Chronique, X. Lagarde, D. 2024, p. 1725.
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vendredi 11 octobre 2024
mardi 8 octobre 2024
Formalisme excessif du juge
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 22-16.223
- ECLI:FR:CCASS:2024:C200869
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 03 octobre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, du 24 février 2022- Président
- Mme Martinel
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 octobre 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 869 F-B
Pourvoi n° P 22-16.223
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 OCTOBRE 2024
1°/ la société Eiffage génie civil, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au GEIE Tunel Del Perthus, dont le siège est [Adresse 2] (Espagne),
ont formé le pourvoi n° 22-16.223 contre l'arrêt rendu le 24 février 2022 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [Y] [O],
2°/ à Mme [G] [K] [F], épouse [C],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Eiffage génie civil et du GEIE Tunel Del Perthus, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [O] et de Mme [F], épouse [C], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 février 2022), par jugement du 30 août 2016, un tribunal de grande instance a condamné le GEIE Tunel Del Perthus, en qualité de maître d'ouvrage, et la société Eiffage génie civil, en qualité de maître d'oeuvre, à indemniser M. [O] et Mme [F], épouse [C] des préjudices subis du fait du tarissement d'une source située sur leur terrain survenu à la suite de travaux de percement d'un tunnel.
2. Le GEIE Tunel Del Perthus et la société Eiffage génie civil ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 27 décembre 2016.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. Le GEIE Tunel Del Perthus et la société Eiffage génie civil font grief à l'arrêt de confirmer le jugement de première instance du tribunal de grande instance de Perpignan du 30 août 2016 en toutes ses dispositions, alors « que le juge ne peut refuser de statuer sur les prétentions dont il est saisi et il ne peut se soustraire à son office en imposant, d'office six ans après sa saisine et au cours de son délibéré, sans débat préalable des parties, un formalisme excessif et artificiel qui a abouti à priver les parties d'un droit au recours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait décider d'office au cours de son délibéré ¿ en contradiction avec les conclusions des appelants et au seul visa d'une erreur matérielle- de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan rendu presque six ans auparavant, au motif qu'elle n'était saisie « d'absolument aucune demande » au seul prétexte que « par leurs conclusions remises au greffe le 2 juin 2017 la SASU Eiffage génie civil (anciennement Eiffage TP) et le Groupement européen d'intérêt économique Tunel del Perthus adressent leurs demandes au tribunal de grande instance de Perpignan "Il est demandé au tribunal de grande instance de Perpignan de..." », quand cette mention erronée, qui n'est imposée par aucun texte, n'avait fait l'objet d'aucune observation de la part des intimés et aurait dû être rectifiée par le juge lui-même, car en statuant, la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif et légalement infondé à l'encontre des conclusions des appelants et elle a, de ce fait, privé les parties de leur droit d'accès au juge et d'un procès équitable en violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 954 et 961 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 954 et 961 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
4. Selon le premier de ces textes, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues au second, notamment s'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.
5. Selon la Cour européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit d'accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire » (Bellet c. France, 4 décembre 1995, § 36, série A n° 333-B). Toutefois, le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l'État, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation (Baka c. Hongrie [GC], n° 20261/12, § 120, 23 juin 2016, et Ali Riza c. Suisse, n° 74989/11, § 73, 13 juillet 2021). Cette réglementation par l'État peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus (Ashingdane c. Royaume-Uni, 28 mai 1985, § 57, série A n° 93, et Stanev c. Bulgarie [GC], n° 36760/06, § 230, CEDH 2012). Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Zubac c. Croatie [GC], n° 40160/12, § 78, 5 avril 2018).
6. Les critères relatifs à l'examen des restrictions d'accès à un degré supérieur de juridiction ont été résumés par la Cour dans l'affaire Zubac (précitée, §§ 80-99). Afin d'apprécier la proportionnalité de la restriction en cause, la Cour prend en considération les facteurs suivants : i) sa prévisibilité aux yeux du justiciable (Henrioud c. France, n° 21444/11, §§ 60-66, 5 novembre 2015, Zubac, précité, §§ 85 et 87-89, et C.N. c. Luxembourg, n° 59649/18, §§ 44-50, 12 octobre 2021), ii) le point de savoir si le requérant a dû supporter une charge excessive en raison des erreurs éventuellement commises en cours de procédure (Zubac, précité, §§ 90-95 et jurisprudence citée) et iii) celui de savoir si cette restriction est empreinte d'un formalisme excessif (CEDH 2002-IX, Henrioud, précité, § 67, et Zubac, précité, §§ 96-99). En effet, en appliquant les règles de procédure, les tribunaux doivent éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois (Walchli c. France, n° 35787/03, § 29, 26 juillet 2007).
7. Pour confirmer le jugement en toutes ses dispositions, l'arrêt retient que par leurs conclusions remises au greffe le 2 juin 2017, le GEIE Tunel Del Perthus et la société Eiffage génie civil adressent leurs demandes au tribunal de grande instance de Perpignan et ne saisissent donc la cour d'appel d'aucune demande et que cette absence de demande adressée par les appelants à la juridiction d'appel équivaut à une demande de confirmation du jugement frappé d'appel.
8. En statuant ainsi, sur le moyen relevé d'office tiré de la désignation dans l'en-tête du dispositif des conclusions des appelants du tribunal de grande instance de Perpignan, alors que ces conclusions, régulièrement transmises à la cour d'appel par le RPVA, contenaient une demande de réformation du jugement, selon les exigences requises, la cour d'appel, qui en était saisie malgré la référence erronée au tribunal de grande instance relevant d'une simple erreur matérielle affectant uniquement l'en-tête des conclusions et portant sur une mention non exigée par la loi, a fait preuve d'un formalisme excessif et a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.
Condamne M. [O] et Mme [F], épouse [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du trois octobre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.ECLI:FR:CCASS:2024:C200869
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 octobre 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 869 F-B
Pourvoi n° P 22-16.223
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 OCTOBRE 2024
1°/ la société Eiffage génie civil, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au GEIE Tunel Del Perthus, dont le siège est [Adresse 2] (Espagne),
ont formé le pourvoi n° 22-16.223 contre l'arrêt rendu le 24 février 2022 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [Y] [O],
2°/ à Mme [G] [K] [F], épouse [C],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Eiffage génie civil et du GEIE Tunel Del Perthus, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [O] et de Mme [F], épouse [C], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 février 2022), par jugement du 30 août 2016, un tribunal de grande instance a condamné le GEIE Tunel Del Perthus, en qualité de maître d'ouvrage, et la société Eiffage génie civil, en qualité de maître d'oeuvre, à indemniser M. [O] et Mme [F], épouse [C] des préjudices subis du fait du tarissement d'une source située sur leur terrain survenu à la suite de travaux de percement d'un tunnel.
2. Le GEIE Tunel Del Perthus et la société Eiffage génie civil ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 27 décembre 2016.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. Le GEIE Tunel Del Perthus et la société Eiffage génie civil font grief à l'arrêt de confirmer le jugement de première instance du tribunal de grande instance de Perpignan du 30 août 2016 en toutes ses dispositions, alors « que le juge ne peut refuser de statuer sur les prétentions dont il est saisi et il ne peut se soustraire à son office en imposant, d'office six ans après sa saisine et au cours de son délibéré, sans débat préalable des parties, un formalisme excessif et artificiel qui a abouti à priver les parties d'un droit au recours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait décider d'office au cours de son délibéré ¿ en contradiction avec les conclusions des appelants et au seul visa d'une erreur matérielle- de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan rendu presque six ans auparavant, au motif qu'elle n'était saisie « d'absolument aucune demande » au seul prétexte que « par leurs conclusions remises au greffe le 2 juin 2017 la SASU Eiffage génie civil (anciennement Eiffage TP) et le Groupement européen d'intérêt économique Tunel del Perthus adressent leurs demandes au tribunal de grande instance de Perpignan "Il est demandé au tribunal de grande instance de Perpignan de..." », quand cette mention erronée, qui n'est imposée par aucun texte, n'avait fait l'objet d'aucune observation de la part des intimés et aurait dû être rectifiée par le juge lui-même, car en statuant, la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif et légalement infondé à l'encontre des conclusions des appelants et elle a, de ce fait, privé les parties de leur droit d'accès au juge et d'un procès équitable en violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 954 et 961 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 954 et 961 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
4. Selon le premier de ces textes, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues au second, notamment s'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.
5. Selon la Cour européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit d'accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire » (Bellet c. France, 4 décembre 1995, § 36, série A n° 333-B). Toutefois, le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l'État, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation (Baka c. Hongrie [GC], n° 20261/12, § 120, 23 juin 2016, et Ali Riza c. Suisse, n° 74989/11, § 73, 13 juillet 2021). Cette réglementation par l'État peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus (Ashingdane c. Royaume-Uni, 28 mai 1985, § 57, série A n° 93, et Stanev c. Bulgarie [GC], n° 36760/06, § 230, CEDH 2012). Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Zubac c. Croatie [GC], n° 40160/12, § 78, 5 avril 2018).
6. Les critères relatifs à l'examen des restrictions d'accès à un degré supérieur de juridiction ont été résumés par la Cour dans l'affaire Zubac (précitée, §§ 80-99). Afin d'apprécier la proportionnalité de la restriction en cause, la Cour prend en considération les facteurs suivants : i) sa prévisibilité aux yeux du justiciable (Henrioud c. France, n° 21444/11, §§ 60-66, 5 novembre 2015, Zubac, précité, §§ 85 et 87-89, et C.N. c. Luxembourg, n° 59649/18, §§ 44-50, 12 octobre 2021), ii) le point de savoir si le requérant a dû supporter une charge excessive en raison des erreurs éventuellement commises en cours de procédure (Zubac, précité, §§ 90-95 et jurisprudence citée) et iii) celui de savoir si cette restriction est empreinte d'un formalisme excessif (CEDH 2002-IX, Henrioud, précité, § 67, et Zubac, précité, §§ 96-99). En effet, en appliquant les règles de procédure, les tribunaux doivent éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois (Walchli c. France, n° 35787/03, § 29, 26 juillet 2007).
7. Pour confirmer le jugement en toutes ses dispositions, l'arrêt retient que par leurs conclusions remises au greffe le 2 juin 2017, le GEIE Tunel Del Perthus et la société Eiffage génie civil adressent leurs demandes au tribunal de grande instance de Perpignan et ne saisissent donc la cour d'appel d'aucune demande et que cette absence de demande adressée par les appelants à la juridiction d'appel équivaut à une demande de confirmation du jugement frappé d'appel.
8. En statuant ainsi, sur le moyen relevé d'office tiré de la désignation dans l'en-tête du dispositif des conclusions des appelants du tribunal de grande instance de Perpignan, alors que ces conclusions, régulièrement transmises à la cour d'appel par le RPVA, contenaient une demande de réformation du jugement, selon les exigences requises, la cour d'appel, qui en était saisie malgré la référence erronée au tribunal de grande instance relevant d'une simple erreur matérielle affectant uniquement l'en-tête des conclusions et portant sur une mention non exigée par la loi, a fait preuve d'un formalisme excessif et a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.
Condamne M. [O] et Mme [F], épouse [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du trois octobre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
Analyse
Notion de clause abusive
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 21-25.823
- ECLI:FR:CCASS:2024:C200883
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 03 octobre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 26 octobre 2021- Président
- Mme Martinel
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 883 F-B
Pourvoi n° C 21-25.823
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 OCTOBRE 2024
1°/ M. [Y] [D], domicilié [Adresse 4],
2°/ [X] [V], épouse [D],ayant été domiciliée [Adresse 4], décédée le [Date décès 5] 2023,
3°/ M. [M] [D], domicilié [Adresse 1], en qualité d'héritier de sa mère, [X] [D], décédée,
ont formé le pourvoi n° 21-25.823 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2021 par la cour d'appel de Rennes (1ère chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Banque CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits du Crédit industriel de l'Ouest,
2°/ à la société Mutualité sociale agricole d'Armorique, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [Y] [D], de [X] [V], épouse [D], et de M. [M] [D], en qualité d'héritier de sa mère, [X] [D], décédée, la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Banque CIC Ouest, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à M. [Y] [D] et à M. [M] [D] (les consorts [D]) de leur reprise d'instance, à la suite du décès de [X] [V], épouse [D].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 octobre 2021), statuant sur renvoi après cassation (2e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-19.269), la société Crédit Industriel de l'Ouest, aux droits de laquelle se trouve la société Banque CIC Ouest (la banque), a délivré, sur le fondement d'un acte notarié de prêt du 15 juin 2004, un commandement de payer valant saisie immobilière à M. [Y] [D] et [X] [V] puis les a assignés à une audience d'orientation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Les consorts [D] font grief à l'arrêt de fixer la créance de la banque à l'égard de M. [Y] [D] à la somme de 115 759,75 euros en principal, intérêts, frais et accessoires et d'autoriser la vente de l'immeuble leur appartenant, alors « que la saisie immobilière ne peut être pratiquée que par un créancier titulaire d'une créance exigible ; que la cour d'appel a estimé que la clause d'exigibilité figurant au contrat de prêt du 15 juin 2004 « prévoyant la résiliation du contrat pour une défaillance de l'emprunteur en termes très généraux (« somme due à quiconque ») et afférente à l'exécution de conventions distinctes » était abusive et devait être réputée non écrite, que la déchéance du terme n'avait pas été valablement prononcée à l'égard de Mme [D], faute de mise en demeure préalable, mais qu'elle avait été valablement prononcée à l'égard de M. [D] de sorte que la saisie immobilière était fondée en ce qui le concerne, la créance de la banque, fixée la somme de 115 759,75 euros, étant exigible ; qu'en statuant ainsi, quand elle avait admis que la clause d'exigibilité figurant au contrat de prêt était abusive et devait être réputée non écrite, de sorte que la banque CIC Ouest n'avait pu valablement prononcer la déchéance du terme à l'égard de M. [D] et que sa créance n'était pas non plus exigible le concernant, elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 applicable à la date de conclusion du prêt. »
Réponse de la Cour
4. Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 :
5. Selon le deuxième de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Les clauses abusives sont réputées non écrites.
6. Pour fixer la créance de la banque à l'égard de M. [D] à la somme de 115 759,75 euros, l'arrêt retient que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf stipulation expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, que la clause d'exigibilité immédiate étant réputée non écrite, la banque ne pouvait prononcer valablement la déchéance du terme, sans mise en demeure préalable des débiteurs et qu'il est constant que la banque a envoyé, à l'adresse commune des époux, une lettre de mise en demeure préalable à la déchéance du terme qui ne mentionnait que M. [D].
7. Il en déduit que la déchéance du terme n'a pas été valablement prononcée à l'égard de Mme [D], faute de mise en demeure préalable, mais que la banque a valablement prononcé la déchéance du terme à l'égard de M. [D].
8. En statuant ainsi, après avoir dit que la clause d'exigibilité immédiate stipulée au contrat de prêt constituait une clause abusive qui devait être réputée non écrite, ce dont il résultait que la déchéance du terme ne pouvait reposer sur cette clause, peu important l'envoi par la banque d'une mise en demeure, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt fixant la créance de la banque à l'égard de M. [D] entraîne la cassation des autres chefs de dispositif, à l'exception de ceux disant que la clause d'exigibilité prévue au contrat de prêt présente un caractère abusif et doit être réputée non écrite et disant que la banque ne justifie pas que la déchéance du terme a été valablement prononcée à l'égard de [X] [V], épouse [D], qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la clause d'exigibilité prévue au contrat de prêt du 15 juin 2004 présente un caractère abusif et doit être réputée non écrite et dit que la société Banque CIC Ouest ne justifie pas que la déchéance du terme a été valablement prononcée à l'égard de [X] [V] épouse [D], l'arrêt rendu le 26 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.
Condamne la société Banque CIC Ouest et la société Mutualité sociale agricole d'Armorique aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque CIC Ouest et la condamne à payer à MM. [Y] et [M] [D] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du trois octobre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.ECLI:FR:CCASS:2024:C200883
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 883 F-B
Pourvoi n° C 21-25.823
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 OCTOBRE 2024
1°/ M. [Y] [D], domicilié [Adresse 4],
2°/ [X] [V], épouse [D],ayant été domiciliée [Adresse 4], décédée le [Date décès 5] 2023,
3°/ M. [M] [D], domicilié [Adresse 1], en qualité d'héritier de sa mère, [X] [D], décédée,
ont formé le pourvoi n° 21-25.823 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2021 par la cour d'appel de Rennes (1ère chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Banque CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits du Crédit industriel de l'Ouest,
2°/ à la société Mutualité sociale agricole d'Armorique, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [Y] [D], de [X] [V], épouse [D], et de M. [M] [D], en qualité d'héritier de sa mère, [X] [D], décédée, la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Banque CIC Ouest, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à M. [Y] [D] et à M. [M] [D] (les consorts [D]) de leur reprise d'instance, à la suite du décès de [X] [V], épouse [D].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 octobre 2021), statuant sur renvoi après cassation (2e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-19.269), la société Crédit Industriel de l'Ouest, aux droits de laquelle se trouve la société Banque CIC Ouest (la banque), a délivré, sur le fondement d'un acte notarié de prêt du 15 juin 2004, un commandement de payer valant saisie immobilière à M. [Y] [D] et [X] [V] puis les a assignés à une audience d'orientation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Les consorts [D] font grief à l'arrêt de fixer la créance de la banque à l'égard de M. [Y] [D] à la somme de 115 759,75 euros en principal, intérêts, frais et accessoires et d'autoriser la vente de l'immeuble leur appartenant, alors « que la saisie immobilière ne peut être pratiquée que par un créancier titulaire d'une créance exigible ; que la cour d'appel a estimé que la clause d'exigibilité figurant au contrat de prêt du 15 juin 2004 « prévoyant la résiliation du contrat pour une défaillance de l'emprunteur en termes très généraux (« somme due à quiconque ») et afférente à l'exécution de conventions distinctes » était abusive et devait être réputée non écrite, que la déchéance du terme n'avait pas été valablement prononcée à l'égard de Mme [D], faute de mise en demeure préalable, mais qu'elle avait été valablement prononcée à l'égard de M. [D] de sorte que la saisie immobilière était fondée en ce qui le concerne, la créance de la banque, fixée la somme de 115 759,75 euros, étant exigible ; qu'en statuant ainsi, quand elle avait admis que la clause d'exigibilité figurant au contrat de prêt était abusive et devait être réputée non écrite, de sorte que la banque CIC Ouest n'avait pu valablement prononcer la déchéance du terme à l'égard de M. [D] et que sa créance n'était pas non plus exigible le concernant, elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 applicable à la date de conclusion du prêt. »
Réponse de la Cour
4. Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 :
5. Selon le deuxième de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Les clauses abusives sont réputées non écrites.
6. Pour fixer la créance de la banque à l'égard de M. [D] à la somme de 115 759,75 euros, l'arrêt retient que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf stipulation expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, que la clause d'exigibilité immédiate étant réputée non écrite, la banque ne pouvait prononcer valablement la déchéance du terme, sans mise en demeure préalable des débiteurs et qu'il est constant que la banque a envoyé, à l'adresse commune des époux, une lettre de mise en demeure préalable à la déchéance du terme qui ne mentionnait que M. [D].
7. Il en déduit que la déchéance du terme n'a pas été valablement prononcée à l'égard de Mme [D], faute de mise en demeure préalable, mais que la banque a valablement prononcé la déchéance du terme à l'égard de M. [D].
8. En statuant ainsi, après avoir dit que la clause d'exigibilité immédiate stipulée au contrat de prêt constituait une clause abusive qui devait être réputée non écrite, ce dont il résultait que la déchéance du terme ne pouvait reposer sur cette clause, peu important l'envoi par la banque d'une mise en demeure, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt fixant la créance de la banque à l'égard de M. [D] entraîne la cassation des autres chefs de dispositif, à l'exception de ceux disant que la clause d'exigibilité prévue au contrat de prêt présente un caractère abusif et doit être réputée non écrite et disant que la banque ne justifie pas que la déchéance du terme a été valablement prononcée à l'égard de [X] [V], épouse [D], qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la clause d'exigibilité prévue au contrat de prêt du 15 juin 2004 présente un caractère abusif et doit être réputée non écrite et dit que la société Banque CIC Ouest ne justifie pas que la déchéance du terme a été valablement prononcée à l'égard de [X] [V] épouse [D], l'arrêt rendu le 26 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.
Condamne la société Banque CIC Ouest et la société Mutualité sociale agricole d'Armorique aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque CIC Ouest et la condamne à payer à MM. [Y] et [M] [D] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du trois octobre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
Analyse
Voisinage et perte de vue
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 23-13.770
- ECLI:FR:CCASS:2024:C300508
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 26 septembre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, du 24 janvier 2023- Président
- Mme Teiller (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 septembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 508 F-D
Pourvoi n° T 23-13.770
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 SEPTEMBRE 2024
La société Les Sources, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 23-13.770 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2023 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [G] [E], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société civile immobilière Les Sources, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 24 janvier 2023), soutenant que la construction d'un immeuble d'habitation collective par la société civile immobilière Les Sources (la SCI) obturait la vue dont elle disposait sur une chaîne de montagnes, lui causant une perte d'ensoleillement ainsi qu'une dépréciation de son fonds, Mme [E] l'a assignée, sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
2. La SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme [E] une certaine somme en réparation du trouble anormal de voisinage au titre de la perte de vue, alors « que ne constitue pas un trouble anormal de voisinage, le trouble que celui qui s'en prétend victime pouvait raisonnablement anticiper compte tenu de l'environnement dans lequel il s'est installé ; que, dans ses conclusions d'appel, la SCI faisait valoir, preuve à l'appui, que si l'immeuble qu'elle avait fait construire avait modifié la vue dont Mme [E] bénéficiait antérieurement depuis son habitation sur la chaîne de montagnes Belledonne, cette modification était aisément prévisible dans la mesure où la propriété de Mme [E] se trouvait dans la zone constructible la plus densément urbanisée de la commune et que plusieurs immeubles collectifs d'habitation, similaires à celui édifié par la SCI, étaient déjà implantés dans ce secteur ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir l'existence d'un trouble anormal de voisinage, que « toutefois Mme [E] pouvait s'attendre à divers types de constructions moins massifs et lui laissant une vue plus harmonieuse que celle actuelle », sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, s'il n'existait pas déjà à proximité de l'habitation de Mme [E] d'autres immeubles collectifs d'habitation similaires à celui de la SCI, de sorte que celle-ci pouvait raisonnablement prévoir la modification de vue reprochée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
3. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
4. Pour accueillir la demande de Mme [E], l'arrêt retient que la vue depuis son habitation avait été radicalement modifiée, alors qu'elle bénéficiait préalablement d'une vue dégagée sur de grands arbres et laissant apercevoir une chaîne de montagnes.
5. Il retient que, si Mme [E] devait avoir conscience de la probabilité d'une construction sur le fonds voisin, qui était constructible, susceptible de modifier sa vue, celle-ci ne pouvait s'attendre qu'à des constructions moins massives et préservant une vue plus harmonieuse que l'actuelle.
6. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la SCI, qui soutenait que plusieurs immeubles d'habitation collective, similaires à celui édifié par la SCI, étaient déjà implantés dans ce secteur, de sorte que Mme [E] pouvait s'attendre à la modification de la vue litigieuse et que, dans ces circonstances, la modification de la vue dénoncée ne caractérisait pas un trouble anormal de voisinage, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société civile immobilière Les Sources à payer à Mme [E] la somme de 25 000 euros en réparation du trouble anormal de voisinage au titre de la perte de vue et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mme [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300508
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 septembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 508 F-D
Pourvoi n° T 23-13.770
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 SEPTEMBRE 2024
La société Les Sources, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 23-13.770 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2023 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [G] [E], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société civile immobilière Les Sources, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 24 janvier 2023), soutenant que la construction d'un immeuble d'habitation collective par la société civile immobilière Les Sources (la SCI) obturait la vue dont elle disposait sur une chaîne de montagnes, lui causant une perte d'ensoleillement ainsi qu'une dépréciation de son fonds, Mme [E] l'a assignée, sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
2. La SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme [E] une certaine somme en réparation du trouble anormal de voisinage au titre de la perte de vue, alors « que ne constitue pas un trouble anormal de voisinage, le trouble que celui qui s'en prétend victime pouvait raisonnablement anticiper compte tenu de l'environnement dans lequel il s'est installé ; que, dans ses conclusions d'appel, la SCI faisait valoir, preuve à l'appui, que si l'immeuble qu'elle avait fait construire avait modifié la vue dont Mme [E] bénéficiait antérieurement depuis son habitation sur la chaîne de montagnes Belledonne, cette modification était aisément prévisible dans la mesure où la propriété de Mme [E] se trouvait dans la zone constructible la plus densément urbanisée de la commune et que plusieurs immeubles collectifs d'habitation, similaires à celui édifié par la SCI, étaient déjà implantés dans ce secteur ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir l'existence d'un trouble anormal de voisinage, que « toutefois Mme [E] pouvait s'attendre à divers types de constructions moins massifs et lui laissant une vue plus harmonieuse que celle actuelle », sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, s'il n'existait pas déjà à proximité de l'habitation de Mme [E] d'autres immeubles collectifs d'habitation similaires à celui de la SCI, de sorte que celle-ci pouvait raisonnablement prévoir la modification de vue reprochée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
3. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
4. Pour accueillir la demande de Mme [E], l'arrêt retient que la vue depuis son habitation avait été radicalement modifiée, alors qu'elle bénéficiait préalablement d'une vue dégagée sur de grands arbres et laissant apercevoir une chaîne de montagnes.
5. Il retient que, si Mme [E] devait avoir conscience de la probabilité d'une construction sur le fonds voisin, qui était constructible, susceptible de modifier sa vue, celle-ci ne pouvait s'attendre qu'à des constructions moins massives et préservant une vue plus harmonieuse que l'actuelle.
6. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la SCI, qui soutenait que plusieurs immeubles d'habitation collective, similaires à celui édifié par la SCI, étaient déjà implantés dans ce secteur, de sorte que Mme [E] pouvait s'attendre à la modification de la vue litigieuse et que, dans ces circonstances, la modification de la vue dénoncée ne caractérisait pas un trouble anormal de voisinage, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société civile immobilière Les Sources à payer à Mme [E] la somme de 25 000 euros en réparation du trouble anormal de voisinage au titre de la perte de vue et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mme [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille vingt-quatre.
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Magicobus 1 : le décret et la circulaire ! (procédure, nouveautés)
Issu de Gazette du Palais - n°32 - page 31
Date de parution : 08/10/2024
Id : GPL468n6
Réf : GPL 8 oct. 2024, n° GPL468n6
Auteur :
- Corinne Bléry,
Voir aussi :
Réforme de la procédure d'appel : retour sur les principales dispositions
Alors que le décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 est entré en vigueur le 1er septembre 2024, il est plus que jamais urgent pour les avocats, et notamment les plus jeunes, de se familiariser avec les modifications apportées par ce texte pour sécuriser leur pratique. D’où la nécessité de refaire un point sur cette importante réforme de la procédure d’appel qui, si elle apporte quelques assouplissements bienvenus, ne résout pas toutes les difficultés des praticiens.
Issu de Gazette du Palais - n°31 - page 8
Date de parution : 01/10/2024
Id : GPL468l2
Réf : GPL 1 oct. 2024, n° GPL468l2
Auteurs :
- Par Valentine Coudert, avocate au barreau de Paris, associée de la Selarl OCTAAV, présidente d'honneur de l'UJA de PARIS ancienne membre du conseil national des barreaux
- Tiphaine Mary, avocate au barreau de Paris, avocate installée, co-responsable de la commission droit de la famille de l'Union des jeunes avocats de Paris
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