jeudi 29 juin 2023

Copropriété et abus de jouissance d'un locataire

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 432 F-D

Pourvoi n° X 20-22.617




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], dont le siège est [Adresse 2], représenté par son syndic la société Pierre et Gestion, domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° X 20-22.617 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société de La Pichardière, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Patrick Pons diffusion, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La société civile immobilière de La Pichardière a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La société Patrick Pons diffusion a formé un pourvoi incident éventuel. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La société civile immobilière de La Pichardière et la société Patrick Pons diffusion invoquent, chacune, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], de la SCP Boullez, avocat de la société Patrick Pons diffusion, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société de La Pichardière, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2020), le 1er avril 1997, la société Garage universel, aux droits de laquelle est venue la société civile immobilière de La Pichardière (la SCI), propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, les a donnés à bail commercial à la société Patrick Pons diffusion (la locataire) qui y a exploité un hall d'exposition de motos et un atelier de réparation.

2. Le 9 août 2013, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] (le syndicat des copropriétaires) a, par voie d'action oblique, assigné la locataire en résolution judiciaire du bail.

3. Il a par ailleurs demandé la condamnation in solidum de la SCI et de la locataire à l'indemniser de ses préjudices.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, le moyen du pourvoi incident de la SCI et le moyen du pourvoi incident de la locataire

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes tendant à voir condamner in solidum la SCI et la locataire au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices causés par les abus de jouissance de ces sociétés, alors « que s'il résulte de l'article 955 du code de procédure civile que lorsqu'elle confirme un jugement, une cour d'appel est réputée avoir confirmé les motifs de ce jugement, ce texte n'institue pas une dispense de motivation et de réexamen de l'affaire en fait et en droit qui est le propre de l'appel ; que le syndicat des copropriétaires demandait la condamnation in solidum de la SCI de La Pichardière, en vertu de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 et de la société Patrick Pons diffusion, sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil au paiement d'une somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de multiples préjudices causés à la copropriété, aux copropriétaires et aux occupants de l'immeuble par les abus de jouissance qui avaient perduré pendant des années en violation des dispositions législatives et réglementaires et critiquait le motif du premier juge qui avait rejeté l'indemnisation aux motifs que « l'assemblée générale des copropriétaires du 12 juin 2008 a refusé le projet de mise en conformité alors même qu'il n'avait aucun impact sur les voies de circulation, ni sur le jardin de l'immeuble » ; que le syndicat de copropriétaires soutenait que ce motif était mal fondé car il était démontré qu'en fait, ce « projet de mise en conformité » avait des emprises importantes sur les parties communes de l'immeuble et ne respectait pas les prescriptions de l'expert sur « la largeur du passage actuel des véhicules » et sur « l'absence de parking motos dans les circulations » et qu'en droit, la décision de l'assemblée générale du 12 juin 2008 était définitive tant à l'égard de la SCI de La Pichardière que de la société Patrick Pons diffusion, le copropriétaire bailleur n'ayant pas pris l'initiative d'engager l'action en contestation dans le délai que lui offrait l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ; que, pour rejeter les demandes d'indemnisation du syndicat des copropriétaires, la cour d'appel s'est bornée à reproduire servilement les motifs du jugement critiqués dans les écritures du syndicat des copropriétaires, sans motivation propre ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 955 et 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile : 6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux
conclusions constitue un défaut de motifs.

7. Pour rejeter la demande du syndicat des copropriétaires en indemnisation des préjudices causés par les abus de jouissance de la locataire et de la SCI, l'arrêt se borne à recopier les motifs du jugement ayant retenu qu'il résultait de l'article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 que le syndicat devait permettre la jouissance des locaux dans des conditions normales sans porter atteinte aux droits des occupants et que l'assemblée générale des copropriétaires du 12 juin 2008 avait refusé le projet de mise en conformité alors même qu'il n'avait aucun impact sur les voies de circulation ni sur le jardin de l'immeuble.

8. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du syndicat des copropriétaires critiquant, en fait et en droit, cette motivation, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

REJETTE les pourvois incidents ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] en condamnation in solidum de la société civile immobilière de La Pichardière et de la société Patrick Pons diffusion au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 4 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société civile immobilière de La Pichardière et la société Patrick Pons diffusion aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société civile immobilière de La Pichardière et société Patrick Pons diffusion et les condamne à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] la somme de 3 000 euros ;

Propriété immobilière et prescription acquisitive

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 444 F-D

Pourvoi n° Q 21-25.788




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023

M. [J] [M], domicilié [Adresse 7], a formé le pourvoi n° Q 21-25.788 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [R] [A],

2°/ à Mme [U] [H], épouse [A],

domiciliés tous deux [Adresse 5],

3°/ à M. [C] [Z],

4°/ à Mme [P] [H], épouse [Z],

domiciliés tous deux [Adresse 6],

5°/ à la commune de [Localité 9], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'Hôtel de ville, [Adresse 1],

6°/ à Mme [S] [B], domiciliée [Adresse 8],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de Me Bardoul, avocat de M. [M], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la commune de [Localité 9], après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 18 novembre 2021), M. [M] et Mme [B] ont acquis en indivision les parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 2] à [Cadastre 4] situées sur la commune de [Localité 9] (la commune).

2. M. et Mme [A] et M. et Mme [Z] (les consorts [A] et [Z]), propriétaires de parcelles situées en amont, ont construit une rampe d'accès commune à leurs propriétés débouchant à l'embranchement du chemin permettant l'accès au fonds de M. [M] et Mme [B].

3. M. [M] a assigné les consorts [A] et [Z] et la commune en revendication de la propriété de l'extrémité de ce chemin, et en cessation du trouble résultant du déversement d'eaux pluviales sur sa propriété. Mme [B] a été appelée en la cause.

4. A titre reconventionnel, la commune a revendiqué l'acquisition par prescription de cette partie du chemin.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen pris en sa deuxième branche, et le troisième moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

6. M. [M] fait grief à l'arrêt de dire que la partie litigieuse du chemin appartient à la commune, alors :

« 1°/ qu'une commune peut contribuer à l'entretien d'une voie privée lorsque cette dernière n'est pas fermée au public : qu'en retenant pour caractériser une possession continue, non-interrompue, paisible et publique que la commune avait effectué un entretien de la zone litigieuse, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir l'existence d'une possession en violation de l'article 2261 du code civil ;

3°/ que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ; qu'en jugeant que la commune était devenue propriétaire de la partie du chemin rural des Râches d'en Haut empiétant partiellement sur les parcelles C[Cadastre 2], C[Cadastre 3] et C[Cadastre 4] en raison d'une prescription acquisitive trentenaire sans rechercher si, comme l'y invitait les conclusions du demandeur au pourvoi, la circonstance que la commune ait proposé en 2012 à M. [M] de lui acheter la zone litigieuse après avoir établi un procès-verbal de bornage en 2011 indiquant que la zone litigieuse appartenait aux consorts [M]-[B] n'établissait pas que la commune ne pouvait avoir possédé en tant que propriétaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2261 du code civil.»

Réponse de la Cour

7. Ayant relevé qu'à l'occasion des travaux réalisés en 1978, le tracé du chemin avait été modifié et que son assiette, déplacée sur une portion des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3], avait été goudronnée par la commune, puis retenu que cette dernière avait, à compter de cette date, procédé à l'entretien et à l'amélioration du chemin, la cour d'appel, qui en a déduit que la commune justifiait sur une période de trente ans d'actes matériels de possession ayant entraîné l'acquisition par prescription de la partie litigieuse du chemin, a, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [M] et le condamne à payer à la commune de [Localité 9] la somme de 3 000 euros ;

Notion d'ouvrage accessoire à un ouvrage soumis à l'obligation d'assurance décennale

 Note S. Hourdeau, RCA 2023-9, p. 36

Note JP Karila, RGDA 2023-9, p. 22

Note P. Dessuet, RGDA 2023-9, p. 26

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 juin 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 474 FS-B

Pourvoi n° H 21-10.256









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023

La société Jezo Le Ludec, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 13], a formé le pourvoi n° H 21-10.256 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [J] [W], domicilié [Adresse 5],

2°/ à M. [U] [W], domicilié [Adresse 8],

3°/ à la société Financière Tony Greg, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],

4°/ à M. [C] [P],

5°/ à Mme [G] [O], épouse [P],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

6°/ à M. [D] [P], domicilié [Adresse 4],

7°/ à M. [X] [P], domicilié [Adresse 10],

8°/ à la société Guyot recyclage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 14],

9°/ à la société Eiffage route Ile-de-France, Centre Ouest, société en nom collectif, dont le siège est ZAC La Courrouze, [Adresse 3], venant aux droits de la société Eiffage route Ouest, nouvelle dénomination d'Eiffage travaux publics Ouest,

10°/ à la société Eiffage infrasructures, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], nouvelle dénomination d'Eiffage travaux publics,

11°/ à la Société mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 11],

12°/ à la société Restech, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

13°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 12],

14°/ à M. [L] [W], domicilié [Adresse 9],

15°/ à l'Union départementale des associations familiales du Morbihan (UDAF du Morbihan), dont le siège est [Adresse 7], prise en qualité de curateur de M. [L] [W],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Jezo Le Ludec, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la SMABTP, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Jezo Le Ludec du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [G] [P], MM. [J], [U] et [L] [W] et MM. [C], [D] et [X] [P], l'Union départementale des associations familiales du Morbihan prise en sa qualité de curateur de M. [L] [W] et les sociétés Financière Tony Greg, Guyot recyclage, Eiffage route Ile-de-France/Centre Ouest, Eiffage infrastructures, Restech et Gan assurances.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 octobre 2020), en 2006, la société Guyot recyclage a confié à la société Jezo Le Ludec, assurée auprès de la Société mutuelle du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un bâtiment de « stockage de déchets ».

3. Le lot « voirie et réseaux divers, terrassements » a été confié à la société EGTP, assurée auprès de la société Gan assurances.

4. La société EGTP a sous-traité une partie des travaux à la société Bretagne réseaux, aux droits de laquelle est venue la société Restech.

5. Se plaignant de dysfonctionnements des réseaux d'évacuation et de déversements de liquides polluants en périphérie des installations, la société Guyot recyclage a assigné la société Eiffage travaux publics Ouest, venant aux droits de la société EGTP, la société Eiffage travaux publics et la société Jezo Le Ludec sur le fondement des articles 1792 et 1147 du code civil. Les sociétés du groupe Eiffage ont assigné en intervention forcée les consorts [W] et [P], la société Financière Tony Greg, la société Restech, venant aux droits de la société Bretagne Réseaux, la société Gan assurances, la société Jezo Le Ludec et la SMABTP.

Examen des moyens

Sur le second moyen

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Jezo Le Ludec fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en garantie contre la SMABTP, alors « que le contrat d'assurance destiné à garantir notamment la responsabilité décennale d'un constructeur susceptible d'être engagée sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil couvre tous les travaux de construction d'un ouvrage, sauf exception limitativement énumérée à l'article L. 243-1-1 du code des assurances ; que cet article, dans sa version résultant de l'ordonnance du 8 juin 2005, applicable au litige, exclut de l'assurance obligatoire les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages, mais ne vise pas les ouvrages de stockage de déchets ; que le contrat de maîtrise d'oeuvre passé le 12 juin 2006 entre la société Jézo Le Ludec et la société Guyot portait sur « la construction d'un bâtiment de stockage de déchets » ; que pour décider que ces travaux n'étaient pas couverts par le contrat d'assurance souscrit par la société Jézo Le Ludec, la cour a retenu que l'opération globale portait sur la construction d'un centre de tri et de valorisation des déchets, et que le bassin d'orage en était l'accessoire ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 243-1-1 du code des assurances dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 8 juin 2005. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 243-1-1 du code des assurances, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 :

8. Ce texte édicte, en son premier alinéa, une liste d'ouvrages qui sont exclus en toutes circonstances de l'obligation d'assurance et, en son second alinéa, une liste d'ouvrages qui n'en sont exclus que s'ils ne constituent pas l'accessoire d'un ouvrage soumis à l'obligation.

9. Dès lors qu'il prévoit des exceptions aux obligations d'assurance d'ordre public édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 du code des assurances, ce texte est d'interprétation stricte.

10. Il en résulte qu'un ouvrage non visé à l'article L. 243-1-1 du code des assurances reste soumis à l'obligation d'assurance, serait-il l'accessoire d'un ouvrage qui en est exclu.

11. Pour rejeter le recours en garantie formé par la société Jezo Le Ludec contre la SMABTP, l'arrêt retient que l'opération portait sur la construction d'un centre de tri et de valorisation des déchets non soumis aux obligations d'assurance et que le bassin d'orage litigieux en était l'accessoire.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de garantie de la société Jezo Le Ludec formée contre la SMABTP, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et la condamne à payer à la société Jezo Le Ludec la somme de 3 000 euros ;

mercredi 21 juin 2023

Urbanisme, voisinage et perte d'ensoleillement (CE)

Note, O. Le Bot, SJ G 2023, p. 1164.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires des 1-3 square Alice et 127 rue Didot et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 janvier 2019 par lequel la maire de Paris a accordé un permis de construire à la société anonyme d'habitation à loyer modéré " Toit et Joie ", ainsi que la décision implicite du 28 mai 2019 de rejet de leur recours gracieux. Par un jugement n° 1915758/4-3 du 19 février 2021, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 avril et 29 juin 2021 et le 17 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des copropriétaires des 1-3 square Alice et 127 rue Didot et autre demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sara-Lou Gerber, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat du syndicat des copropriétaires des 1 square Alice, 3 square Alice et de M. B..., à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la SA HLM " Toit et Joie " ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 30 janvier 2019, la maire de la Ville de Paris a accordé à la société anonyme d'habitation à loyer modéré (SA HLM) " Toit et Joie " un permis de construire en vue de la réalisation d'un immeuble de vingt logements sociaux. Le syndicat des copropriétaires des 1-3 square Alice et 127 rue Didot et M. A... B... se pourvoient en cassation contre le jugement du 19 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article UG 7.1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la Ville de Paris : " Nonobstant les dispositions du présent article UG.7 et de l'article UG.10.3, l'implantation d'une construction en limite séparative peut être refusée si elle a pour effet de porter gravement atteinte aux conditions d'éclairement d'un immeuble voisin (... ) ". Au sens de ces dispositions, l'atteinte grave aux conditions d'éclairement suppose une obstruction significative de la lumière, qui ne saurait se réduire à une simple perte d'ensoleillement. Lorsqu'une obstruction significative résulte de la perte totale d'éclairement d'une pièce d'au moins un des appartements de l'immeuble voisin, la gravité de l'atteinte doit s'apprécier en prenant en compte les caractéristiques propres de cette pièce, notamment sa destination, ainsi que son rôle dans le niveau d'éclairement d'ensemble du ou des appartements concernés.

3. Pour juger que la construction projetée ne portait pas gravement atteinte aux conditions d'éclairement des appartements de l'immeuble voisin, le tribunal administratif a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les pièces concernées par une obstruction de la lumière à raison de ce projet n'étaient pas des pièces de vie principales mais des salles de bain seulement éclairées, selon le dossier de la demande de permis de construire, par des jours de souffrance, c'est-à-dire par des ouvertures ne laissant entrer que la lumière. Ainsi, il ne s'est pas fondé sur la seule circonstance que les salles de bains de chacun des appartements concernés, privées d'éclairement du fait du projet envisagé, avaient le caractère de pièces secondaires, mais a aussi tenu compte de la destination de ces pièces et de leur rôle dans le niveau d'éclairement d'ensemble des appartements concernés. Par suite, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En deuxième lieu, le 1° de l'article UG 7.2 du règlement du PLU de la Ville de Paris dispose que : " Les propriétaires de terrains contigus ont la possibilité de ménager entre leurs bâtiments des cours communes. (...) ". Eu égard à l'objet de ces dispositions qui est d'aménager les règles d'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, une servitude dite de " cours communes " peut être instituée alors même qu'une des parcelles ne comporterait pas de bâtiments mais des infrastructures ou ne serait pas encore bâtie. Par suite, par ce motif qui n'appelle aucune appréciation de faits et qu'il y a lieu de substituer à celui retenu par le tribunal administratif, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la convention de cours communes passée entre la société " Toit et joie " et la SNCF n'était pas invocable faute de ménager une servitude de cours communes " entre leurs bâtiments " dès lors que, selon eux, les infrastructures ferroviaires en cause ne pouvaient pas être qualifiées de bâtiments.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article UG 13.1.2 du règlement du PLU de la Ville de Paris : " Normes relatives aux espaces libres*, à la pleine terre* et aux surfaces végétalisées : / 1°- Dispositions générales : Sur tout terrain dont la profondeur est supérieure à celle de la bande Z*, les espaces libres, situés ou non dans la bande Z, doivent présenter une surface au sol au moins égale à 50% de la superficie S correspondant à la partie du terrain située hors de la bande Z. / (...) / 2°- Cas d'impossibilité technique de réaliser des surfaces de pleine terre : (...) / 3°- Travaux conservant la majeure partie du bâti existant : / Les travaux conservant la majeure partie du bâti existant sur un terrain dont l'occupation n'est pas conforme aux dispositions énoncées au § 1° ou 2° ci-avant sont admis à condition : / - qu'ils ne diminuent pas la Surface végétalisée pondérée* totale calculée sur l'ensemble du terrain avant travaux (Voir calcul indiqué au § 1° ci-avant), / - et que les espaces libres après travaux fassent l'objet d'un traitement de qualité ". Le règlement du plan local d'urbanisme définit " un terrain " comme " une propriété foncière d'un seul tenant, composé d'une parcelle ou d'un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire (unité foncière) ". Les dispositions de l'article UG 13.1.2 précitées prévoient que les constructions sur un terrain doivent respecter des normes relatives aux espaces libres et de pleine terre. Son 3° permet, à titre dérogatoire, lorsque l'occupation d'un terrain déjà bâti n'est pas conforme à ces normes, de réaliser des travaux qui diminuent la surface au sol des espaces libres sous réserve de ne pas diminuer la surface végétalisée pondérée calculée conformément au PLU et que les espaces libres après travaux fassent l'objet d'un traitement de qualité, à condition que ces travaux conservent la majeure partie du bâti existant sur ce terrain au sens du règlement du plan local d'urbanisme.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la construction projetée consiste en un nouvel immeuble d'habitation devant être édifié à côté de ceux existant sur une même unité foncière constituant le terrain d'assiette. Ayant souverainement relevé que les travaux ne diminuent pas la surface végétalisée pondérée totale calculée sur l'ensemble du terrain avant travaux et que les espaces libres après travaux doivent faire l'objet d'un traitement de qualité, c'est sans erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que ces travaux, conservant par ailleurs la majeure partie du bâti existant, ne méconnaissent pas les dispositions du 3° de l'article UG. 13.1.2 du règlement du PLU.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat des copropriétaires des 1-3 square Alice et 127 rue Didot et autre ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent, à ce titre, le syndicat des copropriétaires des 1-3 square Alice et 123 rue Didot et M. B.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre respectivement à la charge du syndicat des copropriétaires des 1-3 square Alice et 123 rue Didot et de M. B... les sommes de 1 500 euros chacun à verser à la Ville de Paris et de 1 500 euros chacun à verser à la SA HLM " Toit et Joie ", au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du syndicat des copropriétaires des 1-3 square Alice et 123 rue Didot et de M. B... est rejeté.

Article 2 : Le syndicat des copropriétaires des 1-3 square Alice et 123 rue Didot et M. B... verseront chacun les sommes de 1 500 euros à la Ville de Paris et de 1 500 euros à la SA HLM " Toit et Joie ", au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat des copropriétaires des 1-3 square Alice et 127 rue Didot, à M. A... B..., à la société anonyme d'habitation à loyer modéré " Toit et Joie " et à la Ville de Paris.
Délibéré à l'issue de la séance du 27 mars 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Sara-Lou Gerber, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 12 avril 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Sara-Lou Gerber
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras

mardi 20 juin 2023

En statuant ainsi, dans une composition comportant un magistrat qui avait déjà tranché le même litige en première instance...

 

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 juin 2023




Annulation


Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 599 F-D

Pourvoi n° M 22-10.724



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023

La société Hochet 14, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Hochet Touchard, a formé le pourvoi n° M 22-10.724 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2021 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [F] [X], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Hochet 14, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [X], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 23 novembre 2021), sur la requête de la société Hochet 14 (la société), le président d'un tribunal de grande instance a délivré une ordonnance d'injonction de payer enjoignant à M. [X] de régler en principal une certaine somme.

2. M. [X] ayant formé opposition à cette ordonnance, le tribunal de grande instance a rejeté les demandes de la société par jugement du 8 novembre 2018 dont elle a relevé appel.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté ses demandes, et y ajoutant, de la débouter de toutes ses demandes, alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'en l'espèce, le tribunal de grande instance d'Argentan ayant rendu le jugement de première instance était notamment composé de « M. [W] [G] » (jugement entrepris, p. 1ère) ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué (pp. 1ère et 2) que l'affaire a été débattue en appel devant M. Guiguesson seul, qui a ensuite rendu compte des plaidoiries à la cour d'appel, composée lors du délibéré de « M. Guiguesson, président de chambre », « Mme Velmans, conseillère », et « M. [G], conseiller » ; qu'en statuant ainsi, dans une composition comportant un magistrat, M. [G], qui avait déjà connu du même litige en première instance en faisant partie du tribunal ayant rendu le jugement entrepris, la cour d'appel a méconnu l'exigence d'impartialité, en violation de l'article 6 § 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. M. [X] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que la société, représentée par le même avocat en première instance et devant la cour d'appel, n'a pas présenté, avant la clôture des débats, une contestation de la régularité de la composition de la juridiction qui correspondait à l'ordonnance de roulement du premier président de la cour d'appel et qu'elle n'est donc pas recevable à l'invoquer pour la première fois devant la Cour de cassation.

6. Cependant, la partie dont l'affaire est examinée par un juge rapporteur et qui n'a pas été mise en mesure de connaître la composition de la juridiction appelée à statuer, au plus tard au moment de l'ouverture des débats, peut, en application de l'article 430, alinéa 2, du code de procédure civile, invoquer devant la Cour de cassation l'irrégularité de la composition au regard des exigences d'impartialité.

7. L'affaire opposant la société et M. [X] a été plaidée devant un conseiller rapporteur et il n'est pas établi que la société ait été mise en mesure de connaître la composition de la cour d'appel appelée à statuer.

8. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

9. Il résulte de ce texte que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial.

10. L'arrêt mentionne que l'affaire a été délibérée par la cour d'appel, composée notamment de M. [G], magistrat figurant dans la composition du jugement, objet de l'appel.

11. En statuant ainsi, dans une composition comportant un magistrat qui avait déjà tranché le même litige en première instance, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Clause préliminaire de conciliation du contrat-type de l'ordre des architectes

 Note R. Schulz, RGDA 2023-6, p. 39

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CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 mars 2023




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 228 F-D

Pourvoi n° H 21-16.650




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2023

La société GMT Langaste, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 21-16.650 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [R] [P] [M], domiciliée [Adresse 6],

2°/ à Mme [V] [J], domiciliée chez cabinet CGFE, [Adresse 8],

3°/ à M. [Z] [W], domicilié [Adresse 5],

4°/ à la société ICESAM, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de son liquidateur amiable M. [Z] [G],

5°/ au cabinet [K] [D], dont le siège est [Adresse 7] (Liechtenstein), pris en qualité de liquidateur de la société Gable Insurance,

6°/ à la société Elow architecte, société à responsabilité limitée, dont le siège est chez cabinet CGFE, [Adresse 8],

7°/ à la Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 3],

8°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société GMT Langaste, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mmes [P] [M], [J], de la société Elow architecte et de la Mutuelle des architectes français, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société GMT Langaste du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [W], la société Icesam, le Cabinet [K] [D], en qualité de liquidateur de la société Gable Insurance, la société MAAF assurances.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 février 2021), le 25 février 2011, la société GMT Langaste a fait l'acquisition d'un immeuble en vue de sa revente après réhabilitation.

3. Par actes sous seing privé des 18 février et 20 octobre 2011, cette société a confié à Mme [P] [M], architecte, une mission de conception, comprenant les études préliminaires et l'obtention du permis de construire, et à Mme [J], architecte au sein de la société Elow architecte, la direction, la supervision et la réception des travaux.

4. Se plaignant de désordres et d'un manque de diligence des architectes, la société GMT Langaste, après avoir fait réaliser une expertise amiable du chantier, a saisi d'une demande d'expertise judiciaire le juge des référés d'un tribunal de grande instance, qui, par une ordonnance du 13 février 2014, a accueilli la demande.

5. Se prévalant des conclusions de ce rapport, la société GMT Langaste a assigné Mme [P] [M], Mme [J], la société Elow architecte, la Mutuelle des architectes français, la société MAAF assurances, la société Gable Insurance, M. [W] et la société Icesam passion bois, par actes des 16, 17, 22 avril, 7 et 22 mai 2015, afin d'obtenir réparation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche,

Enoncé du moyen

7. La société GMT Langaste fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes tendant au paiement des charges supportées en raison du chantier, d'un manquement au devoir de conseil et des frais de procédures et honoraires liés à l'achèvement du chantier, faute de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes, alors « que la clause contractuelle prévoyant une démarche préalable à la saisine du juge, non assortie de conditions particulières de mise en oeuvre, ne constitue pas une procédure obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci ; qu'en considérant qu'étaient irrecevables les demandes de la société GMT Langaste faute de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes prévue par le contrat des 18 février et 20 octobre 2011, quand la clause stipulait « en cas de litige portant sur l'exécution du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le Conseil Régional de l'Ordre des Architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire. A défaut d'un règlement à l'amiable, le litige opposant les parties sera du ressort des juridictions civiles territorialement compétentes », ce dont il résultait que, comme le faisait valoir l'exposante, cette clause ne donnait aucune précision quant aux modalités de cette saisine, notamment partie saisissante et délais, ni quant à son caractère obligatoire ou pas, et qu'il était seulement fait en plus référence en termes généraux à une possibilité de règlement amiable, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. Ayant relevé, d'une part, que le contrat comportait une clause imposant aux parties de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes, avant toute procédure judiciaire et, d'autre part, que les demandes tendant au paiement des charges supportées en raison du retard du chantier, du manquement au devoir de conseil et des frais de procédure et honoraires liés à l'achèvement du chantier avaient pour fondement le non respect par les intimés de leurs obligations contractuelles, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que le moyen tiré du défaut de mise en oeuvre de la clause litigieuse, qui instituait une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, constituait une fin de non-recevoir, en a exactement déduit que, faute de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes, ces demandes étaient irrecevables.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société GMT Langaste aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société GMT Langaste et la condamne à payer à la Mutuelle des architectes français la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du deux mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour la société GMT Langaste

La société GMT Langaste fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de déclarer irrecevables ses demandes tendant au paiement des charges supportées en raison du chantier, d'un manquement au devoir de conseil et des frais de procédures et honoraires liés à l'achèvement du chantier, faute de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes, alors :

1°) que la clause contractuelle prévoyant une démarche préalable à la saisine du juge, non assortie de conditions particulières de mise en oeuvre, ne constitue pas une procédure obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci ; qu'en considérant qu'étaient irrecevables les demandes de la société GMT Langaste faute de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes prévue par le contrat des 18 février et 20 octobre 2011, quand la clause stipulait « en cas de litige portant sur l'exécution du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le Conseil Régional de l'Ordre des Architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire. A défaut d'un règlement à l'amiable, le litige opposant les parties sera du ressort des juridictions civiles territorialement compétentes », ce dont il résultait que, comme le faisait valoir l'exposante, cette clause ne donnait aucune précision quant aux modalités de cette saisine, notamment partie saisissante et délais, ni quant à son caractère obligatoire ou pas, et qu'il était seulement fait en plus référence en termes généraux à une possibilité de règlement amiable, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 122 du code de procédure civile ;

2°) subsidiairement, qu'en jugeant irrecevable faute de saisine préalable pour avis du conseil régional de l'ordre des architectes la demande de la société GMT Langaste de réparation du manquement de l'architecte à ses obligations contractuelles, en ne répondant pas à ses conclusions par lesquelles elle faisait valoir avoir tenté de régler amiablement le litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2023:C200228

Preuve de la subrogation de l'assureur

 Note A. Pimbert, RGDA 2023-6, p. 19, sur cass. n° 22-13.669.

Un copropriétaire n'a pas qualité à agir en paiement du coût de travaux de remise en état de parties communes rendus nécessaires par une atteinte portée à celles-ci par un tiers à la copropriété

 

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juin 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 393 FS-B

Pourvoi n° R 21-15.692




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023

1°/ M. [D] [J], domicilié [Adresse 1],

2°/ M. [T] [PE], domicilié [Adresse 14],

3°/ M. [P] [X], domicilié [Adresse 32],

4°/ M. [C] [M], domicilié 3[Adresse 25] (Belgique),

5°/ M. [ZE] [W], domicilié [Adresse 22],

6°/ M. [K] [L], domicilié [Adresse 2],

7°/ M. [ME] [V], domicilié [Adresse 13],

8°/ M. [ZE] [F], domicilié [Adresse 5],

9°/ Mme [N] [E], domiciliée [Adresse 17],

10°/ Mme [IN] [JE], domiciliée [Adresse 19],

11°/ Mme [R] [GE], domiciliée [Adresse 15],

12°/ M. [B] [DE], domicilié [Adresse 7],

13°/ M. [H] [WE],

14°/ Mme [Y] [WE],

15°/ M. [G] [AJ],

16°/ Mme [YN] [AJ],

domiciliés tous les quatre [Adresse 8],

17°/ M. [RX] [WV],

18°/ Mme [U] [WV],

domiciliés tous deux [Adresse 20],

19°/ M. [FN] [CN],

20°/ Mme [TE] [A], épouse [CN],

domiciliés tous deux [Adresse 8],

21°/ la société Colmat, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

22°/ la société DP2L, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 27],

23°/ la société HM, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 10],

24°/ la société MPFD, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 12],

25°/ la société Netene, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 29],

26°/ la société Occelli Invest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9],

ont formé le pourvoi n° R 21-15.692 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 16],

2°/ à la société Fides, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 21], en la personne de M. [I] [S], domicilié [Adresse 11], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Résidence du Guilvinec,

3°/ à la société Euro Credim Ingenierie, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 11],

4°/ à la société Zurich Insurance Public Limited Company, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

5°/ à la société [Z]-Texier, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6], en la personne de M. [Z], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Ker Ar Mor,

6°/ à la société TPF Ingenierie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 28],

7°/ à M. [PV] [O], domicilié [Adresse 24], pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation amiable de la société Imagine architecture,

8°/ à la société Celt'Etanch, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 23],

9°/ à la société Plassart menuiserie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 34],

10°/ à la société Maugin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 33],

11°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 26],

12°/ à la société Laurent Garin, dont le siège est [Adresse 30],

13°/ à la société LGA, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 18], anciennement dénommée société Pimouget-Leuret-Devot Bot, mandataires judiciaires associés, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bat ingenierie située [Adresse 31],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jariel, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de MM. [J], [PE], [X], [M], [W], [L], [V], [F], de Mmes [E], [JE], [GE], de M. [DE], de M. et Mme [WE], de M. et Mme [AJ], M. et Mme [WV], de M. et Mme [CN], de la société Colmat, de la société DP2L, de la société HM, de la société MPFD, de la société Netene, et de la société Occelli Invest, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [O], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Maugin, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Zurich Insurance Public Limited Company, de la société TPF Ingenierie, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Celt'Etanch, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller rapporteur, Mme Andrich faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, Mme Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, Mme Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 février 2021), la société Euro Crédim ingénierie a conclu avec la société Ker Ar Mor un contrat de promotion immobilière portant sur la construction d'un immeuble livrable au quatrième trimestre 2010, destiné à être exploité comme résidence-services, qui a été vendu en l'état futur d'achèvement et soumis au statut de la copropriété.

2. Se plaignant d'un retard de livraison, de non-conformités et de malfaçons, MM. [J], [PE], [X], [M], [W], [L], [V], [F], [DE], Mmes [E], [JE], [GE], M. et Mme [WE], M. et Mme [AJ], M. et Mme [WV], M. et Mme [CN], la société Colmat, la société DP2L, la société HM, la société MPFD, la société Netene et la société Occelli Invest, propriétaires de lots (les copropriétaires) et la société Euro Crédim ingénierie ont assigné en indemnisation de leurs préjudices la société Ker Ar Mor, la société AXA France IARD, assureur de responsabilité du constructeur non-réalisateur et dommages-ouvrage, la société Imagine architecture, chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre de conception, la société TPF ingénierie, venue aux droits de la société Ouest coordination, chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution, la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et la société Zurich Insurance Public Limited Company, ses assureurs, la société Celt'étanch, pour le lot étanchéité, la société Maugin, pour le lot menuiseries extérieures, la société Plassart menuiserie, pour le lot menuiseries intérieures, la société Laurent Garin, pour le lot électricité, et la société Bat ingénierie, pour le lot piscine.

Examen des moyens

Sur le second moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Les copropriétaires font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes d'indemnisation au titre des travaux de reprise des désordres et non-conformités affectant l'immeuble, alors « que le copropriétaire subissant un préjudice personnel résultant de l'action, sur une partie commune d'un tiers à la copropriété a qualité et intérêt à agir en réparation des désordres et non-conformités imputables à ce dernier ; que, dans leurs conclusions d'appel, les copropriétaires ont soutenu que leurs demandes dirigées contre les constructeurs étaient recevables, en ce qu'ils s'étaient engagés dans une opération globale de construction et d'exploitation de la résidence et avaient, à cet effet, conclu des baux commerciaux concomitamment à la conclusion des actes d'acquisition des biens immobiliers, baux par lesquels ils avaient donné jouissance non seulement de leurs lots respectifs mais également des quotes-parts des parties communes qui s'y rattachent et ce afin que l'exploitant puisse jouir de l'ensemble de la résidence, ce dont ils ont déduit que les non-conformités et désordres, empêchent l'exploitation pleine et entière de la résidence par le preneur, et qu'ainsi ils justifient d'un préjudice personnel distinct de la communauté ; que, pour déclarer irrecevables les demandes des copropriétaires dirigées contre les constructeurs, la cour d'appel a énoncé que les sommes allouées au titre des travaux de reprise visent à réparer des désordres constructifs et non conformités à la réglementation personnes à mobilité réduite (PMR) qui affectent les parties communes (toitures terrasses accessibles, pompe à chaleur, spa, circulations intérieures, coffrets électriques en pied de colonne) et une partie des parties privatives (non conformités à la réglementation des escaliers intérieurs des duplex et des poignées des fenêtres des appartements) et que les copropriétaires concernés par la seconde catégorie ne forment aucune demande subsidiaire ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la répercussion des désordres et non-conformités affectant les parties communes sur l'exploitation commerciale des lots de copropriété ne rendait pas recevables les demandes formulées individuellement par les copropriétaires à l'encontre des constructeurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 14, alinéa 4, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, le syndicat a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes.

6. Aux termes de l'article 15, alinéa 1, de la même loi, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que si un copropriétaire peut, lorsque l'atteinte portée aux parties communes, par un tiers à la copropriété, lui cause un préjudice propre, agir seul pour la faire cesser, il n'a pas qualité à agir en paiement du coût des travaux de remise en état rendus nécessaires par cette atteinte, qu'il revient au seul syndicat des copropriétaires de percevoir et d'affecter à la réalisation de ces travaux.

8. Ayant relevé que les sommes réclamées visaient à réparer des désordres constructifs et des non-conformités à la réglementation relative à l'accessibilité des personnes à mobilité réduite affectant les parties communes, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que les demandes des copropriétaires contre les constructeurs au titre des travaux de reprise étaient irrecevables.

9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. [J], [PE], [X], [M], [W], [L], [V], [F], [DE], Mmes [E], [JE], [GE], M. et Mme [WE], M. et Mme [AJ], M. et Mme [WV], M. et Mme [CN], la société Colmat, la société DP2L, la société HM, la société MPFD, la société Netene et la société Occelli Invest aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [J], [PE], [X], [M], [W], [L], [V], [F], [DE], Mmes [E], [JE], [GE], M. et Mme [WE], M. et Mme [AJ], M. et Mme [WV], M. et Mme [CN], la société Colmat, la société DP2L, la société HM, la société MPFD, la société Netene et la société Occelli Invest et les condamne à payer à la société Celt'étanch la somme de 3 000 euros, à la société Maugin la somme de 3 000 euros, à M. [O], en qualité de liquidateur amiable de la société Imagine architecture, la somme de 3 000 euros, et, in solidum, à la société AXA France IARD la somme de 3 000 euros et à la société Zurich Insurance Public Limited Company la somme de 3 000 euros.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:C300393