Etude D. Pozzana, RDI 2023, p. 276.
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mardi 6 juin 2023
Garantie des vices cachés versus délivrance conforme ou la grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf
Tribune M. Poumarède, RDI 2023, p. 261.
Les assureurs "dommages ouvrage" ne démontraient pas avoir été privés de leur recours subrogatoire du fait des assurés
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-13.410
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300352
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 25 mai 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, du 01 décembre 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 352 FS-B
Pourvoi n° F 22-13.410
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
1°/ la société MMA IARD, société anonyme,
2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurances mutuelles,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° F 22-13.410 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [T] [Y],
2°/ à Mme [G] [N],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [Y] et de Mme [N], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 1er décembre 2021), M. [Y] et Mme [N] ont souscrit auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA) une assurance dommages-ouvrage pour la construction d'un immeuble d'habitation, dont la réception tacite est intervenue le 8 septembre 2003.
2. Le 24 juin 2013, M. [Y] et Mme [N] ont déclaré divers désordres à l'assureur dommages-ouvrage qui, après un rapport préliminaire du 14 août 2013, complété par un second rapport du 3 février 2014, a formulé, le 5 février 2014, une proposition d'indemnisation partielle.
3. M. [Y] et Mme [N] ont, après expertise, assigné l'assureur en réparation de leurs entiers préjudices. Les sociétés MMA leur ont, notamment, opposé l'exception de subrogation de l'article L. 112-12, alinéa 2, du code des assurances, au motif qu'ils avaient contracté avec une autre entreprise que celle initialement désignée, sans vérifier que celle-ci avait souscrit une assurance de responsabilité décennale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les sociétés MMA font grief à l'arrêt de les condamner à payer diverses sommes à M. [Y] et Mme [N] en indemnisation de leurs préjudices matériels et immatériels, alors « que lorsque la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur dommages-ouvrage, celui-ci peut être déchargé en tout ou partie de sa responsabilité à l'égard de l'assuré ; que la cour d'appel a retenu, par ses motifs propres, qu'en l'état d'une garantie dommage-ouvrage qui expirait le 30 juin 2013, les consorts [Y]-[N] ayant déclaré leur sinistre avant l'expiration de ladite garantie, soit le 13 juin 2013, les MMA ne démontraient pas que le maître d'ouvrage avait laissé s'éteindre ses actions en responsabilité contre l'entreprise [L] pour la pose du carrelage, la disparition de cette entreprise n'étant pas du fait des consorts [Y]-[N] et n'empêchant pas le recours subrogatoire des assureurs, et aux motifs adoptés des premiers juges, que les MMA s'étaient abstenues d'appeler en la cause l'assureur de M. [L], à savoir la MAAF ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer, comme elle y était conviée par les conclusions d'appel des MMA, sur la circonstance que l'entreprise [L] n'avait pas souscrit d'assurance de responsabilité décennale auprès de la MAAF, et sans rechercher si le fait, pour les consorts [Y]-[N], d'avoir omis de vérifier si cette entreprise avait dûment souscrit une assurance de responsabilité décennale, et/ou d'avoir omis d'indiquer aux MMA, que cette entreprise n'en avait pas contracté, ne constituait pas une faute des assurés ayant privé les MMA de la possibilité d'exercer leur recours subrogatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-12 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, qui a relevé que le maître de l'ouvrage avait déclaré le sinistre à l'assureur dommages-ouvrage le 24 juin 2013, soit avant l'expiration du délai de dix ans ayant couru à compter de la date de réception tacite du 8 septembre 2003, a constaté que le rapport préliminaire de l'assureur dommages-ouvrage, remis le 14 août 2013, avait été suivi d'un second rapport du 3 février 2014 et d'une proposition d'indemnisation du 5 février 2014.
6. Ayant ainsi fait ressortir que, le délai de garantie décennale étant alors expiré, l'impossibilité du recours subrogatoire était due aux seuls délais d'instruction de la déclaration de sinistre prévus à l'article L. 242-1 du code des assurances, elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à d'autres recherches, que les assureurs ne démontraient pas avoir été privés de leur recours subrogatoire du fait des assurés.
7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. Les sociétés MMA font grief à l'arrêt de les condamner à payer diverses sommes à M. [Y] et Mme [N] en indemnisation de leurs préjudices matériels et immatériels, alors :
« 1°/ que la mise en oeuvre de la garantie décennale exige que l'impropriété à destination ou l'atteinte à la solidité de l'ouvrage survienne avant l'expiration du délai d'épreuve de dix ans dont le point de départ est la date de réception de l'ouvrage ; que la cour d'appel ayant constaté que la réception de l'immeuble des consorts [Y]-[N] était intervenue le 8 septembre 2003 et que l'expert judiciaire avait constaté que le carrelage du rez-de-chaussée était fissuré cassé en différents endroits, a, pour retenir la garantie décennale des MMA, déclaré aux motifs adoptés des premiers juges que l'expert judiciaire avait indiqué que ce désordre était intrinsèque à la construction existant depuis la date de réalisation de l'ouvrage pour être imputable à la chape mal exécutée ; qu'en statuant ainsi, cependant que le rapport d'expertise judiciaire, sollicité par une demande en justice des consorts [Y]-[N] du 15 juillet 2014, avait été déposé le 4 juillet 2016, et sans constater que les fissures et bris du carrelage du rez-de-chaussée étaient survenus dans le délai décennal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et suivants du code civil ;
2°/ que le désordre évolutif est celui qui, né après l'expiration du délai décennal, trouve son siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature présentant le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil a été dénoncé avant l'expiration du délai de garantie décennale ; que la cour d'appel a retenu que la chape ayant servi de support à la pose du carrelage était identique au 1er étage et au rez-de-chaussée, la maigreur de cette chape causant les mêmes effets (fissures et casse des carreaux), et tant par ses motifs propres qu'aux motifs adoptés des premiers juges, que devait être traité de même manière le désordre affectant le carrelage du rez-de-chaussée, survenu après expiration du délai de dix ans, et le désordre affectant le 1er étage apparu avant expiration de ce délai, au regard de la "jurisprudence opposée en matière de corbeaux d'un immeuble qui avait opéré une distinction entre ceux affectés d'un désordre avant le délai décennal et d'autres plus de dix ans après" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses constatations que les désordres affectant la chape du rez-de-chaussée et celle du 1er étage affectaient deux ouvrages distincts et indépendants, la cour d'appel a violé les articles 1792 et suivants du code civil. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel, qui a constaté que le désordre affectant le carrelage fissuré et cassé du premier étage avait été pris en charge par l'assureur dommages-ouvrage, a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'expertise diligentée par celui-ci avait conclu que deux carreaux sur trois du carrelage du rez-de-chaussée sonnaient creux et que l'expert judiciaire avait imputé ces désordres à un même défaut d'exécution lié au délitement de la chape résultant d'un insuffisant dosage de la colle et au passage de fourreaux dans la chape de support sans chape de ravoirage.
10. Ayant souverainement retenu que les pathologies affectant le carrelage du rez-de-chaussée étaient identiques à celles du premier étage, ce dont il résultait que les désordres constatés par l'expert affectant le carrelage du rez-de-chaussée trouvaient leur siège dans un même ouvrage où un désordre identique avait été constaté avant l'expiration du délai de garantie décennale, elle en a exactement déduit que la garantie de l'assureur dommages-ouvrage au titre des désordres du carrelage du rez-de-chaussée était due.
11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Les sociétés MMA font le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que la mise en oeuvre de la garantie décennale exige que l'impropriété à destination ou l'atteinte à la solidité de l'ouvrage survienne avant l'expiration du délai d'épreuve de dix ans dont le point de départ est la date de réception de l'ouvrage ; que sur l'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée, la cour d'appel a déclaré aux motifs adoptés des premiers juges que l'expert attribuait les traces de moisissure s'y trouvant à une saturation d'humidité de la chape, l'eau remontant par capillarité dans les cloisons périphériques et sur les plaques non hydrofuges et que ce désordre rendait l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'en statuant ainsi, cependant que le rapport d'expertise judiciaire, sollicité par une demande en justice des consorts [Y]-[N] du 15 juillet 2014, avait été déposé le 4 juillet 2016, et sans constater que l'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée et la moisissure étaient survenues dans le délai décennal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et suivants du code civil ;
2°/ que le désordre évolutif est celui qui, né après l'expiration du délai décennal trouve son siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature présentant le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil a été dénoncé avant l'expiration du délai de garantie décennale ; que sur l'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée, la cour d'appel a déclaré que ce problème constaté provenait d'une saturation d'humidité de la chape, l'eau remontant par capillarité dans les cloisons périphériques et sur les plaques non hydrofuges et "rel[evait] donc du désordre affectant la chape et la pose du carrelage dans l'ensemble de la maison" ; que cependant, il résulte du premier moyen que les constatations de la cour d'appel ne permettaient pas de situer l'apparition du désordre affectant le carrelage du rez-de-chaussée avant l'expiration du délai d'épreuve de dix ans et qu'il résultait en revanche de ses constatations que les désordres affectant le carrelage du rez-de-chaussée ne trouvaient pas leur siège dans les désordres affectant le carrelage du premier étage constatés dans le délai décennal ; que par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef du premier moyen devra entraîner la cassation de l'arrêt en ce qu'il a considéré que le désordre résidant dans l'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée revêtait une nature décennale. »
Réponse de la Cour
13. En premier lieu, ayant retenu le caractère décennal du désordre affectant tant le carrelage du premier étage que celui du rez-de-chaussée, résultant du délitement de la chape lié à un défaut d'exécution d'origine, celle-ci s'apparentant à un simple lit de sable, la cour d'appel a relevé que les traces de moisissures en pied de cloison des WC du rez-de-chaussée, constatées par l'expert, provenaient d'une saturation d'humidité de la chape, l'eau remontant par capillarité dans les cloisons périphériques et sur les plaques non hydrofuges.
14. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que le phénomène d'humidité relevait du désordre affectant la chape et la pose du carrelage dans l'ensemble de la maison, dont elle avait retenu le caractère décennal pour avoir été constaté avant l'expiration du délai d'épreuve.
15. En second lieu, le grief de la seconde branche, tiré, par suite d'une erreur matérielle dans l'énoncé du moyen, d'une annulation par voie de conséquence d'une éventuelle cassation à intervenir sur le premier moyen, alors que la cassation invoquée ne pouvait être que celle à intervenir que sur le deuxième moyen, est devenu sans portée, la cassation n'étant pas prononcée sur celui-ci.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 352 FS-B
Pourvoi n° F 22-13.410
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
1°/ la société MMA IARD, société anonyme,
2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurances mutuelles,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° F 22-13.410 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [T] [Y],
2°/ à Mme [G] [N],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [Y] et de Mme [N], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 1er décembre 2021), M. [Y] et Mme [N] ont souscrit auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA) une assurance dommages-ouvrage pour la construction d'un immeuble d'habitation, dont la réception tacite est intervenue le 8 septembre 2003.
2. Le 24 juin 2013, M. [Y] et Mme [N] ont déclaré divers désordres à l'assureur dommages-ouvrage qui, après un rapport préliminaire du 14 août 2013, complété par un second rapport du 3 février 2014, a formulé, le 5 février 2014, une proposition d'indemnisation partielle.
3. M. [Y] et Mme [N] ont, après expertise, assigné l'assureur en réparation de leurs entiers préjudices. Les sociétés MMA leur ont, notamment, opposé l'exception de subrogation de l'article L. 112-12, alinéa 2, du code des assurances, au motif qu'ils avaient contracté avec une autre entreprise que celle initialement désignée, sans vérifier que celle-ci avait souscrit une assurance de responsabilité décennale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les sociétés MMA font grief à l'arrêt de les condamner à payer diverses sommes à M. [Y] et Mme [N] en indemnisation de leurs préjudices matériels et immatériels, alors « que lorsque la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur dommages-ouvrage, celui-ci peut être déchargé en tout ou partie de sa responsabilité à l'égard de l'assuré ; que la cour d'appel a retenu, par ses motifs propres, qu'en l'état d'une garantie dommage-ouvrage qui expirait le 30 juin 2013, les consorts [Y]-[N] ayant déclaré leur sinistre avant l'expiration de ladite garantie, soit le 13 juin 2013, les MMA ne démontraient pas que le maître d'ouvrage avait laissé s'éteindre ses actions en responsabilité contre l'entreprise [L] pour la pose du carrelage, la disparition de cette entreprise n'étant pas du fait des consorts [Y]-[N] et n'empêchant pas le recours subrogatoire des assureurs, et aux motifs adoptés des premiers juges, que les MMA s'étaient abstenues d'appeler en la cause l'assureur de M. [L], à savoir la MAAF ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer, comme elle y était conviée par les conclusions d'appel des MMA, sur la circonstance que l'entreprise [L] n'avait pas souscrit d'assurance de responsabilité décennale auprès de la MAAF, et sans rechercher si le fait, pour les consorts [Y]-[N], d'avoir omis de vérifier si cette entreprise avait dûment souscrit une assurance de responsabilité décennale, et/ou d'avoir omis d'indiquer aux MMA, que cette entreprise n'en avait pas contracté, ne constituait pas une faute des assurés ayant privé les MMA de la possibilité d'exercer leur recours subrogatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-12 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, qui a relevé que le maître de l'ouvrage avait déclaré le sinistre à l'assureur dommages-ouvrage le 24 juin 2013, soit avant l'expiration du délai de dix ans ayant couru à compter de la date de réception tacite du 8 septembre 2003, a constaté que le rapport préliminaire de l'assureur dommages-ouvrage, remis le 14 août 2013, avait été suivi d'un second rapport du 3 février 2014 et d'une proposition d'indemnisation du 5 février 2014.
6. Ayant ainsi fait ressortir que, le délai de garantie décennale étant alors expiré, l'impossibilité du recours subrogatoire était due aux seuls délais d'instruction de la déclaration de sinistre prévus à l'article L. 242-1 du code des assurances, elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à d'autres recherches, que les assureurs ne démontraient pas avoir été privés de leur recours subrogatoire du fait des assurés.
7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. Les sociétés MMA font grief à l'arrêt de les condamner à payer diverses sommes à M. [Y] et Mme [N] en indemnisation de leurs préjudices matériels et immatériels, alors :
« 1°/ que la mise en oeuvre de la garantie décennale exige que l'impropriété à destination ou l'atteinte à la solidité de l'ouvrage survienne avant l'expiration du délai d'épreuve de dix ans dont le point de départ est la date de réception de l'ouvrage ; que la cour d'appel ayant constaté que la réception de l'immeuble des consorts [Y]-[N] était intervenue le 8 septembre 2003 et que l'expert judiciaire avait constaté que le carrelage du rez-de-chaussée était fissuré cassé en différents endroits, a, pour retenir la garantie décennale des MMA, déclaré aux motifs adoptés des premiers juges que l'expert judiciaire avait indiqué que ce désordre était intrinsèque à la construction existant depuis la date de réalisation de l'ouvrage pour être imputable à la chape mal exécutée ; qu'en statuant ainsi, cependant que le rapport d'expertise judiciaire, sollicité par une demande en justice des consorts [Y]-[N] du 15 juillet 2014, avait été déposé le 4 juillet 2016, et sans constater que les fissures et bris du carrelage du rez-de-chaussée étaient survenus dans le délai décennal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et suivants du code civil ;
2°/ que le désordre évolutif est celui qui, né après l'expiration du délai décennal, trouve son siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature présentant le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil a été dénoncé avant l'expiration du délai de garantie décennale ; que la cour d'appel a retenu que la chape ayant servi de support à la pose du carrelage était identique au 1er étage et au rez-de-chaussée, la maigreur de cette chape causant les mêmes effets (fissures et casse des carreaux), et tant par ses motifs propres qu'aux motifs adoptés des premiers juges, que devait être traité de même manière le désordre affectant le carrelage du rez-de-chaussée, survenu après expiration du délai de dix ans, et le désordre affectant le 1er étage apparu avant expiration de ce délai, au regard de la "jurisprudence opposée en matière de corbeaux d'un immeuble qui avait opéré une distinction entre ceux affectés d'un désordre avant le délai décennal et d'autres plus de dix ans après" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses constatations que les désordres affectant la chape du rez-de-chaussée et celle du 1er étage affectaient deux ouvrages distincts et indépendants, la cour d'appel a violé les articles 1792 et suivants du code civil. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel, qui a constaté que le désordre affectant le carrelage fissuré et cassé du premier étage avait été pris en charge par l'assureur dommages-ouvrage, a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'expertise diligentée par celui-ci avait conclu que deux carreaux sur trois du carrelage du rez-de-chaussée sonnaient creux et que l'expert judiciaire avait imputé ces désordres à un même défaut d'exécution lié au délitement de la chape résultant d'un insuffisant dosage de la colle et au passage de fourreaux dans la chape de support sans chape de ravoirage.
10. Ayant souverainement retenu que les pathologies affectant le carrelage du rez-de-chaussée étaient identiques à celles du premier étage, ce dont il résultait que les désordres constatés par l'expert affectant le carrelage du rez-de-chaussée trouvaient leur siège dans un même ouvrage où un désordre identique avait été constaté avant l'expiration du délai de garantie décennale, elle en a exactement déduit que la garantie de l'assureur dommages-ouvrage au titre des désordres du carrelage du rez-de-chaussée était due.
11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Les sociétés MMA font le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que la mise en oeuvre de la garantie décennale exige que l'impropriété à destination ou l'atteinte à la solidité de l'ouvrage survienne avant l'expiration du délai d'épreuve de dix ans dont le point de départ est la date de réception de l'ouvrage ; que sur l'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée, la cour d'appel a déclaré aux motifs adoptés des premiers juges que l'expert attribuait les traces de moisissure s'y trouvant à une saturation d'humidité de la chape, l'eau remontant par capillarité dans les cloisons périphériques et sur les plaques non hydrofuges et que ce désordre rendait l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'en statuant ainsi, cependant que le rapport d'expertise judiciaire, sollicité par une demande en justice des consorts [Y]-[N] du 15 juillet 2014, avait été déposé le 4 juillet 2016, et sans constater que l'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée et la moisissure étaient survenues dans le délai décennal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et suivants du code civil ;
2°/ que le désordre évolutif est celui qui, né après l'expiration du délai décennal trouve son siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature présentant le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil a été dénoncé avant l'expiration du délai de garantie décennale ; que sur l'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée, la cour d'appel a déclaré que ce problème constaté provenait d'une saturation d'humidité de la chape, l'eau remontant par capillarité dans les cloisons périphériques et sur les plaques non hydrofuges et "rel[evait] donc du désordre affectant la chape et la pose du carrelage dans l'ensemble de la maison" ; que cependant, il résulte du premier moyen que les constatations de la cour d'appel ne permettaient pas de situer l'apparition du désordre affectant le carrelage du rez-de-chaussée avant l'expiration du délai d'épreuve de dix ans et qu'il résultait en revanche de ses constatations que les désordres affectant le carrelage du rez-de-chaussée ne trouvaient pas leur siège dans les désordres affectant le carrelage du premier étage constatés dans le délai décennal ; que par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef du premier moyen devra entraîner la cassation de l'arrêt en ce qu'il a considéré que le désordre résidant dans l'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée revêtait une nature décennale. »
Réponse de la Cour
13. En premier lieu, ayant retenu le caractère décennal du désordre affectant tant le carrelage du premier étage que celui du rez-de-chaussée, résultant du délitement de la chape lié à un défaut d'exécution d'origine, celle-ci s'apparentant à un simple lit de sable, la cour d'appel a relevé que les traces de moisissures en pied de cloison des WC du rez-de-chaussée, constatées par l'expert, provenaient d'une saturation d'humidité de la chape, l'eau remontant par capillarité dans les cloisons périphériques et sur les plaques non hydrofuges.
14. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que le phénomène d'humidité relevait du désordre affectant la chape et la pose du carrelage dans l'ensemble de la maison, dont elle avait retenu le caractère décennal pour avoir été constaté avant l'expiration du délai d'épreuve.
15. En second lieu, le grief de la seconde branche, tiré, par suite d'une erreur matérielle dans l'énoncé du moyen, d'une annulation par voie de conséquence d'une éventuelle cassation à intervenir sur le premier moyen, alors que la cassation invoquée ne pouvait être que celle à intervenir que sur le deuxième moyen, est devenu sans portée, la cassation n'étant pas prononcée sur celui-ci.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 21-24.055
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300337
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 25 mai 2023
Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, du 22 septembre 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 337 F-D
Pourvoi n° F 21-24.055
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
Mme [R] [J]-[C], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° F 21-24.055 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [J], domicilié [Adresse 3],
2°/ à Mme [L] [V], domiciliée [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [J]-[C], après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 22 septembre 2021), Mme [J]-[C] est propriétaire d'un ensemble immobilier contigu à la propriété agricole appartenant à son père, M. [J], et à Mme [V].
2. Elle les a assignés en démolition du mur édifié sur leur parcelle cadastrée E n° [Cadastre 2] qui, selon elle, obstruait une servitude de passage dont elle bénéficiait et provoquait des infiltrations d'eaux sur sa propriété.
Examen des moyens
Sur les deux moyens, pris en leurs secondes branches, réunis
Enoncé des moyens
3. Par son premier moyen, Mme [J]-[C] reproche à l'arrêt de rejeter sa demande de destruction du mur, alors « que le principe selon lequel « nul ne peut se constituer une preuve à soi-même » ne s'applique pas à la preuve des faits juridiques ; qu'en énonçant que les photographies ne pouvaient être admises dès lors que nul ne pouvait se constituer une preuve à soi-même, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil. »
4. Par son second moyen, elle reproche à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts, alors « que le principe selon lequel « nul ne peut se constituer une preuve à soi-même » ne s'applique pas à la preuve des faits juridiques ; qu'en énonçant que les photographies n'avaient aucune valeur probante dès lors que nul ne pouvait se constituer une preuve à soi-même, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 et 1358 du code civil :
5. Selon le premier de ces textes, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
6. Aux termes du second, hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être rapportée par tout moyen.
7. Pour rejeter les demandes de démolition du mur litigieux et d'indemnisation de divers préjudices, l'arrêt retient que les photographies produites par Mme [J]-[C] à l'appui de ses prétentions ne peuvent être admises et sont dépourvues de toute valeur probante, dès lors que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.
8. En statuant ainsi, sans examiner le contenu des pièces produites, alors que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. [J] et Mme [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [J]-[C] ;
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 337 F-D
Pourvoi n° F 21-24.055
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
Mme [R] [J]-[C], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° F 21-24.055 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [J], domicilié [Adresse 3],
2°/ à Mme [L] [V], domiciliée [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [J]-[C], après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 22 septembre 2021), Mme [J]-[C] est propriétaire d'un ensemble immobilier contigu à la propriété agricole appartenant à son père, M. [J], et à Mme [V].
2. Elle les a assignés en démolition du mur édifié sur leur parcelle cadastrée E n° [Cadastre 2] qui, selon elle, obstruait une servitude de passage dont elle bénéficiait et provoquait des infiltrations d'eaux sur sa propriété.
Examen des moyens
Sur les deux moyens, pris en leurs secondes branches, réunis
Enoncé des moyens
3. Par son premier moyen, Mme [J]-[C] reproche à l'arrêt de rejeter sa demande de destruction du mur, alors « que le principe selon lequel « nul ne peut se constituer une preuve à soi-même » ne s'applique pas à la preuve des faits juridiques ; qu'en énonçant que les photographies ne pouvaient être admises dès lors que nul ne pouvait se constituer une preuve à soi-même, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil. »
4. Par son second moyen, elle reproche à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts, alors « que le principe selon lequel « nul ne peut se constituer une preuve à soi-même » ne s'applique pas à la preuve des faits juridiques ; qu'en énonçant que les photographies n'avaient aucune valeur probante dès lors que nul ne pouvait se constituer une preuve à soi-même, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 et 1358 du code civil :
5. Selon le premier de ces textes, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
6. Aux termes du second, hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être rapportée par tout moyen.
7. Pour rejeter les demandes de démolition du mur litigieux et d'indemnisation de divers préjudices, l'arrêt retient que les photographies produites par Mme [J]-[C] à l'appui de ses prétentions ne peuvent être admises et sont dépourvues de toute valeur probante, dès lors que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.
8. En statuant ainsi, sans examiner le contenu des pièces produites, alors que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. [J] et Mme [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [J]-[C] ;
Ce recours constituait un appel en garantie et non un recours subrogatoire
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-10.667
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300359
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 25 mai 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, du 18 novembre 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 359 F-D
Pourvoi n° Z 22-10.667
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
La société Arcelormittal France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Arcelormittal Atlantique et Lorraine, et venant également aux droits de la société Sollac Lorraine, a formé le pourvoi n° Z 22-10.667 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Blue construction, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée Acore,
2°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à Mme [D] [E], dont le siège est [Adresse 1], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Construction solution acier (CSA),
4°/ à la société Mayeur et Romani, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5], exerçant sous le nom commercial Les Techniciens du toit,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Arcelormittal France, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la société Blue construction, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Arcelormittal France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Mayeur et Romani, et contre Mme [E], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CSA.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Metz,18 novembre 2021), à l'occasion de travaux de construction d'une maison d'habitation avec une ossature en acier, la société Sollac Lorraine, devenue Arcelormittal Atlantique et Lorraine puis Arcelormittal France (Arcelormittal), dont la responsabilité a été retenue en qualité de maître d'oeuvre de fait, et la société Acore, devenue Blue construction, entreprise de terrassement, gros oeuvre, couverture et plâtrerie, ont été définitivement condamnées in solidum à payer aux maîtres de l'ouvrage diverses sommes à titre de réparation.
3. Ensuite d'un complément d'expertise portant sur les responsabilités des constructeurs, la société Arcelormittal a exercé son recours contre la société Blue construction et la société Gan assurances IARD (le GAN), assureur d'un autre locateur d'ouvrage, en réclamant le paiement d'une somme correspondant à la part de responsabilité qu'elle imputait à chacun des intervenants.
Examen des moyens
Sur le moyen relevé d'office
4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
5. En application de ce texte, le recours d'un constructeur condamné in solidum avec un autre, aux fins de déterminer la charge définitive de la dette de chaque coobligé, n'est pas un recours subrogatoire mais un appel en garantie, qui ne suppose pas que le maître de l'ouvrage ait été préalablement indemnisé de ses préjudices, peu important que la demande soit exprimée par référence à un pourcentage des condamnations prononcées, correspondant à la part de responsabilité de l'appelé en garantie, ou tende au paiement d'une somme déterminée.
6. Pour rejeter la demande en paiement formé par la société Arcelormittal contre la société Blue construction, l'arrêt retient que, dans ses dernières conclusions, la société Arcelormittal ne demande pas à être garantie des condamnations prononcées contre elle au profit des maîtres de l'ouvrage mais poursuit la condamnation de la société Blue construction à lui payer une somme précise, qu'elle ne démontre pas être titulaire de créances à l'égard de celle-ci pour un motif autre qu'une éventuelle subrogation et qu'en l'absence de créance certaine et actuelle, sa demande ne peut qu'être rejetée.
7. En statuant ainsi, après avoir constaté que la société Arcelormittal, qui avait été définitivement condamnée, in solidum avec la société Blue construction, à payer certaines sommes au bénéfice des maîtres de l'ouvrage, exerçait son recours contre celle-ci au visa de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, d'où il résultait que ce recours constituait un appel en garantie et non un recours subrogatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Mise hors de cause
8. La cassation prononcée étant sans lien de dépendance nécessaire ou d'indivisibilité avec le chef de dispositif ayant rejeté, par des motifs distincts, les demandes de la société Arcelormittal contre le GAN, assureur d'une société tierce, celui-ci sera mis hors de cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de condamnation à paiement directement formulée par la société Arcelormittal France contre la société Blue construction, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz, autrement composée ;
Met hors de cause la société Gan assurances IARD ;
Condamne la société Blue construction aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 359 F-D
Pourvoi n° Z 22-10.667
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
La société Arcelormittal France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Arcelormittal Atlantique et Lorraine, et venant également aux droits de la société Sollac Lorraine, a formé le pourvoi n° Z 22-10.667 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Blue construction, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée Acore,
2°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à Mme [D] [E], dont le siège est [Adresse 1], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Construction solution acier (CSA),
4°/ à la société Mayeur et Romani, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5], exerçant sous le nom commercial Les Techniciens du toit,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Arcelormittal France, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la société Blue construction, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Arcelormittal France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Mayeur et Romani, et contre Mme [E], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CSA.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Metz,18 novembre 2021), à l'occasion de travaux de construction d'une maison d'habitation avec une ossature en acier, la société Sollac Lorraine, devenue Arcelormittal Atlantique et Lorraine puis Arcelormittal France (Arcelormittal), dont la responsabilité a été retenue en qualité de maître d'oeuvre de fait, et la société Acore, devenue Blue construction, entreprise de terrassement, gros oeuvre, couverture et plâtrerie, ont été définitivement condamnées in solidum à payer aux maîtres de l'ouvrage diverses sommes à titre de réparation.
3. Ensuite d'un complément d'expertise portant sur les responsabilités des constructeurs, la société Arcelormittal a exercé son recours contre la société Blue construction et la société Gan assurances IARD (le GAN), assureur d'un autre locateur d'ouvrage, en réclamant le paiement d'une somme correspondant à la part de responsabilité qu'elle imputait à chacun des intervenants.
Examen des moyens
Sur le moyen relevé d'office
4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
5. En application de ce texte, le recours d'un constructeur condamné in solidum avec un autre, aux fins de déterminer la charge définitive de la dette de chaque coobligé, n'est pas un recours subrogatoire mais un appel en garantie, qui ne suppose pas que le maître de l'ouvrage ait été préalablement indemnisé de ses préjudices, peu important que la demande soit exprimée par référence à un pourcentage des condamnations prononcées, correspondant à la part de responsabilité de l'appelé en garantie, ou tende au paiement d'une somme déterminée.
6. Pour rejeter la demande en paiement formé par la société Arcelormittal contre la société Blue construction, l'arrêt retient que, dans ses dernières conclusions, la société Arcelormittal ne demande pas à être garantie des condamnations prononcées contre elle au profit des maîtres de l'ouvrage mais poursuit la condamnation de la société Blue construction à lui payer une somme précise, qu'elle ne démontre pas être titulaire de créances à l'égard de celle-ci pour un motif autre qu'une éventuelle subrogation et qu'en l'absence de créance certaine et actuelle, sa demande ne peut qu'être rejetée.
7. En statuant ainsi, après avoir constaté que la société Arcelormittal, qui avait été définitivement condamnée, in solidum avec la société Blue construction, à payer certaines sommes au bénéfice des maîtres de l'ouvrage, exerçait son recours contre celle-ci au visa de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, d'où il résultait que ce recours constituait un appel en garantie et non un recours subrogatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Mise hors de cause
8. La cassation prononcée étant sans lien de dépendance nécessaire ou d'indivisibilité avec le chef de dispositif ayant rejeté, par des motifs distincts, les demandes de la société Arcelormittal contre le GAN, assureur d'une société tierce, celui-ci sera mis hors de cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de condamnation à paiement directement formulée par la société Arcelormittal France contre la société Blue construction, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz, autrement composée ;
Met hors de cause la société Gan assurances IARD ;
Condamne la société Blue construction aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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