libéralités dont auraient été gratifiés M. [Y] [C] et Mme [E] [C].

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [Y] [C] et Mme [E] [C] font grief à l'arrêt d'ordonner le rapport à la succession de [W] [C] de la somme de 489 891,70 euros, de fixer la part revenant à M. [D] [C] dans la succession de sa mère à la somme de 121 222,95 euros et de les condamner à payer solidairement cette somme à M. [D] [C], ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, alors « que seul peut être soumis au rapport des libéralités l'héritier ab intestat bénéficiaire d'une libéralité reçue du de cujus ; qu'en retenant, pour condamner M. [Y] [C] et Mme [E] [C] à payer à M. [D] [C] la somme de 121 222,95 euros, que la plus-value de 97 960 euros est à réintégrer dans la masse successorale", motif pris que dés lors qu'elle a bénéficié aux autres héritiers dont sa mère, il est logique de la retrouver dans le patrimoine de Mme [C] à hauteur de ses droits dans l'indivision", après avoir pourtant constaté que cette somme constituait une perte de la plus-value dans la succession de son père", ce dont il résultait que la plus-value générée par la vente de l'ensemble immobilier situé à [Localité 5] divisé en plusieurs lots ne constituait pas une libéralité que M. [Y] [C] et Mme [E] [C] avaient reçues de [W] [C], de sorte qu'elle ne pouvait être réintégrée, au titre du rapport, dans la succession de [W] [C], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article 843 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. M. [D] [C] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est nouveau.

6. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 843, alinéa 1er, du code civil :

7. Il résulte de ce texte que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession.

8. Pour ordonner le rapport à la succession de [W] [C] de la somme globale de 489 891,70 euros, fixer la part revenant à M. [D] [C] dans la succession de sa mère à la somme de 121 222,95 euros et condamner solidairement Mme [E] [C] et M. [Y] [C] à payer cette somme à M. [D] [C], l'arrêt retient que la non-révélation du projet de division par lots des biens immobiliers ayant fait l'objet d'un protocole transactionnel, qui préexistait à la signature de ce protocole, avait eu pour conséquence, pour M. [D] [C], une perte de plus-value d'un montant de 97 960 euros dans la succession de son père, dès lors que, s'il en avait été informé, il aurait eu la possibilité de transiger avec ses frère et soeur à un prix supérieur à celui retenu, et que cette plus-value n'a été possible que parce qu'il a cédé ses droits sans connaître ce projet. Il en déduit que, dés lors que cette plus-value a bénéficié aux autres héritiers dont [W] [C], son montant doit se retrouver dans le patrimoine de celle-ci à hauteur de ses droits dans l'indivision et qu'il appartient à Mme [E] [C] et à M. [Y] [C] de la rapporter à la succession de leur mère.

9. En statuant ainsi, sans constater que la somme de 97 960 euros correspondait à une libéralité dont [W] [C] aurait gratifié ces héritiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. M. [Y] [C] et Mme [E] [C] font le même grief à l'arrêt, alors « qu'il appartient à celui qui sollicite le rapport à la succession d'une libéralité consentie par le de cujus de faire la preuve de cette libéralité ; qu'en retenant que devait être réintégré en vue du rapport à la succession de [W] [C] un montant de 244 788 (180 000 + 64 788) euros qui n'a pas été retrouvé à l'ouverture de sa succession et qui ne correspond pas à des dépenses pour les besoins de la de cujus", motifs pris que l'expert a conclu que ce sont 180 000 euros qui ont disparu sur cette période du patrimoine de Mme [W] [C] sans qu'aucun élément ne permettent de dire qu'elle aurait disposé de cette somme", qu'il en déduit que 64 788 euros ont disparu" et qu' il ne peut s'agir également de simples sommes perçues à titre de cadeaux dans des circonstances particulières dés lors qu'interrogés sur cette question les intimés n'ont pas apporté d'éléments en ce sens et qu'il n'est pas démontré que ses versements viendraient en remboursement de frais occasionnés par la de cujus et pour ses besoins", la cour d'appel, tout en reprochant à M. [Y] [C] et Mme [E] [C] de ne pas rapporter d'éléments prouvant la destination des sommes de 180 000 et 64 788 euros, a déduit du seul constat de leur disparition inexpliquée dans les comptes bancaires de la défunte l'existence de libéralités au profit de ces derniers et a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315, devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1353 du code civil :

11. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

12. Pour ordonner le rapport à la succession de [W] [C] de la somme globale de 489 891,70 euros, fixer la part revenant à M. [D] [C] dans la succession de sa mère à la somme de 121 222,95 euros et condamner solidairement Mme [E] [C] et M. [Y] [C] à payer cette somme à M. [D] [C], l'arrêt relève encore que, selon les constatations d'un expert judiciaire, des sommes de 180 000 euros et de 64 788 euros, représentant une somme totale de 244 788 euros, ont disparu sans explication des comptes bancaires de la défunte.

13. Il relève ensuite que de nombreux chèques ont été émis du compte courant de [W] [C] entre 2002 et 2010 pour un montant total de 73 900 euros, qu'un sondage effectué a permis d'établir que sur quatorze chèques émis durant l'année 2010, neuf l'ont été par Mme [E] [C] sans que l'expert puisse établir que ces dépenses avaient été faites au seul bénéfice de la défunte.

14. Il retient qu'aucun élément ne vient démontrer que [W] [C] avait vécu d'une manière justifiant des dépenses au-delà de son train de vie habituel.

15. Il retient encore que les liens d'affection l'unissant à sa fille et à M. [Y] [C] et la distance prise par M. [D] [C] avec sa famille démontrent que les mouvements de fonds opérés ne peuvent avoir été faits qu'au profit des premiers et non pour ses besoins personnels, et qu'ils suffisent à expliquer son intention libérale, de sorte qu'il appartient à Mme [E] [C] et à M. [Y] [C] de rapporter la somme de 244 788 (180 000 + 64 788) euros à la succession de leur mère.

16. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à M. [D] [C], qui soutenait que les sommes disparues sans explication des comptes bancaires de la défunte correspondaient à des libéralités consenties à ses frère et soeur, d'établir que [W] [C] avait versé des sommes d'argent au profit de Mme [E] [C] et M. [Y] [C], avec une intention libérale, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche

17. M. [Y] [C] et Mme [E] [C] font le même grief à l'arrêt, alors « que tout jugement doit être motivé ; qu'en retenant que devait être réintégré en vue du rapport à la succession de [W] [C] le montant de 107 496 euros de dépenses non justifiées par les besoins de la de cujus constituant des dons diverses" sans s'expliquer sur l'origine de ce montant et l'existence de ces prétendues dépenses, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

18. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

19. Pour ordonner le rapport à la succession de [W] [C] de la somme globale de 489 891,70 euros, fixer la part revenant à M. [D] [C] dans la succession de sa mère à la somme de 121 222,95 euros et condamner solidairement Mme [E] [C] et M. [Y] [C] à payer cette somme à M. [D] [C], l'arrêt retient encore que la somme de 107 496 euros correspond à des dépenses non justifiées par les besoins de [W] [C] constituant des dons divers, de sorte qu'il appartient à Mme [E] [C] et à M. [Y] [C] de la rapporter à la succession de leur mère.

20. En statuant ainsi, par des motifs péremptoires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

21. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt ordonnant le rapport à la succession de [W] [C] de la somme de 489 891,70 euros, fixant la part revenant à M. [D] [C] dans la succession de sa mère [W] [C] à la somme de 121 222,95 euros et condamnant Mme [E] [C] et M. [Y] [C] à lui payer solidairement cette somme, entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant Mme [E] [C] et M. [Y] [C] à payer à M. [D] [C] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne M. [D] [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [D] [C] et le condamne à payer à M. [Y] [C] et Mme [E] [C] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C100030

A peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SA9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 janvier 2025




Cassation


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 33 F-D

Pourvoi n° P 22-22.755



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JANVIER 2025

M. [U] [Z], domicilié [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° P 22-22.755 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2022 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à Mme [G] [Z], épouse [S], domiciliée [Adresse 2], [Localité 4], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daniel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [Z], de Me Carbonnier, avocat de Mme [G] [Z], épouse [S], après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Daniel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 9 mai 2022), [E] [Z] est décédée le 22 janvier 2015, en laissant pour lui succéder ses deux enfants, Mme [G] [Z], épouse [S], et M. [U] [Z].

2. Des difficultés sont survenues lors du règlement de la succession, à l'échéance d'une convention d'indivision portant sur un bien immobilier.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'assignation délivrée par lui à Mme [S] le 26 juillet 2017 et de rejeter les demandes plus amples ou contraires des parties, alors « qu'est recevable l'action en partage introduite sur une assignation précisant les diligences, de quelque nature qu'elles soient, en vue de parvenir à un partage amiable ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que la succession litigieuse ne comprenait qu'un bien immobilier situé à [Localité 4] et, d'autre part, que l'assignation rappelait que Monsieur [Z] avait adressé à sa s?ur une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, restée sans réponse de sa part, aux termes de laquelle il manifestait sa volonté de vendre l'unique bien de la succession et d'en partager le prix avec Madame [S], d'où il résultait que l'assignation précisait quelles diligences avaient été accomplies en vue de parvenir à un partage amiable ; qu'en retenant néanmoins le contraire, pour dire l'action en partage irrecevable, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article 1360 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1360 du code de procédure civile :

4. Aux termes de ce texte, à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

5. Pour déclarer irrecevable l'assignation en partage délivrée le 26 juillet 2017, l'arrêt, après avoir relevé que celle-ci mentionne uniquement au titre des diligences entreprises que Mme [S] n'a pas répondu favorablement à la demande amiable du 3 décembre 2016 en vue du partage, constate que la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à cette date par M. [Z] à sa s?ur rappelait que la convention d'indivision relative à ce bien était arrivée à son terme, signalait qu'il convenait de recourir au partage de l'indivision afin que la maison puisse être mise en vente, proposait un prix de vente et ajoutait qu'en cas d'échec de cette procédure amiable ou de refus, les parties auraient recours à un partage judiciaire. L'arrêt retient ensuite que cette lettre ne peut être assimilée à une tentative de règlement amiable de la succession de leur mère en raison de son objet limité, puisqu'elle atteste seulement de la volonté de M. [Z] de vendre le bien immobilier et ne comporte aucune prétention ni mention concernant la composition de la succession, les comptes à établir et la répartition de l'éventuel actif successoral.

6. En statuant ainsi, alors qu'il n'était fait état d'aucun autre bien relevant de la succession, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq.

Seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SH



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 février 2025




Cassation partielle


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 83 F-D

Pourvoi n° H 22-20.311




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 FÉVRIER 2025

M. [V] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 22-20.311 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2022 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [G] [L], domicilié [Adresse 10],

2°/ à M. [K] [L], domicilié [Adresse 2],

3°/ à M. [E] [L], domicilié [Adresse 3],

4°/ à Mme [F] [L], domiciliée [Adresse 4],

5°/ à Mme [B] [D], épouse [L], domiciliée [Adresse 8],

6°/ à M. [Z] [L], domicilié [Adresse 7],

7°/ à M. [C] [L], domicilié, [Adresse 9],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [V] [L], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de MM. [G], [K] et [E] [L], après débats en l'audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Sara, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 21 mars 2022), [X] [L] et son épouse, [W] [T], sont respectivement décédés les 8 mai 2009 et 10 mars 2018, en laissant pour leur succéder quatre enfants, MM. [G], [Y], [K], et [V] [L], et deux petits-enfants, MM. [Z] et [C] [L], venant en représentation de leur père, [U] [L], prédécédé.

2. MM. [G], [Y], [K], [Z] et [C] [L] ont assigné M. [V] [L] en partage des successions de leurs parents et de la communauté ayant existé entre eux.

3. Mme [B] [D], M. [E] [L] et Mme [F] [L] sont intervenus en qualité d'ayants droit de [Y] [L], décédé en cours d'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, sur le second moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de rapport à la succession de la donation consentie à M. [K] [L], et sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de rapport à la succession de la donation consentie à M. [K] [L], qui est irrecevable, et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, le second moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de rapport à la succession de la donation consentie à M. [K] [L] et le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de réduction de la donation consentie à M. [K] [L], qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [V] [L] fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la succession la somme de 76 552,27 euros au titre du cheptel et matériels reçus, alors « que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession ; qu'en condamnant M. [V] [L] à verser à la succession la somme de 76 552,27 euros au titre du cheptel et matériels reçus aux motifs que "les biens en cause ont été reçus sans contrepartie par M. [V] [L], de sorte que l'opération s'analyse en une donation dont il est dû rapport à la succession", sans constater l'intention libérale des prétendus donateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 843 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 843 du code civil :

6. Il résulte de ce texte que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession.

7. Pour condamner M. [V] [L] à verser à « la succession » la somme de 76 552,27 euros au titre du matériel et du cheptel reçus de ses parents, l'arrêt relève que ces biens étaient, antérieurement à la constitution du groupement agricole d'exploitation en commun, la propriété de [X] et [W] [L]. Il retient que ces derniers n'ont pas été destinataires des fonds empruntés par M. [V] [L] pour financer le cheptel et qu'aucune preuve n'est rapportée du paiement du matériel par ses soins, de sorte que ces biens ont été reçus par celui-ci sans contrepartie. Il en déduit que l'opération s'analyse en une donation dont il est dû rapport à la succession.

8. En se déterminant ainsi, sans caractériser l'intention libérale de [X] et [W] [L] à l'égard de M. [V] [L], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de réduction de la donation consentie à M. [K] [L]

Enoncé du moyen

9. M. [V] [L] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande dirigée contre M. [K] [L] tendant à la réduction d'une donation relative à la parcelle sise à [Localité 5] cadastrée section [Cadastre 6] et supportant un hangar « Auer », alors « que le caractère réductible d'une donation s'apprécie au regard de la valeur du bien lors de l'ouverture de la succession, et non à l'époque de la gratification ; qu'en constatant qu'il résulte de l'acte notarié du 27 janvier 1988 que [X] et [W] [L] ont fait donation à leur fils [K] d'une parcelle de terre d'une valeur de 600 francs, stipulée par préciput et hors part, et en énonçant que "l'hypothèse d'une possible réduction apparaît manifestement irréaliste au regard des valeurs successorales en cause", la cour d'appel, qui a écarté toute réduction de la donation au regard de la valeur du bien au jour de la gratification, a violé l'article 922 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 922 du code civil :

10. Selon ce texte, pour déterminer s'il y a lieu à réduction, il est formé une masse de tous les biens existant au décès du donateur, ceux dont il a été disposé par donation entre vifs étant fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession.

11. Pour rejeter la demande formée par M. [V] [L] aux fins de réduction de la donation litigieuse reçue par M. [K] [L], l'arrêt relève qu'il résulte de l'acte notarié du 27 janvier 1988 que [X] et [W] [L] ont consenti à leur fils M. [K] [L] une donation portant sur une parcelle de terre, d'une valeur de 600 francs et stipulée par préciput et hors part, et retient que l'hypothèse d'une possible réduction apparaît irréaliste au regard des valeurs successorales en cause.

12. En statuant ainsi, alors que, s'agissant d'une donation dispensée de rapport, l'immeuble devait être apprécié d'après son état, à l'époque de la donation et sa valeur à l'ouverture de la succession, la cour d'appel, qui s'est référée à la valeur du bien au jour de la donation, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [V] [L] à rapporter à la succession la somme de 76 552,27 euros au titre du matériel et du cheptel reçu de ses parents, rejette la demande de M. [V] [L] dirigée contre M. [K] [L] tendant à la réduction d'une donation relative à la parcelle sise à [Localité 5] cadastrée section [Cadastre 6] et supportant un hangar « Auer », et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 21 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne MM. [G], [K], [Z], [C] et [E] [L], ainsi que Mme [D] et Mme [F] [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [G], [K], et [E] [L], et les condamne à payer à M. [V] [L] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C100083

lundi 22 avril 2024

L'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis...

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 avril 2024




Cassation sans renvoi


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 175 F-D

Pourvoi n° K 23-11.371




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 AVRIL 2024

La société Daudruy, Lantez-Mani, Van Overbeke, Nivelet, Douriez, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 23-11.371 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2022 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [K] [C], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Daudruy, Lantez-Mani, Van Overbeke, Nivelet, Douriez, de la SCP Spinosi, avocat de Mme [C], après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 24 novembre 2022), [O] [M], décédé le 4 août 2010, avait été condamné à payer à Mme [C] une certaine somme.

2. Le règlement de la succession a été confié à M. [G] (le notaire) puis à la société civile professionnelle Daudruy, Lantez et Van Overbeke (la société notariale).

3. A compter du mois d'avril 2011, Mme [C] s'était rapprochée du notaire afin que sa créance soit prise en compte dans le règlement de la succession.

4. Les ayants-droit de [O] [M] ont accepté la succession à concurrence de l'actif net par déclaration enregistrée au tribunal puis publiée au BODACC le 4 juillet 2011.

5. Le 23 septembre 2019, Mme [C] a assigné la société notariale en responsabilité et indemnisation du préjudice résultant de la perte de sa créance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. La société notariale fait grief à l'arrêt de déclarer l'action non prescrite, alors « que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en jugeant, pour écarter la prescription de l'action indemnitaire formée par Mme [C] contre le notaire tendant à la réparation du dommage causé par l'extinction de sa créance que, dans le courrier du 5 août 2014, le notaire se content[ait] d'indiquer [?] qu'il n'a[vait] pas procédé à la vente d'un immeuble de la succession dont le conseil de Mme [C] entendait faire opposition sur le prix de vente à hauteur de sa créance, quand ce courrier indiquait, en outre, que les ayants droit de Monsieur [M] [avaient] accepté la succession à concurrence de l'actif net, ainsi qu'il résult[ait] de la déclaration effectuée auprès du tribunal de grande instance de Bourges le 16 juin 2011, qu'il précisait qu'à compter de la publicité au BODACC de la déclaration d'acceptation, les créanciers de la succession [avaient] eu un délai de quinze mois pour déclarer leur créance en l'étude, domicile élu de la succession et que faute de déclaration dans les délais, les créances non assorties de sûretés sur les biens de la succession [étaient] éteintes à l'égard de celle-ci, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce courrier dont il résultait que Mme [C] savait ou aurait dû savoir dès le 5 août 2014 que sa créance était éteinte, en violation de l'interdiction de ne pas dénaturer les documents de la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

7. Pour déclarer l'action non prescrite, l'arrêt retient que la lettre adressée le 5 août 2014 par le notaire au conseil de Mme [C] se bornait à indiquer qu'il n'avait pas été procédé à la vente d'un immeuble dépendant de la succession, sur le prix duquel celle-ci entendait faire opposition à hauteur de sa créance.

8. En statuant ainsi, alors que cette lettre indiquait que, sauf erreur de la société notariale, Mme [C] n'avait pas procédé à la déclaration de sa créance dans le délai de quinze mois de la publicité au BODACC de l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net par les ayants- droit de [O] [M], la cour d'appel, qui en a dénaturé le sens clair et précis, a violé le principe susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

12. Mme [C] a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action à compter de la lettre adressée par le notaire à son conseil le 5 août 2014 indiquant que, sauf erreur de la société notariale, elle n'avait pas procédé à la déclaration de sa créance dans le délai de quinze mois de la publicité au BODACC de l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net.


13. Il y a lieu en conséquence de constater que l'action en responsabilité et indemnisation introduite le 23 septembre 2019 par Mme [C] contre la société notariale est prescrite.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable comme prescrite l'action de Mme [C] contre la société civile professionnelle Daudruy, Lantez et Van Overbeke ;

Condamne Mme [C] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C100175

vendredi 22 janvier 2021

Amiante et principe de réparation intégrale

 Note Mélin, GP 2021-3, p. 58

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

MY2



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 septembre 2020




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 890 F-D

Pourvoi n° B 19-19.535




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020

1°/ M. T... Q..., domicilié [...] ,

2°/ M. H... Q..., domicilié [...] ,

3°/ Mme G... I..., veuve Q..., domiciliée [...] ,

tous trois agissant en qualité d'ayants droit de K... Q..., décédé,

ont formé le pourvoi n° B 19-19.535 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige les opposant :

1°/ au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [...] ,

2°/ au ministre des affaires sociales et de la santé, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme G... Q... et MM. H... et T... Q..., de Me Le Prado, avocat de Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme G... I... veuve Q..., M. H... Q... et M. T... Q... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé des affaires sociales et de la santé.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 mai 2019) et les productions, K... Q... est décédé le [...] d'un mésothéliome pleural occasionné par l'amiante.

Sa veuve, Mme G... Q..., ses deux fils, MM. H... et T... Q..., ainsi que sa petite-fille, Mme S... Q..., ont déclaré le décès, ainsi que les circonstances de ce décès, au ministère de la défense, unique employeur de K... Q..., et saisi concomitamment le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).

3. Par décision du 29 mai 2017, le ministère de la défense a reconnu que le décès de K... Q... était consécutif à son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière d'ouvrier d'Etat et dû à la faute inexcusable de l'employeur.

4. Par lettres des 30 mai et 22 septembre 2017, le ministère de la défense a notifié aux ayants droit de K... Q... leur droit à bénéficier d'une indemnité au titre de leur préjudice moral personnel, ainsi que le montant de l'indemnité globale fixée pour l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux du défunt.

5. Par lettre recommandée du 28 juin 2017, le FIVA a adressé aux ayants droit de K... Q... une offre d'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux subis par le défunt et des frais funéraires, excluant en revanche l'indemnisation de leurs préjudices personnels.

6. Insatisfaits de cette offre, Mme G... Q..., ainsi que MM. H... et T... Q... (les consorts Q...), agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de K... Q..., ont saisi la cour d'appel d'Aix-en-Provence aux fins de la contester.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le troisième moyens, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

8. Les consorts Q... font grief à l'arrêt de juger que les préjudices extrapatrimoniaux de K... Q... en lien avec le mésothéliome ont déjà fait l'objet d'un accord amiable d'indemnisation désormais définitif dans le cadre de la procédure de reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur et de rejeter leur demande d'indemnisation au titre de ces préjudices, ainsi que leur demande au titre du préjudice esthétique et la demande de Mme Q... au titre de son préjudice moral, alors :

« 1°/ que seules les décisions juridictionnelles devenues irrévocables allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences dommageables de l'exposition à l'amiante emportent les mêmes effets que le désistement de la demande d'indemnisation présentée au Fonds ; qu'en se fondant sur le versement par l'employeur de K... Q..., à savoir le Ministère de la Défense, de diverses indemnités au titre de sa faute inexcusable pour refuser d'examiner les demandes de réparation présentées au FIVA par ses ayants droit, la cour d'appel a violé l'article 53, IV, de la loi du 23 décembre 2000 ;

2°/ à tout le moins, que la victime d'une maladie due à une exposition à l'amiante peut obtenir la réparation intégrale de ses préjudices, de sorte que s'il doit être tenu compte des indemnités de toute nature reçues d'autres débiteurs du chef du même préjudice, ces dernières ne sont pas de nature à priver la victime de son action ; qu'en se fondant sur le versement par l'employeur de K... Q..., à savoir le Ministère de la Défense, de diverses indemnités au titre de sa faute inexcusable pour refuser d'examiner les demandes de réparation présentées au FIVA par ses ayants-droits, la cour d'appel a violé les articles 53, I, et 53, IV, de la loi du 23 décembre 2000 ;

3° / en toute hypothèse, qu'en retenant que le Ministère de la Défense a versé diverses sommes à la succession en réparation des préjudices extrapatrimoniaux de K... Q... au terme d'un « accord amiable devenu définitif », sans constater la réalité d'un tel accord, contestée par les consorts Q..., que l'absence de contestation ne pouvait suffire à établir, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. Selon l'article 53, IV, alinéa 3, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, l'acceptation de l'offre ou la décision juridictionnelle définitive rendue dans l'action en justice prévue au V vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable tout autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice. Il en va de même des décisions juridictionnelles devenues définitives allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de l'exposition à l'amiante.

10. Au sens de ce texte, l'accord amiable d'indemnisation conclu par une victime de l'amiante ou ses ayants droit à l'occasion de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur rend irrecevable tout autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice.

11. Pour rejeter la demande d'indemnisation des consorts Q..., l'arrêt retient d'abord que l'irrecevabilité a pour but d'éviter toute double indemnisation d'un même préjudice en contradiction avec le principe de réparation intégrale, mais seulement intégrale, de sorte que le FIVA ne peut être condamné à verser une indemnité au titre d'une réparation d'ores et déjà réalisée.

12. Il relève ensuite que les ayants droit de K... Q... ont refusé l'offre du FIVA du 28 juin 2017, tout en saisissant la cour d'appel le 5 septembre 2017, mais que par décision du 22 septembre 2017, le ministère de la défense s'est prononcé sur la réparation des préjudices extrapatrimoniaux de K... Q... en procédant, au terme d'un accord amiable devenu définitif conclu avec les ayants droit du défunt dans le cadre de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, au versement à la succession d'une indemnité totale de 32 801,62 € au titre de ces préjudices du défunt en lien avec le mésothéliome.

13. En l'état de ces énonciations, et de ces constatations dont elle a déduit l'existence d'un accord amiable définitif d'indemnisation, la cour d'appel a exactement décidé, sans encourir les griefs du moyen, que les consorts Q... ne pouvaient solliciter auprès du FIVA l'indemnisation de ces préjudices.

14. Le moyen n'est, par conséquent, pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

15. Les consorts Q... font le même grief à l'arrêt, alors « en tout état de cause, qu'après avoir constaté que le préjudice esthétique de K... Q... n'avait pas été réparé par le Ministère de la Défense, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, ensemble le principe de réparation intégrale, retenir que les consorts Q... ne pouvait en poursuivre l'indemnisation auprès du FIVA. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 53-IV, alinéa 3, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 :

16. Il résulte des dispositions de ce texte que les décisions juridictionnelles devenues irrévocables allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de l'exposition à l'amiante emportent les mêmes effets que le désistement de la demande d'indemnisation présentée au FIVA ou de l'action en justice prévue au V du même article et rendent irrecevable toute autre demande présentée à ce Fonds en réparation du même préjudice.

17. Pour rejeter la demande des consorts Q... au titre du préjudice esthétique de K... Q..., l'arrêt retient qu'il leur appartenait d'épuiser les possibilités indemnitaires offertes du chef de la voie d'indemnisation sélectionnée par eux, en l'espèce le ministère de la défense, ce qui leur interdit désormais de solliciter du FIVA une indemnisation complémentaire du chef de préjudices dont ils n'ont pas poursuivi la reconnaissance.

18. L'arrêt ajoute que l'absence de demande en fixation ou en contestation d'un préjudice esthétique devant le juge naturel saisi ou devant l'organisme intervenant au stade de la conciliation initiale empêche désormais les consorts Q... de solliciter du FIVA, postérieurement au règlement des indemnités qu'ils ont perçues du ministère de la défense, l'indemnisation de ce préjudice qu'ils n'avaient pas précédemment sollicitée auprès de ce ministère.

19. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'indemnisation précédemment obtenue par les ayants droit de K... Q... n'incluait pas celle du préjudice esthétique de celui-ci, qui n'avait pas été sollicitée avant la saisine du FIVA, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Donne acte à Mme G... I... veuve Q..., M. H... Q... et M. T... Q... de ce qu'ils se désistent de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé des affaires sociales et de la santé ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme G... Q... et de MM. H... et T... Q..., en leur qualité d'ayants droit de K... Q..., au titre du préjudice esthétique de K... Q..., l'arrêt rendu le 17 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne le FIVA aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme G... Q... et MM. H... et T... Q..., en leur qualité d'ayants droit de K... Q....