vendredi 29 juin 2018

Assurance-construction - notion d'activité déclarée

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 23 mai 2018
N° de pourvoi: 15-80.549
Publié au bulletin Cassation

M. Soulard (président), président
SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Marc Lévis, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


-
La société Romuald,


contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 11 décembre 2014, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;












La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 avril 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Z..., conseiller rapporteur, MM. Straehli, Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, M. Cathala, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. X... ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Z..., les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, la société civile professionnelle LÉVIS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général X... ;

Vu les mémoires, en demande, en défense et complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, après avis de la 2e chambre civile, pris de la violation des articles 1134 du code civil, 113-2, 2°, L. 112-3, alinéa 4 et L. 113-8 du code des assurances, 591 et 93 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a reçu l'exception de non-garantie de la société Gan Assurances ;

"aux motifs que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait que forme la base commune de l'action civile et pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui elle est imputée » ; qu' « elle s'étend par ailleurs, au motif qui constitue le soutien nécessaire de la décision pénale » ; que « en l'espèce, pour rejeter le pourvoi formé par la société Romuald contre l'arrêt précité de la cour d'appel de Caen, la cour de cassation a reconnu que l'arrêt, après avoir rappelé que, selon l'article L. 235-4 devenu L. 4532-7 du code du travail, pour les opérations soumises à l'obtention d'un permis de construire et entreprises par un particulier pour son usage personnel ou celui de sa famille, la coordination est assurée, pendant la phase de réalisation de l'ouvrage, par la personne qui assure effectivement la maitrise du chantier, retient que le cahier des charges des clauses techniques particulières applicable à l'opération prévoit que le maître d'ouvrage désigne le lot maçonnerie pour la mission sécurité protection de la santé et que l'entrepreneur chargé de ce lot assurera jusqu'à réception finale du projet la mission de coordonnateur » ; que les juges ajoutent que la société Romuald, en acceptant le lot maçonnerie, a endossé la fonction de coordonnateur, le cahier des clauses techniques particulières s'intégrant à son contrat, et que son dirigeant a indiqué lors de l'enquête que, pendant le déroulement du chantier, elle était chargée de la sécurité ; qu'ils ajoutent que l'intervention fréquente de l'architecte, autorisé par le cahier des clauses administratives particulières à donner des directives de sécurité aux entreprises, n'a pas relevé la société Romuald de sa mission ; qu'ils déduisent de leurs constatations que la prévenue, qui n'a pas vérifié la présence constante de la protection de la trémie de l'escalier, cause de l'accident, est responsable de l'infraction et de ses conséquences dommageables ; que « la société Romuald fait valoir que l'obligation sanctionnée est également relative à une obligation particulière qui lui incombait relativement à son lot « gros oeuvre » en ce qu'il est indiqué au n° 1.04 (page 8 du CCPI ainsi libellé : « les protections des trémies, baies,
etc, seront mises en place par l'entreprise de maçonnerie dès le début de leur réalisation, l'entreprise de maçonnerie en sera responsable jusqu'à l'intervention du plaquiste. Localisation aux endroits nécessaires
» ; que « toutefois, force est de relever que, selon les énonciations de l'arrêt de la cour d'appel, p. 4, l'origine de l'accident n'est pas à rechercher dans une absence de protection de la trémie ab initio, ce qui relèverait en effet à la fois de la responsabilité du lot maçonnerie et du coordonnateur de sécurité, mais de l'enlèvement de la protection, quelques jours avant l'accident, pour permettre le passage de différents matériels, et non remise en place, quand bien même disposerait-il d'un recours contre le tiers à l'origine de ce défaut » ; que « c'est donc bien pour des fautes commises au titre de la mission de sécurité protection santé du chantier, activité autonome et spécifique, que la société Romuald a été déclarée coupable de l'infraction de blessures par involontaires et il importe peu qu'elle n'ait pas facturé cette intervention ; que « au terme des conditions particulières que la société a souscrites, elle bénéficie outre de la garantie responsabilité civile décennale, d'une garantie « responsabilité civile en cours d'exploitation ou d'exécution des travaux », mais elle n'a déclaré que les métiers suivants : maçon, carreleur, plâtrier avec la mention au titre autre métier ou spécialité : « néant » ; que dès lors c'est à bon droit que le tribunal a prononcé la mise hors de cause de la société Gan, faute pour la société Romuald d'avoir déclaré l'activité de coordonnateur de sécurité ; que « les premiers juges ont rappelé à bon droit qu'il n'appartient pas au juge correctionnel de statuer sur l'application éventuelle de la règle de la réduction proportionnelle du taux de prime s'agissant d'une exception qui n'est pas de nature à exonérer totalement l'assureur de garantie au sens des dispositions de l'article 385-1 du code de procédure pénale ; que « la société Romuald doit être déclarée irrecevable en cette demande en tant qu'elle est présentée devant la juridiction correctionnelle » ;

"1°) alors que, dans l'assurance responsabilité civile de l'exploitant, le risque assuré est déterminé en fonction de l'activité professionnelle déclarée par l'assuré et comprend toutes les fonctions qu'une telle activité peut impliquer, sauf exclusion expresse de la garantie ; que, par ailleurs, il résulte de l'article L. 235-4 devenu L. 4532-7 du code du travail, qu'en matière de construction de maison par un particulier, le coordonnateur de sécurité est l'entrepreneur qui exerce effectivement la maîtrise du chantier ; qu'il en résulte que, dans ce cadre, la coordination de sécurité est une fonction attribuée à l'un des entrepreneurs intervenant sur le chantier et non une activité distincte de l'un de ceux-ci ; qu'en considérant que la société Romuald n'avait pas déclaré l'activité de coordonnateur de sécurité, alors que n'était en cause qu'une fonction accessoire à l'exercice de l'activité professionnelle de la société, qui plus est obligatoire, qu'elle n'avait ainsi pas à déclarer, la cour d'appel a méconnu l'article L. 235-4 devenu L. 4532-7 du code du travail ;

"2°) alors que, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre les parties ; que la cour d'appel a décidé de la mise hors de cause de l'assureur aux motifs que la société Romuald n'avait pas déclaré l'activité de coordonnateur de sécurité qui lui avait été attribuée ; que la fonction de coordonnateur de sécurité n'est pas un métier, ni même une spécialité des entrepreneurs intervenant sur la construction d'une maison par un particulier, en vertu de l'article L. 235-4, devenu L. 4532-7 du code du travail ; qu'en déduisant l'absence de couverture du risque en cause, du fait que la société n'a déclaré que les métiers suivants : maçon, carreleur, plâtrier avec la mention au titre autre métier ou spécialité : « néant », la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"3°) alors que, selon l'article L. 113-2, 2°, du code des assurances l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge ; que l'assuré ne saurait se voir opposer des questions auxquelles il n'a pas été appelé à répondre ; que la cour d'appel qui n'a pas recherché si, comme le soutenait l'assurée, l'absence de déclaration de la fonction de coordonnateur de sécurité, accessoire à son activité professionnelle n'était pas exclusive de mauvaise foi, dès lors qu'aucune question ne lui avait été posée sur son éventuelle désignation en qualité de coordonnateur de sécurité du fait de son activité professionnelle lors de la souscription de son contrat d'assurance, directement ou par l'intermédiaire de son agent d'assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"4°) alors qu'enfin et qu'à tout le moins, dans le cas où la constatation d'une aggravation du risque assuré n'a lieu qu'après un sinistre, la garantie de l'assureur est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés, en vertu de l'article LU3-9 alinéa 3 du code des assurances ; que dans ses conclusions, la prévenu soutenait qu'à tout le moins, étant de bonne foi quant au défaut éventuel de déclaration de l'aggravation du risque résultant de la fonction de coordonnateur de sécurité, la garantie restait due, même si elle pouvait être limitée proportionnellement aux garanties ; que, faute d'avoir répondu à ce chef péremptoire de ses conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Vu l'article L.235-4 ancien du code du travail, devenu l'article L. 4532-7 dudit code ;

Attendu que l'assuré qui a déclaré exercer son activité professionnelle dans un secteur qui l'expose à être légalement obligé, dans les conditions prévues à l'article L. 235-4, devenu L. 4532-7, alinéa 2, 1° du code du travail, d'exercer une mission de coordonnateur en matière de sécurité et de santé des travailleurs lorsque, pendant la phase de réalisation de l'ouvrage, il assure effectivement la maîtrise d'un chantier de construction de maison individuelle soumis à l'obtention d'un permis de construire, bénéficie pour cette mission de la garantie souscrite pour l'activité déclarée dans laquelle elle est nécessairement incluse ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 26 juin 2006, M. Y..., charpentier, salarié de la société Mahaux, travaillant sur le chantier de construction d'une maison individuelle, où plusieurs entreprises indépendantes intervenaient, dont la société Romuald, chargée du lot maçonnerie, a été blessé en tombant d'un escalier par une trémie alors qu'il effectuait des travaux de finition sur la charpente ; que, selon le constat de l'inspection du travail et l'enquête effectuée, cette chute était due à l'insuffisance de l'équipement d'un garde-corps ; qu'un précédent arrêt de la cour d'appel de Caen, en date du 23 juin 2010, devenu définitif par suite du rejet du pourvoi formé à son encontre, (Crim., 27 avril 2011, n° 10-85.544), a déclaré la société Romuald pénalement responsable de blessures involontaires en raison de manquements constatés dans sa mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé, prévue à l'article L. 235-4 du code du travail, applicable à l'époque des faits et mentionnée au cahier des clauses techniques particulières, le maître de l'ouvrage ayant désigné l'entrepreneur de maçonnerie, la société Romuald, pour assurer la mission de coordonnateur de sécurité jusqu'à la réception finale du projet de construction ; que, statuant sur les intérêts civils, la société Romuald ayant appelé en garantie la société Gan Assurances, le tribunal correctionnel a accueilli l'exception de non-garantie de cette dernière et l'a mise hors de cause ; qu'ayant été condamnée au paiement de diverses sommes à la victime, l'entreprise Romuald a fait appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Gan Assurances, l'arrêt énonce que les fautes imputables à la société Romuald ont été commises au titre de sa mission de sécurité et de protection de la santé sur le chantier, activité autonome et spécifique, et qu'aux termes des conditions particulières souscrites auprès de la compagnie d'assurances, à part la garantie décennale et la responsabilité civile en cours d'exploitation ou d'exécution de travaux, ladite société n'a déclaré que les métiers de maçon, carreleur, plâtrier, la rubrique relative aux autres métiers ou spécialités portant la mention "néant" ; que les juges en déduisent que c'est à bon droit que le tribunal a prononcé la mise hors de cause de la société Gan, faute pour l'entreprise Romuald d'avoir déclaré l'activité de coordonnateur de sécurité ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société Romuald avait déclaré à l'assureur son activité professionnelle dans un secteur l'exposant à être légalement obligée d'exercer une mission de coordonnateur en matière de sécurité et de santé des travailleurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Qu'en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet à l'égard de M. Guy Y... et de la CPAM de la Manche qui ne se sont pas pourvus ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé ;

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen, en date du 11 décembre 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise par en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Le déclenchement de l'effet extinctif de la prescription de son obligation par le débiteur

Note Mignot, GP 2018, n° 23, p. 20, sur cass. n° 17-14.568.

20 ans après l'arrêt "Chronopost", ça ne s'arrange pas !

Note Paulin, GP 2018, n° 23, p. 17, sur cass. n° 17-13.030.

Déséquilibre significatif, art. 145 CPC et motif légitime

Note Tréard, D. 2018, p. 1336, sur cass. n° 17-10.360

Secret des affaires : et si l'on avait manqué l'essentiel ?

Etude Roda, D. 2018, p. 1318.

mercredi 20 juin 2018

Référé art. 145 CPC : notion de motif légitime

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 7 juin 2018
N° de pourvoi: 17-19.787
Non publié au bulletin Rejet

Mme Flise (président), président
SCP Delvolvé et Trichet, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 mars 2017), que M. et Mme Z... ont fait construire une maison, MM. A... et B... puis la société Togu architecture, assurés auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF) étant maîtres d'oeuvre, l'entreprise Santu Mosati, assurée auprès de la société Mutuelle d'assurances des artisans de France (la MAAF), étant chargée du lot gros oeuvre charpente et couverture et la société DMI, assurée auprès de la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (CAMBTP) de l'ouverture du chantier jusqu'au 31 décembre 2005 puis de la société GAN assurances du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2013, intervenant comme bureau d'études techniques et de structure ; que des désordres sont apparus qui ont donné lieu à la désignation d'un expert, M. C..., par ordonnance de référé ; que celui-ci a déposé un rapport en l'état, en l'absence d'investigations complémentaires sur les fondations portant sur l'ancrage des roches et la qualité du béton, qui concluait à la démolition et à la reconstruction de l'ouvrage ; que M. et Mme Z... ont obtenu une provision à cette fin qui a été réglée par la MAF ; qu'un protocole a été signé entre les maîtres d'ouvrage, les architectes et leur assureur aux termes duquel ce dernier s'engageait à financer les travaux de reprise ; que M. et Mme Z... ont confié à la société Eco construction, assurée par la société GAN assurances (GAN), le renforcement du gros oeuvre, la maîtrise d'oeuvre étant confiée, selon contrat du 9 janvier 2014, à la société DMI assurée par la société Elite Insurance ; que les travaux ont été réceptionnés sans réserves le 25 juillet 2014 ; que l'ouvrage a été vendu le 3 juillet 2015 à M. D... qui a fait procéder à une étude géotechnique réalisée par la société Ginger CEBTP concluant à l'existence de vices dans les travaux de reprise et la qualité du béton puis a obtenu la désignation d'un nouvel expert par ordonnance de référé du 12 février 2016 ; que la société Elite Insurance a demandé que cette ordonnance soit rendue commune et opposable aux sociétés CAMBTP, GAN et MAAF en leur qualité d'assureur des entreprises intervenues avant les travaux de reprise ; que cette demande a été rejetée par une ordonnance du 17 juin 2016 ;

Attendu que la société Elite Insurance fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'extension de l'expertise ordonnée le 12 février 2016 aux assureurs des autres intervenants, la CAMBTP, le GAN et la MAAF, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge des référés peut ordonner à la demande de tout intéressé les mesures d'instruction légalement admissibles s'il existe un motif légitime d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; que le motif légitime ne peut être écarté que s'il est démontré que la mesure sollicitée serait « manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige » ; que la société Elite Insurance faisait valoir que la responsabilité des intervenants aux travaux initiaux pouvait être engagée au regard de la seconde expertise dans la mesure où des investigations complémentaires avaient révélé des vices de construction affectant les travaux d'origine, autres que ceux identifiés par la première expertise ; qu'elle soulignait à cet égard que les investigations du premier expert n'avaient porté ni sur la qualité du béton réalisé ni sur les fondations et que le second expert était d'avis d'associer à son expertise les intervenants aux travaux initiaux dès lors que certains de ces travaux « n'avaient toujours pas été repris et que la qualité de certains d'entre eux était aujourd'hui mise en cause par de nouvelles investigations » ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande de la société Elite Insurance, à retenir que la seconde expertise était circonscrite aux travaux réalisés après le dépôt du premier rapport d'expertise, tels que prévus dans le protocole d'accord du 14 février 2013, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la seconde expertise était « manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige » à l'encontre des intervenants aux travaux initiaux et de leurs assureurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

2°/ que la responsabilité de l'intervenant initial n'est pas écartée pour la seule raison que l'entreprise chargée dans un second temps de réparer les désordres a échoué dans sa mission ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'extension de l'expertise aux intervenants aux travaux initiaux, que l'ordonnance du 12 février 2016 avait limité l'expertise aux travaux de reprise et que seul le rapport de M. C... concernait la première phase des travaux et pouvait fonder une décision prise à l'égard des assureurs des entreprises et du BET DMI, tout en constatant que l'étude réalisée postérieurement par l'acheteur de la maison avait révélé que les fondations n'avaient pas été initialement réalisées selon les plans du BET concepteur et que les sondages supplémentaires avaient montré que les reprises ultérieures de certaines fondations n'avaient pas atteint pas le bon sol, ce dont il résultait que la première expertise n'avait pas porté sur l'ensemble des désordres, de sorte que l'extension de la seconde expertise aux intervenants initiaux répondait à un motif légitime et que la mise en cause de leur responsabilité sur le fondement de celle-ci n'était pas manifestement vouée à l'échec, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

3°/ que ni la circonstance que l'ordonnance du 12 février 2016 ait retenu que l'expertise demandée répondait à un motif légitime en ce qui concernait seulement les travaux de reprise effectués par les vendeurs du bien après le dépôt du rapport de M. C... dans le cadre du protocole d'accord du 14 février 2016 ni la signature de ce protocole, dont l'effet obligatoire entre ses signataires ne pouvait être opposé à société Elite Insurance ne faisaient obstacle à ce que le juge apprécie l'existence d'un motif légitime d'étendre les opérations d'expertise aux intervenants d'origine et à leurs assureurs ; qu'en s'estimant liée par les termes de l'ordonnance du 12 février 2016 et en s'abstenant de ce fait d'apprécier l'existence d'un motif légitime d'étendre l'expertise aux entreprises intervenues sur les travaux d'origine et à leurs assureurs, la cour d'appel a derechef violé l'article 145 du code de procédure civile ;

4°/ qu'elle faisait valoir que le GAN était également l'assureur décennal de la société DMI au titre des travaux de reprise en raison d'un cumul d'assurance ; que sa propre police avait pris effet le 1er janvier 2013 cependant que celle du GAN aurait été résiliée le 24 juillet 2013 et que des pièces du dossier établissaient que le BET DMI avait commencé sa prestation en période de validité de la police du GAN, de sorte que la participation de celui-ci aux opérations de la seconde expertise était nécessaire ; qu'en se bornant à relever que le GAN était l'assureur du BET DMI jusqu'en 2013 sans répondre à ces conclusions dont il résultait qu'il était encore l'assureur de ce locateur lors du commencement des travaux de reprise, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que l'expertise ordonnée par l'ordonnance du 12 février 2016 ne portait que sur les travaux réparatoires réalisés après le dépôt du premier rapport d'expertise et tels que prévus au protocole du 14 février 2013, ce qui excluait l'entreprise Santu Mosanti, intervenue lors des travaux initiaux et assurée auprès de la MAAF, d'autre part, que la solution préconisée par le premier expert avait été écartée, le nouveau chantier ayant débuté avec l'acceptation de l'existant, et enfin, que le GAN et la CAMBTP n'avaient été les assureurs de la société que jusqu'au 31 décembre 2013, que celle-ci n'avait été chargée des travaux de reprise concernés par l'expertise que par contrat du 9 janvier 2014, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a estimé que la demande tendant à voir rendre les opérations d'expertises communes et opposables aux sociérés CAMBTP, GAN et MAAF était dépourvue de motif légitime ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Elite Insurance aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Elite Insurance et la condamne à payer à la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics la somme de 3 000 euros et à la société GAN assurances la somme de 3 000 euros ;

Clause imposant au consommateur une médiation préalable : abusive ou illicite ?

Note Paisant, SJ G 2018, p. 1218, sur cass. n° 17-16.197.

Office du juge et principe de contradiction

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 7 juin 2018
N° de pourvoi: 16-19.190
Non publié au bulletin Cassation

M. Chauvin (président), président
SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 mars 2016), que la société Exofrais a confié à la société Patie Michel des travaux de plomberie ; que la rupture d'une pièce a provoqué un dégât des eaux ; que la société Exofrais et son assureur, la société MMA, ont assigné la société Patie Michel et son assureur, la société l'Auxiliaire, en indemnisation ;

Attendu que, pour condamner les sociétés Patie Michel et l'Auxiliaire au paiement de sommes, l'arrêt retient que la société Patie Michel est intervenue sur la pièce à l'origine du dommage et sur le chantier dont elle avait la garde pendant la durée des opérations de réfection ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les sociétés Exofrais et MMA fondaient exclusivement leurs demandes sur les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1789 du code civil, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur l'application de l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne les sociétés Exofrais et MMA aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Exofrais et MMA à payer aux sociétés Patie Michel et l'Auxiliaire la somme globale de 3 000 euros ;

Sous-traitance : portée de la délégation de paiement

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 7 juin 2018
N° de pourvoi: 17-15.981
Publié au bulletin Cassation

M. Chauvin (président), président
SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article 1275 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 juillet 2016), que l'Association foncière urbaine libre [...] (l'AFUL) a confié des travaux de rénovation d'un immeuble à l'entreprise générale Archi Sud bâtiment, qui a sous-traité les menuiseries extérieures à la société Ébéniste et associés, agréée et bénéficiaire d'une délégation de paiement ; que l'AFUL, estimant avoir payé des acomptes pour des prestations qui n'avaient pas été exécutées, a assigné en restitution la société Ébéniste et associés ;
Attendu que, pour condamner la société Ébéniste et associés à payer à l'AFUL la somme de 35 771,43 euros, l'arrêt retient que, si la délégation consentie par l'entrepreneur principal au maître de l'ouvrage prive ce dernier de la possibilité d'opposer au sous-traitant des exceptions tirées de son contrat avec l'entrepreneur principal, elle ne lui interdit pas de lui opposer les exceptions inhérentes à la dette de l'entrepreneur principal résultant des travaux sous-traités ou celles résultant de ses rapports personnels avec le sous-traitant, de sorte que l'AFUL est recevable à contester les factures comme aurait pu le faire la société Archi Sud bâtiment en l'absence de délégation de paiement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le délégué ne peut opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre le délégant et le délégataire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne l'Association foncière urbaine libre [...] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ébéniste et associés et de la société Laurent D..., ès qualités ;

Notions : 1) d'activité déclarée; 2) d'imputabilité

Note L. Karila, RGDA 2018, p. 410

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 7 juin 2018
N° de pourvoi: 17-16.050
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Odent et Poulet, SCP Ohl et Vexliard, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 2 février 2017), que la Société générale de circuits imprimés (la SGCI) a commandé à la société Cloisy technologies la fourniture de locaux à faible concentration particulaire, dits « salles blanches », pour son site de Toulouse ; que, celui-ci ayant subi un incendie, le projet a été transféré vers le site de sa filiale, la société Ciretec, qui a passé commande de deux salles blanches à la société Cloisy technologies, laquelle a confié certains travaux à la société Applications technologiques avancées (la société ATA) qui a, elle-même, sous-traité à M. Z... la fourniture et l'installation des gaines de soufflage et le raccordement des armoires ; que, dans les jours qui ont suivi la réception, la société Ciretec s'est plainte de la qualité de la régulation de l'air, d'écarts de température et d'hygrométrie et de la présence de limailles ; qu'après expertise, les sociétés Ciretec et SGCI ont assigné les sociétés Cloisy technologies et ATA en responsabilité ; que la société Cloisy technologies a appelé en garantie son assureur décennal, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Grand-Est - Groupama Grand-Est (la société Groupama) et que la société ATA a appelé en garantie M. Z... et la société Meiven industries à laquelle il avait cédé son fonds ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Groupama, ci-après annexé :

Attendu que la société Groupama fait grief à l'arrêt de dire qu'elle doit sa garantie à son assuré, de la condamner, solidairement avec la société Cloisy technologies, à payer diverses sommes à la société Ciretec en réparation de ses préjudices et à la société ATA au titre des frais irrépétibles et de dire que, dans leurs rapports réciproques, la société Groupama doit garantir intégralement de ces condamnations la société Cloisy technologies ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Cloisy technologies avait déclaré exercer comme activité le métier de « serrurier-vente et montage de cloisons amovibles » et comme spécialité « isolation industrielle » et retenu que l'ouvrage fourni par elle consistait en des cloisons modulaires assemblées ayant pour fonction d'assurer l'isolation thermique et l'étanchéité des locaux industriels de la société Ciretec, la cour d'appel, qui a constaté que les salles blanches n'étaient pas étanches aux contaminants extérieurs et qu'il ne pouvait y être maintenues une humidité et une température régulées a pu déduire, de ce seul motif, que les désordres étaient en rapport avec l'activité déclarée et que la garantie de la société Groupama était due ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident des mandataires judiciaires de la société Ciretec et de la SGCI, ci-après annexé :

Attendu que l'administrateur judiciaire et commissaire au plan de la société Ciretec et le liquidateur judiciaire de la SGCI font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre la société ATA ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'un bureau d‘études était intervenu pour l'élaboration du projet de Toulouse, qu'après le transfert du marché sur le second site, la société Cloisy technologies avait assuré la maîtrise d'oeuvre en reprenant à son compte les études réalisées sans établir de nouveau cahier des charges et en réalisant elle-même les études et les plans et que les seules pièces démontrant une prestation intellectuelle de la société ATA consistaient en des schémas fournis pour pallier la carence de la société Cloisy technologies qui lui avait demandé de remanier son offre pour atteindre un certain prix, la cour d'appel en a souverainement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant et sans dénaturation, que la société ATA n'avait eu aucun rôle dans la conception ou la maîtrise d'oeuvre de l'installation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

mardi 19 juin 2018

Le contrat de promotion immobilière : aspects pratiques

Etude Serror Fienberg, Briquet, Gagnaire, et Rousseau, RDI 2018, p. 320.

Le contrat d'adhésion : un contrat spécial ?

Etude A Cayol, RLDC 2018-6, p. 16.

Piscine - causalité alternative et estoppel

Note Hocquet-Berg, RCA 2018-6, p. 25.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 5 avril 2018
N° de pourvoi: 16-29.067
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 24 novembre 2016), que, le 26 février 2006, M. et Mme Z... (les acquéreurs) ont commandé une piscine hors sol, installée et mise en service en mai 2006, auprès de la société Bluewood, qui se fournissait en bois traités de classe IV notamment auprès de la société Gascogne Wood Products, devenue la société Gascogne bois (la société Gascogne), ces bois étant garantis imputrescibles en vertu d'une certification délivrée par l'Institut technologique FCBA (l'institut) ; qu'en juin 2008, en raison du pourrissement des bois de structure de la piscine, la société Bluewood a procédé au remplacement de son ossature ; qu'ayant, à la suite de nouveaux désordres, obtenu une expertise en référé, les acquéreurs ont assigné cette société, la société Gascogne et l'institut, en responsabilité et en réparation de leurs préjudices ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Bluewood fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause la société Gascogne et l'institut, alors, selon le moyen :

1°/ que, lorsque la preuve de la livraison d'un bien défectueux est apportée mais que l'acquéreur est susceptible de s'être approvisionné auprès de plusieurs fournisseurs déterminés, il appartient à chacun de ceux dont la responsabilité est recherchée d'établir qu'il n'a pas vendu le bien en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il ressortait des pièces versées aux débats que la société Bluewood se fournissait, sur la période en litige, auprès de deux fournisseurs - les sociétés Gascogne et Bois imprégné - qui toutes deux traitaient le bois en autoclave ; qu'en déboutant la société Bluewood de ses demandes contre la société Gascogne, au seul motif qu'elle ne rapportait pas la preuve que les bois utilisés pour la construction de la piscine des acquéreurs lui auraient été livrés par cette société, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1147 du code civil ;

2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi aux parties ; que le guide d'emploi des normes publié par l'Association française pour la préservation du bois (AFPB) prévoit que les bois, objet d'une attestation de traitement préventif, doivent être parfaitement identifiés et que « seul un marquage des bois permet sans contestation possible cette identification (
) » ; que l'annexe 3 relative au marquage des bois précise que cette obligation de marquage qui pèse sur le fournisseur peut être opérée « par pièce, par ouvrage ou par lot, avec le logo CTB-B+ » ; qu'en se bornant à énoncer, pour écarter tout manquement de la société Gascogne à son obligation de traçabilité du bois vendu, que l'annexe 3 relative au marquage des bois impose certes au fournisseur un repérage des bois mais admet que celui-ci puisse être opéré « par pièce, par ouvrage ou par lot », sans vérifier si la société Gascogne avait effectivement utilisé l'un des procédés de traçabilité prévu par cette annexe 3, ce que contestait la société Bluewood, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant soutenu, dans ses conclusions d'appel, que la société Gascogne était la seule à lui avoir fourni du bois traité classe 4, la société Bluewood est irrecevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir constaté que la société Bluewood n'avait mis en oeuvre aucune traçabilité ni aucun numérotage des bois ayant constitué la piscine litigieuse, alors qu'elle disposait de deux fournisseurs et que chaque lot de bois livré comprenait des assemblages pour plusieurs bassins, l'arrêt relève que l'annexe 3 du guide d'emploi des normes édité par l'AFPB admet que le marquage des bois puisse être opéré par pièce, par ouvrage ou par lot ; que la cour d'appel a souverainement estimé, sans être tenue de procéder à la recherche prétendument omise, que la société Bluewood se trouvait seule à l'origine de son échec à rapporter la preuve que les bois défaillants lui auraient été livrés par la société Gascogne ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bluewood aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à l'Institut technologique FCBA la somme de 3 000 euros et la même somme à la société Gascogne bois ;

Carrelages et responsabilité contractuelle de droit commun

Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb. 2018-7/8, p. 30..

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 7 juin 2018
N° de pourvoi: 16-15.803
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Chauvin (président), président
SCP Delamarre et Jehannin, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon les arrêts attaqués (Dijon, 6 juin 2013 et 5 janvier 2016), que M. et Mme X... ont conclu avec la société Habitat confort, devenue société Immobilière pour l'habitat BFCA (la société), un contrat de construction de maison individuelle ; qu'après plusieurs déclarations de sinistres auprès de la SMABTP, assureur dommages-ouvrage, et une expertise judiciaire, M. et Mme X... ont assigné la SMABTP et la société en complément d'expertise et en réparation de leurs préjudice ;

Sur le moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt du 5 janvier 2016, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande concernant les désordres affectant les façades ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs non critiqués, que l'évolution des désordres avait conduit l'expert désigné à retenir qu'ils présentaient désormais un caractère décennal, la cour d'appel, devant laquelle M. et Mme X... n'avaient pas formulé de demande fondée sur la garantie décennale eu égard à l'aggravation des désordres apparue après l'arrêt du 6 juin 2013, a exactement déduit de ces seuls motifs que la demande fondée sur la responsabilité contractuelle devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt du 6 juin 2013 :

Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1792-3 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter les demandes fondées sur la responsabilité contractuelle, l'arrêt retient que les micro-fissurations du carrelage de sol dans le salon-salle à manger et les menus problèmes affectant des éléments de menuiserie dissociables relèvent de la garantie biennale ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, le carrelage et la menuiserie ne constituant pas des éléments d'équipement soumis à la garantie de bon fonctionnement de l'article 1792-3 du code civil, la demande en réparation des désordres les affectant, lorsqu'ils ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ou n'affectent pas sa solidité, ne peut être fondée, avant comme après réception, que sur la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi contre l'arrêt du 5 janvier 2016 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en réparation de M. et Mme X..., l'arrêt du 6 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Immobilière pour l'habitat BFCA aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Immobilière pour l'habitat BFCA et la condamne à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Faute détachable du gérant d'une société de construction

Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb. 2018-7/8, p. 30..
Note Ajaccio, Bull. assurances EL août 2018, p. 4. Cour de cassation 
Note Noguéro, RDI 2018, p. 454.

chambre civile 3
Audience publique du jeudi 7 juin 2018
N° de pourvoi: 16-27.680
Publié au bulletin Cassation partielle

M. Chauvin (président), président
SCP Boulloche, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte aux consorts Z... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. C... et E..., les sociétés Gauza, et son administrateur et commissaire à l'exécution du plan de redressement, As Façade, Axa France IARD et MAAF assurances ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 223-22 du code de commerce, ensemble les articles L. 231-1 et L. 241-8 du code de la construction et de l'habitation et L. 241-1 et L. 243-3 du code des assurances ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 13 octobre 2016), que Mme Z... et son époux ont confié la construction de leur maison à la société ABC construction (la société) ; que les plans ont été réalisés par M. B..., architecte, par ailleurs gérant de la société ; qu'après expertise, Mme Z... et son époux, se plaignant notamment de désordres, ont assigné la société et M. B... en requalification du contrat en contrat de construction de maison individuelle, en annulation de ce contrat et en indemnisation ; que, Joachim Z... étant décédé, Mme Z... et ses enfants, Stéphane et Isabelle (les consorts Z...), ont repris l'instance en leur nom ;

Attendu que, pour rejeter la demande des consorts Z... tendant à ce que M. B... soit condamné, avec la société, à indemniser le préjudice causé par le défaut de souscription de l'assurance de responsabilité décennale et à rembourser les sommes résultant de l'apurement des comptes, l'arrêt retient que M. B... n'est pas personnellement le cocontractant ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. B... n'avait pas commis des fautes séparables de ses fonctions sociales engageant sa responsabilité personnelle en omettant de conclure un contrat de construction de maison individuelle et de souscrire une assurance de responsabilité décennale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

Met hors de cause la société ABC construction ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les consorts Z... de leurs demandes dirigées personnellement contre M. B..., l'arrêt rendu le 13 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne M. B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société ABC construction et de M. B... et condamne M. B... à payer aux consorts Z... la somme globale de 3 000 euros ;

1) Décennale et gravité du désordre - 2) forfait et travaux supplémentaires

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 7 juin 2018
N° de pourvoi: 17-17.338
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Chauvin (président), président
Me Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 janvier 2017), que M. X..., ayant fait réaliser des travaux de rénovation et d'extension de sa maison par M. A..., a pris possession de l'immeuble en mars 2004 et, par acte notarié du 6 octobre 2006, l'a vendu à M. et Mme Y..., qui, se plaignant de désordres, ont, après expertise, assigné MM. X... et A... en indemnisation de leurs préjudices ; que M. A... a assigné en garantie son assureur, la société Generali ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec M. A... dans la limite de 161 942,14 euros, à payer à M. et Mme Y... la somme de 163 852,06 euros ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la chape de finition, réalisée sur toute la surface du bâtiment, était dépourvue de joints de fractionnement et affectée de nombreuses fractures sur toute son épaisseur, ce qui empêchait toute réparation, et qu'aucun revêtement de finition ne pouvait être appliqué, conformément aux règles de l'art, sur la surface entière de la maison, la cour d'appel en a souverainement déduit que les défauts irréparables de la chape rendaient l'immeuble impropre à sa destination ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu, par des motifs non critiqués, que, si les non-conformités affectant les fondations n'avaient pas entraîné de désordres sur les maçonneries extérieures porteuses, il était impossible de dissocier la reprise de ceux de la terrasse et de la chape de la mise en conformité des fondations, la cour d'appel, devant qui M. et Mme Y... sollicitaient l'application du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée, a pu, sans modifier l'objet du litige ni violer le principe de la contradiction, accueillir leur demande tendant à l'exécution des travaux prévus au devis approuvé par l'expert et nécessaires pour assurer la pérennité de l'immeuble ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que, la cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée ;

Mais sur le quatrième moyen :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour condamner M. X... à payer à M. A... la somme de 6 394,54 euros, l'arrêt retient qu'en ce qui concerne le hérisson de pierre et la dalle de béton, la surface effectivement construite de 148,17 m² au lieu de 142 m² sur la base du devis a été acceptée par le maître d'ouvrage, qui a laissé poursuivre les travaux sans remarque et que la chape liquide, qui n'était pas prévue à l'origine, apparaît indispensable et doit être réglée par M. X... ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui, quelle que soit la qualification du marché, ne suffisent pas à établir que M. X... avait expressément commandé les travaux supplémentaires avant leur réalisation ou les avait acceptés sans équivoque après leur exécution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

Met hors de cause M. et Mme Y... et la société Generali ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à M. A... la somme de 6394,54 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 8 janvier 2007, l'arrêt rendu le 19 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne M. A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

jeudi 14 juin 2018

Prescription de l'action contractuelle et forclusion de l'action décennale



Note Ajaccio, bull. assce EL, juil. 2018, p. 5.
Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb. 2018-7/8, p. 31.

3e civ., 7 juin 2018 17-10.394 publié

- Cour de cassation - Troisième chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2018:C300562

Cassation partielle sans renvoi
Demandeur : la société Flacher, exploitation agricole à responsabilité limitée
Défendeur : la société Charpentes industrielles Rhône-Alpes Méditerranée (CIRAM), société par actions simplifiée

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 13 octobre 2016), que l’EARL Flacher, qui avait fait construire par la société Baudy Traynard Sassolas (la société BTS) un chai de vinification, réceptionné le 6 août 2001, dont la société Charpentes industrielles Rhône-Alpes (la société CIRAM) avait fourni les matériaux de charpente, a, à la suite de l’apparition de désordres, déclaré, le 14 mai 2013, son sinistre auprès de son assureur, puis sollicité en référé, les 13 et 14 juin 2013, la désignation d’un expert avant d’assigner, les 24 et 28 juillet 2014, les sociétés BTS et CIRAM en paiement du coût des travaux de confortement provisoire, ainsi que de dommages-intérêts pour perte de jouissance et perte d’exploitation ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l’EARL Flacher fait grief à l’arrêt de déclarer prescrites ses demandes fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun pour défaut de conformité, alors, selon le moyen, que le point de départ de la prescription de l’action en non-conformité de la chose vendue court à compter du jour de livraison de la chose ou, lorsque la non-conformité n’est pas apparente à cette date, à compter du jour où l’acheteur en a eu connaissance ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que l’EARL Flacher n’avait eu connaissance de la non-conformité affectant la charpente que le 14 mai 2013 ; qu’en faisant néanmoins courir le délai de prescription à compter du jour de la livraison de cette charpente, à savoir le 6 août 2001, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article L. 110-4, I, du code de commerce, ensemble de l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel a exactement retenu que le point de départ du délai de prescription de dix ans auquel était soumise l’action contractuelle directe de l’EARL Flacher contre la société CIRAM, fondée sur la non-conformité des matériaux, devait être fixé à la date de leur livraison à l’entrepreneur ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer prescrite la demande de l’EARL Flacher fondée sur la garantie décennale des constructeurs, l’arrêt retient qu’elle a réceptionné tacitement l’ouvrage lors de sa prise de possession le 6 août 2001 et qu’eu égard aux dates de l’acte introductif d’instance en référé, elle est forclose à agir en garantie décennale ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’EARL Flacher n’avait pas présenté de demande fondée sur la garantie décennale, la cour d’appel, qui ne s’est pas prononcée seulement sur ce qui lui était demandé, a violé les textes susvisés ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du même code ;

Par ces motifs :

 CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déclare prescrite la demande de l’EARL Flacher fondée sur la garantie décennale des constructeurs, l’arrêt rendu le 13 octobre 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;

 Dit n’y avoir lieu à renvoi ;

Valeur probante de l'expertise amiable

Note Schulz, RGDA 2018, p. 320.

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 4 avril 2018
N° de pourvoi: 17-80.297
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Soulard (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :
M. Steve X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-8, en date du 26 octobre 2016, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de violences, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 février 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme I..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller I..., les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Y... ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 16 du code de procédure civile, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Steve X... à payer à M. Z... les sommes de euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 9 250 euros au titre de la perte de gains professionnels, 9 879,32 euros au titre des frais de santé restés à la charge de la partie civile, 1 000 euros au titre de la réparation du préjudice esthétique temporaire, 1 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 2 200 euros en réparation du préjudice de déficit fonctionnel permanent, 4 000 euros au titre des souffrances endurées ;

"aux motifs que le coup de poing porté volontairement le 12 septembre 2009 vers 16 heures par M. X... à M. Pascal Z... a eu de graves conséquences sur ce dernier ; qu'en effet, après avoir été transporté par les services de secours aux Urgences de l'Hôpital Européen Georges A..., M. Z... a été examiné par M. J... , médecin, qui mentionnait dans son certificat un traumatisme crânien, une fracture du plancher de l'orbite gauche et une plaie non-suturable au visage et lui prescrivait un arrêt temporaire de ses activités professionnelles jusqu'au 17 septembre 2009 ; que le 14 et le 17 septembre 2009, en raison de violentes douleurs, M. Z... consultait M. B..., spécialiste de chirurgie maxillo-faciale, qui prolongeait l'arrêt temporaire de ses activités professionnelles de quinze jours et lui prescrivait des scanners ainsi qu'une surveillance oculaire de trois mois par un ophtalmologiste ; que le 7 octobre 2009, M. Z... subissait une opération chirurgicale de reconstruction des sinus pratiquée par MM. B... et C... ; qu'à la suite de cette opération, l'arrêt temporaire de ses activités professionnelles était prolongé de quinze jours ; que le 7 décembre 2011, une expertise était réalisée par M. D..., médecin expert spécialisé en réparation du dommage corporel, établissant l'existence de douleurs persistantes, d'une gêne fonctionnelle, d'un traumatisme, de troubles nerveux ainsi que l'existence de cicatrices au niveau du visage et du coude gauche ; que le 27 mars 2012, sur réquisition des enquêteurs, M. E..., médecin de l'Unité médico-judiciaire Paris-Nord établissait un certificat médical confirmant l'existence de lésions et d'un retentissement fonctionnel caractérisé par un choc psychologique, une gène esthétique au niveau du visage, un arrêt de travail en rapport avec l'agression, l'intervention chirurgicale et ses suites, et fixant, en conséquence, une I.T.T. de vingt jours ; qu'au total, M. Z... était arrêté pendant une durée de trente-sept jours en raison de l'agression, du 13 au 17 septembre 2009, du 17 septembre 2009 au 2 octobre 2009, et enfin du 7 au octobre 2009 ; que les conclusions du rapport d'expertise réalisé le 7 décembre 2011 par M. Jean-Philippe D..., médecin, à la demande de l'avocat de M. Z... sont les suivantes :
- ITT du 13 septembre au 23 octobre 2009 - consolidation le 31 décembre 2009 - déficit fonctionnel permanent (DFP) : 2 %,
- souffrances endurées 3/7 - préjudice esthétique 1/7 - préjudice d'agrément et gènes définitives pour tous les sports et activités physiques à risque de coups sur le visage - gêne psychologique pour les sorties à bicyclette dans Paris ; qu'aux termes de ce rapport, M. Z... a présenté à la suite de son agression dont il a été victime le 13 septembre 2009, les lésions et blessures suivantes :
- hématome péri-orbitaire gauche, plaie ouverte sous-orbitaire gauche de 1 cm,
- fracture du plancher orbitaire gauche avec dénivellation de 1 mm sans strapping,
- fractures comminutives de la branche montante du maxillaire supérieur gauche ainsi que de sa face antéro-externe avec enfoncement dans le sinus maxillaire,
- hémosinus gauche dans lequel flotte un fragment osseux détaché du plancher du sinus maxillaire,
- effraction d'un implant dentaire au niveau de la 26 dans le sinus maxillaire gauche,
- oedème jugal gauche.
ayant nécessité les soins suivants :
- surveillance oculaire de trois mois par le docteur F..., ophtalmologiste ;
que ces lésions ont été diagnostiquées à la suite des plusieurs examens spécialisés, dont des scanners ; qu' elles ont nécessité des soins réguliers, ainsi qu'une intervention sur les sinus et le maxillaire supérieur le 7 octobre 2009 ; que le préjudice corporel de M. Z..., sur la base du rapport de M. Jean-Philippe D..., médecin, dont ni la désignation ni les conclusions ne sont critiquées par les parties, des pièces médicales, devis et factures acquittés versés aux débats, discutés contradictoirement et en considération des dispositions de la loi du 21 décembre 2006, peut donc être fixé de la façon suivante :
Prejudices patrimoniaux
que s'agissant du préjudice matériel : que l'avocat de M. Pascal Z... sollicite au titre de la perte de revenus, expliquant qu'il s'est trouvé dans l'incapacité d'exercer son activité professionnelle d'électricien pendant trente-sept jours, sollicitant la somme de 9 876,04 euros ; que l'avocat du prévenu demande à la cour de rejeter la demande de la partie civile de ce chef ; qu'il résulte du courrier de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris qu'aucune indemnité journalière n'a été versée par la caisse, que le demandeur s'est trouvé au regard des documents médicaux et des clichés photographiques versés aux débats dans l'incapacité de travailler durant trente-sept jours, que M. Z... a indiqué lors de l'audience de la cour percevoir au moment de l'agression physique dont il a été victime un revenu mensuel de 7 500 euros ; qu'il s'ensuit que la cour dispose d'éléments suffisants pour réformer la décision querellée sur ce poste de préjudice et fixer la perte de gains professionnels subi par M. Z..., à la somme de 7 500 euros x 37/30 = 9 250 euros ; que s'agissant des dépenses de santé : que le tribunal a alloué à M. Z..., partie civile, la somme de 4 493,99 euros sur celle de 9 778,32 euros qu'il sollicitait au titre des dépenses de santé restées à sa charge ; que devant la cour, l'avocat de la partie civile a sollicité la réformation de la somme allouée au titre de ce préjudice, en réclamant la somme de 9 879,32 euros initialement demandée faisant valoir, que la réduction partielle opérée par le tribunal n'est pas justifiée, rappelant que :
- le coût de l'intervention chirurgicale de M. C..., médecin, est rapporté et le retrait de l'implant dentaire n° 26 a été justifié par la violence du coup que lui a porté M. X... au point d'enfoncer cet implant dentaire dans le sinus de la victime, ainsi que M. G... B..., médecin, en a attesté quelques jours seulement après les faits, le 17 septembre 2009,
- l'anesthésie générale lors de l'opération chirurgicale de M. C..., médecin, du 7 octobre 2009 était nécessaire pour retirer l'implant du sinus ; que l'avocat du prévenu conclut au rejet de la somme demandée au titre de ce poste de préjudice, faisant valoir qu'il ne serait pas justifié par la partie civile des frais médicaux et hospitaliers effectivement restés à sa charge ; que la cour observe que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, n'avait pris en charge qu'une somme de 201,02 euros au titre des frais d'hospitalisation de M. Z... de septembre 2009 au 15 septembre 2009 ; que par ailleurs, la partie civile justifie avoir exposé les dépenses de santé restées à sa charge suivantes :
- Intervention de M. B..., médecin : 170,00 euros - Intervention de M. F..., médecin : 90,00 euros - Scanners : 150,00 euros - Opération chirurgicale M. C..., médecin : 3 500,00 euros - Opération chirurgicale M. B..., médecin : 4 943,99 euros - Anesthésie M. H..., médecin : 1000,00 euros - Analyses de biologie médicale : 8,42 euros - Pharmacie : 16,91 euros soit au total : 9 879,32 euros ; qu'il convient, en conséquence, réformant partiellement le jugement déféré sur ce chef de préjudice, de faire droit à la demande d'indemnisation d'un montant de 9 879,32 euros formulée par M. Z... au titre des dépenses de santé restées à sa charge ;
Prejudices extrapatrimoniaux
que s'agissant du déficit fonctionnel temporaire : qu'il résulte des pièces médicales produites aux débats et de celles figurant déjà au dossier de la procédure que le déficit fonctionnel temporaire subi est de trente-sept jours ; que le tribunal a fait droit à ce poste de préjudice en allouant à la partie civile M. Z... la somme de trente-sept jours x 25 euros = 925 euros ; que l'avocat de la partie civile conclut à la confirmation de la somme qui lui a été allouée au titre de ce poste de préjudice ; que l'avocat du prévenu soutenant que le déficit fonctionnel n'aurait pas été permanent voire total, conclut à la réformation de la décision du tribunal sur ce poste de préjudice et au rejet de la demande ; qu'il n'est point contestable que la victime a subi au regard des pièces médicales versées au débats mais également des clichés photographiques produits, une incapacité fonctionnelle totale justifiant l'indemnité de 925 euros qui lui a été allouée par le tribunal ;
que s'agissant des souffrances endurées : que compte-tenu de l'évaluation effectuée par l'expert, M. D..., médecin, qui fixe ce poste de préjudice à 3/7, de la situation de M. Z..., qui a dû subir à la suite de la fracture du plancher orbitaire dont il a été victime, plusieurs interventions médicales dont une intervention chirurgicale réalisée sous anesthésie locale, des gênes douloureuses persistantes, un choc psychologique important associé à des douleurs au niveau du visage, des troubles nerveux qu'il présente quasi-systématiquement lors de ses sorties à bicyclette dans Paris, il y a lieu, réformant le jugement sur ce poste de préjudice de fixer à la somme de 4 000 euros l'indemnisation de la victime de ce chef de préjudice ; que s'agissant du déficit fonctionnel permanent, M. D..., médecin expert, a fixé ce poste à 2% ; qu'il a noté que M. Z..., âgé de 43 ans, a subi une réduction définitive du potentiel physique et psychosensoriel, qu'il souffre de gênes douloureuses persistantes quotidiennes au niveau de l'arcade orbitaire gauche notamment lors de la mastication, qui ne sont plus susceptibles d'amélioration par un traitement médical adapté ; que le tribunal a accordé 500 euros à M. Z... de ce chef ; que son avocat sollicite l'infirmation du jugement sur ce poste de préjudice et une indemnisation de 2 200 euros ; que l'avocat du prévenu conclut au rejet de la demande ; qu'en considération des éléments relevés par l'expert M. D..., la demande de M. Z... à hauteur de 1 100 euros, le point est justifié, et il y a lieu de lui accorder à ce titre la somme de 2 200 euros réclamée ; que s'agissant du préjudice esthétique temporaire : qu'à la suite du coup de poing qu'il a reçu le 12 septembre 2009, M. Z... a présenté un hématome péri-orbitaire gauche et une plaie ouverte sous-orbitaire gauche de 1 cm, non suturable ; que le tribunal a alloué à la victime la somme de 1 000 euros, au titre des préjudices esthétiques provisoire et définitif ; que l'avocat de la partie civile sollicite l'allocation de la somme de 1500 euros ; que l'avocat du prévenu conclut à la réduction de cette somme dans de plus justes proportions ; qu'au regard des éléments médicaux comme des clichés photographiques versés aux débats, la cour estime qu'il convient d'indemniser ce préjudice à hauteur de la somme de 1 000 euros ; que s'agissant du préjudice esthétique permanent (évalué à 1/7) : qu'à la suite des violences exercées sur sa personne par M. X..., M. Z... présente une cicatrice horizontale de 1 cm de longueur sous la paupière inférieure gauche et une cicatrice de 2,5 cm de longueur au niveau du coude gauche correspondant à la prise du greffon osseux de reconstruction du sinus ; que l'intéressé était au moment des faits, âgé de 43 ans, marié, père de trois enfants, exerçait la profession d'électricien, et ne présentait pas d'antécédents tant médicaux, que chirurgicaux ou traumatiques ; qu'il convient d'indemniser ce préjudice à hauteur de la somme de 1 000 euros ;

"1°) alors que si les juges du fond apprécient souverainement l'indemnité due à la victime sans être tenus de spécifier les bases sur lesquelles ils en ont évalué le montant, cette appréciation cesse d'être souveraine lorsqu'elle est fondée sur des motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ; que le demandeur faisait valoir que pour « évaluer la perte de gains professionnels de M. Z... [chef d'entreprise] il [aurait] fallu que ce dernier produise les documents comptables et fiscaux montrant quelle était la rémunération qui lui était versée par la société, et justifier que celle-ci ne l'aurait pas été ou de manière moindre, pendant la période d'arrêt de travail et enfin une comparaison avec ses revenus de l'année précédant les faits et de l'année postérieure aux faits » ; qu'en fixant le montant de l'indemnisation accordée à M. Z... à la somme de 9 250 aux seuls motifs qu'« il résulte du courrier de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris qu'aucune indemnité journalière n'a été versée par la caisse, que le demandeur s'est trouvé au regard des documents médicaux et des clichés photographiques versés aux débats dans l'incapacité de travailler durant trente-sept jours, que M. Z... a indiqué lors de l'audience de la cour percevoir au moment de l'agression physique dont il a été victime un revenu mensuel de 7 500 euros » et qu'il « s'ensuit que la cour dispose d'éléments suffisants pour réformer la décision querellée sur ce poste de préjudice et fixer la perte de gains professionnels subi par M. Z..., à la somme de 7 500 euros x 37/30 = 9 250 euros », sans répondre à ces conclusions déterminantes du demandeur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a violé les textes visés au moyen ;

"2°) alors que M. X... rappelait qu'il convenait de prendre en compte les remboursements perçus par M. Z... de sa mutuelle pour évaluer le montant de l'indemnisation lui revenant au titre des dépenses de santé restées à sa charge et soulignait dans ses conclusions d'appel, que la partie civile « qui indique bénéficier d'une mutuelle d'assurance maladie complémentaire, ne produi [sait] aucun justificatif de remboursement ou l'absence de remboursement de ces frais par sa mutuelle » de sorte qu'il n'était « pas possible de connaître le montant des frais médicaux qui serait resté à sa charge » ; qu'en allouant à M. Z... la somme qu'il réclamait au titre des dépenses de santé prétendument restées à sa charge sans répondre à ce moyen essentiel des conclusions du demandeur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a violé les textes visés au moyen ;

"3°) alors que le propre de la responsabilité est de réparer le dommage subi par la victime sans qu'il en résulte pour elle ni perte, ni profit ; que la réparation accordée à la victime au titre du déficit fonctionnel permanent, inclut, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales ; qu'en allouant, en l'espèce, à M. Z... la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice né, notamment « des troubles nerveux qu'il présente quasi-systématiquement lors de ses sorties à bicyclette dans Paris », tout en lui allouant la somme de 2 200 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a réparé deux fois le même préjudice et a violé le principe de la réparation intégrale et les textes visés au moyen ;

"4°) alors que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en se fondant exclusivement sur les conclusions du rapport non contradictoire de M. D..., médecin, dont les conclusions étaient contestées par le demandeur, pour allouer à la partie civile la somme de 2 200 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Steve X..., qui circulait en voiture à Paris, à la suite d'une altercation qui l'a opposé à M. Pascal Z..., cycliste, a été condamné pour violences, déclaré entièrement responsable des dommages subis par ce dernier, et condamné à l'indemniser de ses préjudices ; que le prévenu et la partie civile ont interjeté appel des dispositions civiles du jugement ;

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches : Vu les articles 1382, devenu 1240 du code civil et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu que, selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour fixer, d'une part, la perte de gains professionnels subis par M. Z... à la somme de 9 250 euros, d'autre part le montant des frais médicaux restés à sa charge à celle de 9879,32 euros, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu, selon lesquelles, d'une part, la partie civile ne faisait pas la preuve que l'activité de la société dont il était le président avait été interrompue pendant toute la durée de son arrêt de travail et qu'à supposer qu'elle l'ait été, M. Z... aurait dû produire les documents comptables et fiscaux montrant quelle était la rémunération qui lui était versée par la société et une comparaison avec ses revenus de l'année précédant les faits et de l'année postérieure aux faits, d'autre part, la partie civile, qui indiquait bénéficier d'une mutuelle d'assurance maladie complémentaire, ne produisait aucun justificatif de remboursement ou d'absence de remboursement de ces frais par sa mutuelle, le simple fait que certains frais médicaux soient en dépassement d'honoraires ne signifiant pas qu'ils soient restés à sa charge, l'objet des assurances complémentaires étant de rembourser, en tout ou en partie, ces dépassements, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ces chefs ;

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu que, pour fixer à 4 000 euros la somme due à M. Z... au titre des souffrances endurées par lui, l'arrêt retient, notamment, l'existence de troubles nerveux qu'il présente quasi-systématiquement lors de ses sorties à bicyclette dans Paris ;

Mais attendu qu'en allouant également à la partie civile une indemnité au titre du déficit fonctionnel permanent, lequel inclut l'ensemble des troubles dans les conditions d'existence subis par la victime du dommage, la cour d'appel, qui a indemnisé deux fois le même préjudice, a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef ;

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que les juges ne sauraient, pour évaluer un poste de préjudice, se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée unilatéralement, à la demande de la partie civile, et contestée par le prévenu ;

Attendu que, pour condamner M. X... à verser à M. Z... une somme de 2 200 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent, l'arrêt retient que le médecin expert en réparation du dommage corporel, désigné par la partie civile, a fixé ce poste à 2%, et qu'en considération des éléments relevés par ce même expert, la demande de M. Z..., à hauteur de 1 100 euros le point, est justifiée ;

Mais attendu qu'en se fondant ainsi sur cette seule expertise privée, alors que le prévenu la contestait en faisant valoir qu'un certificat établi par les urgences médico-judiciaires, postérieurement à cette expertise, ne mentionnait aucune incapacité permanente partielle, et que l'expertise privée ne justifiait pas en quoi consisterait cette incapacité, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue derechef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 26 octobre 2016, mais en ses seules dispositions relatives à la perte de gains professionnels, aux dépenses de santé, aux souffrances endurées, et au déficit fonctionnel permanent, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

Assurance "emprunteurs" et interdépendance des contrats

Note Mayaux, RGDA 2018, p. 312.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 12 avril 2018
N° de pourvoi: 17-13.118
Publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Delamarre et Jehannin, SCP Didier et Pinet, SCP Ghestin, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à la société Stellium immobilier du désistement de son pourvoi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 décembre 2016), que M. X..., démarché par M. Y..., se présentant comme conseiller en investissement indépendant mandaté par la société Omnium conseil, a conclu un contrat de réservation portant sur un appartement et une place de stationnement d'un immeuble, puis les a acquis en l'état futur d'achèvement de la société La Queurie, selon acte authentique du 8 avril 2008 ; que l'acquéreur a payé comptant en la comptabilité du notaire la somme de 37 915,50 euros, ladite somme provenant d'une fraction d'un prêt immobilier contracté par acte authentique du même jour auprès de la société financière de crédit immobilier de Picardie Champagne-Ardennes, M. X... ayant adhéré au contrat d'assurance groupe conclu par le prêteur avec la société CNP assurances pour couvrir les risques décès et invalidité ; que l'immeuble a été livré fin 2009; que, contestant les conditions dans lesquelles il a conclu ces contrats, dont l'objectif était la défiscalisation, M. X... a assigné la société La Queurie, les sociétés Omnium finance, anciennement nommée Omnium conseil, et Crédit immobilier de France Nord, venant aux droits de la société financière de Crédit immobilier de Picardie Champagne-Ardennes, CNP assurances et M. Y... en annulation des contrats et en indemnisation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société La Queurie fait grief à l'arrêt de prononcer l'annulation du contrat de réservation, de dire que M. X... avait conservé la faculté de se rétracter, faute de notification régulière du délai de réflexion de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, de dire que la vente immobilière est annulée et, en conséquence, d'ordonner à la société La Queurie de restituer à M. X... le prix payé, alors, selon le moyen, que la signature par l'acquéreur de l'acte authentique de vente sans réserve vaut renonciation à se prévaloir de l'irrégularité de la notification du droit de rétractation prévue à l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel ayant constaté que M. X... avait signé l'acte authentique de vente, lequel mentionnait que les prescriptions de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation avaient déjà été respectées, sans émettre de réserve quant à l'irrégularité de la présentation de la faculté de renonciation au sein du contrat préliminaire de réservation qui l'avait précédé, elle devait en déduire que M. X... avait par là même renoncé à exercer son droit de rétractation, en sorte que la lettre du 17 février 2015 ne pouvait valoir rétractation valable et emporter anéantissement de la vente ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que, le contrat de réservation, qui était un contrat distinct et autonome du contrat de vente, étant nul, M. X... se trouvait dans la situation visée au cinquième alinéa de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation et constaté qu'il n'avait pas bénéficié d'un délai de réflexion, la cour d'appel a déduit, à bon droit, de ces seuls motifs que la vente devait être annulée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué, ci-après annexé :

Attendu que la société CNP assurances fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de M. X... à lui payer une somme correspondant aux restitutions des garanties par elle accordées en exécution du contrat d'assurance ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la société CNP assurances précisait qu'elle avait fourni durant plusieurs années une prestation d'assurance qui ne pouvait être restituée en nature, la cour d'appel a relevé que M. X..., devant être replacé dans la situation qui eût été la sienne s'il n'avait pas contracté et que tel ne serait pas le cas s'il devait être considéré qu'il était débiteur de sommes au titre de ce contrat d'assurance dépendant de cet ensemble contractuel rétroactivement dépourvu d'effets, la cour d'appel a pu en déduire ou en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu d'accueillir cette demande ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société La Queurie et la société CNP assurances aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société La Queurie à payer à M. X... la somme de 3 000 euros, et rejette les autres demandes ;

Police "dommages ouvrage" et portée d'une renonciation à recours

Note Schulz, RGDA 2018, p. 311.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 29 mars 2018
N° de pourvoi: 17-12.028
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
Me Le Prado, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger, SCP Odent et Poulet, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 6 décembre 2016), que, le 7 juillet 1994, la société HLM Coutances-Granville (la société HLM) a vendu à Mme X... un terrain à bâtir sur lequel celle-ci a fait construire un pavillon ; que le constructeur a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP) ; qu'à la suite d'apparition de fissures en 2002, la SMABTP a accordé sa garantie, après expertise amiable, et a indemnisé Mme X... pour ces dommages ; que les travaux de reprise par installation de micro-pieux ont été interrompus par la découverte sous la maison de canalisations en inéquation avec le plan de bornage du lot, annexé à l'acte de vente ; que, le 2 avril 2010, Mme X... a assigné la société HLM en dommages-intérêts sur le fondement du dol, puis, le 9 janvier 2012, la SMABTP en condamnation solidaire de la société HLM sur le fondement d'une faute contractuelle ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu que la société HLM fait grief à l'arrêt de déclarer l'action de Mme X... recevable ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la renonciation de Mme X... à un recours dans le document « acceptation d'indemnité » était limitée aux seuls désordres déclarés en 2002, distincts des réclamations présentées à la suite de la découverte du passage de canalisations d'eaux de pluies et usées sous la maison, la cour d'appel a souverainement retenu que Mme X... justifiait d'un intérêt à agir ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu que la société HLM fait grief à l'arrêt de retenir sa résistance dolosive et de la condamner in solidum avec la SMABTP à payer une provision et à garantir la SMABTP de toutes condamnations prononcées contre elle ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société HLM, qui était présente aux réunions de chantier, était informée que les canalisations implantées sous une parcelle avaient été déviées sous le terrain qu'elle avait ensuite vendu, en qualité de lotisseur, à Mme X... et que le plan de bornage, établi après ces travaux et annexé à l'acte de vente, ne faisait pas apparaître la servitude de passage liée à cette canalisation après son dévoiement et souverainement retenu que la société HLM, qui était un professionnel de l'aménagement et de la construction, ne pouvait arguer, ni de sa bonne foi, ni de son ignorance ou d'une erreur dans la production des documents joints à l'acte de vente et que son silence délibéré était destiné à conduire à la vente du terrain, la cour d'appel, qui, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que, du fait de sa réticence dolosive, la société HLM devait être déclarée responsable des préjudices subis par Mme X..., a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres moyens du pourvoi principal et les moyens du pourvoi incident qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société HLM Coutances-Granville aux dépens des pourvois ;

Voisinage, empiètement et climatiseurs

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 31 mai 2018
N° de pourvoi: 17-17.933
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Chauvin (président), président
SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mars 2017), que M. Y... est propriétaire d'une parcelle cadastrée [...], contigüe à une parcelle cadastrée [...] et appartenant à M. X... ; que celui-ci, se plaignant de l'installation par M. Y... de trois climatiseurs en surplomb du chemin et de canalisations d'évacuation d'eau dans son sous-sol, l'a assigné en enlèvement de ces ouvrages et remise en état de la parcelle [...] ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles 544 et 552 du code civil, ensemble l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. X... en enlèvement des climatiseurs et des canalisations empiétant sur la parcelle [...] , l'arrêt retient que cette parcelle est un chemin d'exploitation et que ces ouvrages ne font pas obstacle au passage des riverains ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la parcelle [...] était la propriété exclusive de M. X..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en qu'il a rejeté les demandes de M. X... tendant à la condamnation de M. Y... à enlever les trois climatiseurs et les canalisations installées en tréfonds sur la parcelle cadastrée section [...] , l'arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;