mardi 3 juin 2025

Vente immobilière et principe de réparation intégrale

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 28 mai 2025




Cassation partielle
sans renvoi


M. BOYER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 260 F-D

Pourvoi n° S 23-16.299




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

1°/ M. [E] [M],

2°/ Mme [B] [V], épouse [M],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° S 23-16.299 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2023 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [D] [P],

2°/ à Mme [R] [I],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de M. et Mme [M], de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. [P] et de Mme [I], après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire rapporteur, Mme Abgrall, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 avril 2023), par acte du 18 septembre 2017, M. et Mme [M] (les vendeurs) ont vendu à M. [P] et Mme [I] (les acquéreurs) une maison.

2. Se plaignant de problèmes d'évacuation des eaux usées, les acquéreurs ont, après expertise, assigné les vendeurs en réparation de leurs préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses cinq premières branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

4. Les vendeurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer aux acquéreurs diverses sommes sur le fondement de la garantie des vices cachés et de rejeter leur demande de nullité du rapport d'expertise et de désignation d'un nouvel expert, alors « que les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en fixant le préjudice de jouissance à la somme de 32 130 euros, soit 472,50 euros x 68 mois, après avoir retenu que la période à indemniser allait de mars 2018 à octobre 2022, soit 56 mois, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1645 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice :

5. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués en réparation des dommages dont est responsable le vendeur qui connaissait les vices de la chose doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour l'acquéreur ni perte ni profit.

6. Pour allouer aux acquéreurs la somme de 32 130 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, l'arrêt retient que le trouble subi du fait des désordres doit être réparé à hauteur de 472,50 euros par mois sur une période de 68 mois, arrêtée au mois d'octobre 2022.

7. En statuant ainsi, alors qu'il s'était écoulé moins de 68 mois entre la date d'emménagement des acquéreurs dans la maison en octobre 2017, et la fin de la période indemnisée, soit le mois d'octobre 2022, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation ne s'étend pas aux chefs de dispositif condamnant les vendeurs à payer aux acquéreurs des sommes à d'autres titres qu'à celui du préjudice de jouissance et rejetant la demande de nullité du rapport d'expertise et de désignation d'un nouvel expert, dès lors que les motifs critiqués par le moyen, pris en sa sixième branche, ne sont pas le soutien de ces dispositions.

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Dès lors que les désordres préexistaient à la vente du 18 septembre 2017 et n'étaient toujours pas réparés en octobre 2022, les acquéreurs ont subi un préjudice de jouissance depuis leur emménagement dans la maison, en octobre 2017.

12. Les vendeurs seront, par conséquent, condamnés à payer aux acquéreurs en réparation de leur préjudice de jouissance la somme de 28 822, 50 euros ainsi calculée : 472,50 euros x 61 mois.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. et Mme [M] à payer à M. [P] et Mme [I] la somme de 32 130 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, l'arrêt rendu le 27 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne M. et Mme [M] à payer à M. [P] et Mme [I] la somme de 28 822,50 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;

Dit n'y avoir lieu de modifier les condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles prononcées par les juges du fond ;
Condamne M. [P] et Mme [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300260

Vente immobilière et bouleversement de l'économie du contrat

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL




COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 28 mai 2025




Cassation partielle
sans renvoi


M. BOYER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 259 F-D

Pourvoi n° S 23-22.946






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

La société TP Colle, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 23-22.946 contre deux arrêts rendus les 23 juin 2022 et 21 septembre 2023 par la cour d'appel de Metz (respectivement 3ème chambre et chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Manulor, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société TLI,

2°/ à la société Mariotti et associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société TP Colle, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Manulor, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, Mme Abgrall, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 23 juin 2022, examinée d'office

1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code.

2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance, le demandeur à la cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. La société TP Colle s'est pourvue en cassation contre deux arrêts rendus par la cour d'appel de Metz, l'un le 23 juin 2022, l'autre le 21 septembre 2023, mais aucun des moyens contenus dans le mémoire n'est dirigé contre le premier arrêt.

4. Il y a donc lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 23 juin 2022.

Faits et procédure

5. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 21 septembre 2023), la société TLI, aux droits de laquelle vient la société Manulor, a conclu avec la société TP Colle, pour la construction d'un centre commercial et de loisirs, un marché à forfait concernant le lot VRD.

6. Des travaux supplémentaires ont été exécutés.

7. La société TP Colle a assigné la société TLI en paiement de factures impayées.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. La société TP Colle fait grief à l'arrêt du 21 septembre 2023 d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société TLI à payer la somme de 183812,58 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013 et de condamner la société Manulor, venant aux droits de la société TLI, à lui payer la seule somme de 94 113,99 euros TTC, alors « que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour apprécier l'existence d'un bouleversement de l'économie du contrat, que seuls quatre bâtiments ont été construits sur les six prévus initialement, sans répondre aux conclusions de la société TP Colle faisant valoir que la société TLI avait renoncé à réaliser le bâtiment 6 parce qu'elle avait vendu la parcelle pour la construction d'un drive et que la société TP Colle avait réalisé la voirie initialement prévue pour desservir le bâtiment 6 conformément au marché de base, de sorte que la société TLI avait vendu la parcelle avec les voiries déjà réalisées par la société TP Colle, ce dont il résultait que la renonciation de la société TLI à la construction du bâtiment n'avait pas eu pour effet de diminuer les travaux effectivement réalisés par la société TP Colle au titre du marché forfaitaire, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. La cour d'appel a constaté que seuls quatre bâtiments sur les six initialement prévus avaient été construits et que la comparaison entre les plans du projet et ceux réalisés à la demande de la société Manulor par un géomètre-expert établissait une différence de 20 % entre les surfaces initialement prévues et celles effectivement réalisées, s'agissant des éléments de surface et non pas des réseaux enterrés.

11. Puis elle a relevé que les diminutions de prix admises par la société TP Colle et le maître d'oeuvre et celles démontrées par les plans de M. [G], corroborés par le décompte de M. [I] et la situation de paiement n° 14, établissaient une diminution des quantités réalisées pour un total d'environ 24,50 % du prix du marché initial.

12. Elle en a souverainement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que le bouleversement de l'économie du contrat était démontré et que la société Manulor était, par conséquent, fondée à demander la détermination du prix au regard des quantités réellement mises en oeuvre.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

14. La société TP Colle fait le même grief à l'arrêt du 21 septembre 2023, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; que la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; qu'en refusant d'assortir la condamnation prononcée des intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013, motif pris que la société TP Colle ne réclamait pas les intérêts au taux légal sur sa créance, quand celle-ci sollicitait expressément, outre la condamnation de la SAS Manulor à lui payer la somme de 183 812,58 euros au titre de sa créance de travaux, la confirmation du jugement pour le surplus et n'était, en conséquence, pas tenue de réitérer dans le dispositif de ses conclusions la demande en paiement des intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013, pour laquelle elle avait obtenu gain de cause en première instance, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 954, alinéa 6, du code de procédure civile :

15. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense.

16. Aux termes du second, la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

17. Pour limiter la condamnation de la société Manulor au seul paiement de la créance principale, l'arrêt retient que la société TP Colle ne réclame pas les intérêts au taux légal sur sa créance.


18. En statuant ainsi, alors que, dans le dispositif de ses conclusions, la société TP Colle demandait, outre le paiement d'une créance principale de 183 812,58 euros, la confirmation pour le surplus du jugement, lequel avait accordé les intérêts au taux légal depuis la mise en demeure, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

21. Pour les motifs exposés au paragraphe 18, il sera fait droit à la demande d'intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d'appel de Metz ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de la société Manulor au seul paiement de la créance principale de 94 113,99 euros TTC, l'arrêt rendu le 21 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que la condamnation de la société Manulor à payer à la société TP Colle la somme de 94 113,99 euros TTC portera intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013 ;

Condamne la société Manulor aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Manulor et la condamne à payer à la société TP Colle la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300259

Assurance et activité déclarée

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL




COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 28 mai 2025




Rejet


M. BOYER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 257 F-D

Pourvoi n° H 23-20.177





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

1°/ M. [Z] [S], domicilié [Adresse 3],

2°/ la Mutuelle des architectes français, société d'assurance à forme mutuelle, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° H 23-20.177 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la Mutuelle de Poitiers assurances, société d'assurance à forme mutuelle, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ à Mme [W] [R], épouse [B],

3°/ à M. [M] [B],

tous deux domiciliés [Adresse 7],

4°/ à M. [Z] [I], domicilié [Adresse 5],

5°/ à la société Axa assurances IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

6°/ à la société Atlantique toiture, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [S] et de la Mutuelle des architectes français, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Mutuelle de Poitiers assurances, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. et Mme [B], après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, Mme Abgrall, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 juin 2023), M. et Mme [B] (les maîtres de l'ouvrage) ont fait édifier une maison à ossature bois sous la maîtrise d'oeuvre de M. [S], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF).

2. Le lot ossature bois, charpente et couverture a été confié à la société Atlantique toiture, assurée auprès de la Mutuelle de Poitiers assurances, et le lot menuiserie a été confié à l'entreprise [Z] [I], assurée auprès de la société Axa France IARD.

3. Les travaux ont été réceptionnés le 21 juin 2006, sans réserves.

4. Se plaignant de désordres, les maîtres de l'ouvrage ont assigné, après expertise, les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation sur le fondement de la garantie décennale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. [S] et la MAF font grief à l'arrêt de mettre hors de cause la Mutuelle de Poitiers assurances et de les condamner, en conséquence, in solidum avec d'autres parties à verser aux maîtres de l'ouvrage diverses indemnités, alors :

« 1°/ que constitue une clause d'exclusion de garantie la clause qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie souscrite en considération de circonstances particulières tenant à la réalisation de l'activité déclarée ; qu'ainsi, dans le cadre d'une activité déclarée portant sur la réalisation de charpente en bois et de structure en bois, constitue une clause d'exclusion de garantie celle qui exclut "les maisons et bâtiments à ossature bois, tels que visés par le DTU 31-2 ou les textes qui s'y rattacheraient ou qui lui seraient substitués" ; qu'en décidant que cette clause constituait une condition de la garantie délimitant l'activité assurée, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 et L. 241-1 du code des assurances ;

2°/ que la garantie de l'assureur de responsabilité décennale des constructeurs se rapporte au secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur, sans autre restriction possible que les clauses d'exclusion prévues à l'article A 243-1 du code des assurances ; qu'à ce titre, en particulier, aucune restriction de garantie ne peut être inférée des modalités d'exécution des travaux ; qu'en appliquant, dans le cadre d'une activité déclarée de réalisation de charpente en bois et de structure en bois, une clause écartant de la garantie les "maisons et bâtiments à ossature bois", qui constitue une modalité d'exécution de l'activité déclarée et ne pouvait justifier un refus de garantie, la cour d'appel a violé les articles L. 243-8 et A243-1 du code des assurances ;

3°/ que, même si l'assuré a exercé une activité ne relevant pas de l'activité déclarée à l'assureur, l'assureur ne peut dénier sa garantie que s'il est établi que les travaux à l'origine des désordres ne relèvent pas, ne serait-ce que pour partie, de la seule activité déclarée ; qu'en écartant en l'espèce la garantie de la Mutuelle de Poitiers aux motifs que la société Atlantique toiture n'était pas assurée pour une activité de maison à ossature bois, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les travaux à l'origine des désordres ne relevaient pas de la seule activité déclarée de charpente en bois et structure en bois, et devaient, à ce titre, être pris en charge par l'assureur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 243-8 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel, après avoir énoncé que la clause d'exclusion de garantie est celle qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie souscrite en considération de circonstances particulières tenant à la réalisation du sinistre, a retenu que la stipulation de la police relative à l'activité déclarée excluant les maisons à ossature bois ne constituait pas une exclusion de garantie, faisant ainsi ressortir qu'elle ne se rapportait pas à une circonstance particulière tenant à la réalisation du risque, mais délimitait le champ de la garantie et donc les conditions de celle-ci.

7. Ayant relevé que l'assurée de la Mutuelle de Poitiers assurances avait participé à la réalisation d'une maison à ossature bois et que les désordres constatés liés à son intervention affectaient exclusivement les murs et les habillages latéraux en bois de la façade nord ainsi que les pieds de bardage en façade ouest, faisant ainsi ressortir que ceux-ci ne relevaient pas de manière prépondérante de l'activité déclarée de charpente et structure bois, elle en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la Mutuelle de Poitiers assurances devait être mise hors de cause.

8. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [S] et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [S] et la Mutuelle des architectes français et les condamne à payer à M. et Mme [B] la somme globale de 1 500 euros et à la Mutuelle de Poitiers assurances la somme de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300257 

Action résultant des vices rédhibitoires - prescription applicable au recours d'une personne assignée - police dommages-ouvrage

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 28 mai 2025




Cassation partielle


M. BOYER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 263 FS-B

Pourvoi n° Q 23-18.781




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

1°/ la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société Cobeima, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° Q 23-18.781 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2023 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Bois et matériaux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la societé Zurich Insurance Public Limited Company, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et de la société Cobeima, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat des sociétés Bois et matériaux et Zurich Insurance Public Limited Company, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, Mme Abgrall, conseiller faisant fonction de doyen, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 24 mai 2023), procédant à la réhabilitation de plusieurs logements, l'OPH Alcéane a confié la réalisation du lot bardage à la société Cobeima, assurée auprès de la SMABTP, qui s'est approvisionnée en chevrons de bois auprès de la société Bois et matériaux, assurée auprès de la société Zurich Insurance Public Limited Company (la société Zurich).

2. Une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la SMABTP.

3. Constatant, après réception, l'instabilité de plusieurs panneaux de bardage, l'OPH Alcéane a déclaré le sinistre à la SMABTP.

4. Se prévalant du défaut de traitement des chevrons, la société Cobeima et la SMABTP, en sa double qualité, ont assigné, après le dépôt du rapport d'expertise, par actes des 20 et 25 mai 2020, les sociétés Bois et matériaux et Zurich en paiement sur le fondement de la garantie des vices cachés.

5. Le 1er décembre 2021, l'assureur dommages-ouvrage a versé une indemnité à l'OPH Alcéane.

6. Les sociétés Bois et matériaux et Zurich leur ont notamment opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La SMABTP, assureur de la société Cobeima, fait grief à l'arrêt de déclarer forcloses ses demandes formées contre les sociétés Bois et matériaux et Zurich sur le fondement de la garantie des vices cachés, alors « que le bref délai de l'action récursoire fondée sur la garantie des vices cachés, exercée par l'entrepreneur à l'encontre de son fournisseur, ne court pas à compter du jour de la révélation du vice à l'acquéreur, mais de la date où l'entrepreneur est lui-même assigné ou, en l'absence d'assignation, à la date où le paiement d'une somme d'argent lui est réclamé ; que la cour d'appel a énoncé que le délai de l'article 1648 du code civil court à compter de la découverte du vice, ou de sa connaissance certaine, et que la société Cobeima et la SMABTP avaient eu connaissance de l'origine du vice dès les notes d'analyse du cabinet Steen des 15 juin et 25 juillet 2017, de sorte que le délai de prescription avait commencé à courir le 25 juillet 2017 au plus tard et que, les assignations ayant été délivrées en mai 2020, le recours était « forclos » ; qu'en statuant ainsi, quand, s'agissant du recours de l'assureur subrogé dans les droits d'un entrepreneur contre le vendeur de la chose viciée, et son assureur, le délai de l'action récursoire du premier contre les seconds courait, en l'absence d'assignation de l'entrepreneur par le maître d'ouvrage ou l'assureur dommages-ouvrage qui l'avait indemnisé, à compter de la date à laquelle ces derniers avaient été en mesure de réclamer à l'entrepreneur une somme d'argent en indemnisation du préjudice causé par les vices cachés affectant les matériaux vendus, la cour d'appel a violé l'article 1648 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. Les sociétés Bois et matériaux et Zurich contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que le moyen est nouveau et incompatible avec la thèse soutenue devant la cour d'appel.

9. Cependant, le moyen est de pur droit et n'est pas incompatible avec la thèse de la SMABTP, assureur de responsabilité de la société Cobeima, qui soutenait, dans ses conclusions d'appel, que le point de départ du délai de l'action fondée sur la garantie des vices cachés devait être fixé, en l'absence d'assignation, à la date de la réclamation d'un paiement à l'entrepreneur.

10. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1648, alinéa 1er, du code civil :

11. Aux termes de ce texte, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

12. Il est jugé, en matière d'action récursoire, que la prescription applicable au recours d'une personne assignée en responsabilité contre un tiers qu'il estime coauteur du même dommage a pour point de départ l'assignation qui lui a été délivrée, même en référé, si elle est accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit (Ch. mixte., 19 juillet 2024, pourvoi n° 22-18.729, publié). Tel est le cas du recours d'un constructeur, assigné en responsabilité par le maître de l'ouvrage, contre un autre constructeur ou son sous-traitant (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié). De même, la prescription biennale de l'action récursoire en garantie des vices cachés court à compter de l'assignation (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvois n° 20-10.763 ; n° 21-19.936, publiés).

13. L'action en garantie des vices cachés exercée à l'encontre du fournisseur ou de l'assureur de celui-ci par le constructeur ou son assureur, après indemnisation amiable du maître de l'ouvrage ou de l'assureur dommages-ouvrage subrogé dans les droits de ce dernier, tend à faire supporter par les premiers la dette de réparation du constructeur à l'égard du maître de l'ouvrage.

14. Il en résulte que le délai de prescription de cette action ne court pas à compter de la connaissance du vice par le constructeur mais à compter de l'assignation en responsabilité qui lui a été délivrée, ou, à défaut, à compter de l'exécution de son obligation à réparation.

15. Pour déclarer irrecevable la demande de la SMABTP, assureur de responsabilité de la société Cobeima, l'arrêt retient que cet assureur, qui a remboursé en exécution du contrat d'assurance l'indemnité que l'assureur dommages-ouvrage avait versée au maître de l'ouvrage, n'exerce pas une action récursoire après avoir été assigné, de sorte que, le délai biennal de l'article 1648 du code civil courant à compter de la découverte du vice par l'entreprise, soit en l'espèce, le 25 juillet 2017, date des conclusions de l'expert amiable, l'action en garantie des vices cachés introduite en mai 2020 est tardive.

16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare forcloses les demandes formées par la SMABTP contre les sociétés Bois et matériaux et Zurich Insurance Public Limited Company sur le fondement du vice caché et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne les sociétés Bois et matériaux et Zurich Insurance Public Limited Company aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2025:C300263

lundi 2 juin 2025

Application immédiate d'une jurisprudence nouvelle et procès équitable

 Note G. Deharo, SJ G 2025, p. 970.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 22 mai 2025




Annulation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 492 F-B

Pourvoi n° M 22-22.868




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 MAI 2025

1°/ M. [L] [W],

2°/ Mme [E] [P], épouse [W],

tous deux, domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° M 22-22.868 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant à M. [T] [V], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [W], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [V], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 septembre 2022), rendu sur renvoi après cassation (Com., 14 avril 2021, pourvoi n° 19-15.077), la société AZ Concept (la société) a été condamnée, par un arrêt du 16 juin 2016, à payer diverses sommes à M. et Mme [W] au titre de sa responsabilité contractuelle.

2. La société a été dissoute le 21 juillet 2013, M. [V] étant désigné en qualité de liquidateur amiable. Puis, la société a été placée en liquidation judiciaire le 28 mars 2017.

3. Reprochant à M. [V] plusieurs fautes, M. et Mme [W] ont recherché sa responsabilité et demandé sa condamnation au paiement des sommes dues par la société.

4. Par déclaration du 1er mars 2018, ils ont relevé appel du jugement du 15 janvier 2018 qui les a déboutés de leurs demandes et par un arrêt du 29 novembre 2018, une cour d'appel a confirmé le jugement.

5. Cet arrêt ayant été cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 14 avril 2021, M. et Mme [W] ont saisi la cour d'appel de renvoi par une déclaration du 19 mai 2021.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [W] font grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 15 janvier 2018 du tribunal de grande instance de Toulon, alors « qu'est interdite l'application immédiate d'une règle de procédure, résultant d'une interprétation nouvelle des articles 542 et 954 du code de procédure civile, à une instance introduite par une déclaration d'appel antérieure à sa formulation, lorsque cette application immédiate a été expressément exclue par la Cour de cassation ; qu'en retenant qu'il résultait des dispositions combinées des articles 542 et 954 du code de procédure civile qu'à défaut de demande de réformation du jugement déféré, la cour d'appel ne pouvait que le confirmer et que ces dispositions applicables depuis le 1er septembre 2017, avaient été rappelées par l'arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2020, qui était donc antérieur à la saisine après cassation de la Cour par M. et Mme [W] laquelle était en date du 19 mai 2021, sans rechercher si la date de la déclaration d'appel de M. et Mme [W] n'était pas antérieure à l'arrêt du 17 septembre 2020, ce qui excluait l'application au litige de l'interprétation nouvelle retenue par cet arrêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 542 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542, 631 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. Il résulte des premier et troisième de ces textes que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

8. Il résulte du deuxième que devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation. Par conséquent, c'est la même instance d'appel qui reprend et se poursuit devant la cour d'appel de renvoi.

9. Il découle de ce qui précède que la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation n'est pas une déclaration d'appel et n'introduit pas une nouvelle instance mais entraîne la poursuite de l'instance d'appel initiale. En conséquence, lorsque cette instance a été introduite par une déclaration d'appel antérieure à l'arrêt du 17 septembre 2020, la règle de procédure nouvelle énoncée pour la première fois par cet arrêt ne peut recevoir application, quand bien même la déclaration de saisine serait postérieure au 17 septembre 2020.

10. Pour confirmer le jugement du 15 janvier 2018, l'arrêt retient qu'alors que M. et Mme [W] ont visé, dans leur acte de saisine après cassation, le jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 15 janvier 2018, ils sollicitent, dans leurs écritures après cassation, la réformation du jugement rendu par ce même tribunal le 13 janvier 2014, et qu'il résulte des dispositions combinées des articles 542 et 954 du code de procédure civile qu'à défaut de demande de réformation du jugement déféré, la cour d'appel ne peut que le confirmer, ces dispositions ayant été rappelées par l'arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2020, qui est antérieur à la saisine après cassation de la cour d'appel par M. et Mme [W], laquelle est datée du 19 mai 2021.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel, soit le 1er mars 2018, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver M. et Mme [W] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et le condamne à payer à M. et Mme [W] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-deux mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C200492

mercredi 28 mai 2025

Lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation du jugement ni son annulation la cour d'appel confirme la décision

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 22 mai 2025




Annulation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 492 F-B

Pourvoi n° M 22-22.868




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 MAI 2025

1°/ M. [L] [W],

2°/ Mme [E] [P], épouse [W],

tous deux, domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° M 22-22.868 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant à M. [T] [V], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [W], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [V], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 septembre 2022), rendu sur renvoi après cassation (Com., 14 avril 2021, pourvoi n° 19-15.077), la société AZ Concept (la société) a été condamnée, par un arrêt du 16 juin 2016, à payer diverses sommes à M. et Mme [W] au titre de sa responsabilité contractuelle.

2. La société a été dissoute le 21 juillet 2013, M. [V] étant désigné en qualité de liquidateur amiable. Puis, la société a été placée en liquidation judiciaire le 28 mars 2017.

3. Reprochant à M. [V] plusieurs fautes, M. et Mme [W] ont recherché sa responsabilité et demandé sa condamnation au paiement des sommes dues par la société.

4. Par déclaration du 1er mars 2018, ils ont relevé appel du jugement du 15 janvier 2018 qui les a déboutés de leurs demandes et par un arrêt du 29 novembre 2018, une cour d'appel a confirmé le jugement.

5. Cet arrêt ayant été cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 14 avril 2021, M. et Mme [W] ont saisi la cour d'appel de renvoi par une déclaration du 19 mai 2021.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [W] font grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 15 janvier 2018 du tribunal de grande instance de Toulon, alors « qu'est interdite l'application immédiate d'une règle de procédure, résultant d'une interprétation nouvelle des articles 542 et 954 du code de procédure civile, à une instance introduite par une déclaration d'appel antérieure à sa formulation, lorsque cette application immédiate a été expressément exclue par la Cour de cassation ; qu'en retenant qu'il résultait des dispositions combinées des articles 542 et 954 du code de procédure civile qu'à défaut de demande de réformation du jugement déféré, la cour d'appel ne pouvait que le confirmer et que ces dispositions applicables depuis le 1er septembre 2017, avaient été rappelées par l'arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2020, qui était donc antérieur à la saisine après cassation de la Cour par M. et Mme [W] laquelle était en date du 19 mai 2021, sans rechercher si la date de la déclaration d'appel de M. et Mme [W] n'était pas antérieure à l'arrêt du 17 septembre 2020, ce qui excluait l'application au litige de l'interprétation nouvelle retenue par cet arrêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 542 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542, 631 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. Il résulte des premier et troisième de ces textes que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

8. Il résulte du deuxième que devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation. Par conséquent, c'est la même instance d'appel qui reprend et se poursuit devant la cour d'appel de renvoi.

9. Il découle de ce qui précède que la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation n'est pas une déclaration d'appel et n'introduit pas une nouvelle instance mais entraîne la poursuite de l'instance d'appel initiale. En conséquence, lorsque cette instance a été introduite par une déclaration d'appel antérieure à l'arrêt du 17 septembre 2020, la règle de procédure nouvelle énoncée pour la première fois par cet arrêt ne peut recevoir application, quand bien même la déclaration de saisine serait postérieure au 17 septembre 2020.

10. Pour confirmer le jugement du 15 janvier 2018, l'arrêt retient qu'alors que M. et Mme [W] ont visé, dans leur acte de saisine après cassation, le jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 15 janvier 2018, ils sollicitent, dans leurs écritures après cassation, la réformation du jugement rendu par ce même tribunal le 13 janvier 2014, et qu'il résulte des dispositions combinées des articles 542 et 954 du code de procédure civile qu'à défaut de demande de réformation du jugement déféré, la cour d'appel ne peut que le confirmer, ces dispositions ayant été rappelées par l'arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2020, qui est antérieur à la saisine après cassation de la cour d'appel par M. et Mme [W], laquelle est datée du 19 mai 2021.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel, soit le 1er mars 2018, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver M. et Mme [W] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et le condamne à payer à M. et Mme [W] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-deux mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C200492